Marcus s’y attendait. Depuis qu’il avait quitté prématurément le cours de défense contre les forces du mal portant sur les inferi, le garçon savait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il soit convoqué au bureau du professeur Martens. Le Serdaigle redoutait quelque peu cet instant. Il craignait le moment où il devrait mettre des mots sur ce qu’il comptait garder en silence.

Ce jour-là, le garçon avait dans l’idée de ne rien faire. Il n’avait aucun cours de l’après-midi et comptait pleinement profiter de ce rare moment de liberté qu’offrait parfois Poudlard. La rigueur bleue et bronze voudrait qu’il profite de cet instant pour étudier, pour prendre de l’avance sur le travail à faire ou encore pour s’engager dans une cause qui lui tiendrait à cœur. Et c’est justement ce qu’il comptait faire. Sa cause ? La salle de bain des préfets. Haut-lieu de détente, Marcus en avait fait son fief. Dans son royaume de bulles et de mousses, le Serdaigle était roi. Toutes les raisons étaient bonnes pour passer quelques instants dans cette pièce, et cela valait largement le sacrifice de devoir faire des rondes deux à trois fois par semaines. Alors, quand on lui annonça sa convocation dans le bureau du Professeur Martens, le jeune homme vit le projet de sa journée tomber en morceaux.

Le nouveau progresse de défense contre les formes du mal l’intimidait. Il avait l’air froid et rigide, comme une vieille enseignante aux méthodes dépassées. Bien sûr, Marcus ne jugeait son professeur qu’après avoir assisté à un cours et demi ... Le jeune homme ne savait rien de son aîné. Mais cela ne l’empêchait pas pour autant de respecter son professeur. Enseigner à Poudlard à cet âge, cela voulait forcément dire quelque chose sur les capacités du Professeur Martens.

Marcus traversa le château jusqu’au bureau de l’anthropomage. Il frappa à la porte puis s’annonça. Lorsqu’on l’y invita, le garçon entra dans le bureau. « Bonjour Professeur, vous m’aviez convoqué ... » dit-il en guise introduction et alors qu’ils savaient tous les deux pourquoi il était là.

En cet après-midi, Octavius attendait la visite de Mr. Barksdale qu'il avait fait convoquer dans son bureau. A vrai dire, cela faisait déjà une semaine qu'il essayait de prendre l'élève entre quatre yeux pour une petite conversation. Mais ce dernier, en plus de sécher les cours de défense contre les forces du mal, trouvait toujours le moyen de lui filer entre les doigts. Le professeur avait alors eu l'idée d'avoir recours au très aimable concierge de Poudlard qui n'en manquait jamais une pour mettre des bâtons dans les chaudrons des élèves. Mr. Rusard ne pouvait pas refuser d'aider un professeur pour la capture d'un élève qui allait sans aucun doute écoper d'une punition.
Bien sûr, pour cette fois, il n'allait pas être question ni punition, ni de châtiments, ni de sévices. Mais cette ruse faite au concierge encore inexpérimenté allait d'elle-même.
Lors du premier cours sur les inferi, Mr. Barskdale s'était soudainement éclipsé. Il n'avait pas eu l'air d'aller très bien. Et depuis, Octavius ne l'avait pas revu à son cours. Après le cours, il avait été voir Mrs. Pomfresh pour savoir si elle n'avait pas reçu l'élève à ce moment là pour s'assurer qu'il n'était pas tout simplement malade. Auquel cas, il n'avait pas plus à s'en faire du Serdaigle qui aurait été entre les bonnes mains de l'infirmière. Or, il n'y avait pas été. Ce qui le menait à penser que ce n'était la maladie qui l'avait poussé à sortir ainsi de la salle. Octavius était de ces professeurs qui s'inquiétaient pour leurs élèves.

Il venait tout juste de finir de préparer le thé quand on toqua à la porte. Sachant qu'il s'agissait de Marcus, le professeur l'invita à entrer. L'élève le salua poliment tandis que lui ne le regardait pas, occupé à servir de tasse d'English Oolong.
« Bonjour Mr. Barksdale. » le salua-t-il tout de même en retour.
Quand il eut fini de verser le thé, il leva son regard vers son élève et lui adressa un sourire rassurant. « Je vous en prie, asseyez-vous. » Il désigna la chaise face à laquelle était Marcus. Sur le bureau, Kaeru-Chan sautillait en croassant. Octavius alla chercher une assiette de cookies qu'il posa sur le bureau avant de s'asseoir.
« Vous vous portez mieux depuis le début de la semaine ? » demanda-t-il pour lancer la conversation en douceur.
Il prit sa tasse et l'amena à ses lèvres d'un geste expert.

Le garçon s’installa au bureau en portant un regard intéressé sur ce qui constituait la décoration de la pièce, peut-être à la recherche de quelque chose qui lui permettrait de mieux cerner son aîné. Alors que son attention parcourait le bureau en bois, elle s’arrêta rapidement sur la grenouille en papier du Professeur Martens. Marcus arqua un sourcil en la voyant sautiller entre les différentes affaires posées là ; l’animal de papier intriguait le jeune homme. La chose avait l’air vivante ... mais c’était du papier. Le Serdaigle ne savait pas quoi penser devant ce spectacle, alors il se réfugia en venant croquer dans un cookie, « merci » dit-il simplement en référence aux gâteaux et au thé. Il amena alors la tasse devant lui et se mit à souffler sur le breuvage pour le rafraîchir. Quelques secondes flottèrent alors. Marcus sembla chercher les mots pour trouver la façon la plus pertinente – mais également la moins douloureuse – pour amener son propos.

« Hum oui je vais mieux » dit-il hésitant. « Enfin, ce n’est pas si simple, on va dire » . Autant jouer cartes sur table. Marcus n’était pas malhonnête et ne jouait pas les absents pour rater quelques heures de cours par semaines. [color=#D00027] « Je euh … » commença-t-il avant de prendre une gorgée de thé, comme si la chaleur du liquide pourrait lui donner la force de parler. [i] « Ma mère, Janet Barsdale, est décédée en Mars dernier, assassinée par des mangemorts » . Il avait dit ça d’une seule traite, comme pour expédier une corvée qu’il ne voulait pas faire. Naturellement, le regard du jeune homme se posa sur la grenouille de papier. Croiser le regard de son professeur risquerait de faire flancher le Serdaigle. Marcus marqua alors une courte pause puis enchaîna, « Et après ça … Il » dit-il en sachant pertinemment que l’antrhopomage aurait compris qu’il parlait du mage noir, « Il ... est arrivé pour transformer toutes les victimes de l’attaque en inferi » .

Marcus laissa l’information filer et creuser sa route dans l’esprit du professeur. Le jeune homme tendit le bras pour attraper un nouveau cookie. « Et entendre les autres parler des inferi comme si ce n’était que des pantins ou des esclaves … ça m’a donné l’impression qu’elle mourrait encore, qu’elle était redevenue cette chose animée par Vous-Savez-Qui … » . C’était plutôt abstrait, mais il s’agissait là de la dure réalité de ses sentiments.

L'intérieur du bureau du Professeur Martens était à son image. Il débordait de choses en tout genre (majoritairement des livres et des objets de papeterie) mais pourtant était suffisamment ordonné pour que cela passe presque inaperçu. Chaque chose, aussi singulière fut-elle, semblait avoir sa place. La sobriété d'un point de vu décoratif du lieu ne l'empêchait pas de dégager une chaleur humaine et de faire ressentir une personnalité propre et unique. Il aurait pu y avoir des dizaines de bouteilles de whisky pur feu complètement vides dissimulées aux quatre coins de la pièce, on ne l'aurait jamais soupçonné.
Mais la star incontestée de ce bureau qui avait déjà fait tiquer plus d'un visiteur depuis le début de l'année scolaire, c'était Kaeru-Chan. Elle intriguait les gens — y compris Marcus apparemment. Octavius n'en fit aucun commentaire en servant du thé et des cookies. L'élève et le professeur savaient tous les deux pourquoi ils étaient là. L'adulte essaya une entrée en matière douce. Un long silence s'en suivit avant que le Serdaigle ne réponde.

Le Professeur Martens sentait de façon presque palpable la difficulté de son élève à parler de ce sujet sans aucun doute sensible. Il lui laissait tout le temps de s'exprimer sans le presser. Quand le préfet lâcha le morceau, cela fit écho dans la tête de l'anthropomage. Une attaque de mangemort en mars dernier... Il y était, semblait-il. Enfin, trop tard pour avoir empêché le massacre. Il ressentit la plus grande des compassions pour l'adolescent. Il se contentait néanmoins d'acquiescer d'un air bienveillant. Il laissa planer un moment de silence pour s'assurer que Marcus n'allait pas dire autre chose pour ne pas le couper dans son élan.
« Je comprends. Perdre un proche est toujours une épreuve très dure et douloureuse. Et c'est encore plus vrai dans de telles circonstances. »
C'était très largement l'expérience qui parlait. Il avait perdu bien assez de proches pour savoir cela. Bien trop de proches, même. Mais on se faisait une raison, ainsi allait la vie. Mais il comprenait que c'était difficile à envisager pour un garçon de l'âge de Marcus.
« Malheureusement, je ne peux pas vous dire grand chose pour apaiser votre peine. Aucun de mes mots ne pourront jamais remplacer le vide que votre mère a laissé derrière elle. Mais sachez que maintenant, de là où elle se trouve, plus rien de mal ne pourra lui arriver. » dit-il d'un ton empli d'empathie.
Difficile de faire comprendre que le Seigneur des Ténèbres ne l'avait pas contrôler elle mais seulement son corps. En fait, un inferius était un simple pantin, objectivement. Toute âme avait quitté le corps d'un inferius. Mais il comprenait que pour le Serdaigle, c'était difficile de séparer sa mère de son enveloppe corporelle.

Le garçon plissa les yeux. Il avait déjà entendu bon nombres d’excuses et de messages de condoléances pendant toute sa période de deuil. A force, toutes ses platitudes polies lui passaient au-dessus de la tête et ne l’atteignaient plus. Les paroles du professeur l’atteignaient en ce sens et Marcus se contenta d’hocher la tête en forçant un sourire. Un spasme s’empara de son corps alors qu’un frisson le transperçait. Parler des morts refroidissait l’ambiance et semblait instaurer dans la pièce une humeur morbide que seul le Serdaigle ressentait. « Oui je me doute ... on m’a déjà dit tout ça » dit-il sans pour autant dénigrer les mots de son professeur. « Mais merci Professeur » .

L’attention du jeune homme se concentra de nouveau sur la grenouille de papier. Il l’observa vivre sur le bureau du professeur. L’animal sautillait ça et là sans se préoccuper de la discussion qui commençait à s’engouffrer dans un silence.

Marcus se racla la gorge puis prit une grande inspiration. Sa mère était partie au pire moment, il y avait tellement de questions que Marcus aimerait lui poser. Il tendit le bras pour attraper un cookie. « Et hum ... est-ce que ça va poser problème ? Enfin par rapport aux cours que j’ai raté ... » . Il s’en fichait quelque peu à vrai dire, mais une certaine conscience - peut-être liée à la maison dont il faisait partie - le faisait s’inquiéter pour son parcours scolaire. Le cours de défense contre les forces du mal faisait partie de ses cours préférés et Marcus s’en voulait un peu d’avoir quitter le cours en plein milieu d’une leçon. « Je peux facilement rattraper les cours avec Agatha si jamais. Je suis sûr qu’elle acceptera de m’aider » ajouta le bleu et bronze pour amener de l’eau à son moulin.

Lentement, il vint terminer sa tasse de thé. Il la déposa sur le bureau en prenant soin de ne pas déposer l’objet sur le trajet de la grenouille.

Le Professeur savait qu'en période de deuil, on recevait souvent les mêmes paroles et qu'à force, cela nous passait au dessus de la tête. Mais pour la personne qui prononçait ces phrases, c'était une question de politesse et de décence. On ne pouvait pas se permettre en apprenant la nouvelle d'une mort de dire seulement « Ah ok » ou « Oh arrête de chialer ».
Il y eut un nouveau moment de silence où Marcus regardait distraitement Kaeru-Chan qui faisait sa vie sur la surface ordonnée du bureau. Par conséquent, Octavius faisait de même. La grenouille sauta sur une pile de livre et ressauta pour y descendre. En retombant, elle fit un plat sur le dos, la bloquant ainsi dans cette position. Paniquée, elle se mit à croasser plus que jamais pour qu'on la remette à l'endroit. Ce que fit le Professeur d'un geste délicat. Ainsi l'amphibien reprit sa course, calmée.
« Elle s'appelle Kaeru. » dit-il sur le ton de la conversation. « Pour vous, c'est Kaeru-San. »
Kaeru-San ou l'équivalent japonais de Madame Kaeru.
Tandis qu'Octavius mettait des plumes sur la trajectoire de la grenouille comme pour lui faire un parcours d'obstacle, Marcus s'inquiéta pour les cours qu'il avait manqué. Le professeur leva alors le regard vers lui sans rien dire et l'élève poursuivit pour lui dire qu'il allait rattraper.
« Ne vous en faîtes pas. Vous ne serez pas pénalisé. Cela arrive à tout le monde de ne pas se sentir moralement en mesure de faire quelque chose comme suivre un cours. » répondit-il finalement en lui adressant un sourire rassurant.
Il n'était personne pour lui jeter la pierre. Marcus finit sa tasse de thé.
« Je vous fais entièrement confiance pour rattraper ce que vous avez manqué. Une autre tasse de thé ? »
Il prit, pour la première fois depuis le début de la conversation, un cookie qu'il cassa en deux pour remettre l'autre moitié dans le plat et garder l'autre.

« Non, merci » dit-il pour décliner la proposition du professeur. Peu friand de thé, Marcus n’en buvait que très peu. Paradoxalement, il n’avait jamais bu autant de thé que depuis la disparition de Janet, à croire que tout le monde s’était mis d’accord pour le réconforter avec cette boisson. Après tout, que pouvait-ils lui offrir d’autre si ce n’est un peu de réconfort dans cette période de trouble ? Le regard du jeune homme suivait toujours le parcours de Kaeru-San, la grenouille de papier. Les obstacles placés sur le chemin de l’amphibien par l’antropomage ne semblaient pas déranger l’être animé qui sautillait au-dessus de chaque objet avec une certaine aisance. Sans qu’il ne puisse expliquer pourquoi, Marcus était fasciné par la grenouille. Pourtant, des créatures magiques, il en avait déjà vu. Mais Kaeru-San semblait plus singulière encore.

Soulagé que son professeur ne lui tenait pas rigueur de ses absences prolongées, Marcus ne put retenir un soupir apaisé. L’adulte semblait le comprendre. Et Marcus était désireux de lui rendre la pareille en rattrapant le plus tôt possible les cours qu’il avait manqué. De toute façon, qu’il prenne les choses avec entrain ou non, Agatha serait là pour le motiver à sa manière, l’assommant de toutes les notes qu’elle a pu prendre pendant les cours du professeur Martens.

« Merci » , fit-il finalement et simplement. Il n’avait pas vraiment eu besoin des paroles réconfortantes de son professeur, mais ce genre de discours était toujours le bienvenu. Le garçon porta un coup d’œil sur l’horloge présent dans la pièce, avant de reporter son attention vers Octavius. « J’ai une ronde qui est censée commencer dans un quart d’heure … je peux y aller ? » . Après avoir reçu l’aval de son aîné, Marcus se leva et quitta la pièce.