L'expérience amoureuse de Razvan se résumait à sa femme. Il était entré à Durmstrang seul, unique roumain de sa promotion, et il avait rencontré Mara âgée d'un an de plus que lui. Il se rappelait l'avoir trouvé de suite belle, avoir de suite apprécié sa conversation. Mais pour le jeune adolescent rejeté qu'il était à l'époque, discuter avec elle s'avérait être quelque chose de compliqué. Car les yeux du roumain n'étaient pas les seuls à se poser sur l'extravagante jeune femme qui savait bien ce qu'elle voulait. Alors il s'était contenté des miettes, il s'était contenté de lui parler lorsqu'elle abordait la conversation avec lui. Il se trouvait que par chance - ou peut-être était-ce le destin ? - la jeune femme tout aussi roumaine que lui, s'était attachée à sa personne. De manière incongrue, surprenante sans aucun doute mais c'était ainsi. Comment sa personnalité avait-elle pu la charmer, il n'en avait toujours aucune idée. Et il regrettait beaucoup, maintenant qu'elle était morte et enterrée, de ne jamais lui avoir posé la question. S'occuper seul de leur enfant était quelque chose que le médicomage pouvait supporter et contre lequel il ne pouvait aller. Car il aimait incontestablement sa fille, depuis qu'elle était née, et même si sa vie avait amené avec elle la mort de sa mère, il restait animé d'un profond sentiment paternel. Certains hommes auraient peut-être haït leur propre enfant mais le fait est qu'en l'état actuel des choses, Razvan n'était tout simplement pas capable de haine. Il avait toujours été un garçon bon, la main sur le coeur depuis l'enfance. La mort tragique de son épouse, et inattendue, ne pouvait pas changer sa nature profonde. Sa compassion était aussi quelque chose qui avait toujours fait de lui un très bon médecin. Cela l'avait même conduit à soigner des moldus. De ce fait, il ne pouvait s'empêcher d'avoir un peu pitié pour Octavius qui lui-même, semblait prendre pitié pour Madame Lupescu. Le roumain avait passé le stade de la tristesse pour sa vieille voisine le jour où elle lui avait mit un coup de canne rageux dans l'entre-jambe. « Ionela est une fille très gentille » donna-t-il son avis même s'il ne comprenait pas vraiment pourquoi son invité le lui demandait, alors qu'il pelotait la jeune femme, « elle est agréable et sympathique. Et très amusante aussi il faut bien le reconnaître ». La jeune femme était gentiment venu lui dire ses sincères condoléances après l'enterrement de sa femme, et le roumain avait beaucoup apprécié ce geste venant d'une étudiante qui n'était que peu souvent présente à Tureni. Mais plus globalement, il la connaissait depuis l'été qu'il s'était installé ici, et elle l'avait beaucoup amusé. L'air de la capitale l'avait sans doute éduqué à d'autres mœurs que ceux qu'essayaient de lui enseigner sa vieille tante... « Si tu veux mon avis, elle est sans doute déjà au courant, sa tante a dû lui en toucher deux mots » le rassura-t-il en accompagnant ses paroles d'un sourire, tout en l'observant finir son assiette, « elle n'a pas dû t'en parler pour que tu ne réagissais pas comme tu le fait avec moi ». Ce n'était certainement pas un reproche car le roumain n'en faisait pas. Mais il était persuadé qu'elle serait soulagée qu'on se soit occupé de lui annoncer la nouvelle. D'une certaine manière, il avait sans doute fait preuve d'altruisme ! Razvan prit sa tasse qu'il finit et la lava avant de la faire égoutter. Dans son landau, Mihaela se réveillait parce qu'elle avait faim et elle parvint à arracher un soupir à son père fatigué : « Tu peux laisser ton assiette dans l'évier quand tu auras fini » lui proposa-t-il en prenant la petite fille dans les bras pour la bercer et s'en aller chercher une bouteille de lait dans une autre pièce de la maison, « bonne soirée ! ».
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