Les écoles uniquement pour filles, et les écoles uniquement pour garçons, n'auraient pas dû choquer Razvan plus que cela considérant les mœurs du pays dont il était originaire. Pourtant, aussi traditionaliste fut-il dans son style de vie, il n'en demeurait pas moins quelqu'un de moderne. Il vivait certes très en deçà du seuil de pauvreté en Roumanie, il s'était certes marié dès la sortie de l'école de sorcellerie pour épouser sa petite-amie, il plaçait certes la religion en laquelle il croyait au dessus de beaucoup de choses, finalement, rien ne le choquait réellement. Et le roumain ne se permettait pas de juger les autres. Aussi ne jugeait-il pas la sœur d'Octavius pour ses choix. Il était simplement étonné. Car lui-même, n'aurait jamais envoyé sa fille dans une telle école. Hélas, au vu du contexte politique dans son pays, il avait fait le choix de la faire instruire par ses grands-parents. Il ne voulait pas risquer qu'une manifestation de ses pouvoirs se produise à l'école qu'elle aurait pu fréquenter. Razvan était parti de Roumanie en raison de ce qu'il était et il ne voulait pas forcer sa fille à faire de même. Il souffrait assez comme cela de l'éloignement avec sa terre. Alors, Mihaela était instruite par sa grand-mère pour tout ce qui concernait l'écriture, et la lecture, ainsi que la culture moldue, et par son grand-père sur les rudiments de la magie. Cela marchait très bien et la petite fille avait un équilibre que son père trouvait tout à fait correct. Lui-même n'avait pas eu autant de chance qu'elle, et il ne désirait pas qu'elle passe à côté. Ce n'était pas parce qu'il ne pouvait pas être là pour l'instruire qu'elle ne devait pas l'être. Il ne répondit pas à la précision de son ami et se contenta d'opiner derechef. Il ne comprenait pas trop le choix de la mère de Camille, en fait. A ses yeux, l'empêcher de faire sa scolarité avec des filles, c'était non seulement voir le mal partout, mais aussi, c'était le couper de la moitié de l'humanité. N'était-ce pas absolument stupide, dans les faits ? Il ne formula cependant pas sa pensée et étira un léger sourire à la plaisanterie d'Octavius. C'aurait été triste qu'elle le fasse entrer dans les ordres. Aussi croyant fut-il, Razvan menait sa vie spirituelle de manière tout à fait personnelle. Sa fille grandissait certes dans la religion, mais tout ne tournait pas autour de ça. Encore une fois, le maître mot, c'était le mot "équilibre".
Finalement, malgré tous les plus beaux efforts de son père, Mihaela ne pouvait pas grandir dans un équilibre parfait comme ni sa mère, ni son père n'étaient présents. La première, pour des raisons évidentes, le second, en raison des choix qu'il avait fait. Le destin semblait s'acharner sur eux comme si tout devait être fait pour les séparer, et à cette pensée, le regard du roumain finit sa course sur une photographie qu'il apercevait de loin. Impossible de voir les protagonistes, mais les voir bouger lui rappelait, en un sens, à côté de quoi il passait. Une chape de plomb lui retomba dessus, dans l'idée de le punir pour s'être senti mieux les minutes précédentes. La culpabilité d'être en Angleterre et non en Roumanie, et celle d'être dans le salon de son ami qu'il avait ravagé peu de temps auparavant sous une cagoule sombre de mangemort, s'imposa à lui comme l'image dans une pellicule. « De toute façon, qu'il la comprenne ou pas, elle ne va pas s'en embarrasser pour papoter pendant des heures » précisa le roumain. Il étira son bras pour relever sa manche et regarder sa montre : « Mince, si je m'éternise, je vais être à la bourre pour mon service ». Le médicomage travaillait de nuit ce jour-là, à son grand désespoir. Il se frotta les mains, mal-à-l'aise : « Je suis vraiment désolé, je dois y aller ». Était-ce aussi pour lui un moyen pour s'échapper ? Razvan avait l'impression de manquer d'air et celui de dehors, allait assurément lui faire du bien. Loin des yeux bleus de Camille et loin du regard innocent de son oncle. Il posa son regard sur le petit garçon qui le regardait d'en bas, et il afficha un sourire tout à fait avenant : « Au revoir Camille, j'ai été ravi de faire ta connaissance ». Le médicomage prit soin de ne pas franchir la sphère privée du petit garçon et se contenta d'un signe de la main gentil avant de se diriger vers la porte d'entrée. Le roumain se retourna vers Octavius tout en ayant toujours affiché, le même sourire que celui qu'il venait de donner au neveu de celui-ci. « Merci beaucoup pour le thé, et les muffins » lui dit-il sincèrement, « je pourrai t'envoyer une lettre quand je saurais mes dates de congé, histoire que Camille et Mihaela se rencontrent, d'accord ? ».
Razvan finit par quitter la petite maison anglaise après avoir lui avoir fait une accolade. Il transplana quelques mètres plus loin, droit en direction de l'hôpital sorcier de Londres.
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