La jardin l'avait manqué, elle s'en rendait compte en déambulant parmi les arbustes taillés soigneusement et les dizaines de roses blanches de l'allée principale. Avec précaution, Svetlana s'approcha d'une fleur à peine éclose, délicatement, elle saisit la tige en prenant soin d'éviter les épines. Le soleil de l'été trônait dans un ciel bleu azur, une chaude journée. Depuis sa mésaventure au cirque et sa rencontre avec Razvan, Svetlana avait longuement réfléchi avant de prendre le chemin du retour.

Son père l'avait serré si fort dans ses bras. Elle avait longuement pleuré. Et elle avait passé un marché. Le peu qu'il lui restait peut être à vivre, elle voulait en profiter, ne pas rater une seule seconde pour une idéologie sombre. Elle voulait fréquenter les gens qu'elle voulait. Il avait dit oui à tout. Tout ce qu'elle voulait. La famille était bien plus importante que tout cela.

En apprenant la nouvelle, son frère avait débarqué et il l'avait fait tourner dans le salon. Comment avait-elle pu oublier cela ? Ce n'est que quand la chemise de Dimitri se souleva légèrement, dévoilant le tatouage sombre de Voldemort que sa mine se renfrogna. Comment son coeur pouvait-il être à ce point en une telle dualité ? Entre amour et haine ?

Mais plus de pression. Après tout, Lana n'était pas obligé de prendre parti ? De s'impliquer comme son frère ? Elle pouvait rester neutre. Et Vladimir et Dimitri acceptèrent. Des mois s'étaient écoulés depuis sa fugue, le lendemain de Noël.

Le sujet de Thorfinn revint sur le tapis. Svetlana repensa à leur discussion à Poudlard, il s'était alors montré méprisant, hautain. La russe n'aimait toujours pas l'idée d'être fiancé à quelqu'un qu'elle n'aimait pas. Cependant, personne à Poudlard n'avait su attirer son attention, animer son coeur, et elle s'en empêchait de toute façon. Cela ne ferait que rendre l'autre malheureux lorsque la malédiction aura frappé. Se marier à Thorfinn n'apparaissait finalement pas comme une mauvaise solution. Ambitieux, il est d'une certaine intelligence. Altier, de quoi se montrer digne de l'héritage de sa famille. Des qualifiés honorables. Certes aussi beaucoup de défauts également, mais qui était-elle pour demander la perfection ?

Les éclats de voix retentirent soudainement. La porte du manoir venait de s'ouvrir sur le jardin. Dans son sursaut, une épine lui effleura le doigt et lui entailla la peau. Faible douleur mais une goutte de sang vint tout de même perler et tâcher la peau porcelaine. Svetlana porta la pulpe de son doigt à ses lèvres et un léger gout métallique envahi ses papilles un court instant. Son regard se posa sur son père, mains croisées dans le dos, qui guidait Thorfinn sur la terrasse. Le regard du père et de la fille se croisèrent, Vladimir quitta son visage de glace le temps d'un sourire à son encontre, le regard pétillant, puis après un mot à son fiancé, ou ex fiancé ?, il tourna les talons.

D'un pas léger, la blonde s'avança jusqu'à lui, laissant sa robe longue et fluide flotter légèrement derrière elle et suivre élégamment le rythme de son pas. "Je te fais visiter le jardin ?" demanda-t'elle en désignant les lieux de la main. "Sincèrement, tu penses quoi de tout cela ?". La question était direct, Svetlana n'avait pas envie de s'embrasser de beaux discours. Ils se connaissaient depuis quelques années maintenant, alors à quoi bon.

Lorsque Thorfinn avait reçu ce hibou de la part de Mr. Vassiliev, il était en train de s'entraîner à jouer la première partie d'une sonate de Wagner sur le piano de la bibliothèque de la majestueuse demeure des Rowle. Le volatile s'était posé sur le bord de la fenêtre et avait tapé avec son bec le verre de la vitre jusqu'à ce que le jeune homme le remarque par dessus la mélodie. Il fit entrer l'oiseau qui vint se poser sur le clavier du piano et qui lâcha la lettre dans ses mains. Il était un peu surpris car habituellement, il ne recevait jamais de courrier à cette heure là. En découvrant le destinataire, il fut d'autant plus interpeller.
Et en même temps, il saluait sa chance immense que ce ne fut pas son père qui ai réceptionné cette lettre. Heureusement, Mr. Rowle était au travail à ce moment là. Mr. Vassiliev invitait Thorfinn à se rendre chez lui pour discuter des fiançailles avec Svetlana. Dû à la fugue de cette dernière, les rapports entre les deux familles étaient devenus compliqués, Mr. Rowle étant très mécontent de la situation. Le père du Serpentard avait déjà commencé à envisager de chercher une nouvelle promise à son fils.
Dans tout ça, Thorfinn ne savait pas vraiment où se situer. D'un côté, il était fiancé à Svetlana depuis très jeune. Il l'appréciait et avait une certaine estime d'elle. De l'autre, elle semblait prendre une direction différente de lui et de leurs familles dans ses idées. Mais peut-être n'était-ce qu'un égarement ? De toute façon, quoiqu'il en soit, ce n'était pas lui qui avait le pouvoir de décision sur ses propres fiançailles. De fait, il hésitait à honorer l'invitation de Mr. Vassiliev. A quoi bon ? Qu'allait-il pouvoir faire ? Pas grand chose, sans doute.

Cependant, après beaucoup de réflexions, il se rendit finalement chez les Vassiliev un début d'après-midi, profitant de l'absence de son père. Mr. Vassiliev lui ouvrit, le salua poliment et le fit entrer. Le père de Svetlana était d'une nature froide, un peu intimidant quand on se retrouvait seul à seul avec lui. Ils échangèrent quelques mots pendant quelques minutes avant de se diriger doucement vers le jardin réputé comme très beau. Cela faisait très longtemps que Thorfinn n'était pas retourné dans cette demeure.
En arrivant sur la terrasse, il vit Svetlana plus loin qui déambulait parmi la végétation. Mr. Vassiliev eut un dernier mot à son égard avant de le laisser tandis que la jeune femme s'approchait. Elle lui proposa de lui faire visiter le jardin. Thorfinn se contenta d'acquiescer. Ils commencèrent à marcher lentement.
Sans aucun détour, elle lui demanda ce qu'il pensait de la situation.
« Je pense que tu as mis un sacré désordre. » répondit-il aussi franchement qu'elle avait posé la question. « Sinon je ne sais pas quoi penser d'autre. Mon père est très mécontent. Et encore, c'est un euphémisme. »
C'était le moment d'être franc, non ?

Svetlana eut un sourire lorsque Thorfinn lui dit sans détour qu’elle avait foutu la pagaille. Effectivement, la russe avait mis un peu d’ambiance au sein de sa famille, brisant quelque peu l’éternel froideur des Vassiliev. Ils marchaient d’un pas lent parmi les parfums floraux et sous le soleil de la fin de l’été. Sa franchise l’étonna quelque peu, agréablement. « Mais je ne compte pas me marier avec ton père. » dit-elle avec un sourire ironique. Cependant, le fait que Thorfinn soit là, malgré les sentiments de son paternel, en disait long sur ses pensées.

La jeune femme tourna légèrement la tête pour l’observer, longuement. Il y avait une dureté dans ses traits qui lui donnait un air mature et impressionnant, sauf pour la jeune Vassiliev, habituée à la froideur des masques. Il n’était pas déplaisant à regarder. A vrai dire, le fait d’être fiancé depuis son jeune âge avait un effet indésirable. Svetlana n’avait jamais cherché à le charmer, lui plaire, le séduire. Il était fiancé, leur union était actée. « J’ai négocié avec mon père. Et crois moi, je ne croyais pas que cela était possible avant… tout ça. » Jamais elle n’aurait pensé contester l’autorité de son père, pas une seule fois. Se savoir condamnée avait changé bien des choses, notamment sa vision de la vie, de l’avenir. « Toi, qu’est-ce que tu veux Thorfinn ? » Elle s’arrêta soudainement pour planter son regard dans le sien. « Nous sommes dans notre dernière année à Poudlard. Demain, nous serons des adultes. Il serait temps pour nous de poser nos conditions. Ce contrat nous concerne tous les deux, après tout. »

Wilbert Rowle était un homme autoritaire voire despotique. Avec lui, tout devait marcher droit et comme il l'entendait. Dès que sa progéniture était sortie de l'enfance et qu'il avait quitté le monde aseptisé des femmes, il avait eu la main mise sur toute sa vie. Ce qu'il apprenait, avec qui il parlait, ce qu'il faisait, qui il allait épouser.... Il contrôlait tout de A à Z. S'il apprenait que son fils lui avait désobéi, c'était la punition assurée. Même alors que Thorfinn était majeur. Il lançait un regard froid à Svetlana qui lança une petite pique ironique.
« Certes mais c'est lui qui décide. S'il veut me marier à une éleveuse de chèvres habitant au fin fond du Yorkshire, j'épouserai une éleveuse de chèvres habitant au fin fond du Yorkshire. S'il veut me placer dans un monastère, j'irai dans un monastère. »
Cela étant dit, il y avait peu de chance que Mr. Rowle décide cela pour son fils unique. Il lui fallait assurer la descendance de la famille avec un bon parti. Tout ça pour dire qu'il ne demandait pas vraiment l'avis au principal concerné.
Svetlana expliqua à Thorfinn que, elle, elle avait discuté avec son père et qu'il semblait enclin à la laisser décider. C'était une bien belle chance qu'elle avait dont lui ne bénéficiait pas. Tout le monde n'était pas voué à mourir avant l'âge de 35 ans.
Qu'est-ce qu'il voulait ? lui demandait-elle en s'arrêtant brusquement pour lui faire face.
Cela faisait combien de temps qu'on ne lui avait pas posé la question ?
Il la regardait dans les yeux en l'écoutant parler. Si seulement il savait vraiment ce qu'il voulait. Avec le temps, il avait appris à mettre ses désirs de côté, d'essayer de vite les oublier.
« Et toi ? Qu'est-ce que tu veux ? Ton avis importe plus que le mien, non ? Dans mon cas, c'est bien beau de vouloir quelque chose. Mais à quoi bon si je ne peux pas avoir ce que je veux ? Toi tu sembles plus libre de décider. »
Il ne voulait pas trop s'avancer. Il ne voulait pas prendre le risque de dire ce qu'il voulait si elle ne se sentait pas de la même façon. S'il voulait toujours épouser Svetlana, il pouvait tenter de dire trois mots à son père. Mais si elle ne voulait pas ? Il se serait mouillé pour rien.

Svetlana eut un petit rire qu'elle tenta d'étouffer avec le dos de sa main. « Je rêverai de t'appeler Monseigneur Rowle. » Rien que de l'imaginer en habit de moine, son regard se mit à pétiller. Mais Monsieur Rowle ne ferait pas cela à son fils unique.

Il avait plongé son regard dans le sien. Elle ne détournait pas les yeux, entre défi et attraction. Cependant, sa réponse lui fit claquer la langue contre son palais. « Tu ne réponds pas à ma question. Tu en poses une autre. » Elle fit quelque pas sur le chemin, le laissant un instant planter là avant de se retourner. « Je ne veux pas décider seule. Surtout pour une telle chose, Thorfinn. ». Son regard se détacha de lui pour se poser sur la bâtisse des Vassiliev, un manoir correct, loin des domaines majestueux des sorciers anglais mais ils compensaient par de somptueux palais à Moscou.

Et pourquoi son avis importerait plus que le sien. « Je veux juste profiter de chaque instant tout en représentant fièrement ma famille et mes origines. Je ne vais pas suivre mon père et mon frère dans l'affaire familiale, je vais faire des études en médicomagie. Peut être que je trouverai quelque chose sur les Malédictions. » Le coin de sa lèvre se souleva légèrement à cette idée. Elle ne perdait pas espoir.

Son menton se redressa légèrement. « On se connait depuis longtemps, Thorfinn. On m'a enseigné tous les rudiments de la société Londonienne et les traditions de la famille Rowle. Toi, tu auras accès au sang des Vassiliev, proche des Romanov, grande puissance parmi les sorciers soviétique » Son sang était princier. « Je ne t'empêcherai rien. T'accorderai tout. » Aucune barrière. Aucune frontière. Aucun reproche. Il serait libre. « Thorfinn, veux-tu que l'on renouvelle nos voeux de fiançailles ? » Nouveau sourire provocateur. « Par contre ne t'attend pas à ce que je mette un genou à terre. Mais au moins, je te laisse le choix. » Svetlana avait tout intérêt à conserver ses fiançailles avec lui. D'un coté, elle conservait l'honneur de sa famille, de l'autre, elle pouvait s'accorder une certaine liberté, plus qu'elle n'avait autrefois. Et elle pouvait toujours négocier avec son fiancé. On ex ?

Thorfinn esquissa un très léger sourire amusé en levant les yeux ciel quand Svetlana rit sur l'exemple du moine. Il devait avouer que l'idée — tant qu'elle restait à son statut d'idée — était un peu comique. Mais le jeune homme n'était pas vraiment branché humour et avait souvent du mal à se lâcher. Le rire n'existait pas ou peu chez les Rowle.
Très vite, ils reprirent un peu de sérieux. Thorfinn redirigea son regard vers Svetlana qui le regardait avec un air de défi. Et elle ne sembla pas satisfaite par sa réponse. Elle voulait qu'ils décident à deux. Ça, il l'avait bien compris. Sauf que chez lui, cela ne fonctionnait pas de la même façon. C'était déjà une chance qu'il ai pu choisir lui-même ses options facultatives à Poudlard. Le jeune homme était réticent à l'idée de décider de quelque chose avec Svetlana sans avoir la certitude que cela puisse se réaliser.
Elle avait le luxe de pouvoir faire à peu près ce qu'elle voulait. Alors pourquoi continuait-elle à vouloir l'épouser ? Parce que tous les arguments auxquels elle avait recourt concernait ses intérêts à lui et non pas les siens. Qu'est-ce que cela allait lui apporter à part le prestige de sa famille ? Elle cherchait d'avantage l'épanouissement personnel, s'il ne se méprenait pas. Il ne voyait pas comment elle pouvait entrevoir la possibilité d'un épanouissement personnel en se mariant avec lui.
Non pas qu'il pensait qu'il allait faire un mauvais mari. Mais cela lui semblait incongru. A moins qu'elle sous-entende que la totale liberté dont il bénéficierait serait réciproque ? Cette perspective soulevait pas mal de problème. Allaient-ils être d'accord quant aux limites de ces libertés ?

De toute évidence, ils allaient devoir faire des concessions chacun de leur côté. Thorfinn avait parfaitement conscience que Svetlana n'allait pas être la docile épouse qui restait à la maison dont rêvaient tous les hommes sang-purs qui se respectaient. Mais en même temps, ce mariage lui serait profitable car il lui apporterait un statut assez prestigieux en Russie.
Il réfléchit quelques secondes en regardant la jeune femme.
« Je pense qu'on peut tenter le coup. » finit-il par dire.
Valait mieux Svetlana que n'importe quelle autre illustre cruche inconnue au bataillon. Néanmoins, quelques questions persistaient dans son esprit.
« Mais pourquoi tu t'attaches tant à ce mariage arrangé ? Au vu de la situation, tu pourrais choisir de ne pas te marier ou choisir un autre homme. »
C'était sa la liberté d'une femme, non ?