Razvan sortait de la salle des professeurs, où il avait abandonné Soyle. En fait, il n'en avait pas pour longtemps, il avait simplement oublié sa montre dans sa salle de cours. Terrible pour lui de devoir rechercher cette salle, puisqu'il ne connaissait pas ce château et que son sens de l'orientation était au point mort. Chose plutôt ironique quand on savait qu'il avait arpenté plus d'une fois les forêts de Roumanie. En réalité, lorsqu'il se promenait dehors en Transylvanie, il y allait rarement seul. Avant que sa femme ne meure, ils y allaient ensemble. Le roumain pouvait compter sur elle pour les ramener à la maison sans avoir à transplaner, ce qui était, autant le noter, quelque chose de délicieux. Il n'avait jamais apprécié le transplanage et préférait ne pas le faire n'importe où. Dans son pays, les moldus aimaient les forêts et recevoir une lettre du Gouvernement pour le réprimander de ne pas avoir fait attention n'était guère amusant. Et l'amende à payer était pire, surtout pour un couple n'ayant pas d'argent. C'est sur ces souvenirs étranges de ces après-midis dominicales que Razvan se perdit totalement. Des élèves qui le croisaient le regardaient bizarrement et il eut l'impression, l'espace d'un instant, d'être de retour à cette époque où il était l'élève, le pestiféré de service dont les enfants russes se moquaient en raison de l'accent médiocre. Il ne l'avait jamais changé pour les satisfaire et à dire vrai, il n'avait jamais retouché son accent dans aucune langue. Le médicomage était roumain et il n'avait pas honte de cela. Et en fait, il aurait mieux fait de penser à son chemin plutôt qu'à ses souvenirs, parce qu'il heurta violemment quelqu'un qui tomba par terre.
Sonné, cela eut l'effet d'une massue sur son crâne lorsqu'il se rendit compte qu'il avait renversé une femme et pire que ça... « Hyun-Ae ? ». On pouvait assez largement dire que c'était inattendu. Il s'approcha d'elle pour lui tendre la main et l'aider à se relever sans trop froisser sa robe : « Je suis vraiment désolé » s'excusa-t-il sans donner d'explications sur sa présence au château, comme s'ils étaient tous les deux dans les rues de Londres, « je pensais à autre chose qu'au chemin ». Il s'épousseta le pantalon comme si c'était lui qui était tombé et détailla le visage de la femme qu'il n'avait plus vu depuis des années maintenant. Depuis qu'il était arrivé en Angleterre en fait. Hyun-Ae avait été sa première véritable amie sur le sol anglais. Et Razvan, même plusieurs années après, ne pouvait l'oublier.

Une classe était une classe. N'est-ce pas ? Mais une classe comportant trois élèves était un club, quand sa matière s'était-elle dégradée ainsi ? Poudlard était définitivement un lieu où l'enseignement des runes était mis de côté par les élèves, si ce n'était répudié. Sur ce point là, la Corée était différente, certes les jeunes sorciers travaillaient à domicile par petits groupes ou, souvent, seuls, mais plus les élèves avaient de matières, plus ils étaient heureux et compétitifs. « Ce qui compte c’est pas le nombre de coups que tu peux donner, mais c’est le nombre que tu peux encaisser et continuer à avancer.* » lâcha doucement l'enseignante sur le chemin qui la menait à... un couloir, elle n'avait pas réellement de destination, en fait. Poudlard était grand, bien trop grand pour quiconque rêvait d'intimité : tableaux, statues, élèves trop curieux, et même personnes trop pressées pour vous voir sur leur passage. Tout était toujours partout. Sauf les élèves travaillant sur leur devoir de Runes, non, ceux-là étaient en général tous à la bibliothèque. Elle ne réalisa la véracité de ses propos que lorsqu'elle se retrouva avec une négligence sans faille le derrière sur le sol froid du château. Une personne qui ne vous voyait pas sur son chemin, encore une fois. Pourtant, rare était ceux qui l'appelait par son prénom, sans faute de prononciation. « Le surréalisme est la surprise magique de trouver un lion dans un placard, là où on était sûr de trouver des chemises.* Que fais-tu au château ? » fit-elle en attrapant avec élégance la main qui lui était tendue. « Ravie de te revoir, Razvan. » lui sourit-elle en épousant sa robe de sorcier. Razvan Vacaresco. Quelle surprise pouvait être plus surprenante que celle qui se trouvait devant elle ? De longues années s'étaient écoulées depuis la dernière entrevue entre la coréenne et le roumain, à vrai dire, ils s'étaient rencontrés à leur arrivée sur le sol anglais, puis étaient devenus colocataires jusqu'à ce qu'elle prenne ses fonctions à Poudlard et déménage. Mais c'était peu dire, l'histoire était plus forte que cela.

Citations:

Le choc de la collision instantanée céda sa place à la surprise de voir qui il avait renversé. Hyun-Ae était une sorcière brillante qu'il avait eu le plaisir de côtoyer pendant quelques temps, lorsqu'ils étaient tous les deux sur Londres. Il n'était même pas au courant qu'elle était devenue professeure au château ! Il la releva sans difficulté en fronçant légèrement les sourcils, comme à l'accoutumée, devant les paroles énigmatiques de la coréenne. « Intervention sur la médecine moldue » soupira-t-il, ravi que le calvaire soit finit, « j'ai oublié ma montre dans la salle, donc j'essaie de retrouver mon chemin... Sans grand succès, tu remarqueras ! ». Razvan lui sourit sincèrement. Il était bien rare finalement que le roumain se sente réellement à l'aise avec quelqu'un, mais avec elle, il se sentait bien. Le laconisme de la professeure était en parfaite adéquation avec son propre caractère assez solitaire. Pour ainsi dire, ils étaient assez similaires. « Je ne savais pas que tu étais devenue professeure... Tu as dû l'omettre dans ta dernière lettre, ou alors tu n'as pas trouvé de proverbe pour le dire ? Ou peut-être même que tu en as mis un à ce sujet que je n'ai pas compris ? ». Razvan préférait en rire qu'en pleurer, c'était en tout cas le sens de son sourire amusé. Il n'avait jamais compris pourquoi elle ne s'exprimait pas simplement, et il s'était toujours moqué gentiment d'elle à ce sujet-là. La plupart du temps, le pauvre sorcier de l'Est ne comprenait que la moitié des choses qu'elle disait... Ce qui relevait déjà de l'exploit le plus complet !

« Le temps et l'usage rendent l'Homme sage. » constata la coréenne. Ainsi donc, l'homme bourru et solitaire avait pris le temps d'enseigner aux jeunes sorciers suivant le cours de Mrs Hoover ? Mais prendre le temps au point d'en perdre sa représentation matérielle ne faisait qu'accentuer sa pensée profonde : le roumain ne l'avait pas fait de bonté de coeur. Qui avait bien pu le convaincre ainsi ? « Il semblerait que le château joue des tours à ton sens de l'orientation... pointu. » lui sourit-elle, persuadée qu'il était capable de s'orienter les yeux fermés dans une quelconque forêt, mais Poudlard était légèrement plus déroutant, même pour elle qui y enseignait depuis un certain temps maintenant, depuis qu'elle avait quitté le solitaire pour se diriger vers un immense château quelque peu lugubre, bien qu'animé, par moment. « L'illumination crée la compréhension. Ta fille sera toujours plus douée que toi dans ce domaine. » soupira-t-elle en haussant les épaules, la petite demoiselle avait toujours fait fondre le cœur de la coréenne, lui rappelant sa propre fille restée en Corée. Elle avait toujours eu à cœur de lui apprendre sa propre langue et lui avait transmis une certaine part de son éducation lorsqu'elle vivait encore avec eux. Elles avaient toutes les deux pris l'habitude d'embrouiller le rabougri avec leurs proverbes et citations. « Mais cette fois-ci, c'est très certainement ma faute. Navrée de ne pas t'avoir prévenu, Razvan. » déclara-t-elle en lui indiquant le chemin à suivre, se dirigeant à ses côtés en direction de l'objet perdu. Perdre n'était jamais synonyme de quelque chose de bon, c'était ce que lui avait appris le temps. Mais toujours trouver son chemin devait être lassant, alors pourquoi ne pas se perdre de temps en temps ?

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Dispenser des cours à des étudiants qui n'en avaient rien à faire, ce n'était pas la vocation du roumain. C'était bien pour cela qu'il était devenu médecin et qu'il n'avait pas enseigné à l'université roumaine de magie. Soigner, oui, apprendre les rudiments de la médicomagie, non. Et pire encore, la médecine moldue, c'était un autre monde. Il s'y connaissait certes un peu, soignait certes surtout des moldus dans son village roumain, mais il ne se considérait pas comme un spécialiste de la matière. Et il n'en était pas un, par ailleurs. « De toute évidence » répondit-il en ignorant l'adage qu'elle venait de lui sortir. En fait, il était étonnant qu'ils s'entendent bien alors qu'il ne comprenait que la moitié de ce qu'elle disait. « Je ne sais pas comment vous faîtes... Une chance que Durmstrang soit une école différente. J'aurais passé ma scolarité à me perdre » soupira-t-il malgré tout. Il aurait sans doute préféré être envoyé à Poudlard que dans l'école du grand Nord. La référence à Mihaela le fit sourire. « Elle sera plus douée que moi dans beaucoup de domaine » concéda-t-il à la sorcière, « elle me demande souvent comment tu vas ». La petite fille avait une mémoire phénoménale et quand elle aimait bien certaines personne, elle les gardait longtemps en tête. Même si cela faisait un moment qu'elle n'avait pas vu la coréenne, elle ne l'avait pas encore oublié. Le temps passant, cela finirait sans doute par arriver. Ils se mirent en marche ensemble et Razvan enfonça ses mains dans ses poches. Hyun-Ae serait clairement sa meilleure chance d'arriver à destination. « Ne t'excuse pas » lui répondit-il gentiment en secouant la tête, « je peux comprends que tu oublies certaines choses des fois... L'âge y joue sans doute beaucoup ». Le roumain afficha un sourire volontairement moqueur. Il adorait se moquer d'elle parce qu'elle était plus vieille que lui, et elle le lui rendait bien. Ce n'était certainement pas parce qu'il ne l'avait pas vu depuis longtemps qu'il allait passer à côté d'une occasion si belle de se payer sa tête...