« Je suis là les garçons ! » appela Diane en rentrant dans la maison.
En fermant la porte derrière elle, elle entendit parler dans le salon. Elle s'avança alors dans le corridor d'entrée pour accéder au salon. Sans grande surprise, elle découvrit son frère assis à la table du salon avec son fils sur ses genoux. Ils dessinaient. Elle esquissa un sourire en s'approchant et Octavius remarqua enfin sa présence.
« Ah tu es revenue ! Ça s'est bien passé le travail ? » demanda le jeune homme avec un grand sourire.
« Maman ! » s'exclama le petit garçon en descendant des genoux de son oncle.
« Oh tu sais... Comme d'habitude. Toujours des grandes-bouches. » répondit-elle en haussant les épaules avant de prendre son fils dans ses bras.
Elle parla un peu avec lui, lui demandant si cela s'était bien passé et s'il s'était amusé avec tonton. Diane était auror et mère du petit Camille, quatre ans. Contrainte par son travail, elle avait dû demander à son frère de garder son fils.
« Je lui ai fait prendre son bain et prendre son petit-déjeuner. Il m'a inondé la salle de bain. » annonça Octavius en croisant les bras avec un petit sourire.
« Il a inondé la salle de bain ou tu l'as inondé ? »
« Bon, les deux. Mais surtout lui. »
Ils continuèrent à parler ainsi plusieurs minutes. Octavius expliqua à sa sœur qu'il comptait aller à la bibliothèque de l'Ecole Supérieure de Magie pour rendre des livres et préparer sa prochaine conférence. C'était un mensonge auquel Diane crut. Pourquoi son frère lui mentirait ?

Aussitôt que les visiteurs furent parti, l'anthropomage débarrassa toutes les affaires de dessin traînant sur la table d'un coup de baguette. Après une petite retouche sur sa coiffure et sa tenue, il transplana pour arriver dans une rue déserte. Il marcha dix minutes pour atteindre le quartier général de l'Ordre. L'air de rien, il y pénétra.
Un coup d'œil et la constatation que personne n'était encore arrivé l'informèrent qu'il était bien en avance. Pas grave, il allait explorer les lieux. Depuis le temps qu'il faisait parti de l'Ordre du Phœnix, il n'en avait pas eu le loisir. Alors lentement, il parcourait les diverses pièces, s'attardant sur certaines curiosités. Son attention se concentra alors sur une étrange chose de forme elliptique. Cet objet avait quelque chose de spécial. On aurait dit comme un miroir. Mais Octavius ne pouvait pas y voir son reflet. Seulement de très légères et indistinctes ombres. Il n'avait jamais vu cela auparavant.

Son adhésion dans l'Ordre du Phœnix commençait à dater. Pourtant, Octavius avait l'impression d'être tout nouveau quand il circulait dans les couloirs du quartier général. Il y avait quelques mois, il était encore un étranger pour ce lieu. En fait, la première fois qu'il avait assisté à une réunion remontait seulement au début d'année alors qu'il était membre depuis fin 1975. A cette période là, il n'était rentrée que très brièvement au Royaume Uni avant de repartir pour le Brésil.
Il ne s'attendait pas — Qui s'y serait attendu en même temps ? — à ce que le Professeur Dumbledore vienne lui proposer cordialement de rejoindre une telle "organisation" dont il ignorait totalement l'existence auparavant. Il avait été très réticent au départ à l'idée de mener un tel combat. Il n'était qu'anthropomage, pas un héro. Il s'était beaucoup demandé ce qui avait poussé le directeur de Poudlard à s'adresser à lui. Au bout de quelques réflexions, il avait supposé que le vieil homme illustre avait eu vent de certains de ses agissements en Italie bien qu'il trouvait ça assez léger comme motif de recrutement. Avoir perpétré un blocus d'une semaine du Ministère de la Magie Italien et autre ne faisait pas de lui un guerrier. En plus ça remontait déjà à quelques années.
Au départ, il avait fermement refusé sous prétexte qu'il prônait une lutte parfaitement pacifique. Mais... Dumbledore avait su trouver les mots pour le faire intensément cogiter. En considération de l'ampleur de la guerre qui se préparait, est-ce qu'une lutte non-violente pourrait parvenir à endiguer la menace des mangemorts ? Le Seigneur des Ténèbres était-il un homme à négocier ? Bien sûr que non. Alors le voilà.

Dans son exploration du quartier général de l'Ordre, Octavius s'était perdu dans la contemplation d'un mystérieux objet. Curieux, il toucha du bout des doigts la surface froide du miroir quand soudain, quelqu'un l'interpella. Cette intervention le fit sursauté et par pur réflexe, en se retournant, il saisit le manche de sa baguette de sa poche de veston, prêt à se défendre. Exactement au même moment où il découvrit la personne qui était accoudée contre l'encadrement de la porte, celle-ci terminait sa phrase en le surnommant « Papillon ».
Il poussa un soupir de soulagement teinté d'un léger sourire quand il constata qu'il s'agissait en réalité d'Alastor Maugrey. Il relâcha sa prise sur sa baguette, la laissant finalement rangée bien au chaud.
« B-bonjour, vraiment pour cet accueil. » bafouilla-t-il, un peu confus.
C'était très inconvenant comme façon de saluer quelqu'un que de presque le menacer avec sa baguette. Pour sa défense, Maugrey n'avait pas dit bonjour ! Cela aurait dû être à l'auror de s'excuser pour être apparu à lui de la sorte.
« Je regardais juste cet objet. » Il désigna l'objet en question. « Je me demandais ce que c'était. »

Ses anciennes et récentes expériences avaient appris à Octavius l'importance d'être tout le temps sur ses gardes. Un seul moment d'inattention pouvait être fatal. Fut un temps où l'insouciance et l'inconséquence régissaient ses actes. Il se devait d'être attentif dorénavant, agir en adulte averti. Chose qu'il faillait encore parfois. Il n'en était pas moins doté de bons réflexes.
Alastor Maugrey se moquait de lui d'un sourire narquois. Il s'approcha de lui et du miroir, claudiquant habilement sur sa jambe de bois. Il rappelait à l'anthropomage le fameux pirate de la littérature anglaise : Long John Silver. Etant petit, il avait dévoré d'une traite l'Île au Trésor de Stevenson. Il avait toujours admiré ce personnage. La première fois qu'il avait vu Maugrey, il s'était surpris à l'admirer de la même manière. Il lui inspirait une intimidation similaire. Et lui trouvait un petit air de famille aussi.
Octavius écouta avec curiosité les explications très concises de l'auror. Des explications qui n'en étaient point, à vrai dire. Il restait très flou sur l'utilité de la glace à l'ennemi. Le jeune homme sentait qu'on cherchait à faire travailler ses méninges. Il réfléchit alors.
« Si nous, nous ne nous voyons pas dedans... Et que l'objet s'appelle une glace à l'ennemi. Il est supposé nous montrer le reflet de nos ennemis, n'est-ce pas ? »
C'était de la logique. Ou sinon, il s'agissait d'un miroir qui permettait aux ennemis de voir notre position. Mais cela n'aurait pas été très malin d'amener cela au Quartier Général donc c'était totalement stupide.
« C'est vous qui avez ramené tous ces objets ici ? » demanda-t-il ensuite en désignant l'ensemble de la pièce. « Vous semblez bien les connaître. »
Maugrey semblait même être chez lui, ici. Comme une deuxième demeure. Il circulait dans les couloirs comme s'il en était le légitime propriétaire.

Octavius avait toujours été un garçon curieux. Le genre d'enfant à toujours poser des questions sur les choses du monde. Il avait toujours eu le goût d'apprendre et de découvrir de nouvelles choses, à défaut d'être très actif. Enfant, il passait le plus clair de son temps à l'intérieur à être sur-couvé par sa grand-mère. Cela avait créé chez lui un puissant désir de découvrir autrement qu'à travers des lectures ou que par un tiers. Mais pendant très longtemps, il n'avait pas eu le cran de le faire pour de multiples raisons.
Tout naturellement, il ne s'était pas empêché de demander à Alastor Maugrey de l'instruire sur un objet qu'il ne connaissait pas car il ne prétendait pas avoir la science infuse. En élève docile, il s'approcha de la glace à l'ennemi quand son professeur provisoire l'invita à le faire. Les ombres qui se mouvaient sur la surface du miroir étaient hypnotiques. Octavius ne pouvait s'empêcher de les suivre du regard même après quelques secondes après que l'auror ait fini ses explications nébuleuses. C'était un objet intéressant. Très rapidement, il manifesta sa curiosité pour les autres objets mystérieux de la pièce. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à la remarque sur Dumbledore parce qu'il avait été témoin de ce « goût des objets impossibles ».
« Je me rappelle que j'étais toujours fasciné quand j'entrais dans le bureau de Dumbledore à Poudlard. Je me sentais comme dans un véritable cabinet de curiosité. » se rappela-t-il avec ce petit sourire nostalgique.
Au cours de sa scolarité à Poudlard, il avait souvent été amené à s'y rendre. Systématiquement, il lui proposait des malice réglisses quand il arrivait et puis quand il sortait. Et à chaque fois il se faisait mordre le doigt par ces confiseries. Ça ne manquait JA-MAIS.

Tandis qu'Octavius avait concentré son attention sur une drôle d'horloge qui faisait fonction thermomètre en plus de montrer l'heure et de comptabiliser le nombre total de sortilèges qui avaient été lancé dans ces lieux, Maugrey lui posa soudain une question qui l'interpella. Il se tourna vers lui pour voir le sourire de l'auror, n'étant  pas vraiment sûr de comment interpréter ça. Sous-entendait-il qu'il était quelque chose comme superficiel et frivole ? Il le regarda quelques petites secondes, un peu interdit, avant d'esquisser un fin sourire aimable.
« J'ai du mal à saisir ce que vous voulez dire. » répondit-il simplement. « Je pense que toutes les choses, jolies ou pas, sont dignes d'intérêt. »
Très clairement, Maugrey semblait penser qu'il était un individu précieux et délicat, comme pas mal d'autres personnes. Il était vrai que l'anthropomage aimait renvoyer une image de lui assez proprette. Mais il n'était pas quelqu'un de superficiel et qui n'osait pas se salir les mains pour autant. Depuis quelques mois qu'il était de retour en Angleterre, il s'était habitué au fait qu'on ne le prenne pas au sérieux dans un peu tous les aspects de sa vie. Cela en devenait assez agaçant pour lui qui avait de véritables convictions, ambitions et compétences.
« Et est-ce mal de s'intéresser aux jolies choses, monsieur ? » fit-il sans se départir de son sourire. « J'imagine qu'une personne intéressée par les jolies choses peut aussi avoir d'autres centres d'intérêt que les jolies choses. »
Toujours aimable, toujours poli.

Si Maugrey pensait qu'Octavius de son temps à Poudlard avait fait parti de ces bons élèves disciplinés.... Il aurait parfaitement raison. Prestance irréprochable du bulbe des cheveux aux lacets de chaussures en passant par le nœud de cravate. Très bons résultats scolaires. Sage comme une image. Parfaitement ponctuel. Et toujours un sourire pimpant. On oublie pas les fondamentaux, bien entendu.
Quand il était adolescent, ne faire que la moitié des exercices demandés par un professeur était déjà complètement fou-fou pour lui. Il stressait systématiquement à l'approche du moindre devoir sur table. Il révisait pendant des heures le cours qu'il connaissait déjà tellement par cœur qu'il aurait pu le réciter dans son sommeil.
Avec le recul, il se disait que c'était un peu triste de se mettre autant de barrières et autant de pression. Mais de toute façon, son adolescence avait été triste.
« Non. Jamais été préfet. » répondit-il avec un petit sourire.
Il était bien trop vulnérable pour assumer une telle responsabilité. Et Dumbledore le savait parfaitement. Il n'y aurait pas survécu.

Aujourd'hui, il abordait la vie avec un peu plus de sérénité et beaucoup plus de philosophie. Quitte à ce qu'on le pense shooté au pèteuforik toute la journée. Il poursuivait sa contemplation des objets magiques en parlant d'une façon naturelle. Très étonnamment, Maugrey sembla intéressé par ses propos. Puisqu'il lui demanda quels étaient ses centres d'intérêt hormis les jolies choses. L'anthropomage se tourna vers l'auror en affichant toujours le même sourire.
« J'ai plein de centres d'intérêt. Je pourrais essayer de vous en faire une liste exhaustive mais je sais pertinemment que ce serait pénible autant pour vous que pour moi. En plus je risque d'oublier des choses. » répondit-il en toute sincérité. « Mais je m'intéresse à des sujets comme l'histoire, l'art, la science, la littérature, la magizoologie, les mythes des cultures dites primitives, la cuisine traditionnelle, les rituels de passage... Toutes ces choses basiques et évidentes qui intéressent en général un anthropomage. »
On avait pas tous la même définition de basique. Heureusement, on pouvait aisément déceler une pointe d'humour dans le ton qu'employait le jeune homme.

Dans toute sa scolarité à Poudlard, Octavius n'avait écopé que d'une seule punition. Et encore, le professeur en étant à l'origine avait été indulgent car tellement choqué et surpris de voir un écart de la part d'un élève aussi sage que lui. D'autant plus que quand le jeune garçon avait été pris la main dans le chaudron, on lisait très clairement la panique et le regret dans son regard. Pour la petite anecdote, il s'était fait prendre à cause de son acolyte improvisé Shannon O'Mahony qui avait réussi à s'échapper lâchement. Et, ridiculement loyal envers l'effronté, Octavius ne l'avait pas dénoncé.
Cette bêtise ne lui avait néanmoins pas valu une visite dans le bureau de Dumbledore. Seulement dans celui du Professeur Flitwick, directeur de la maison Serdaigle. En fait, il s'était plus souvent retrouvé dans de véritables cellules pour X ou Y méfaits que dans le bureau de Dumbledore pour une éventuelle bêtise.
« Du tout. Disons que j'avais quelques différents avec certains camarades, la plupart du temps. »
C'était un honteux euphémisme pour ne pas dire une déformation partielle de la réalité.

Les connaissances en cuisine traditionnelle d'Octavius semblèrent intéresser Maugrey qui espérait pouvoir un jour goûter à un plat. Cela fit sourire l'anthropomage qui, s'il aimait cuisiner, était loin d'être un chef cinq étoiles.
« Peut-être un jour mais je ne suis pas très doué. J'ai bien noté quelques recettes mais je n'ai pas encore eu le loisir de les réaliser tout seul et encore moins en Angleterre. »
D'autant plus que son statut d'homme faisait qu'il n'avait pas souvent eu sa place en cuisine dans la plupart des pays qu'il avait visité. Il n'avait appris à se faire à manger tout seul que quand il avait eu son premier appartement en Italie. Et cela se résumait souvent à des pâtes ou du riz car pauvreté exige.
Octavius regarda, intrigué, Maugrey se redresser et se retourner pour chercher quelque chose à l'aide de sa baguette. Il s'agissait d'une boîte que l'auror lança à l'anthropomage qui la rattrapa de justesse. Il lui demanda alors de lui trouver sa fonction.
D'un œil attentif, le jeune homme observa l'objet, le manipulant avec précaution.
« D'accord.... Soit c'est une boussole complètement détraquée qu'il faudrait emmener chez l'horloger du Chemin de Traverse de toute urgence avant que les aiguilles brisent le verre et viennent nous crever les yeux, ce qui serait très malheureux. » dit-il pensivement. « Ou, éventuellement, il s'agirait d'un détecteur de magie noire ?  Cela expliquerait que vous l'ayez eu en votre possession et que maintenant elle se retrouve au QG. Mais dans ce cas là, vu comment les aiguilles sont agitées, ce serait très inquiétant. Peut-être un détecteur de magie tout court ? En admettant ces hypothèses, l'utilité des compartiments m'échappe si telle est sa fonction. »
Peut-être qu'il était totalement à côté de la plaque. C'était une possibilité très probable.