Shannon ne s'était pas attendu à atterrir dans un lac. Mais comme il avait passé toute sa vie à parcourir la mer, retrouver son chemin jusqu'à la surface ne fut pas hasardeux pour lui. Il n'avait pu s'empêcher d'avaler, cependant, de l'eau vaseuse à son grand désespoir. Néanmoins, si le jeune homme était réellement un poisson dans l'eau - et son patronus ne trompait personne à ce sujet par ailleurs - il savait que la réciproque n'était pas forcément vraie pour son meilleur ami. L'obscurité ne rendait pas la vision du lac facile et il sortit sa baguette pour lancer une boule de lumière au dessus de sa tête afin de visualiser Athos. Un froid glacial lui remonta dans le dos alors qu'il ne le trouvait pas. « Athos ?! » - Shannon n'avait pu empêcher un trémolo de parcourir sa voix - « Athos ? ». L'espace d'un instant, il se dit qu'avec la fatigue du jeune homme, il l'avait tué par noyade. La seconde suivante, il essayait de calmer les battements de son coeur pour se persuader que son ami avait juste transplané ailleurs. Mais ce n'était pas possible, il lui avait dit qu'il n'arrivait plus à transplaner ces temps-ci, et en plus, il y avait sa baguette abandonnée qui flottait dans l'eau. Il s'en saisit, silencieux.

Agité, l'irlandais se tournait dans tous les sens, les pupilles dilatées pour chercher le jeune homme. Il était seul. Quelque chose d'étrange lui caressa la jambe dans l'eau, mais cette dernière était noire et il ne vit pas ce dont il s'agissait. Shannon s'éloigna de quelques coups de jambes, et c'est à ce moment que son ami sortit enfin la tête de l'eau. Un soupir de soulagement franchit la barrière des lèvres de l'arbitre de Quidditch qui se rapprocha de lui rapidement alors qu'il l'appelait. Le jeune homme, une fois proche d'Athos, le prit par le bras pour lui signifier sa présence et accessoirement pour le stabiliser un peu mieux dans l'eau. « Je suis là, primo » - mais la voix étranglée de son escroc de meilleur ami ne semblait pas réaliser qu'il n'allait pas se noyer. « Elle est là, elle a atterri à côté de moi » lui dit-il en lui tendant son arme. Shannon n'avait toujours pas lâché le bras du jeune homme et continua : « On devrait sortir de là. Y'a des trucs bizarres dans l'... ». La voix de l'irlandais s'étouffa dans sa gorge alors qu'un strangulot surgissait devant lui. Il détestait ces créatures depuis qu'elles lui avaient mordues les fesses dans le lac de Poudlard par une chaude soirée de mai. « Magne toi » fit-il à l'attention de son ami, pour essayer de contourner la vilaine créature... Qui se jeta sur son bras pour le mordre violemment. Shannon lâcha Athos et enfonça sa baguette dans le nez de la chose qui lâcha prise en poussant un hurlement désagréable. Apparemment, il l'avait énervé et il pâlit en constatant avec horreur que du remous commençait à se faire non loin d'eux.


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Certes, Athos avait le goût de l’aventure. Depuis sa plus tendre enfance, dans les plaines égyptiennes ou la forêt voisine du manoir, puis à Poudlard avec ces explorations du château et alentours. Cela expliquait le choix de son ancienne vocation, et surtout la raison pour laquelle aujourd’hui, il exerçait des activités aussi dangereuses. Si l’ennui pouvait se matérialiser, il aurait sans doute été son épouvantard. Mais il y avait aventure, et aventure avec Shannon. Qui finissait, étrangement, souvent par partir complètement en sucette. Cet homme avait quand même la capacité de transformer une mission de routine en un barbotage en règle dans un lac immonde, il ne savait où d’ailleurs. Non là vraiment, c’était trop.

Retrouver sa baguette lui fit un bien fou. Voilà un souci de moins à se faire pour pouvoir maintenant gérer les autres. « Putain, merci ! » adressa-t’il à son ami, tellement soulagé d’avoir retrouvé son bien le plus précieux qu’il en laissa échapper un juron. Ça n’était pas tellement dans ses habitudes. Et il aurait bien d’autres occasions de jurer sur son ami une fois qu’ils seraient à l’abri, et au sec. Mais ils n’étaient pas au bout de leur peine car, comme l’avait anticipé Athos, ce n’était pas une vulgaire truite qui lui avait effleuré la jambe. Agrippé au bras de Shannon pour économiser un peu ses forces, Athos resserra son emprise en voyant apparaître la créature.

Personne n’était vraiment au courant, mais Athos avait une peur bleue des créatures sous-marines. Allez savoir pourquoi l’océan rendait ses habitants aussi visqueux et désagréables à regarder. Et alors, le strangulot, c’était quand même du haut niveau d’horreur. Pourtant, Athos n’était pas une petite nature. Vu les types qu’il avait dû affronter dans sa vie passée et présente d’ailleurs, il n’était clairement pas facilement impressionné. Mais la mer, les lacs, l’eau en général et ce qui s’y cachait, c’était vraiment son point faible absolu. Sans doute parce qu’il n’était pas un excellent nageur. Et parce que voir ces trucs se déplacer aussi librement dans un élément qu’il ne maîtrisait pas lui collait une foutue angoisse. Heureusement, la bestiole semblait plus intéressée par Shannon que par lui. Enfin… C’était une pensée égoïste, mais il était tellement épuisé qu’il n’aurait pas pû gérer une attaque de plus.

Son ami fut contraint de le lâcher, et il parvint miraculeusement à garder la tête hors de l’eau tandis que Shannon lui intimait de se bouger. Alors celle-là, c’était du grand Shannon. À quel moment Athos lui avait-il donné l’impression d’être dans la capacité de se magner, exactement ? Il avait déjà manqué de se noyer rien qu’en atterrissant après son transplanage raté, alors pour ce qui était de nager à toute allure, il pouvait rêver. Il allait avoir besoin d’aide. « Shannon, je suis crev… » Mais son pote se fit croquer avant qu’il ait le temps de finir sa phrase, ne trouvant rien de mieux à faire que d’agresser physiquement la bestiole alors que bon… Ça n’était pas comme s’ils étaient sorciers après tout !

Pour la troisième fois au moins depuis moins de dix minutes, l’adrénaline donna à Athos un regain d’énergie. Léger, certes, mais il faudrait que ça suffise. Pas le choix. Il fallait se débarrasser de cette horreur avant qu’elle ne ramène ses copains et là, ça ne serait pas la même chose à gérer. Sans trop prendre la peine de réfléchir, sans doute parce que son cerveau avait épuisé ses réserves d’oxygène, Athos visa la créature et réussit à prononcer un « Têtenbulle », avec une conviction relativement modérée malgré sa répulsion pour le strangulot.

2-6 : Miracle s’il en était, le sortilège engloba la tête aux dents aiguisées d’une bulle d’oxygène. Oups, ça ne respirait pas bien ces bêtes là, non ? La créature étouffa sans un bruit, se débattant contre la bulle increvable en leur laissant un peu de répit. Athos essaya donc de se “magner“ au côté de son abruti de meilleur ami pour rejoindre la rive. Une fois enfin au sec, ou tout du moins à l’abri de ce lac sombre et de ses danger, Athos s’allongea de tout son long sur l’herbe humide et prit le temps de respirer. Shannon en prendrait pour son grade, mais pour ça, il lui fallait pouvoir aligner 3 mots.

1-3 : Était-ce la fatigue ? Était-ce l’eau qui lui avait brouillé la vue ? Toujours était-il que le sortilège fonctionna, mais sur une cible qui n’était pas la bonne. Le visage de Shannon fut déformé par la bulle d’air autour de lui, ce qui était hautement ridicule mais Athos n’avait pas le temps de se moquer. Toutefois, le Strangulot lui était indemne, et intrigué par la voix d’Athos, il plongea pour lui croquer le mollet. Athos essaya de lui donner un coup de pied avec celui qui était intact, mais le loupa. Mais quand est-ce que cet après-midi de l’enfer s’arrêterait-elle ?

4-5 : Sa baguette ne prit même pas la peine de cracher un sort. De mauvaise foi, Athos se dit qu’elle était trop mouillée pour fonctionner alors qu’en vérité, il était juste trop exténué. Toutefois, sa voix avait attiré l’attention de la bestiole qui se rua sur lui, ou plutôt sur ses chaussures pour le tirer vers le bas. Il eut à peine le temps de prendre une inspiration que déjà, sa tête s’enfonçait à nouveau dans le lac. Le strangulot nageait vers les profondeurs et Athos, incapable d’informuler un sort sous l’eau, pria fort pour que Shannon trouve une solution rapide et efficace.

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'Le dé ' : 6

Shannon nageait aisément dans l'eau en soutenant Athos pour qu'il ne se noie pas. Il savait que son ami n'aimait pas trop l'eau. Lui, il s'y sentait bien, pour autant, il ne souhaiterait mourir noyé pour rien au monde. La sensation de sentir ses poumons se remplir d'eau était épouvantable, même si, de toute manière, il ne laisserait jamais jamais jamais une chose pareille arriver à son ami. Il ne savait pas très bien ce qu'il ferait s'il venait à mourir. Le jeune homme ne tenait pas à grand monde, sinon à Athos, et de la même manière, peu de personnes tenaient à lui. D'une certaine façon, son meilleur ami avait l'exclusivité de ses bons sentiments. Néanmoins, il dû le lâcher lorsqu'il se fit mordre par un strangulot. « Aïe ! » - l'interjection était sortie de nulle part. Malgré sa baguette enfoncée dans le nez de la créature, celle-ci avait une attitude vengeresse. Athos eut une bonne réaction, toutefois. La créature s'asphyxia et l'irlandais se rapprocha de son ami avant de pointer sa baguette vers son crâne : « Revigor ! ».
L'effet du sortilège leur permit au moins de regagner la berge, sains et saufs, et Shannon s'étala sur le ventre, jambes écartée et joue contre la terre pour tousser de tout son saoul. Il se tourna sur le dos pour soupirer d'aise et regarder le ciel. Pourquoi fallait-il toujours qu'il lui arrive des trucs insensés ? Il leva sa main pour écarter ses mèches de cheveux brunes qui lui tombaient devant les yeux. Le jeune homme ne sut pas combien de temps ils restèrent allongés de la sorte sur la rive, mais cela dura au moins cinq grosses minutes. Finalement, l'impétueux irlandais se releva sur les coudes pour regarder son comparse : « C'est bon, t'es pas mort ? ». Il ne souriait même pas. Shannon fixait le corps de son ami qu'il voyait se relever et redescendre au rythme de sa respiration. Le fait est que son coeur battait encore fort dans sa poitrine d'avoir fini dans l'eau d'un lac où s'y promenaient des strangulots. Il regarda son avant bras pour voir une vilaine morsure : l'empreinte des dents de la créature était présente et profonde par endroit. Shannon marmonna quelques injures en espagnol en regardant sa blessure. Une de plus, une de moins, de toute manière, ça cassait pas trois pattes à un canard.

L’air se frayait un chemin jusqu’à ses poumons tandis que ses yeux s’accrochaient aux nuages, histoire d’essayer de reprendre un peu ses esprits. Le sortilège de vigueur que lui avait lancé Shannon avait été une bonne chose. Sa première bonne idée de la journée d’ailleurs. Il avait au moins eu la force de regagner la rive, mais intérieurement, il se sentait toujours aussi exténué. 2 fois dans la même semaine qu’il manquait d’y passer, ça faisait quand même beaucoup. La première, c’était de sa faute, évidemment. Mais cette fois-ci, il ne pouvait s’en prendre qu’à son meilleur ami en carton. Trop énervé, fatigué, épuisé, Athos ne lui prêta pas une once d’attention pendant 5 minutes au moins, essayant juste de se focaliser sur lui, et lui seul. Visualiser le trajet de l’air dans sa trachée l’aida un peu et il ferma doucement les yeux pour calmer les pulsations de son coeur paniqué à l’idée d’avoir failli mourir en milieu aquatique.

Sa peur de l’eau était relativement récente. À l’époque, dans les cachots de Serpentard, il acceptait assez bien l’atmosphère glauque que conféraient les profondeurs à sa salle commune. Bien sûr, il n’était pas toujours à l’aise avec les bestioles qu’il apercevait parfois, mais rien à voir avec sa phobie actuelle. Mais lorsqu’il était tombé dans l’eau de l’aquarium de Londres après une rixe avec un voyou étant plus jeune, et qu’il avait du s’extraire des tentacules d’un calamar en colère, sa peur s’était bien ancrée dans son cerveau. Depuis, il détestait la mer, les bateaux, et tout ce qui se cachait dessous. Et forcément, il avait fallu que Shannon foire son transplantée pile dans un endroit qui le terrifiait. Il aurait encore préféré atterrir dans une fosse aux lions.

Shannon l’extirpa de ses pensées avec une phrase qui le mit hors de lui. Oh, il était déjà en colère bien avant ça, bien sûr. Mais là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le lac. Mais quel parfait abruti il faisait. Athos tourna légèrement la tête, lançant un regard noir à cet imbécile trempé jusqu’aux os. Il avait encore moins d’allure que d’habitude, et pourtant, on partait de loin. S’il en avait eu la force, Athos aurait transplané loin de lui, attendant que sa colère redescende un peu avant de lui adresser à nouveau la parole. Vu la bêtise actuelle, il estimait ce temps à 3 jours. Oui, c’était une connerie à 3 jours de silence. Mais il était coincé là, avec son ami, sa colère et lui. Impossible d’y couper. « Non, et c’est pas grâce à toi. » En y réfléchissant bien, Shannon n’avait fait qu’empirer la situation à chaque fois, et Athos avait tout rattrapé derrière lui. Bien sûr, sur le moment, le fait qu’on ait insulté son ami l’avait mis en rogne mais avec le recul, c’était bien Shannon la source de toute cette colère. Comment, mais comment ce mec avait-il pû être tireur de baguette d’élite ? Pas étonnant qu’il se soit fait virer, vu son don pour tout faire foirer à la moindre occasion. Certains auraient pu penser que c’était le destin qui n’était pas clément avec lui. Mais ça n’était pas ça : Shannon provoquait sa propre malchance. En permanence. Et si Athos le soutenait la plupart du temps, aujourd’hui, il n’en avait pas la patience.

Regardant sa montre pour vérifier le temps qu’avait duré cette lamentable aventure, il remarqua qu’elle ne marchait plus - évidemment. Évidemment. Combien lui couterait la réparation ? Il enverrait la facture à ce crétin, qui ne la payerait pas, bien sûr. Son bras retomba lourdement ur l’herbe moite tandis qu’il soupira, exaspéré, se redressant pour finalement s’assoir. Sa tête lui tournait salement. « Tu sais quoi, Shannon ? T’es une calamité. Une foutue calamité, et j’en marre. » Athos regardait son pote avec une expression que tous les deux connaissaient bien. Il ne lui laissa pas le temps d’en placer une, car il savait très bien que Shannon allait réagir au quart de tour, et il avait envie de lui dire tout ce qu’il pensait avant, d’une traite. Il parla vite, sans réfléchir une seule seconde aux conséquences de sa tirade. En général, Athos n’enfonçait pas Shannon, étant plutôt habitué à essayer de lui remonter le moral ou l’ego. Mais quand c’était trop, comme en ce moment, impossible de prendre des gants avec lui. Il ne le méritait pas.

« Quand est-ce que tu vas grandir ? Ou au moins comprendre que la vie, c’est pas qu’un jeu ? T’arbitres un sport débile pour gagner ta vie, super, bravo. Tout ça parce que t’es pas capable de garder un travail décent, et responsable. Mais c’est pas une raison pour essayer de pourrir le mien. T’as peut-être pas d’ambition dans la vie, comme le foutu Gryffondor que tu es, mais y’a des gens qui essayent de s’en sortir, tu vois. D’ailleurs, quand je te regarde, t’es toujours ce gamin à Poudlard, collé tous les soirs à force de chercher les emmerdes. À l’époque, c’était marrant, mais aujourd’hui, tu ne joues pas avec mon dossier scolaire. Tu joues avec ma vie, et ça, j’accepte pas. » Fatigué de sa propre tirade, Athos reprit sa respiration. « Tu fais vraiment chier, Shannon. » finit-il en détournant le regard. Plus tard, il s’en voudrait d’avoir ainsi dit ses quatre vérités à son meilleur ami, mais pour l’instant, il était surtout soulagé d’avoir balancé ce qu’il avait sur le coeur. Le poison ne coulait peut-être plus dans ses veines, mais il imbibait chacun de ses mots.

Dire que Shannon avait des amis était un doux euphémisme. Shannon avait surtout un seul ami. Athos.

Louise, il la voyait peu maintenant qu'ils étaient adultes. Le temps de l'adolescence était finit, il était partit, il avait beaucoup voyagé, il était revenu, plus instable que jamais. C'était vrai. Le jeune homme était bourré de défauts qu'il voyait et préférait ignorer pour ne pas se mettre la tête dans un seau. Son inadaptation sociale, il la devait à son enfance. Insupportable. Aberrante pour qui voulait proposer un peu de stabilité à un enfant hyperactif et vindicatif. Les mots violents de son meilleur ami, l'irlandais les prit de plein fouet. S'il se serait mis en colère avec n'importe qui d'autre, pour renchérir et gueuler sur cette rive, il n'agissait généralement pas ainsi avec Athos. Ses mots, il les prenait et les encaissait fois mille. Son naturel était susceptible,  mais avec lui, c'était pire. Shannon avait le grand problème d'avoir toujours vécu dans l'ombre de son meilleur ami. De trois ans plus âgé pourtant, il lui trouvait toutes les qualités que lui ne parvenait même pas à esquisser. Et forcément, qu'il lui replace sèchement ses défauts à lui, ça le faisait bouillir froidement.

Il s'était toujours détesté, en fait. On l'avait trop souvent moqué lorsqu'il débarquait dans une école pour deux mois, dans un nouveau pays, sans être capable de communiquer correctement avec les autres gamins de son âge. Personne ne le comprenait, et tout le monde le rejetait. Puis, il était retiré, et placé ailleurs, sur un nouveau continent parfois même. Le jeune homme avait appris à vivre au jour le jour parce que c'était ce qu'on lui avait toujours imposé. Pas de routine, toutes les journées étaient différentes, difficiles. Personne pour s'occuper de lui, pour l'éduquer, pour lui donner de l'affection autrement que par une claque "amicale" derrière la tête. Même lui apprendre à écrire et à lire avait été un calvaire. Alors non, il n'avait pas d'ambition. Comment aurait-il pu en avoir ? Son monde à lui était davantage le monde moldu que sorcier, ce n'était pas pour rien qu'il frappait surtout avec ses poings avant de sortir sa baguette. Et il était encore moins mature. Shannon estimait avoir au moins le droit de vivre sa vie comme il l'entendait. Athos lui reprochait jusqu'à cela et s'il sentit l'injustice de ses mots, il les prit au pied de la lettre pour se vexer totalement. Le regard sombre, il s'était finalement relevé, trempé, pour le fixer alors qu'il continuait sa tirade. Lorsqu'il évoqua, comme pour l'achever, Poudlard, l'irlandais ressentit une vague de colère sourde lui étreindre l'estomac. Il était collé tous les soirs parce qu'il s'ennuyait. Mais il n'était pas non plus toujours collé avec Athos, parce qu'ils n'étaient pas forcément toujours fourrés ensemble. Shannon avait malgré lui, eu une scolarité assez solitaire ponctuée de quelques sursauts sociaux. Le fait est que le peu de temps qu'il passait avec Athos l'avait enfermé davantage dans son complexe d'infériorité qu'il développait depuis l'enfance, qu'on lui avait enfoncé dans le crâne partout, dans presque chaque pays qu'il avait visité avec son père. Elle ne venait pas de nulle part, son incapacité à parler aux filles. Shannon se détestait depuis l'enfance et son propre meilleur ami lui rappelait qu'il avait raison de ressentir cela, il l'enfonçait volontairement dans un complexe qu'il avait toujours développé davantage en parallèle du développement de son amitié avec lui. Et ça lui trouait le bide qu'il lui rappelle ça maintenant. « Vas te chier, Athos » répondit sèchement Shannon, « démerde toi pour rentrer avec ton transplanage. Si tu cherches des sorciers, y'a un refuge à trois kilomètres au nord d'ici ». Savait-il où était son nord ? Il n'en avait rien à faire qu'il sache ou non, ce n'était pas son problème, il avait sa baguette et n'avait donc qu'à invoquer un sortilège. Le jeune homme sur ces bonnes paroles se détourna de lui pour transplaner, correctement cette fois-ci.


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Surprenante réaction. Athos s’attendait à recevoir une salve d’insultes en espagnol, ou au moins une répartie cinglante et colérique. Au lieu de ça, il eut droit à une réponse sèche, presque trop calme, et Shannon transplana loin de lui, l’abandonnant à son sort. Très bien. Athos avait depuis longtemps l’habitude de ne compter sur personne pour s’en sortir. Par le passé, trop de gens l’avaient abandonné pour qu’il en soit touché aujourd’hui. C’était bien pour ça qu’il ne s’attachait plus à qui que ce soit. Son père l’avait brisé, Addison avait achevé de lui éclater le coeur en deux. Et puis, il avait fini par laisser quelque d’autres entrer dans sa vie, façon longue durée, en accordant sa confiance à Crook. Son ancien mentor avait eu beau lui sauver la mise en l’éloignant de Londres, il l’avait surtout laissé partir seul, brisant ainsi l’équipe qu’ils avaient mis du temps à forger. C’était la fois de trop. La raison pour laquelle, depuis, il repoussait tous les gens qui essayaient de se faire une petite place dans sa vie. Magda en avait fait les frais. Il était parti avant qu’elle ne songe à faire de même, et il savait qu’elle aurait fini par le faire. C’était cruel, mais c’était ainsi. Athos aimait prendre des risques, mais pas quand il s’agissait de se lier aux autres. Ça faisait trop mal. Ça mettait trop de temps à guérir et surtout, ça laissait une marque indélébile sur son coeur de vaurien solitaire.

Pourtant, Shannon était l’exception qui confirmait la règle. À sa façon terriblement maladroite, il était un ami plus que loyal, quelles que soient les circonstances. Quand Athos avait été renié, il avait été là. Quand il avait du fuir Londres, il l’avait rejoint un temps pour lui changer les idées. Quand il essayait de se remettre du chagrin qu’il avait lui même provoqué en revenant dans sa ville natale, il n’avait pas posé de question, et s’était soulé avec lui. Leur amitié était sans doute son bien le plus précieux, aussi imparfaite et étrange qu’ils l’étaient eux-même. Et au fond de lui, Athos savait qu’il avait été terriblement injuste avec lui en lui parlant de la sorte. Il était juste trop en colère pour l’admettre à l’heure actuelle.

Attrapant sa baguette, il lança un premier sort pour se sécher, et un second pour localiser le nord. Preuve en était que Shannon restait un ami, il lui avait donné une info pour se repérer. Athos n’aurait jamais été aussi prévenant. Tâtant ses poches, il réalisa que les quelques pièces qu’il possédait étaient sans nulle doute au fond du lac désormais. Il faudrait donc compter sur la générosité de quelqu’un pour transplaner jusqu’à Londres. Si tant est que les bouseux du coin aient déjà un jour été à Londres. La fin de cette aventure était bien plus pénible que ce qu’il aurait pensé. Preuve s’il en était que Shannon était un désastre ambulant, même si Athos méritait largement cet ultime coup en traître. Marcher jusqu’au refuge lui rappela à quel point il était bien moins feignant lorsqu’il vivait comme un moldu. Son corps fatigué puisait dans ses réserves, et quand enfin il regagna son chez-lui des heures plus tard, au prix de nombreux efforts, il s’effondra dans son lit et ne prit même pas la peine de retirer ses fringues qui sentaient la vase.

24 heures plus tard, Athos ouvrit enfin les yeux et reprit le cours normal de sa vie. D’abord, il s’accorda un peu de temps chez lui, pour continuer de récupérer tranquillement. Et puis, l’ennui revint vite au galop et il retourna à ses missions, au casino, à ses nuits sans sommeil en plus ou moins bonne compagnie. Et 3 jours après l’incident du lac, comme il l’avait estimé, Athos prit un peu de temps pour réfléchir à ce qui s’était passé. Shannon et lui pouvaient passer de longues semaines sans se voir en général, mais savoir que son ami était fâché contre lui l’ennuyait. Mine de rien, vu le train de vie qu’ils menaient chacun, Athos ne savait jamais si c’était la dernière fois qu’il revoyait son pote ou pas. Et ça l’aurait vraiment, mais alors vraiment ennuyé que leur dernier échange ait été aussi amer. Pour ne pas dire détruit. Ravalant alors sa fierté, Athos transplana jusqu’au seuil de l’appartement de son pote. En pesant les pour et les contre, il avait réalisé qu’il avait eu plus de torts en 30 secondes de tirade que Shannon en 30 minutes de déboires à ses côtés. Et surtout, qu’il avait vraiment dû le blesser, appuyant exactement là où ça faisait mal. Heureusement qu’Athos n’avait pas mis Glinda sur le tapis. Là, il se serait certainement pris un pain de la part de son sanguin de frère de coeur, et il l’aurait mérité.

Tapant à la porte, Athos listait déjà mentalement les autres endroits où il pouvait trouver Shannon. Il n’était quasi jamais chez-lui, aussi était-il presque sûr de faire chou blanc. Pourtant, la porte s’ouvrit sur le visage de son ami, et il fut réellement et sincèrement content de le voir, mais masqua son sourire pour éviter d’envoyer un mauvais signal. « Hey… » commença-t’il, cherchant un peu ses mots alors qu’il y avait réfléchi pendant une bonne heure avant de venir. Il passa une main dans ses cheveux, signe qu'il était légèrement embarrassé « Je suis désolé, Shannon. » Et son ami le connaissait suffisamment pour savoir qu’Athos n’avait pas l’excuse facile. « J’aurais jamais dû te dire tout ça. » Malheureusement, il était bien trop honnête pour lui mentir en disant qu’il n’en pensait pas un mot. Athos et Shannon étaient si opposés en terme d’objectifs de vie et d’ambition, c’était vrai. Mais dans le prisme de leur amitié, ça n’a aucune importance. « Mais bon, t’as flingué ma montre préférée et noyé un petit bout de ma dignité… » plaisanta-t’il à moitié avec un petit sourire en coin. C’était surtout que Shannon avait ce don de le mettre hors de lui et de le faire sortir de ses gonds. Personne d’autre n’avait cette faculté. Peut-être parce qu’il ne tenait pas autant à qui que ce soit d’autre dans sa vie. Se dire que ce petit con dégingandé était la personne qu’il aimait le plus au monde aurait pu être un triste constat, mais cette pensée lui réchauffait le coeur.

Shannon ne s'était jamais vraiment senti chez lui nulle part. Marlene McKinnon lui avait demandé, un peu innocemment, "qui était son chez lui". De but en blanc, il avait répondu "personne". Mais après coup, et après les mots durs d'Athos, le jeune homme réalisait que la seule personne qui comptait un tant soit peu pour lui, c'était son pote. Son meilleur pote. Le fait est qu'il ne sentait chez lui à peu près nulle part et le bienvenue encore moins. Jusqu'à son accent sonnait bizarre pour des oreilles habituées aux tonalités britanniques. Et tout le rejet qu'il lui avait dit en quelques phrases avait fait son chemin dans la tête du jeune homme. Il avait déjà pensé à tout cela, des gens lui avaient déjà dis les mêmes choses, il n'aurait même pas dû être surprit, en fait. Mais l'auteur des mots avait plus de pouvoir que leur sens lui-même. En soit, il ne pouvait pas nier qu'Athos n'avait pas foncièrement tort. Il était un danger public, il avait été viré du Ministère pour ça. C'était une tête brûlée dangereuse pour ses collègues, comme pour ses amis. C'était aussi un gosse. Shannon était incapable de se poser, sa vie avait besoin de tonalités instables. Il n'y pouvait rien, parce qu'il avait grandi comme cela. Les ignorants pourraient bien dire qu'après tout, pas besoin d'être dans une maison, ou une caravane, ou un endroit fixe pour avoir une routine. Le jeune homme répondrait à ces personnes ignorantes qu'un bateau, ce n'était pas une maison, et encore moins un bateau sur lequel son père travaillait. Aucune intimité, une proximité constante avec d'autres individus pas forcément très sains parfois, des tensions permanentes échues d'une frustration physique qu'ils n'arrivaient pas à ignorer. Et la mer, elle, n'était jamais, jamais la même. L'on craignait bien de se retrouver perdu au milieu de la mer des sargasses, mais l'océan, de façon général, était constamment changeant. Jusqu'à la couleur de l'eau. Cela n'avait rien d'une routine, aucune journée n'était la même. En tout cas, à ses yeux d'enfant.

Il avait cogité et cogitait encore sur ce qu'il lui avait dit. Pour autant, la vie continuait de la même façon et Shannon avait une fierté démesurée, alliage solide de sang irlandais et colombien. Dans son appartement, il préparait son sac de voyage. Il devait arbitrer le match des Harpies contre les Frelons de Wimbourne à Cardiff. Shannon avait un portoloin pour dix-huit heures et s'il y avait bien quelque chose pour lequel il était à l'heure, c'était bien ça. S'il ratait son portoloin, on lui avait déjà fait remarquer qu'il n'en aurait pas d'autres, et que s'il ratait un match pour cette raison si déraisonnable, il serait renvoyé. Autant dire que son ego ne saurait supporter une telle chose. Quitter son travail, ça allait, se faire virer parce qu'il n'était pas ponctuel, par contre... Qui aurait pu croire que ce serait la seule chose qui le rendrait ponctuel, hein ? Il balança ses protèges genoux, dans le sac, accompagnés de sa brosse à dent, d'un tube de dentifrice et de quelques fringues avant d'entendre qu'on toquait à sa porte. L'irlandais ne s'attendait pas franchement à trouver Athos sur le pas de son appartement.

Il ne le salua même pas en retour.

Shannon n'était pas d'un naturel rancunier mais il ne fallait pas non plus dire qu'il était connu pour faire le premier pas.  Les excuses d'Athos eurent le mérite d'être sincères. Il savait bien que son meilleur ami n'avait pas l'excuse facile et il hocha raidement la tête. La phrase suivante eut néanmoins le mérite de le faire s'esclaffer, au moins un peu. L'excuse était peut-être acceptée, mais les mots restaient ancrés dans sa tête. « Jt'en rachèterai une, de montre. Mais pas sûr qu'elle vaille aussi cher. Je peux pas te payer un verre ce soir parce que j'ai un portoloin à prendre pour Cardiff, mais si tu veux quand je reviens du match... ». Shannon laissa la phrase en suspend. Ils auraient bien le temps de se voir pendant le week-end de Pâques, non ?


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