Cher Marius,

N’étant déjà plus aussi présente à la crèche que je le souhaiterai, je ne suis de fait plus aussi présente à ton cher pub. Un fait bien regrettable, tu ne trouves pas? Dans la même réflexion je me suis rendu compte que notre dernière soirée tous les deux sur le canapé commence à dater. J’admets que la présence d’Amelia ne m’incommode en rien mais elle peut être déstabilisante pour nos petites habitudes. J’ai donc pensé, si tu es disponible bien entendu, que nous pourrions varier très légèrement?

Je m’explique. J’ai repéré une salle dans Londres qui projette “Mort sur le Nil”, une adaptation d’Agatha Christie. Il est sorti le mois dernier et nous n’avons pas réussi à trouver un moment pour aller le voir. Les horaires sont un peu difficiles, tu t’en doutes. Mais j’ai terriblement envie de le voir, s’il-te-plaît, viens avec moi! On fera ça comme avant, pop corn et un bon chocolat chaud en rentrant?

Dis-moi vite ce que tu en penses, je suis sûre que ça peut être très sympa comme petite virée.

A très vite.

Soyle

Mon cher Marius,

Je suis sincèrement désolée de savoir que je peux manquer ainsi à ton équipe. J’avais pour ma part été un peu plus optimiste, comme souvent j’imagine. Je compte sur toi pour transmettre mes salutations à Doyle et lui assurer qu’il aura double dose lors de ma prochaine visite. J’espère cependant que René n’organise pas grand chose, c’est une attention absolument adorable mais si il commence dès maintenant je ne sais pas ce que cela va donner après la naissance de ce bébé si attendu! Tu l’embrassera tout de même pour moi s’il-te-plaît. Si la décision n’a pas été très simple à prendre, je dois reconnaître qu’un peu de repos nous a soulagé le bébé et moi. Nous sommes à nouveau en grande forme, je te rassure.

Je me réjouis par avance de pouvoir retrouver nos habitudes de cinéma, cela faisait en effet un moment. Je te confirme donc avec plaisir la séance de lundi soir, 20h.

Quand au fait d’aller dîner avant c’est là encore avec un grand plaisir. Rien qu’à l’idée j’ai senti mon petit passager s’agiter comme un fou! J’ai bien envie pour cette fois de te laisser décider, je te pense tout à fait capable de me surprendre. Je suis tout à fait sûre de tes goûts mon ami et te laisse faire selon ton envie. Je crois que je peux dévorer un peu tout en ce moment…

Je t’embrasse.

Soyle

Mon cher Marius,

A mon tour comme chaque année je t’envoie mes meilleurs sentiments pour te souhaiter un très joyeux anniversaire. A mon tour également il me semble que je dois prendre quelques instants pour aller remuer nos plus jeunes années. Celles où tu as été installé d’autorité comme mon oncle, où il devenait presque une habitude de venir te voir pour que tu puisses plumer Papa aux cartes et avoir droit aux remarques de Maman sur les cigares si mauvais que tu as toujours cette fâcheuse habitude de fumer. Je te parle de ces petites choses pour ne pas trop répéter nos affaires secrètes de bonbons et crêpes. Après tout, c’était notre secret à nous deux, tu avais promis aussi. Et en ce moment je ne peux pas m’empêcher d’imaginer que dans quelques années tu verras à nouveau ce schéma se répéter. J’ai cru voir jusqu’à présent que tu n’étais pas contre, mais mon cher Marius, je tiens réellement à te voir prendre une place dans la vie de cet enfant qui s’annonce. Et je profite de ce jour pour t’en faire plus clairement la demande.

C’est assez il me semble de sentimentalisme pour cette lettre mon cher oncle, je vais me contenter de te souhaiter à nouveau un très joyeux anniversaire. J’espère tout de même que mes petits cadeaux pourront te plaire. C’est sans doute peu comparé à ce que tu m’as accordé comme folies pour mon anniversaire, mais tu sais que c’est un cadeau du coeur.

Je suis prise ce soir malheureusement, mais peut-être puis-je te proposer de passer dans une jour ou deux pour te redire tout cela de vive voix?

Je t’embrasse bien fort.

Soyle

La lettre arrive avec deux petits paquets. Le premier contient un cadre décoré de fleurs des champs peintes à la main, abritant une photo de la jeune Eupraxia d'environ cinq ans accompagnée de Soyle qui la gardait ce jour-là. Les deux sourient largement à l'objectif et semblent même avoir prévu déjà à ce moment qu'elles finiraient sous les yeux du vieux cracmol dans ce cadre. Le second paquet contient une pochette de costume noire avec un vivet doré très détaillé brodé sur un coin. Un petit rappel que Soyle avait trouvé amusant et assez simple à dissimuler si il le décidait.

Mr Draven,

Il m’a semblé entendre que vous aviez aujourd’hui quelque chose à célébrer. Pour tout te dire la rouquine t’as un peu vendu. Y compris sur le détail de l’âge. Mon pauvre petit vieux. Je vais tout de même me permettre de te souhaiter un bon anniversaire. Allez je vais admettre tout de même que j’ai peut-être eu en tête cette date par moments. Mais c’est bien pour te faire plaisir.

Ne t’attends pas non plus à de grands discours, tu sais que ce n’est pas mon truc. C’est toi le beau parleur des deux. En revanche si tu es disponible je te propose une petite visite de ma part, un verre ou deux, allez disons une dizaine peut-être. Quelques mauvaises blagues également sans doute nous connaissant.

Je te dis donc à bientôt sans doute.

Bien à toi.

Yelena

Un peu plus tard dans la journée un paquet arrive sans signature ni indication sur l'expéditeur. Il contient un capteur de dissimulation emballé dans un papier rose à pois verts et un noeud rose fluo donnant un ensemble assez immonde.

Mon petit vieux,

Permet-moi de te dire que tes paillettes sont une abomination sans nom que je ne suis pas prête d’oublier.

Ceci étant dit, j’ajouterai qu’à l’heure qu’il est je suis non seulement parfaitement sobre, mais que certains ont même cette habitude étrange de travailler. Mon boulot? Et bien former de jeunes et naïfs étudiants. Tu sais, ceux que ta fille va rejoindre dans quelques années. C’est autre chose que se tourner les pouces dans un bar n’est-ce pas? Disons qu’on te le pardonne pour ton âge. Pas si mal non plus pour une femme si peu civilisée que je suis que de tenir ce rôle, tu ne crois pas? Quand à mon papier cadeau, c’était simplement pour que Doyle se sente moins seul, je le sais sensible ce brave garçon. Ne t’inquiètes donc pas pour mes capacités. Tu n’en a de toute façon pas grand usage.

Allez, admettons que je te passe ces fantasques remarques qui montrent pourtant si bien ton manque d’observation. Je me joindrais à vous avec plaisir ce soir si cela te convient. Avec mes paillettes dans les cheveux puisqu’il semblerait que l’idée t’amuse assez pour les rendre si difficiles à retirer.

A ce soir donc Marius.

Bien à toi.

Yelena


La lecture finie et telle une vengeance prévue avec autant de soin que de sadisme, un nuage d’une poudre rouge vif saute au visage du lecteur pour s’accrocher à ses cheveux (et sa barbe).

Marius,

N’ayez aucune crainte à mon sujet, je me porte à merveille. J’espère que vous pouvez en dire autant. Permettez-moi cependant de vous rappeler que je n’ai rien fait pour provoquer un tel sentiment en votre cœur. Mais laissez-moi vous assurer que me savoir associée dans vos pensés à ce genre de petites merveilles me plait tout à fait. Je vous connaît également une bonne connaissance de la chose, assez pour que la proposition soit en effet très attrayante. J’en profiterai pour vous demander comment un homme tel que vous a posé cet enchantement sur votre lettre. J’imagine déjà que vous ne répondrez pas à mes interrogations, mais peut-être cela vous inspirera-t-il une autre conversation.

Vous pouvez vous attendre à ma visite en fin de journée dès demain si cela vous convient. J’espère ne pas avoir sur-estimé vos connaissances en vins et leurs accompagnements.

Bien cordialement.

Elise Lerouge

Une goutte de son parfum a été déposée avec malice au bas de pas page, juste à côté de la signature, embaumant jusqu'à travers l'enveloppe.