Maât n'était pas le genre de personne à regarder par delà les fenêtres de son passé. Cela expliquait qu'elle ait attendu spécifiquement le mariage pour s'enfuir d'Egypte, au nez et à la barbe de son futur époux et de son père. Son père qui avait dû l'insulter avec tant de violence que tous ses ancêtres avaient dû en trembler. La jeune femme se fichait bien d'être la honte de ses aïeux, d'être la honte de sa famille ou la honte d'Alexandrie. Au Royaume-Uni elle se sentait heureuse. Différente, mais heureuse. Perturbée par les froides températures qui animaient le pays. Troublée par la gelée qu'elle apercevait çà et là sur les quelques terrains de cricket. Agacée, parfois, par certaines habitudes, il est vrai. La chaleureuse jeune femme qu'elle était se heurtait parfois à un mur de froideur qu'elle ne comprenait pas. Mais d'Egypte, Maât avait pu ramener quelques petites choses, des objets, sa théière par exemple. Ses cartes. Ses habitudes. Sa soeur, sans le vouloir... C'est justement à elle qu'elle pensait alors qu'elle débarquait dans la boutique emmitouflée comme jamais dans des couches de tissu qui ne parvenaient même pas à la garder au chaud. Maât avait froid, elle avait les pieds congelés par la neige qui était tombée sur Londres et la boutique qu'elle tenait avec Âamet faisait office de petit cocon africain pour elle. Dans un coin, un client semblait vaguement intéressé par des amulettes que la jeune femme avait faites elle-même. « Je préfère venir ici pour penser plutôt que de rester là-bas » répondit-elle énigmatiquement à sa soeur. Par "là-bas" elle entendait son appartement. Maât se baissa pour se saisir du papier qui avait volé jusqu'à ses pieds, le front barré d'une ride perplexe qu'on ne lui trouvait jamais. A dire vrai, la dernière fois qu'elle l'avait eu, c'était lorsqu'on lui avait présenté son vendeur de dragons africains. « Tu prends l'avion maintenant ? » fit la jeune femme en relevant son regard lunaire vers sa soeur pour lui tendre le billet. Elle avait très bien vu la destination. « Tu retournes voir papa et maman...? ». Les sourcils froncés, elle avait oublié qu'il y avait un client, de toute façon, les clients avaient souvent peur d'elle. Maât retira de ses épaules une épaisse cape, ainsi qu'un châle, avant d'enlever finalement un des deux pulls qu'elle avait en plus. Elle résista du mieux qu'elle le pu à l'envie de se mettre pieds nus. Elle ferait ça plus tard.