C'était le mois de Mai et les vacances étaient sur le point de se terminer. Un dimanche ensoleillé ou les élèves studieux travaillaient et les autres se baladaient dans le parc ou aux abords du lac. Les ASPICS arrivaient à grand pas, et était l'excuse rêvée pour Daisy et ne pas avoir à rentrer chez elle pendant les vacances était une bénédiction. Elle se plongeait d'ailleurs à corps perdus, oubliant tout..ou presque.. dans les bouquins, les théories, les ouvrages de mille pages...

Voilà plus de deux heures qu'elle travaillait sur ce maudit devoir d'arithmancie lorsqu'elle aperçut Neil dans les allées de livres. Ils ne s'étaient pas reparlés depuis leur dispute dans la grande salle, et il fallait dire qu'elle n'y était pas allée avec le dos de la cuillère. Elle ne regrettait pas ses paroles, puisqu'après tout il était impur. Ce qu'elle regrettait le plus c'est qu'il lui ait menti pendant tant d'années sur son sang. Comment avait-il pu lui faire ça ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Avant qu'ils deviennent amis, avant qu'elle ne s'attache à lui ?

Tendue, elle se dirigea dans l'allée parallèle et entre la rangée de livres qui les séparaient le salua d'un timide "Salut". Seuls ses yeux dépassaient au dessus des livres mais on pouvait lire en elle une grande déception mais aussi une certaine tristesse....

Un simple salut presque indifférent fit écho au sien. Quelques longues -très longues- secondes filèrent entre les deux élèves sans qu'aucun n'ajoutent rien. Finalement Daisy brisa le silence d'un chuchotement :

- ça fait longtemps ..........

Une phrase en suspens.. sur un ton monocorde. La blonde vipère n'osait pas articuler ce qu'elle voulait lui dire. Excès de fierté, manque d'humilité. Elle ne le quittait pas des yeux, réfléchissant aux mots qui ne sortaient pas de sa bouche. Tout doucement, la jeune femme saisit un livre de l'étagère à hauteur de leur visage, de façon à en voir un morceau vertical du sien. Elle fit mine de l'ouvrir devant elle, alors qu'elle se moquait totalement de ce qu'elle venait de prendre puis dit :

- Il arrive parfois que certaines paroles dépassent les pensées ....

Une généralité pour parler de leur cas particulier... pourquoi pas .... Lui répondrait-il ou attendrait-il d'en entendre un peu plus ?


(je kiff ta citation dans ta signature )

-Tu as raison.. je dis toujours ce que je pense.. Acquiesça-t-elle d'un ton toujours implacable.

Neil était sur la défensive, et ne semblait pas vraiment prêt à l'écouter. Tournant machinalement les pages de l'ouvrage qu'elle portait, Daisy reprit à sa dernière remarque :

- Si j'avais voulu t'enfoncer, ce serait déjà fait, Neil.

Ça sonnait presque comme une menace si on y regardait de plus près, mais on n'oublie pas une aussi longue amitié en battement de cils. Fixant ses yeux sombres, le visage de Daisy semblait mêlé d'expressions antagonistes, car ce qu'elle s'apprêtait à faire était un geste surhumain pour la ténébreuse vipère qu'elle se complaisait à être.

- Je .... hésita-t-elle un instant .... suis ....-difficile à dire, hein- ..... désolée.....

Effort exceptionnel, exprimé à voix feutré, entre eux d'eux et cette allée de livres.

Si au départ, Neil ne cacha pas sa surprise, il finit par lui offrir un sourire aimable qui l'apaisait en un instant. Ils avaient été amis et cette amitié dépassait de loin les convictions de sang. Malgré tout, conditionnée depuis 17ans, le visage de Daisy se referma comme une huitre, ne laissant deviner que les sombres regrets qui l'assaillaient. Ce dégout qui l'envahissait n'était le fruit que du prosélytisme parental et la jeune femme n'arrivait pas à s'en défaire.

En un instant son regard d'un ciel d'été se transforma en un ciel d'orage, même si ses excuses lui allaient droit au cœur. Le silence s'installa et seul le bruit d'un livre les ramena tout deux à leur conversation. Froide, elle écouta sa question et lui répondit :

- Je tenais à te dire au revoir de vive voix......... Nous ne pouvons plus nous fréquenter.......

Leurs routes se séparaient ici et Daisy tenait personnellement à ce qu'ils aient des adieux courtois, sages, calmes, dignes de leur amitié. Le septième année referma le livre avec une triste douceur et ses mains se crispèrent sur la couverture. Les lèvres plissées elle n'argumenta pas plus et reposa l'ouvrage à sa place, cachant ainsi son visage à son interlocuteur.

Le bouquin tomba à ses pieds et elle accueillit sa tirade d'un air farouche. Ces derniers temps elle perdait tout. Bobby.. Orchid, ses sœurs et à présent Neil. Sa dernière phrase Tu te retrouveras seule un jour, à cause de ça... lui fendit son cœur déjà morcelé. Les gens se détournaient d'elle...Ou plutôt, les éloignait-elle toute seule pour ne pas les faire souffrir. Elle était un fardeau, un poids.. une erreur de la nature dont les choix n'étaient qu'illusion. La jeune femme fixa le serpentard, le regard vide qui se raviva au moment ou il lança son accusation.

- Mais qu'est ce que tu racontes ? Finit-elle par articuler le plus doucement possible...

Indignée, mais aussi surprise d'avoir été percée à jour, Daisy se décala de façon à ce que son visage soit de nouveau caché par la rangée de livre :

- Je ne veux plus te voir, tout simplement. Tu m'as menti ! Au moment même où tu m'as caché ton ascendance, tu as scellé notre amitié !! TU es responsable de notre chute, Neil !!

Pirouette destinée à changer les rôles. Qui était la victime et qui était le responsable ?

Comment lui dire qu'elle tenait à lui sans renier tous les principes dans lesquels elle avait été élevée ?
Ancré en elle, le dogme de Salazar empêchait les véritables émotions de Daisy de voir le jour. Touchée par ses paroles, mais pas assez pour réagir favorablement, Daisy se referma et ne put articuler aucun mot. Ni même à son accusation d'ailleurs.
Lorsqu'enfin il arriva dans son rayon, lui faisant face, le repousser devenait plus difficile encore. Et finalement elle finit par lui dire sans se dégager :

- Je suis à un tournant de ma vie. Dans deux mois, j'aurais 18 ans et je serai mariée.Je quitterai Pourdlard pour de bon et tout ce qui va avec, amis, uniforme, cours...

Ses yeux bleus toujours plongés dans les siens, elle continua avec fatalisme:

- On ne se verra plus de toute façon..

-Eh bien c'est tant mieux, car je n'aurais pas supporté d'avoir une personne telle que toi dans mon entourage.

Voilà ses dernières paroles qui claquèrent comme un coup de fouet. Daisy était en train de tout perdre, petit à petit. Un fossé qu'elle se creusait tout autour d'elle-même, comme une tour haute et froide, inatteignable et solitaire, bientôt inaccessible. Vous pourrez dire qu'elle mérite ce qui lui arrive, qu'elle n'a récolté que le fruit de sa méchanceté..Mais saurez-vous voir au-delà ?

Ses pupilles d'un gris d'acier le regardaient partir, sans ciller, sans laisser transparaitre une seule émotion. Était-elle devenue réellement celle dont elle montrait l'image ?
Elle était Daisy Blackstone et la tristesse, la frustration et la rage intérieure qui sommeillaient en elle venaient d'éteindre la dernière étincelle d'espoir et d'humanité.


(Sujet clos, merci mon petit Neil chéri pour ce sujet )