Minerva accueillit la fin de la journée avec soulagement. La jeune sorcière se mordait les doigts d'avoir choisi l'option runes, bien consciente de n'avoir aucun talent en la matière. Et cerise sur le gâteau, le professeur Warlow n'était pas femme à se laisser amadouer facilement. Elle soupira, cherchant de ses jolis yeux un brin de réconfort. Sa trousse à maquillage tomba de son sac, étalant ainsi toutes ses richesses. Merlin merci la vielle bique avait le dos tourné et Minerva en profita pour ramasser ses affaires en toute discrétion. Ces 2 heures avaient été assez éprouvantes pour que l'enseignante en rajoute une couche.

Alex. Le bout de parchemin, tout froissé, et jeté dans son sac de cours, mais entraîné par la fuite de la trousse de maquillage, attira immédiatement son attention. Elle fronça les sourcils, le prit entre ses mains et le fourra dans la poche de sa chemise. Au moins à cet endroit il faudrait littéralement lui passer sur le corps pour aller lire ce fichu message. Alshaïn était dans un coin mais Minerva lui fit signe de ne pas l'attendre. La curiosité l'emportait toujours sur ses principes. Sa cousine partie, la rouquine prit tout son temps pour ranger ses affaires. Le professeur Warlow finit par se retourner, lui jeter un regard glacial qui décida l'adolescente à déguerpir de cette salle de cours.

Cohen était là, à peine plus grand qu'elle et attendant tranquillement son arrivée. Elle lança des regards suspicieux tout autour d'elle avant de se décider à faire un pas en sa direction, rejetant en arrière sa longue chevelure qui s'écoulait paisiblement le long de son buste.

Sans dire un mot la rouquine accepta de s'isoler dans un couloir proche où toute la discrétion recquise leur serait offerte. Quoique ce Cohen ai à lui dire de si important Minerva ne voulait surtout pas que leur conversation tombe entre de vilaines oreilles.

« Tu t’en sors, en runes? » Elle haussa un sourcil, une main sur ses hanches, l'autre jouant encore et toujours avec sa longue crinière rousse avant de lâcher d'un ton résolument agacé :

- C'est de ça que tu voulais me parler Cohen ? Et puis, avec son air horriblement naturel de pimbêche, elle cessa de s'intéresser à ses cheveux pour jeter un coup d'oeil à ses longs ongles, parfaitement manucurés et vernis d'un rouge vif. Bon, tu m'excuseras mais j'ai des choses à faire.

Ce garçon lui faisait perdre son temps. A croire qu'elle, Minerva Moon, avait assez d'espace libre dans son emploi du temps pour satisfaire les caprices d'un petit plaisantin! Mais enfin, elle avait assez entendu parler du gus pour se méfier de ses petites surprises. Ce Cohen était sans gêne et bien capable de ruiner sa réputation. Rien que d'y penser elle frissonna, imaginant le pire.

Clairement il n'avait rien de signifiant à lui raconter. Surement un défi stupide entre garçons qu'il s'était fait un honneur de relever et dont elle faisait les frais. Loin de se douter des tenants et des aboutissants, Minerva lui lança un regard méprisant, le regard hautain, prête à tourner les talons et retourner vaquer à ses occupations. C'était encore ce qu'il restait de mieux à faire en espérant ne pas croiser quelques-uns de ses camarades vert et argent. Mieux valait éviter toute source de conflits car il régnait une excitation malsaine dans la salle commune qui avait le don de la rendre nerveuse.

« C’était une manière comme une autre d’engager la conversation… Enfin… je n’utiliserai pas trop de ton… » Il s'interrompit et son regard suivit naturellement le sien. Et bien quoi ?! N'avait-il jamais vu des ongles soigneusement entretenus, chouchoutés et méticuleusement vernis ? Elle lui rendit son regard, fort de son indifférence. La rouquine savait très bien ce qu'il pensait. Minerva fit comme si de rien n'était.

«… temps si précieux… T’as entendu parler d’un Médicomage appelé Mark Cohen? » Ses sourcils se froncèrent et elle cessa immédiatement de jouer avec ses cheveux. Sa gorge se noua et son visage se transforma en un masque de froideur.

Bien sur qu'elle se souvenait de Mark Cohen. Minerva n'était pas le genre de fille à oublier facilement un nom et encore moins un visage, en tout cas pas dans ces circonstances là. Elle avait aperçu une fois le Dr Cohen et ça avait été suffisant pour que le souvenir de son visage se loge quelque part au fond de son crâne. C'était le médicomage chargé de soigner Morgan Moon après son bref passage à Ste-Mangouste.

- Oui, c'est ton père, et alors ? répondit-elle méfiante, son regard dur fixant Alex sans la moindre trace de niaiserie.

Passer pour une écervelée de premier choix ne dérangeait pas MInerva. Bien au contraire, ça l'arrangeait. Elle le savait et en jouait. Certaine de ses charmes sans jamais s'abaisser à la vulgarité, la rouquine assumait son penchant vertigineux pour les belles choses. Quoi de plus naturel après tout ? Ne lui avait-on pas accordé très tôt tout ce qu'elle souhaitait ? N'avait-elle pas été élevée dans une famille plus qu'aisée aux richesses multiples ? Etre considérée par beaucoup comme une petite poule de haute-cour arrogante arrangeait ses affaires. Au moins très peu la soupçonnaient de plus et attribuaient ses bons résultats à ses minauderies. Libre de se laisser aller à ses petites expériences personnelles derrière son masque, Minerva rayonnait.

Pourtant son masque de pimbêche pouvait chuter très vite et se briser en mille morceaux pour y dévoiler la véritable personnalité bien plus forte, réfléchie et intelligente qu'elle ne le laissait paraître. Et cette Minerva, la véritable Minerva n'aimait pas la tournure que prenait leur conversation. Dès le début c'était louche. L'histoire était bien ficelée, connue de pas mal. Alex Cohen ne pouvait pas se voir Brionan O'Shea et inversement. La dernière racontait pis que pendre sur le compte de Cohen et naturellement, Moon, bonne copine de O'Shea se retrouvait parfois coincée entre des échanges houleux. Alors pourquoi par Merlin ce garçon voulait lui causer en privé ? Qu'avait-il de si important à lui dire ?

Quelque chose ne tournait pas rond. La jolie rouquine flairait l'arnaque, tous ses sens en alerte, son instinct féminin aiguisé jouait avec ses tripes et ses nerfs.

« Oui c’est vrai, c’est mon père, » Avant même qu'il ouvre la bouche elle sut qu'elle ne voulait surtout pas entendre la suite. Parce que la suite elle commençait à faire le lien et recoller les morceaux du puzzle.

Mark Cohen, bien sur qu'elle le connaissait! Moon avait la mémoire assez développée pour ne jamais oublier un visage, et encore moins du médicomage qui avait soigné sa mère. Un sorcier qui lui avait laissé une bonne impression. Attentionné, délicat et d'une apparence flatteuse. Sur le moment ça ne l'avait pas marqué, mais en y repensant, elle se souvenait avoir éprouvé de la bienveillance et de la gratitude envers ce médicomage.

« Enfin… paraît que ta mère s’entend bien avec lui, non? » Elle avala de travers sa salive, ses yeux plissés l'espace d'un bref instant se réduisant à une fente glaciale sondant l'âme de Cohen pour ensuite croiser les bras sur sa poitrine. Non, clairement, elle n'aimait pas la tournure que prenait leur conversation et encore moins le ton léger de l'adolescent.

- Ton père est payé pour s'occuper de ses patients, elle avait balancé ça avec sa moue arrogante, celle qui signifiait pour interlocuteur en plein dans le mille. Alex saurait-il déchiffrer ses expressions ? En attendant elle donnait l'image d'une fille insupportable et plus désagréable encore qu'une vieille goule enragée. - Et d'ailleurs il a eu de la chance, ses yeux se plissèrent à nouveau, signe cette fois que sa langue se transformait en lance, un sorcier comme lui n'est pas autorisé à soigner une Moon.

Minerva n'était guère convaincue de la doctrine pure et dure des Moon. Le sang, quelle importance ? Avoir le sang de sorciers purs de toute alliance moldue ne la rendait pas meilleure. Et d'ailleurs cette manie de copuler entre cousins finirait par éteindre leur race, elle en était convaincue. Mais pour l'heure ses principes de justice et d'équité n'avaient pas droit de citer tant elle se sentait d'humeur mesquine. Elle s'en voulut aussitôt d'avoir parlé avec tant de méchanceté, mais c'était sorti comme ça, de façon très spontanée.

Pour une raison qui lui échappait encore Min brûlait de pourrir Cohen autant que possible. Rien que sa tête lui inspirait des idées pas très catholiques.

Une toile d'araignée, mortelle, se tissait autour d'elle. Ne sentait-elle pas ses pieds perdre le contact avec le sol, hésiter sous l'incertitude de ce piège ? Il se tramait quelque chose de mauvais. L'air en était plein et aussi certainement que l'hiver a sa propre odeur celle-là ne lui échappait pas. Dès le début ça n'avait pas été net. Maintenant qu'elle éprouvait une colère noire envers Cohen, le poil hérissé avant même qu'il ne lui balance la vérité en pleine face, le puzzle prenait forme dans son esprit. Certes le sentier était pavé de doutes et de mensonges, mais au fond personne ne connaissait mieux Morgan Moon que sa propre fille.

« Eh bien, pour ta gouverne, Moon, » Elle se raidit instinctivement, la cambrure bien nette, la chevelure enflammée et le regard à la fois grave et insolent telle une guerrière prête à faire gicler le sang de ses ennemis. Elle n'allait pas le ciller, jusqu'au bout, et rien que parce qu'elle sentait la guerre des nerfs venir Minerva posa ses deux mains sur ses hanches, ses longues griffes rouges plantées dans sa chair. L'adolescente en cet instant de rage et son sang, porté à ébullition emplissait l'air d'un quelque chose insaisissable. C'était comme si la peur, la colère, l'angoisse libéraient la véritable Minerva, celle-là même capable de tout affronter la tête haute.

« Mon père et ta mère sortent ensemble. »

Et BAM! Impossible, impensable... Minerva en resta bouche bée, perdant tout à coup de sa superbe. Ses ongles s'enfoncèrent encore plus dans sa chair jusqu'à s'en mordre les doigts. Une haine comme elle n'en avait rarement éprouvé jusque-là l'embrasait soudain. Elle voulait le tuer, lui arracher la langue, lui crever les yeux, lui lacérer la peau, lui ôter tout jusqu'à son âme...

« Merci. Bonsoir. On se reverra à Noël, demi-sœur…, »

Tout son corps allait imploser. Elle tremblait de rage comme une misérable feuille livrée au vent d'hiver. En elle explosait une boule de flamme prête à tout brûler sur son passage. C'était une mixture noire de sentiments négatifs. Alex lui tourna le dos déclenchant au passage sa fureur. Sa main se crispa soudain sur sa baguette, tout son bras tremblait, la pointe de la baguette magique s'élevant soudain en l'air tandis qu'elle criait entre ses dents :

- Menteur! Ordure! Tu n'es qu'un sale rat Cohen! Tu mens! Tu mens! Bouse de troll dégénéré! Chaudron de fientes! Comment oses-tu salir le nom des Moon ?! Tu ne sais pas à qui tu t'adresses! Je pourrais te faire disparaître en un claquement de doigts pauvre crétin que tu es! Jamais! Tu entends ?! Jamais! Plutôt crever! Vieille goule défraîchie! Sang-mêlé!

Hystérique, elle crachait ses paroles en agitant sa baguette dont la pointe brûlante de rage lançait des flammèches en tous sens. Ses bras s'agitaient à chaque insulte. La rouquine semblait prendre de la hauteur à vue d'oeil. Une aura de puissance se dégageait d'elle, comme si en l'arrachant à sa réserve Alex entrevoyait le potentiel magique sommeillant en la sorcière. Elle ne hurlait pas, mais sa voix se faisait grave et méchante.

Elle s'étouffait avec sa propre rage, ne sachant plus quelle méchanceté inventer et le lui balancer aussitôt au visage. Il n'avait pas le droit, d'ailleurs personne n'avait le droit de proférer de tels mensonges à l'encontre de sa famille. Elle se sentait grandir, gronder, prendre de la hauteur, toiser ce misérable et le réduire en cendre d'un regard foudroyant. Minerva n'était plus qu'un magma brûlant, dévastateur, sourd et aveugle à toute raison prêt à répandre le malheur sur son passage. Il en allait de son honneur, de sa parole de ne pas laisser passer une telle provocation.

Jamais une Moon, encore plus sa propre mère ne s'abaisserait à entretenir de relation intime avec un vulgaire médicomage. Comment une Moon, une sorcière de si haute naissance en oublierait ses origines à ce point ? Mrs Moon avait beau être une femme tolérante et plutôt modérée, il n'empêche que Minerva ne pouvait s'imaginer une seule seconde sa m!ère tenter aussi imprudemment le diable. Si ce mécréant, incapable de tact et d'honnêteté osait lui balancer à la face de tels mensonges qui sait ce qu'il pouvait bien raconter dans son dos ?

« [Garde ta] langue fourchue derrière [tes] dents ! Je ne suis pas passé par le feu et la mort pour échanger des paroles malhonnête avec un vil serpent ! »

Ces propos ne la firent qu'enrager de plus belle et agiter sa baguette avec plus de véhémence encore. La rouquine brassait assez d'air désormais pour faire voguer un voilier et ses joues étaient si rouges qu'on eût dit un masque à la tomate mûre.

Elle s'était toujours imaginée avoir sa mère rien qu'à elle. Le partage ne faisait pas partie de son vocabulaire. Exclusive, possessive, le bonheur de l'une ne pouvait entraîner que le malheur de l'autre. Il n'y avait pas de place pour un homme et il n'y en aurait jamais dans son esprit. Mère dévouée au bonheur de sa fille, jamais les deux Moon n'avaient évoqué la possibilité d'un remariage. Après tout rien n'était encore perdu pour Morgan. Elle n'avait certes plus dix-sept printemps, mais sa beauté n'avait pas fané et l'âge lui avait apporté une indépendance précieuse. Heureuse dans sa bulle, Minerva s'était figurée ne jamais avoir à subir l'ombre du partage. Et voilà que ce maudit Cohen osait troubler son équilibre!

« Bon. Maintenant que tu ne risques plus de m’éborgner avec ta baguette et que tu sembles un peu plus calme, je peux savoir ce qui t’a mise dans cet état? Ça change quoi honnêtement pour toi que ta mère et mon père se fréquentent? Au contraire, tu devrais être heureuse pour ta mère, car tu sais quoi? Elle, elle l’est. Elle est même plus : elle est amoureuse. Et puis moi, j’ai rien à voir là-dedans. Je ne suis que le messager. Ahhh, mais j’oubliais… Les gens vont jaser, c’est ça? Hon… Et alors?!? Ça change quoi dans ta vie ce que les autres peuvent bien penser de toi ou de ta mère? Tu vas passer ta vie entière à t’interroger sur ce que diront les autres à chaque fois que tu poses un geste ou que tu sors une phrase? Ma pauvre fille… c’est vraiment désolant. »

Trop occupée à le maudire, Minerva en avait oublié la prudence élémentaire! Elle n'était pas la seule à avoir une baguette magique. Cohen lui en fit la démonstration. Un poids sembla la quitter. Son joli minois retrouva sa douceur et ses bras cessèrent leur grands gestes désordonnés. Elle se sentait toute chose, partagée entre l'envie de se laisser aller à cette sensation de légèreté et l'impression de ne pas tout à fait être à sa place, ou plutôt dans son assiette.

- C'est facile pour toi de tout prendre du bon côté, le ton était léger, elle planait même mais sa rancoeur, trop forte pour être tue parlait, Tu ne sais pas ce que ça implique d'être un Moon, tu ne vois rien, tu ne réfléchis pas aux conséquences.