Le ciel était bleu, les oiseaux chantaient et une chaussette trainait juste devant le nez de Gideon. Ce n'était même pas la sienne mais heureusement, elle avait l'air propre. Il l'attrapa du bout des doigts tout en s'étirant dans son duvet et l'envoya valser sur le duvet à côté un mètre du sien, là où la touffe de cheveux de Fabian dépassait à peine. Pendant la nuit, il avait fait un drôle de cauchemar où son meilleur ami était poursuivi par une chimère qui avait la tête d'un hippogriffe et le corps du directeur et lui, il regardait la scène depuis un fauteuil de glace à la citrouille qui ne fondait pas. Effrayant, vraiment. Il étouffa un grand bâillement derrière une main et repoussa des pieds les couvertures qui lui tenaient trop chaud.
Cela ne faisait que quelques jours que les vacances avaient commencé mais à l'exception des cours, il avait l'impression d'avoir toujours le même rythme de vie qu'à Poudlard. Il voyait presque tous ses amis et même ses ennemis. Il dormait toujours à côté de son petit frère et il se sentait la même insouciance qu'à Poudlard. Le camp avait été une véritable surprise, une dernière chance pour Gideon de vivre son adolescence avant d'être vraiment un adulte.
Il se leva et donna un léger coup de pied contre la masse inerte que formait son petit frère. Un grognement mécontent s'échappa de dessous les couvertures puis ce fut tout. Gideon se prépara rapidement dans la cabane et fila prendre un bol d'air frais dehors avant de prendre un bol de porridge à la cantine. Le camp était comme un véritable petit village où toute une société organisée se montait petit à petit, c'était vraiment une expérience incroyable. Aujourd'hui, il avait prévu d'aller à la fête foraine de Flaneuse-la-Doxy et pas avec n'importe qui... Avec Deidre. Il lui avait proposé la veille lors du repas et ils s'étaient mis d'accord pour se retrouver là-bas dans la matinée. Fabian s'était moqué de lui quand il lui avait annoncé, heureux comme jamais, que le lendemain, il passerait du temps avec la jeune poufsouffle. Les rôles du grand-frère et du petit-frère s'en étaient retrouvés tout bouleversés. Il se rendit donc, dès son petit-déjeuné pris, au village voisin du camp et attendit près de l'entrée de la fête foraine. Gideon avait du mal à l'accepter mais il était un peu nerveux à l'idée qu'elle ne vienne pas.

Et soudain ce fut le noir. Deux mains se posèrent sur ses yeux et une petite voix lui demanda de deviner qui c'était. Pas dupe pour deux mornilles, Gideon fit tout de suite le rapprochement avec Deidre mais décida de faire durer le moment quelques secondes en plus. Autant profiter de l'instant de spontanéité de la miss.
« Laisse-moi réfléchir... Comme ça, je dirais Poufsouffle... Oui, oui Poufsouffle, c'est indéniable. Et ça sent le soleil. Le soleil d'Espagne... »
La jeune fille était toujours aussi rayonnante qu'un soleil et même s'il savait que Deidre n'avait jamais voyagé en Espagne, tout le monde ou presque connaissait ses origines. Elle utilisait pleins de mots espagnols et Gideon ne comprenait pas la signification de la moitié au moins. Lui, il parlait juste anglais.
« Est-ce que ça serait... Mandy Smith ? Oh non, peut-être Eris... Non Harmonie Williams ! »
Un grand sourire ornait son visage pendant qu'il tentait de taquiner Deidre. Il aurait bien voulu être une souris témoin de la scène pour voir sa tête. Finalement, il décida qu'il l'avait assez faite languir comme ça et il posa ses propres mains par dessus celles de la jeune fille, toujours sur ses yeux, avant de se retourner vers elle.
« Deidre ! »
Il retira les mains de ses yeux bleus et sourit encore plus.
« J'avais deviné... » précisa-t-il l'air de rien.
Gideon détailla la tenue de Deidre, une jolie robe verte accessoirisée de bijoux jaunes. Sur n'importe quelle peau pâle de n'importe quelle anglaise, ça aurait surement fait très étrange, mais sur la peau bronzée de Deidre, rappel de ses origines espagnoles, c'était assez joli. Enfin bon, elle aurait pu être habillée d'un sac de pomme de terre avec des plumes d'hippogriffe dans les cheveux que Gideon aurait quand même été en admiration devant elle. Il parait que l'amour rend aveugle.
« Jolie robe ! Comment ça va ? »

Gideon était ravi que Deidre soit allée en Espagne. Elle en avait l'air vraiment heureuse et il ne doutait à aucun moment que ce fut magique. Gideon n'avait que rarement voyagé en dehors du Royaume Uni, il aimait tellement son pays, mais il y avait deux ans de cela, il était allé en France puis en Italie. Découvrir d'autres pays était toujours une expérience incroyable et enrichissante. Un jour, il irait en Amérique découvrir le nouveau monde, il en rêvait secrètement.
« J'ai passé deux jours avec ma famille et puis je suis tout de suite après arrivé au camp. »
Ses parents se sentaient rassurés de savoir leurs deux fils sous la direction de Dumbledore, comme à Poudlard. Bien sur, Fabian et Gideon leur manquaient toute l'année mais ils ne passeraient pas toutes les vacances ici. "Merci ! Bien sur que je t'aiderai si tu veux... Enfin, je promets rien." Il avait toujours été bon élève et avait eu de très bons résultats à ses ASPICS pour les huit matières qu'il avait passé. Le jeune homme aurait aidé Deidre autant qu'elle le voulait seulement il craignait de ne plus la voir que rarement à partir de septembre, il le regrettait énormément. Quand il sentit la main de la jeune fille se glisser dans la sienne, une bouffée de chaleur réchauffa son cœur, lui faisant rapidement oublier qu'il ne pourrait plus lui parler autant qu'auparavant l'année prochaine. Elle semblait s'émerveiller de tout et Gideon lui, s'émerveillait de la voir si joyeuse. Dans cette fête foraine et aidé par le comportement de la poufsouffle, il avait l'impression de retomber en enfance. Elle l'entraina soudainement vers une maisonnette de bois et leur acheta deux pâtisseries que Gideon ne connaissait pas.
« Qu'est-ce que c'est ? »
Il croqua dans le gâteau, écoutant les explications de Deidre. Quand elle parla de cheveux d'ange, il imagina aussitôt des chérubins blonds comme les blés que l'on tondait. Elle sembla percevoir son étonnement car aussitôt, elle lui expliqua l'expression. En tout cas, c'était drôlement bon et jamais il n'aurait pensé à en gouter si Deidre ne l'y avait pas invité. Il devrait penser à demander la recette, sa mère devrait pouvoir en faire aussi pour convertir toute la famille à ces savoureuses pâtisseries.
« C'est délicieux ! Comment ça s'appelle déjà ? »

« Tout le monde va bien chez moi ! Et toi ? »
Il oubliait de préciser que Fabian et lui s'étaient disputés il y a quelques jours à peine et que son père travaillait encore plus que d'habitude ce qui donnait des cheveux blancs à sa mère. Quand à Molly et Arthur, ils semblaient heureux dans leur vie de famille mais il se faisait toujours du soucis les concernant. Gideon n'était pas vraiment du genre à se confier sur ses doutes et ses inquiétudes. Il tentait de garder la face, si bien que les Prewett paraissaient souvent être une petite famille comme tout le monde en voudrait.
Deidre sembla lire les pensées qu'il avait eu un peu avant puisqu'elle lui proposa la recette des ensaimadas, il accepta d'un hochement de tête en finissant sa pâtisserie. A peine avait-il englouti sa dernière bouchée qu'elle lui attrapait à nouveau la main. Il fut à nouveau agréablement surpris par ce geste mais il savait qu'il pourrait très vite s'y habituer. Elle le mena jusqu'à un petit manège et il se laissa guider, devenu son pantin bien volontiers. Il souriait en la regardant prendre deux places sans même leur laisser le temps de respirer, pour ensuite s'installer dans une des soucoupes et il se promit que la prochaine fois, ce serait à son tour de choisir et de prendre les places. En attendant, il s'amusait de la bonne humeur inébranlable de la jeune femme, discutant en attendant que le manège commence. Alors qu'il démarrait doucement mais surement, la réplique de Deidre fit sourire encore plus Gideon. Il était totalement d'accord pour qu'elle se serre contre lui autant que ça lui plairait.
Le manège prit de la vitesse, entrainant par la même occasion les rires de Gideon. Sans qu'ils ne puissent vraiment le contrôler, ils se retrouvèrent tous les deux à glisser sur le côté de leur banc et de ce fait, ils se retrouvèrent serrés l'un contre l'autre. Finalement, il n'aurait pas à espérer qu'elle ait peur. Imitant les autres personnes assises dans d'autres soucoupes, il leva sa main et celle de Deidre dans les airs et se laissa entrainer par l'euphorie du moment pour s'époumoner en cœur avec les autres sorciers. Malheureusement, après quelques tours en avant, en arrière, plus ou moins vite, le tour de manège arriva à sa fin. La voix amplifiée par un Sonorus de l'homme qui s'occupait de l'attraction résonna.
« Un second offert par la maison... aux amoureux de la soucoupe onze ! »
Amoureux ? Le mot fit un peu rougir Gideon. Apparemment, c'était reparti pour un tour ! Il se trouvait bien peu bavard pour une fois.

Gideon ne savait pas trop comment prendre la réplique de Deidre. La part optimiste en lui se disait qu'au moins, ça ne la dérangeait ni ne la vexait qu'on les prenne pour des amoureux. Mais d'un autre côté, il n'avait pas du tout le cœur à jouer la comédie, il ne voulait pas qu'elle joue la comédie, il voulait qu'elle ressente un peu plus que de l'amitié pour lui. Il venait de se prendre le mur de la vérité en pleine figure. Il n'avait aucune chance avec elle, elle ne le voyait que comme un bon ami avec qui rigoler.
Quand elle passa ses bras autour de son cou et cligna des yeux, le regard de l'ancien Gryffondor se fixa sur ses cils sans réussir à s'en détacher. Il avait envie de l'embrasser, elle était si proche que ça aurait été un jeu d'enfant. Mais qui sait comment elle aurait réagi après ça, il n'avait pas vraiment envie de se prendre une gifle et encore moins qu'elle parte sur le champs en le laissant comme un pauvre idiot sur son manège. Il se força à sourire à la belle, un sourire bizarrement crispé qu'il tenta de faire paraître naturel sans y arriver.
« Ahah ! Je suis sûr qu'il n'y a vu que du feu. »
Le silence se fit à leur soucoupe et Gid se demanda s'il ne l'avait pas vexé d'une manière ou d'une autre. Il la laissa vaquer à ses pensées tandis que lui même essayait d'y mettre un ordre. Il ne devait rien faire de stupide sinon il la perdrait forcément. Et si elle venait à découvrir qu'il l'aimait ? Elle l'éviterait probablement et ça serait surement la fin de leur amitié. Peut-être qu'il pouvait se forcer à ne plus l'aimer, à partir de la rentrée, il la verrait surement moins et ce serait plus simple pour cacher ses sentiments en tout cas.
A nouveau la voix de l'homme résonna et Deidre se cala contre Gideon et posa sa tête sur son épaule. Son cœur se réchauffa d'un coup, si agréablement que paradoxalement s'en était presque douloureux.
« Je suis bien ici avec toi, je suis heureux... » lui murmura-t-il.
Il ne savait pas si elle avait attendu tout comme il ne savait pas s'il était bien sûr de vouloir que ce soit le cas. Le manège s'ébranla derechef et la secousse envoya Deidre assez brusquement contre Gideon. A la sortie de la fête foraine, ils auraient surement tous les deux de beaux bleus.
« Ça va ? » s'inquiéta-t-il en essayant de couvrir les hurlements de joie des autres sorciers.