Lorsque j'entendis les pas du nouvel arrivant et sa toux, je me retournai brusquement, le fixant de mes pupilles glacées. Je remuai rapidement la main afin de dissiper les fumerolles turquoises qui s'échappaient du récipient. Entre la surprise et l'inquiétude, j'avais les yeux braqués sur le jeune homme qui portait les couleurs de serpentard. Ennemi ou ami, c'était un garçon et ma méfiance se réveilla instinctivement. Je leur parlais peu, je les connaissais peu, jusqu'à mes onze ans je n'en avais même jamais fréquenté, notre communauté étant exclusivement féminine.
Sans le lâcher des yeux, je partageai la substance bleue entre plusieurs petits pots, puis en proposant l'un deux au nouveau venu, je lui lançai :

"Au lieu de me regarder... viens gouter ma potion !"

En aura-t-il l'audace sans savoir ce que c'était ou fuira-t-il afin que je puisse reprendre mes activités en paix ..?

" Ahah ! " Répondis-je avec amusement laissant le suspens sur le contenu de la fiole.

J'étais franchement tentée de lui mentir ou de ne rien lui dire du tout mais les serpentards n'étaient pas connu pour leur courage. Alors tout résidait dans ma réponse. La suite de cette conversation expérimentale ou bien le départ du garçon qui avait osé m'approcher. Qu'auraient fait mes sœurs et mes parentes en pareille situation ? Elles m'avaient souvent répété que les hommes ne servaient à rien, qu'ils étaient vils et sournois, toujours intéressés et jamais intéressants. Mais je voulais découvrir par moi-même ce que pouvait bien être un individu de sexe masculin.

" Goûte, je te dis... Si j'avais voulu t'empoisonner, tu serais déjà mort depuis longtemps"

On pouvait dire que je savais m'y prendre pour effrayer mes interlocuteurs...Je levai les yeux au ciel, presque exaspérée puis me ravisai :

" Allez, tu vas voir ! Tu vas te sentir super bien ! "

Après tout il ne risquait rien, pourquoi se méfiait-il autant du contenu de cette fiole, on était à Poudlard, et il ne pouvait rien arriver sous la protection du célèbre directeur Albus Dumbledore.

Et bien on pouvait dire que le serpentard était aussi méfiant que moi. Et il avait bien raison après tout, de quoi j'avais l'air ? J'étais une inconnue qui tentait de lui faire boire quelque chose dont il ne savait rien. Il devait me prendre pour une folle avec mes cheveux roux ébouriffés par l'effort que j'avais fourni. Sans lui répondre tout de suite, je rangeai un peu mon attirail autour de moi et gardai une seule fiole dans ma main. Je me levai ensuite et fit teinter ma fiole contre la sienne dans un petit cling métallique. Puis les yeux rivés dans les siens, je bus d'une traite le contenu de la mienne. J'étais pas vraiment sûre de moi sur l'effet qu'il produirait mais quel meilleur cobaye que soi-même. J'émis un sourire timide et lui dis :

"Tu vois ! rien de dangereux !"

Avant qu'il ne m'imite, ma vision se troubla légèrement et je fus prise de crampes d'estomac tellement puissante que je me pliais en deux. Je tentai de m'agripper à lui puis je finis par tomber en arrière, sur la pelouse du parc du château. Une vague d'adrénaline m'envahit puis je m'évanouis ....

Une douleur vive et brulante me tira de ce sommeil sans rêves, et je remuai dans tous les sens, bras et jambes, me débattant contre un ennemi invisible. Reprenant peu à peu mes esprits, je stoppai mes mouvements et je plaquai machinalement ma main sur ma joue rouge, la frottant vigoureusement comme pour en enlever la douleur. A l'instant ou je reposai mon regard sur le serpentard, mes idées furent plus claires.

" J'ai .. du ..me tromper ..dans les dosages " Finis-je par dire à mon interlocuteur d'un ton peu assuré.

Une chance qu'il n'ai pas bu. Les yeux ronds, je fis la moue dégoutée d'avoir gaspillé autant d'ingrédients et surtout de temps. Puis d'un ton plus détaché, je lui dis :

" Je t'aurais bien proposé de devenir mon cobaye, mais après ce que tu viens de voir ... tu ne m'approcheras plus jamais !"

- Des capucines et … un onguent préparé par ma mère.. Répondis-je à sa première question en baissant progressivement le ton de ma voix.

Dans ma famille, nous avions l’habitude de préparer de nombreuses potions, mixtures et autres filtres. Les recettes se transmettaient de mère en fille et ne quittaient jamais, au grand jamais, la lignée ancestrale. J’omis donc délibérément de décrire plus en détail ma recette. Lorsqu’il se proposa en associé, je levai mes sourcils dans une expression de surprise puis les fronçai machinalement luttant contre des émotions contradictoires. Tout ce que je savais des hommes était ancré en moi depuis ma naissance et ils avaient clairement mauvaise réputation. En même temps, celui-ci semblait plutôt inoffensif. Mais quelles motivations pouvaient bien avoir un gars serpentard à s’associer avec une fille plus jeune de serdaigle. Je voyais clair. Il voulait se servir de moi et de mes connaissances. Ma méfiance revenait de plus belle lorsque finalement j’articulai :

- Que m’apporterais-tu ?