Aujourd'hui, ça va. La journée a été belle, moins qu'hier, mais belle, douce, agréable. Holden m'a envoyée un vieux pull Rolling Stones énorme tout taché de peinture  et j'avais qu'une envie le mettre mais je pouvais pas, règlement oblige.
J'suis assise sur le bord d'une marche, le T-Shirt sur les bras. Le visage levé vers les gens qui montent et qui descendent, ma position oblige les élèves à me contourner pour pas me marcher dessus ou tomber. Mon but. C'était drôle.
J'pourrais ranger mes jambes, que j'ai plus ou moins étendues sur le passage, juste un peu. J'devrais ranger mes jambes. Il va y en avoir qui remarqueront pas mes gambettes. Mais je m'en fous. Je passe beaucoup de temps comme ça, ça m'amuse, les gens qui me gueulent, ceux qui tombent, ceux qui se relèvent trop difficilement, ceux qui s'en vont docilement.
Ce matin, entre une heure insoutenable d'arithmancie et une autre plus supportable de métamorphose, en croisant le phénomène Harper dans les toilettes. J'avais rien à y faire, j'avais plutôt l'air de me balader sans but aucun. À ma vue, il a baragouiné quelque chose à propos de la tour d'astronomie. Moi, pas du matin, et quelque peu achevée par l'heure d'arithmancie, j'ai pas eu la force de faire l'effort de me concentrer sur ça. J'me suis contentée d'extraire du discours du Gryff l'information la plus importante : On devait nous retrouver dans la tour d'astro, le soir.
Maintenant.

Il faisait nuit noire, c'était flippant. J'étais tout seul dans la tour d'astronomie, il était genre, quoi, vingt trois heures, un truc du style ? J'sais plus, c'était flou, j'étais à moitié endormi, ça faisait bien une demi-heure que j'attendais.
J'avais donné rendez-vous à Alceste, j'voulais la voir, j'aimais bien la voir, tard le soir, quand personne ne nous voyait. Mais j'étais arrivé trop tôt, genre vraiment trop, j'avais même pu voir le soleil se coucher, c'est pour dire. Du coup, j'devais attendre et c'était flippant la tour d'astronomie le soir, comme ça. Personne, pas un bruit, le silence complet, le noir complet, tout, c'était pas rassurant.
J'avais une vue sympa sur le ciel, les étoiles et tout. J'sais pas si c'était beau ou si c'était encore plus effrayant. L'immensité, tout ça, ça a quelque chose qui fout le cafard.
Au bout d'un moment, j'ai roulé en boule ma cape d'hiver et je l'ai calé sous ma tête pour me faire un coussin. Ali n'allait pas tarder, enfin j'croyais. Puis j'ai fait l'erreur de fermer les yeux, comme un con et là j'ai senti que j'partais.

Alors, quand j'ai remonté les escaliers, il faisait nuit et y avait plus personne, le couvre feu et tout, la plupart respectaient, alors, il restait plus que moi. Plus que moi et Harper, surement, vu qu'il devait m'attendre. Il avait surement choisi la tour d'astronomie parce que c'était sympa la nuit, avec les étoiles et tout, ça rendait assez bien. Super bien. Quand j'suis arrivé, j'ai cherché Harper, mais je l'ai pas trouvé tout de suite, on y voyait rien, je marchais et j'savais même pas où je mettais les pieds, on y voyait vraiment que dalle, vraiment. J'ai pas pensé à allumer ma baguette ou à regarder ou je marchais, non. je marchais juste tout droit, et je l'appelais, doucement.
Et puis, à un moment, ce qui devait arriver, arriva, j'me suis bien cassée la gueule parce qu'il dormait par terre, c'était cool, parce que ça l'a réveillée et que ça m'a remise les idées en place, j'étais étendue de tout mon long, là, comme ça.
C'était moche, c'était vraiment moche.
— Ah putain, t'es nul Hughes, t'es vraiment nuuuuuuuuuuul. j'commence, mais j'me lève toujours pas. M'faire tomber, moi qui ai lâché une nuit d'sommeil pour toi, t'es tellement nuuuuuul. et c'était pas comme si je m'étais faite tomber toute seule.

Au bout d'un moment, je me suis retrouvé dans un supermarché à la moldu, au rayon cosmétique. Il y avait du monde, partout, ça grouillait. C'était assourdissant, comme une nuée d'abeilles, tu piges pas un mot de ce qui se dit et pourtant, tu sais que tout le monde parle, parle, parle. Au bout d'un moment, j'ai bifurqué dans une allée et là, une représentante en bonbons faisait la causette avec un client. Devant elle, tout un tas de bonbecs moldus, rien de magique, rien du tout. J'me suis approché d'elle et c'est quand je lui ai demandé si elle avait des bananes que j'me suis réveillé en sursaut. On venait de me foutre un coup de savate ou que sais-je.
« Ah putain, t'es nul Hughes, t'es vraiment nuuuuuuuuuuul.
— Hein ? Quoi ? Je comprenais rien du tout.
— M'faire tomber, moi qui ai lâché une nuit d'sommeil pour toi, t'es tellement nuuuuuul. »
Alceste. Ah, d'accord, j'ai fini par comprendre.
« La ferme, ça fait dix ans que j't'attends ! que je lui ai fait. C'est qui la nulle, hein ? »
N’empêche, c'est vrai quoi. J'avais eu le temps de compter toutes les étoiles du ciel et même de faire un somme. Après, je me suis quand même dit qu'elle avait pu se faire mal, que c'était pas bien malin de ma part de pas lui demander si elle allait bien, tout ça. Du coup, j'me suis redressé légèrement sur mes coudes et j'ai tourné la tête vers elle. Enfin, je crois, j'y voyais que dalle dans le noir.
« Ça va, l'asperge ? Rien d'pété ? »
J'aimais bien l'appeler l'asperge. D'une, parce qu'elle était fine comme pas deux et de deux, parce qu'un jour, après avoir un peu trop abusé des bièraubeurres, j'avais bien fini par être incapable de prononcer son prénom. Au bout du compte, j'avais renoncé et l'avais rebaptisé Asperge.

Ça vous prend comme ça, vous avancez tranquillement, vous faites de mal à personne, vous êtes zen et tout. Et puis, vous vous prenez le sol en pleine face. C'est la qu'on se dit que la vie, en fait, elle pue. Bon, je vérifie d'abord que j'ai rien de cassé, si je pisse pas le sang et tout, ou que j'le crache, c'est comme vous voulez. C'est certain que je pisse pas le sang, mais faut bien vérifier. Une fois, Nilda, ma mère, elle s'est cassée la jambe rien qu'en se levant du lit. On est jamais sûr de rien. Elle a dit qu'elle se levait du lit et que bam, tombée. J'pense que c'est ça, se lever du pied gauche, ou mauvais. Le mauvais pied, c'est le pied gauche ? Certainement qu'elle était pas dans son état, ce matin là. Anyway, moi, j'entends qu'à moitié ce que me dit Harper, j'suis beaucoup trop occupée avec ma mâchoire de brisée et ma jambe cassée. C'était plus important. Tout ce que je retiens, c'est asperge, que je suis nulle et si elle va bien l'asperge. L'asperge, c'est moi. C'est terrible comme nom.
— Soldat, aide ton camarade de régiment à se relever, elle ne le pourra plus. très solennelle, très grave. C'est sa fin. C'est triste. C'est toujours triste, la guerre. Une balle en plein dans la jambe, l'autre dans l'abdomen et les autres, je ne sais plus. ma voix s'éteignait même. Quelle actrice.

ahah:

« Soldat, aide ton camarade de régiment à se relever, elle ne le pourra plus. »
Alceste, elle avait le don de vous flanquez les foies avec en prime, des frissons partout. Enfin, c'est quand on l'a connait pas. Moi, j'avais l'habitude, je me faisais plus avoir.
Du coup, j'ai fait « Soldat, tu ne vas pas mourir !
— C'est sa fin, qu'elle a répondu. Une balle en plein dans la jambe, l'autre dans l'abdomen et les autres, je ne sais plus.
— Les autres, dans ton c... AIE ! »
Je m'étais relevé, à quatre pattes, pour aller rejoindre Alceste là où elle se trouvait. Mais en chemin, je me suis violemment cogné le sommet de la tête dans l'angle de la table basse. Le truc qui te fait voir des étoiles en plein jour. Sauf que là, il faisait nuit et on n'y voyait rien.
Je me suis laissé tomber sur le coté, pensant atterrir sur un tapis. Manque de pot, c'est sur Alceste que je me suis écrasé. Pas cool, mais au moins, je l'avais trouvé.
J'ai fait « Je t'ai, tu bouges plus ! » et tout en disant ça, je me suis assis sur elle pour l’empêcher de faire le moindre mouvement, les doigts serrés autour de ses poignets. J'étais pas bien gros, elle étoufferait pas. Mais j'avais du muscle et en cela, je savais qu'elle ne bougerait pas.
« T'es venu, j'commençais à croire que tu m'avais oublié, que j'ai dit en rigolant. T'as de nouveau bravé le règlement pour moi, je trouve ça flatteur. Alors, un plan pour ce soir ? »
On faisait toujours des trucs un peu fou. Parfois, je m'obligeai à faire des choses pas trop risquées mais avec Alceste, c'était impossible. Toutes les idées tordues, elle les avait à ma place et me poussait à les réaliser. Le diable ressemble à une asperge, qu'est-ce-que tu veux.

J'crois que Harper, il avait de sérieux problèmes, vous avez sans doute remarqué, en fait, à moins d'être aveugle et sourd et toutes ces choses là. Bref, Harper, ça va pas. Et puis, ah, vous savez, c'est pas pratique de se voir la nuit, sans déconner, surtout quand le mec avec vous sait pas quoi faire de ses jambes, de son corps tout entier, quand il sait rien faire.
— Bon, bon, bon, guide toi d'ma voix. Harp... Putain, gros déchet. Je suis trop naive, je gueule, je souffre, il est pas doué et lourd. Et ok, quand c'est moi qui tombe sur lui, c'est joliment marrant, là, c'est douloureux et chiant. « Je t'ai, tu bouges plus ! » qu'il me fait, je roule des yeux, ça sert à rien, personne voit, ouais, vous voyez, ça sert à quoi de rouler des yeux comme ça si personne vous vois, à rien. Ça ne sert à rien.
— Tu pèses quoi ? Autant que Pettigrow ? Ahaha gros comme Pettigrow, on doit la lui faire tous les jours, le mec. Ahaha. Aïe !
Ouais, parce qu'il était assis sur mon corps et qu'il appuyait trop sur mes mains et que j'en rajoutais beaucoup. Je suis une vraie fille. « Descends un peu, je souffre.» Non, je souffre pas.
Bref, un plan. J'en avais pas, c'est pas fun les plans, faut tout imaginer sur le moment, sinon, ça perd son charme et je suis quelqu'un de charmant. Vous savez.
— J'adore braver le règlement pour toi, tu sais bien. je commence, c'est ce qu'il voulait entendre et moi, j'aime bien que les gens entendent ce qu'ils veulent entendre. Et puis, c'est vrai que j'adore ça. Alors, t'as trois plans, primo, on se débrouille pour déplacer le bureau de Picott, tu vois, genre, il atterri sur le toit, incognito, il le mérite, hein? Il le mérite !
J'étais très fan du premier plan, j'étais fan de tous mes plans anyway.
— Secondo, on vole l'équipement de Quidditch, mais tu joues, alors, c'est pas bon pour toi, mais en même temps, tu t'écarteras des suspects et moi, j'dirais que j'étais avec toi. j'me rends compte que j'parle trop et que je m'emballe. « On peut aussi se débrouiller pour foutre en l'air la salle du club d'échec. Ils m'ont viré du club, tu t'rends compte ? Tu m'virerais d'ton club toi ? » Ouais.

« Descends un peu, je souffre » qu'elle a dit et je suis descendu.
J'avais mon... Enfin, mes fesses sur son... Sur... Bref, sur le bas de son ventre, quoi.
« J'adore braver le règlement pour toi, tu sais bien, qu'elle a ajouté.
— Pour moi ? Genre, c'est de ma faute ? Faut jamais te forcer pour que tu braves le règlement, ma grosse », que j'ai répondu en me marrant.
Ensuite, Alceste s'est mise à m'énumérer ses trois plans. Déplacer le bureau de Picott, j'étais pas mal chaud mais on m'avait dit de me calmer un peu sur les conneries alors si on se faisait chopper, j'étais mort.
Voler l'équipement de Quidditch, pourquoi pas mais c'était prendre le risque de pas pouvoir s'entraîner et perdre la coupe à la fin de l'année. Le jeu en valait-il la chandelle ? Je crois que ouais.
Puis l'Asperge a proposé d'aller foutre en l'air le club d'échecs sorciers. C'était tentant, j'avais toujours eu un mal de chien à encadrer ses intellos.
« Ils m'ont viré du club, tu t'rends compte ? qu'elle s'est indigné. Tu m'virerais d'ton club toi ?
— Depuis quand tu sais jouer aux échecs ? que j'ai demandé en me relevant et en la libérant de mon emprise d'homme costaud. Tu sais, on pourrait tout aussi bien rester ici, s'embrasser un peu, histoire de passer le temps et j'sais pas, causer de la pluie et du beau temps, tu vois. »
Je me suis mis debout et j'ai été m'affaler sur le canapé, que j'ai trouvé facilement après m'être cogné le genou dans ce foutu coin de table qui m'avait donné une bosse sur le crâne moins d'une minute plus tôt.
La vérité, c'est qu'on m'avait dit que si j'voulais rester à Poudlard, j'avais plutôt intérêt à mettre fin à mes cabrioles. C'était chaud, surtout avec la grande blonde qui me servait de pote, à l'occasion. Et puis j'sais pas, j'avais l'impression que ma proposition allait pas lui plaire à la Caulfield. Qu'elle allait trouver le moyen d'me forcer à faire des trucs fous. J'allais résister, genre quoi, deux minutes ? Et après, j'accepterai, comme à chaque fois.

Elle a commencé à critiquer ma lâcheté et je me suis senti morveux, faut avouer. C'était pas mon genre de reculer devant l'adré mais... Non, y avait pas de mais, j'étais pas du genre à reculer, j'étais plutôt du genre à toujours sauter dans le vide.
J'ai fait « Ok, ok, c'est bon, j'ai pigé » et je me suis assis correctement dans le canapé.
J'ai posé mes deux coudes sur mes genoux et, la tête dans les mains, je me suis mis à réfléchir stratégie. Quel plan était le moins dangereux pour ma carrière sorcière.
« Le club d'échecs, j'ai balancé au bout d'un moment. Ils pouvaient pas te virer, cette bande d'intellos rasoirs. On va leur montrer ce que ça fait de s'en prendre à Asperge Caulfield. »
Du coup, je me suis levé et j'ai tendu la main à Alceste pour qu'elle se relève. On avait du boulot, genre une mission, c'était excitant. Il fallait s'y mettre tout de suite, ça promettait de faire des étincelles.
Le club d'échec se trouvait au troisième. Il fallait traverser tout le château pour atteindre notre cible, ce qui voulait dire qu'il fallait éviter Picott et son sbire de chat. Facile quand on connait un minimum le château. Il faudrait passer par le couloir des armures, puis celui des tableaux des fondateurs, descendre jusqu'au troisième, passer par une tapisserie derrière la statue de Gildas le sage, se faufiler dans la salle inutilisée numéro 327, de là passer par la porte qui mène à la salle inutilisée numéro 326, puis celle numéro 325 et enfin, derrière la tapisserie près du tableau noir, atteindre la salle du club d'échec. Tout un programme, en fait.
J'ai demandé « Bon, t'es prête ? » en glissant un oeil par l’entrebâillement de la porte.