Assis en face de Lily dans le train, James regardait par la fenêtre, tout à fait détendu, nullement stressé à l'idée de passer une soirée avec la soeur de Lily et son futur mari. Il ne voyait pas comment ça pouvait mal se passer. James, tout le monde l'avait toujours adoré. C'était naturel. Et puis, ce Dursley avait l'air plutôt sympa, dans son genre.
« N'oublie pas. On garde bien planquées nos baguettes magiques, même si on n'est qu'en présence de ma soeur et de son copain, fit Lily.
— Oui, chef, répondit James.
— On a déjà vu ce que ça a donné la dernière fois quand t'as voulu les impressionner en faisant léviter le vase », ajouta la rouquine.
A ce souvenir, James éclata de rire. Lorsqu'il repensait au gros visage joufflu de Vernon complètement terrifié, qui s'obstinait à vouloir casser l'incassable, James ne pouvait s'empêcher de rigoler. Même le soir dans son lit, parfois, il se marrait tout seul.
« D'accord ? insista Lily. Tu peux te contenir le temps d'une soirée pour ne pas faire léviter d'objet ou de jouer avec ton vif d'or ?
— Avoue que c'était tordant, répondit James. Haha ! Sa tête... Faut pas que j'y pense pendant le repas et ça devrait aller ! »
Le train arriva en gare et Lily et James quittèrent leur wagon pour se retrouver sur le quai. Bien sûr, ni Pétunia ni Vernon ne les attendaient, ils allaient devoir se débrouiller seuls pour trouver le restaurant. James ne connaissait pas du tout le coin alors il décida de faire confiance à sa copine et se laissa guider dans les rues, jetant de temps à autre des coups d'oeil sur les boutiques typiquement moldus. Un moment, il s'arrêta devant une vitrine de téléviseurs, tous allumés, qui montraient quatre types en train de chanter.
« Vraiment intéressant, par ici... » fit-il mais il n'eut pas le temps de s'attarder, Lily le tirait déjà par le bras.
Ils étaient visiblement un peu en retard, ou comment mettre Lily encore plus sur les nerfs.

« On n'est plus très loin... » fit Lily.
James hocha la tête distraitement, complètement ébahi par toutes ces vitrines moldus. Qu'est-ce-qu'il pouvait être mystérieux, ces gens-là ! Et leur monde avait l'air tellement sympathique ! Pourquoi est-ce qu'on ne le côtoyait pas plus souvent ? Fascinant.
« Baguette rangée ? demanda Lily.
— Quoi, on est déjà arrivé ? » fit James en faisant un pas en arrière pour voir la devanture du restaurant.
En se reculant, ses fesses cognèrent contre la carrosserie d'une voiture. James sursauta, se retourna pour regarder ce qu'il avait touché puis reporta ton attention sur Lily.
« Pardon, oui, baguette rangée, évidemment », répondit-il en rajustant son pull par dessus son pantalon pour que sa baguette soit complètement invisible, tandis que Lily se chargeait de son col.
C'était si important pour elle, James devait se tenir à carreau pour ne pas foutre en l'air la soirée. Il semblait motivé à faire de son mieux, en tout cas.
Ils pénétrèrent dans le restaurant où les attendaient déjà Petunia et Vernon.
« Quel plaisir de vous revoir » fit Lily.
Pas de réponse.
« Salut, vous allez bien ? » demanda James en tendant sa main dans la direction de Vernon, qui ne lui rendit pas sa poignée de main...
Ok, la soirée s'annonçait méga chouette.
« On est là depuis 20 minutes », fit Vernon d'une voix sèche en jetant des coups d'oeil derrière James.
Celui-ci se retourna en même temps que Lily et admira la superbe voiture garée devant les vitres.
« Ouah ! C'est à vous ce p'tit bijou ? s'écria James, surtout pour trouver un sujet de conversation car en réalité, il n'y connaissait absolument rien en voiture.
— Vous l'avez cabossé ? demanda Vernon, ses petits yeux porcins plongés dans ceux du maraudeur.
— J'vous demande pardon ?
— Ma voiture, vous vous êtes bien assis dessus, non ? L'avez-vous cabossé ? »
Il était pas commode, celui-là. Prêt à mordre, un véritable loup-garou un soir de pleine lune. Note à lui-même, ne pas parler de loup-garou devant Petunia et Vernon.
James ne sut que répondre alors au lieu de se disputer, il décida de couper court à la conversation en s'asseyant aux côtés de Lily qui était en pleine discussion avec sa soeur. Enfin discussion... Lily semblait la seule à s'amuser, en tout cas.
« Alors, vous avez déjà commandé ? demanda James en ouvrant son menu et en se cachant derrière. J'espère qu'ils ont du strangulot au poivre, je tuerai un troll pour un bon strangulot ! »
Oups, boulette. James rabaissa son menu et son regard se posa sur Lily, puis sur Petunia et Vernon qui semblaient scandalisés. Grosse gaffe, par la barbe de Merlin.
« Je plaisantais » dit-il, un sourire gêné sur les lèvres.
Ok donc non, pas de strangulot.

Cela faisait à peine cinq minutes que la rencontre avait commencé et déjà, la conversation prenait un tournant tout à fait catastrophique. James se dit alors que, quitte à ce que cette rencontre fasse naufrage, il allait tout faire pour rentre un peu plus gai cette soirée.
« Alors Vernon ! commença James.
— Mr Dursley, répliqua Vernon d'une voix froide, ce à quoi James ne fit pas du tout attention.
— Lily m'a dit que vous travaillez dans une fabrique de... De quoi déjà ? Ah oui, de cerpeuses, c'est ça ?
— De perceuses... grogna Vernon entre ses dents.
— Voilà, comme vous dites ! Comment vont les affaires ? »
James souriait, comme s'il ne voyait pas que la seule envie de Vernon Dursley était de lui tordre le cou. Il voulait bien faire, même s'il savait qu'il n'y avait aucune réciprocité. Peu importe, il se forcerait jusqu'à la fin du repas et ne montrerait aucune animosité envers la soeur de Lily et son fiancé.
Vernon, qui aimait parler de lui et de sa réussite (surtout qu'il savait que James et Lily étaient tous deux sans emploi) retrouva de sa superbe et, après s'être passé le pouce et l'index sur sa moustache, répondit à la question de James.
« Eh bien je ne suis qu'un simple employé pour le moment mais je dois dire que les affaires marchent plutôt bien, dit-il, sa voix puant la fausse modestie. Depuis le début de l'année, nous en sommes déjà à près d'un million de perceuses vendues et un tel chiffre n'est...
— Excusez-moi, le coupa James et même Petunia retint son souffle, mais je me demandais... C'est quoi une perceuse, en fait ? »
Vernon Dursley se renfrogna aussitôt, convaincu que le sourire de James n'était pas sincère et seulement là pour se foutre de sa poire.
— Saseraferdtrou... grommela-t-il.
— Quoi ? interrogea James, curieux.
— Ça sert à faire des trous ! répondit Vernon d'un ton sec, ses joues devenues toutes rouges. Bon, commandons, dépêchons. »
Visiblement, il avait hâte de mettre fin à cette soirée grotesque. James, lui, commençait à trouver cette rencontre plutôt sympa et il le fit savoir à Lily en lui adressant un grand sourire. Ce qu'ils pouvaient être marrants, les moldus.

James plongea son regard dans la carte et, effectivement, il n'y comprit rien. Chez les sorciers, on mange des ragoûts, des cuisses de strangulots, des soufflés à la citrouille, ce genre de choses. Mais chez les moldus, c'était tout à fait différent. Des langoustines, des escargots, des ris de veau, comme si les veaux se marraient en se retrouvant en morceau dans une assiette.
Alors le maraudeur leva les yeux pour interroger Lily mais celle-ci lui coupa la parole juste à temps.
« On va prendre l'entrecôte. C'est un plat pour deux personnes. Tu aimes ça James, hein ?
— C'est parfait », répondit-il en refermant sa carte et en la déposant sur la table devant lui.
Il se passa une main dans les cheveux histoire de leur donner le petit effet coiffé décoiffé qui caractérisait tant James, sous le regard effaré de Pétunia. Puis, James joignit les mains sur son ventre et adressa un grand sourire à Vernon.
« C'est un beau modèle, votre auto ! dit-il d'une voix enjouée.
— N'est-ce-pas ? Tout dernier modèle de chez Ford, plein d'options ! Une boîte à gants, un lecteur cassettes... »
James avait compris le truc. Pour faire parler Vernon et éviter qu'il s'énerve, il fallait le flatter, le caresser dans le sens du poil. Et c'est ce qu'il fit. Il acquiesça d'un signe de tête lorsque son voisin de table énuméra toutes les options de son véhicule et pire, il s'y intéressa grandement !
Puis Vernon se lissa la moustache entre le pouce et l'index et, un sourire sur les lèvres, il commença à se détendre. Peut être que ces drôles de bonhommes pouvaient avoir une conversation normale avec les gens normaux.
« Et vous, c'est quoi le modèle de votre voiture ? demanda Vernon, sachant pertinemment que ce magicien de pacotille ne devait pas avoir une auto aussi récente que la sienne.
— Moi ? Ah mais je n'ai pas de voiture ! Et pour tout vous dire, je ne sais même pas les conduire, répondit James.
— Vous n'avez pas de voiture ? s'étonna Vernon. Allons dont, avec quoi vous déplacez vous ?
— Mais avec mon balai de course, bien sûr !

Ce dîner était une véritable catastrophe et le fait que James ait mentionné le mot « balai » n'arrangeait rien du tout. Vernon était devenu tout rouge et les regards des autres clients commençaient à converger dans leur sens. Voilà qu'il se mettait à gronder qu'il ne voulait plus manger avec James et Lily et James s'en voyait fort désolé, sachant que cette sortie au restaurant était très importante aux yeux de Lily.
« Hé bien, calmons-nous, dit-il pour apaiser les tensions. Revenez plus tard s'il vous plaît, on n'a pas choisi », ajouta-t-il à l'intention du serveur, avec la fâcheuse impression qu'ils n'auraient rien à commander du tout ce soir.
James tourna la tête vers Vernon et lui adressa un sourire sympathique, avant de faire de même à l'intention de la soeur de Lily.
« Je crois qu'on est parti sur de mauvaises bases, dit-il avec le ton de quelqu'un qui prend les choses en main. C'est dommage de se disputer alors que ce dîner était fait pour que nous puissions calmement faire connaissance. »
Vernon Dursley gronda dans sa moustache, toujours de mauvaise humeur mais plus décidé à quitter la table. A présent, il était juste bougon et sa fiancée également. Alors le silence s'installa entre eux, personne n'osant le briser de peur de dire une ânerie. Même le serveur n'osa plus se montrer. Au bout d'un moment, James soupira et se mit à commenter la salle.
« Très chouette décoration, j'aime beaucoup... »
Mais ce sujet n'inspira pas Vernon, on voyait bien à sa moustache qui frétillait qu'il était en train de bouillir de l'intérieur. Il allait finir par exploser comme un chaudron mal dosé. D'ailleurs, il explosa.
« Je suppose que vous êtes au chômage ? demanda-t-il agressivement, son regard de porcin rivé sur James.
— Je vous demande pardon ? fit James, incrédule.
— Hé bien oui, vous n'avez pas de voiture, pas de travail, vous devez bien piquer de l'argent à l'état, non ?
— A vrai dire, non, mes parents ont amassé assez de Gallions dans leur vie pour que je puisse subvenir à mes bes...
— Des... des... et comme si c'était trop dur pour Vernon de prononcer un mot sorcier, il frappa du poing sur la table et se leva brusquement, sa chaise tombant à la renverse. Non mais c'est une plaisanterie, s'emporta-t-il avant de se retourner vers Pétunia qui semblait ratatinée sur sa chaise. Quand je pense que des gens comme moi triment pour ces gens-là ! »
La grenade était lancée. James attrapa la main de Lily lorsqu'un autre serveur arriva.
« Je suis désolé, je vais vous demander de sortir, dit-il, les yeux braqués sur le gros bonhomme tout rouge que tout le monde regardait. Vous dérangez nos clients. »

La conversation devenait catastrophique et le visage de Vernon Dursley commençait à se teinter de violet.
« Nous ne fonctionnons pas du tout comme vous, s'énerva t-il, parce que vous pensez être des modèles à suivre ? Vous pensez que vous avez des choses à nous apprendre ?
— Ce n'est pas du tout ce que Lily a dit ! s'emporta James qui commençait à en avoir assez de se faire insulter.
— C'est VOUS QUI N'ÊTES PAS NORMAUX, surenchérit Vernon. VOUS N'ÊTES PAS COMME NOUS. VOUS DEVRIEZ ÊTRE ENFERMÉS, VOILÀ CE QU'ON DEVRAIT FAIRE DE GENS COMME VOUS !
— Ah non mais là, ça suffit ! s'écria James en se levant brusquement, suivi dans la foulée d'un Vernon rugissant. Si vous avez un problème, on va régler ça dehors car pour l'instant, le type a enfermer, c'est vous, mon vieux !
— Bien, j'appelle la sécurité », fit le serveur en quittant la table d'un pas précipité.
James avait fait un effort, il avait pris sur lui face à un Dursley plus que réticent, il avait tenté d'engager la conversation, de s'intéresser au gros lard qu'il avait devant les yeux, de s'intéresser à son monde, à sa voiture hors de prix, à son boulot soporifique, bref, il avait fait un maximum d'efforts mais là, il lui était impossible de continuer, il ne se ferait pas marcher sur les pieds par cet énergumène qui l'insultait, lui, Lily et sa famille de sous-race arriérée.
« Pétunia... tenta Lily.
— QUOI ? fit Pétunia d'une voix de pitbull avant de se relever, la tête haute, méprisante. Allons-nous en, Vernon. La soirée est terminée ! »
Celui-ci, le regard noir de colère, serra les poings comme s'il tenait entre ses doigts des cous de dindons qu'il tentait d'étrangler. Mais le serveur reparut avec deux hommes costauds en costume cravate et Pétunia poussa son fiancé furibond dehors avant que la honte ne s'abatte encore plus sur cette soirée grotesque.
Lorsqu'ils quittèrent le restaurant, James se confondit en excuses à l'intention du serveur et s'apprêta à sortir quelques gallions de sa poche avant de se souvenir qu'il était dans un lieu moldu. Il se retourna alors vers Lily et, très sincèrement, il s'excusa de nouveau.
« Je suis désolé, Lily. Je sais que c'était important pour toi et ça a été un véritable fiasco... Ecoute, s'il le faut, je me rattraperai, j'irai m'excuser, je... Rentrons chez nous... » conclut-il en la serrant dans ses bras.