Gideon comprenait totalement les sentiments de Deidre vis à vis de Poudlard : à lui aussi, ça lui manquait de ne plus y être. Sa dernière année avait été longue, il en avait entièrement profité mais à l'époque, il avait eu hâte que Poudlard soit terminé pour lui, qu'il puisse agir et ne plus être considéré comme un gamin parce qu'encore à l'école de magie... Ce qui ne l'empêchait pas d'être traité comme tel pendant sa formation d'auror également, au sein du département de la justice magique mais aussi dans l'Ordre du Phoenix. Quoi qu'il en soit, il avait été heureux de ses années au château, il avait été aussi content en partant une fois ses ASPICS en poche, mais il s'était très vite rendu compte qu'il ne retrouverait plus la même ambiance sécurisée, la même insouciance et les mêmes relations humaines qu'à Poudlard. Il avait perdu de vue beaucoup des personnes avec qui il avait noué des liens à l'école. Mais le passé était le passé et aujourd'hui il était plutôt heureux de ce qu'il était devenu en seulement un an, il avait fait d'autres rencontres, il avait évolué, il était maintenant avec Deidre et ça valait bien toutes les années scolaires à Poudlard du monde.

Gid se moquait gentiment des goûts musicaux de Deidre lorsqu'elle était un peu plus jeune. Leurs années adolescentes avaient été marquées par des modes qu'il regardait maintenant avec un brin de dérision... Si les frères Prewett n'étaient pas fans des 5 Seconds of Magic (même s'il arrivait qu'ils chantent les paroles qui entraient facilement dans la tête quand leurs chansons passaient à la radio), ils avaient vécu la mode des collections des badges à l'effigie des joueurs de Quidditch de toutes les équipes du Royaume-Uni, et vu le désespoir des garçons quand ils n'arrivaient pas à avoir l'attrapeur de chaque équipe - le joueur le plus difficile à avoir - ce n'était pas mieux qu'avoir accroché une affiche des 5 Seconds of Magic sur son mur.

« Que vais-je faire de vous, Gideon Prewett ? »
« Tu pourrais m'épouser... » a-t-il répondu du tac au tac, sans même réfléchir.

Ce n'était pas vraiment une demande en mariage conforme et il était loin d'avoir imaginé lui demander sa main de cette façon. Ils ne sortaient pas encore ensemble depuis un an et cela semblait donc précipité pourtant sur le moment, ça lui avait semblé logique. Il se releva du lit pour s'éloigner de quelques pas de Deidre, observant sans vraiment les voir les affiches sur les murs, simplement pour ne pas avoir à regarder sa petite copine dans les yeux, avant de se tourner à moitié vers elle.

« Je veux dire un jour, tu n'es pas obligée de répondre maintenant. Je sais que c'est tôt, que ce serait peut-être un peu trop officiel, je n'avais même pas prévu, je n'ai pas de bague, tu vois mais... je t'aime. »

Spoiler:

Évoquer des souvenirs d'adolescence donnait un goût délicieusement désuet à la soirée. Il y avait tant de bons moments, dans leur passé – avant et après leur rencontre. Poudlard avait été l'écrin de tant de joies, tout comme de tristesses. Deidre s'y était sentie en sécurité, loin de l'agitation de la vie des adultes qu'elle devait désormais affronter – en compagnie de Gideon, pour son plus grand bonheur.

La proposition de Gideon fusa dans l'air, explosant dans l'atmosphère légère de la chambre et retombant en un long silence. Deidre ouvrit de grands yeux, regardant son amoureux se lever. Il semblait fuir volontairement son regard, comme s'il se rendait compte d'une quelconque bêtise. Pourtant, il n'y avait rien de moins stupide qu'une proposition (plus qu'une demande) de mariage, vu les circonstances. L'Angleterre magique sombrait dans une guerre comme elle n'en avait encore jamais enduré. L'avenir était de plus en plus incertain et vivre au jour le jour semblait être l'idéal. Pourtant, l'idée de Gideon surprit Deidre. Pas qu'elle ne veuille pas officialiser leur amour, mais elle n'y avait jamais vraiment pensé. Ses parents s'étaient mariés mais autour d'eux, il n'y avait guère que la sœur d'Adalrick pour être également passée devant le curé. Tous les autres oncles et tantes de Deidre n'avaient jamais passé la bague au doigt de leur conjoint(e) – et n'en paraissaient pas moins heureux. Ainsi, le mariage n'était, pour Deidre, pas la finalité d'un couple.

Cependant, malgré tout cela, l'ancienne poufsouffle ne put empêcher une vague de bonheur la submerger. Elle écouta avec un sourire tendre le semblant de justification que lui donna Gideon, avant qu'il se tourne légèrement vers elle, attendant sa réponse. Elle se leva et se mit devant lui, cherchant des mots clairs dans le brouillard qui emplissait son esprit. Elle posa ses mains sur les épaules de Gideon et lui sourit.

« Quand nous avons franchi le pas entre l'amitié et l'amour, je me suis juré de ne rien précipiter et de vivre entièrement chaque instant de notre relation. Nous ne sommes pas ensemble depuis un an et déjà, nous partageons un appartement, nos vies et tu viens de rencontrer ma famille. Comme quoi, je n'ai pas respecté la promesse que je m'étais faîte. Alors oui c'est tôt et tu n'as pas de bague mais voilà, je t'aime moi aussi » dit-elle avec malice. « Oui » lui murmura-t-elle à l'oreille  avant de l'embrasser longuement.

Deidre le rejoint pour se mettre devant lui, les mains sur ses épaules et alors qu'il faisait une tête de plus qu'elle, Gid avait l'étrange impression d'être tout petit face à elle. Quand elle commença à parler, il commença de son côté à désespérer... Elle expliquait clairement qu'elle ne voulait rien précipiter et cette demande en mariage, c'était quand même très précipité, même lui le voyait. Pourtant, la suite de son discours se fit plus encourageant et alors qu'elle lui murmurait un doux « oui », le sourire de Gideon faisait déjà trois fois le tour de son visage. Il était tellement heureux qu'il se retenait difficilement de faire le tour du quartier en hurlant qu'elle avait accepté sa demande en mariage. Il se contenta plutôt de répondre à son baiser.

« Je t'aime aussi. »

Il l'embrassa à nouveau en se promettant d'acheter dès que possible la plus belle bague de fiançailles pour elle. Quand il annoncerait ça à Fabian, il n'en croirait pas ses yeux ! Et il faudrait le dire à Gary, à Luzia, à Tybalt qui était lui aussi d'ailleurs fiancé (certes depuis plus longtemps et après une demande plus que romantique sur la tour Eiffel, il ne tenait pas la comparaison !)... A ses parents aussi ! Il voulait le crier sur tous les toits tellement il était l'homme le plus heureux du monde à cet instant. Mais d'ailleurs, avant de l'annoncer au monde entier... Il jeta un œil vers le rez-de-chaussée de la maison Velazquez et fit les gros yeux.

« Il faut que je demande ta main à ton père, non ? »

Maintenant ou alors un autre jour ? Il venait à peine de rencontrer Adalrick Velazquez qu'il voulait déjà lui voler sa fille, la bonne impression qu'il avait fait jusque là risquait de ne pas durer encore bien longtemps ou au contraire, peut-être était-ce mieux de lui demander son accord...

La soirée chez les Velazquez prenait une tournure tout à fait inattendue. Pendue au cou de son amoureux, ses lèvres pressées contre celles de Gideon, Deidre se sentait une autre femme. Elle était désormais fiancée... Elle savait parfaitement que Gideon avait beaucoup à faire et que leur vie n'était pas particulièrement simple, mais des fiançailles supposaient – à plus ou moins long terme – un mariage. La pensée d'une belle robe blanche, des visages heureux de leurs amis, d'un grand dîner, de l'officialisation de son amour pour l'aîné Prewett apparurent à l'esprit de l'Irlandaise. Elle aurait pu le lui répéter à longueur de journée, qu'elle l'aimait sans que ses mots ne perdent de leur sens, ou même de leur force. Parfois, lorsqu'elle était seule, Deidre se demandait ce qu'elle avait fait aux dieux pour mériter d'être si heureuse en amour.

« Il ne faudra pas tarder à le dire à tout le monde, parce que Garance risque de nous en vouloir pour le millénaire à venir, si elle n'est pas la première au courant » s'amusa Deidre en repensant à la déception de leur meilleure amie commune lorsqu'elle avait appris pour eux deux, alors que personne ne savait. Gideon posa alors LA question, qui laissa Deidre sans voix. Que lui répondre ? Elle n'avait jamais pensé qu'ils se fianceraient là dans sa chambre, à la première rencontre entre Gideon et ses parents. Alors s'il devait demander sa main à son père... « Je ne sais pas trop comment ça marche » avoua-t-elle avec un sourire gêné. « Tu viens juste de le rencontrer. On devrait peut-être éviter qu'il fasse une crise cardiaque tu crois pas ? Je pense qu'on devrait attendre le deuxième dîner, qu'en dis-tu ? » proposa-t-elle, espérant qu'il ne pense pas qu'elle avait honte de leurs fiançailles. Elle se surprit à penser que la prochaine fois, il y aurait peut-être un petit Prewett en route.

La terre semblait accélérer sa course, depuis quelques temps et la vie de Deidre prenait un nouveau cours. Un appartement avec son amoureux et désormais fiancé ; la rencontre officielle et la voilà qui pensait déjà à un enfant. La réalité de leur situation lui revint. Ils étaient étudiants donc sans beaucoup de moyens – pas forcément l'idéal, pour un bébé. De toute façon, ils avaient du temps pour penser à tout ça.
Deidre plongea son regard sombre dans les yeux clairs de Gideon et lui sourit tendrement. « Je suis la femme la plus heureuse du monde » lui murmura-t-elle, enroulant ses bras autour de son cou. Elle songea alors que... « Si on est fiancés, ça veut dire que je vais aussi devoir rencontrer tes parents ? »

Tout ce qui accompagnait les fiançailles, tout ce qui semblait déborder Tybalt depuis qu'il était fiancé à Nora et dont il parlait régulièrement à Gid, ne l'inquiétait pas plus que ça. Il verrait en temps voulu, pour le moment il était simplement heureux de concrétiser à ce point son amour avec Deidre : elle n'était plus seulement sa petite copine, elle était maintenant sa fiancée et c'était un pas énorme. Il n'avait pas peur de l'engagement et surtout pas si c'était avec Deidre. Mais en attendant qu'elle devienne sa femme, il lui faudrait déjà s'habituer à l'appeler sa fiancée.
Il ne comptait pas traîner pour l'annoncer à leurs amis et était d'accord avec la remarque de Deidre à propos de Garance. Il faudrait rapidement lui annoncer et ce serait surement moins difficile de lui dire la bonne nouvelle à elle qu'aux parents de Deidre. Il acquieça la proposition de son amoureuse : mieux valait attendre le deuxième dîner pour avouer à Aldarick Velazquez que Gideon serait d'ici peu de temps plus que le petit copain de sa fille mais son gendre ! Gideon était plutôt rassuré de ne pas avoir à descendre dès maintenant au rez-de-chaussée pour déclarer « monsieur, m'autorisez-vous à me marier avec votre seule fille ? Si vous n'êtes pas d'accord, tant pis, elle a déjà dit oui ! ».

« Au prochain repas, tu as raison, ce sera préférable ! »

Un prochain repas qui devrait en annoncer de nombreux autres s'il venait bien à entrer dans le cercle sélectif de la famille. Et si lui aussi devait vivre l'épreuve de la rencontre avec les futurs beaux-parents, Deidre devrait tôt ou tard passer elle-aussi à la guillotine... Quoi que Gideon s'imaginait que ce n'était pas vraiment la même chose de rencontrer les parents de sa petite-amie que ceux de son petit-ami. Un père n'était peut-être pas aussi protecteur avec son fils qu'avec sa fille et s'il était le premier fils, Gideon n'était pas le premier enfant et le couple Prewett avait déjà vécu toutes ces formalités lorsque Molly avait ramené Arthur à la maison.

« Oui, c'est exactement ce que ça veut dire ! Tu as intérêt à faire bonne impression : tu sais, les familles de sang-pur sont très strictes à propos des mariages alors déjà que tu es sang-mêlée... » fit-il pour la taquiner.

Bon, c'était le cas de nombreuses familles sang-pur mais les Prewett faisaient pourtant exception à la règle. Dans une famille comme celle de sa mère, née Moon, Gideon aurait eu du mal à présenter sa fiancée de sang-mêlé, mais les Prewett étaient réputés pour être des traîtres à leur sang.

« En attendant, retournons au salon, tes parents vont se demander ce qu'on est en train de faire. »