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« Ne tape pas comme un sourd sur le piano, dit Franny en regardant le dos de son frère qui jouait en octave la mélodie d'une chanson appelée « Le Kinkajou ». Si tu continues à jouer ici, je m'intitule ton professeur de musique et voici mon premier conseil : ne tape pas comme un sourd sur le piano.
— Bien sûr, j'ai été incapable de dire non, je n'ai aucune volonté, moi, fit Zooey comme s'il n'avait pas entendu sa soeur pourtant à quelques mètres à peine de lui. Tu sais comme je déteste ce genre de soirées, et sais-tu ce qu'il y a de pire, encore qu'une soirée au Ministère ? Une soirée déguisée au Ministère !
— Ne tape pas sur les touches comme ça, répéta Franny en caressant son chat Bloomberg allongé sur ses genoux.
— Je vais aller emprunter son costume à Les, je n'ai plus le choix maintenant. Je me suis engagé et quand je m'engage, je vais jusqu'au bout. Il est déjà si tard, je devrais me dépêcher, je dois encore prendre une douche et ses foutus peintres m'ont empêché de la prendre plus tôt.
— Et en quoi vas-tu te déguiser ? Ne claque pas le couvercle comme ça non plus. C'est mon second...
— Je n'en sais foutrement rien ! la coupa Zooey. J'improviserai. Bon, il faut que j'y aille, ma fille. Et mange un peu de bouillon de poule, tu feras plaisir à Bessie. »

Lorsqu'il rejoignit Allison sur le palier de leurs appartements respectifs et qu'elle lui demanda en quoi il était déguisé, il se contenta de lui répondre, d'un air tout à fait convaincu et convainquant :
« Je suis un surveillant de station de métro. »
Il était difficile de savoir s'il était sérieux ou non. Mais connaissant Zooey et son tempérament, il fallait savoir qu'il était toujours des plus sérieux, en toute circonstance.

Ils traversèrent le long couloir noir côte à côte et durant tout le trajet, Zooey ne cessait de se répéter « Mais qu'est-ce que je fous là ? ». Puis ils arrivèrent enfin dans la salle principale, décorée pour l'occasion.
« J'espère que ça en valait le coup ! pouffa Allison et Zooey haussa les sourcils en balayant la salle du regard.
— J'espère également ! Sinon, tu peux être sure que notre prochaine sortie sera un véritable calvaire pour toi, ma grande, dit Zooey avec malice. Par où commence-t-on ? As-tu des gens à aller voir ? Souhaites-tu quelque chose à boire ? »
Zooey fouilla dans la poche revolver de son pantalon à la recherche de son paquet de cigarettes. Mais le costume n'étant pas à lui, il se rappela qu'il avait oublié d'emporter son paquet avec lui. Alors il soupira, furieux contre lui-même.

Enfin dans la salle, côte à côte, Zooey scanna du regard l'immense pièce et ses convives.
« — J'espère également ! Sinon, tu peux être sure que notre prochaine sortie sera un véritable calvaire pour toi, ma grande, me répondit Zooey avec malice, et tournant la tête vers lui, j'haussais un sourcil, et esquissais un sourire aussi espiègle que le sien ;
— J'en tremble d'avance ! plaisantais-je, écarquillant théâtralement les yeux pour faire mine d'être effrayée.
— Par où commence-t-on ? As-tu des gens à aller voir ? Souhaites-tu quelque chose à boire ? me demanda mon ami, en véritable gentleman. Moi, dans le genre lady, je pouvais aller me rhabiller par contre, car j'ai grossièrement haussé des épaules en dévisageant à mon tour la foule, à la recherche d'une connaissance.
— Et si on se prenait un verre, oui ? Je te suis, dis-je tandis que nous nous dirigions vers le bar. J'ai repéré Kingsley Shacklebolt près du buffet, enfin si c'est lui, je ne suis pas sûre de le reconnaître à cent pour cent avec ses lunettes noires, commentais-je d'un ton détaché sur le trajet, juste histoire de dire quelque chose. L'auror était, et j'en étais ravie, un client plutôt habitué de mon établissement, et bien que ce n'était pas la première fois que Zooey et moi sortions ensemble le soir, je ne me sentais pas tout à fait à mon aise. Il fallait dire que le Ministère, malgré mon excitation initiale à l'idée du bal, avait ce je-ne-sais-quoi qui vous faisait vous y sentir comme un étranger à l'intérieur. Mais il peut attendre, je le vois souvent de toute façon. Et toi, tu as vu quelqu'un que tu connais et que tu souhaiterais aller saluer ? », demandais-je, pas vraiment certaine d'avoir envie de faire la rencontre et la connaissance d'une nouvelle personne. Ma sauvagerie me désespérait toujours autant.

« ...tu as vu quelqu'un que tu connais et que tu souhaiterais aller saluer ? » demanda Allison.
Zooey repéra Grant Torrey à l'autre bout de la pièce, un scénariste et réalisateur de film que le jeune Glass avait beaucoup de mal à encadrer. Alors l'air de rien, il passa sa main derrière Allison et, lui effleurant le bas du dos, il l'entraîna en direction du bar.
« Non, je n'ai vu personne qui mérite attention, répondit-il, à part toi, évidemment. »
Ils se faufilèrent jusqu'au bar, Zooey évitant tout contact visuel pour ne pas avoir à saluer quiconque avant d'avoir ingurgité cul sec un verre de Whisky. En arrivant au comptoir, il se retourna vers sa cavalière pour la soirée.
« Je crois que je vais tourner au Whisky Pur-Feu, ce soir et si aucun de nous n'est capable de ramener l'autre jusqu'à l'appartement, eh bien ma vieille, nous arpenterons les rues de Londres en chancelant si encore nous arrivons à retrouver le chemin jusqu'à notre immeuble. »
Aussitôt sur le comptoir apparut un verre de liquide ambré sans glace. Zooey allait en avoir besoin s'il voulait tenir le coup toute la soirée. Ces mondanités le rendaient dingue car involontairement, il surprenait toujours des conversations entre convives et se sentait obligé d'aller y mettre son grain de sel, d'aller dire ce qu'il pensait de telle ou telle situation politique, de tels articles dans la gazette si bien qu'à la fin de la soirée, il n'avait plus de salive et repartait avec une tripotée de nouveaux ennemis, exaspérés par son comportement et ses idées bien finies.
Mais cette fois-ci, il était avec Allison et espérait pouvoir refréner ses pulsions.
« Et toi, qu'est-ce que tu prends ? » demanda-t-il à l'intention de sa voisine et amie.