Elle n'est plus là... elle est partie, envolée, pour toujours. Un an, jour pour jour, heure pour heure, minute, seconde, qu'elle est partie, et qu'elle ne reviendra pas, ni maintenant, ni jamais. Le seul membre de ma famille qui eut jamais compté pour moi, et dont la réciproque était valable, m'avait été arraché, et à présent que mon soleil était mort je vivais dans une obscurité constante, qu'aucune lumière ne pouvait percer. Sylvia... Sylvia. Je t'avais dit de ne pas faire ça. Pourquoi t'étais-tu obstinée, pourquoi avais-tu poursuivit dans cette voie pour laquelle tu n'étais pas faite ?... Médicomage, ça, ça aurait été ta voie. Enseignante, peut-être, toi qui était si patiente, si pédagogue. Quelle matière aurais-tu pu enseigner ?... L'Histoire de la Magie, sans aucun doute. Mais je suis certaine que tu aurais excellé quelle que soit la matière, parce que tu aurais adoré tes élèves, alors ils t'auraient adorés aussi, et ta matière avec par extension logique.

Car qui, qui sur cette terre, aurait pu être insensible à ton charme pétillant, à ta bonne humeur, à ta jovialité naturelle ?... Toi qui d'un mot avait le pouvoir de réconforter tous les cœurs, de panser toutes les blessures. Médicomage... tu aurais été en sécurité, à Sainte Mangouste. A Poudlard aussi, d'ailleurs. Tu aurais rassuré tes patients, tes élèves, tous ceux qui auraient eu la chance de croiser ta route. Mais non, au lieu de ça, il a fallu que tu suives mes traces, comme lorsque petite tu t'amusais à marcher dans mes empreintes de pas sur le sable. Il a fallu que tu deviennes Auror, que tu essayes du moins, car si la théorie n'avait aucun secret pour toi, la pratique en revanche...

Il a fallut que tu te mettes sur la route des seules personnes incapables d'apprécier ton charme et ta gentillesse. Il a fallut que tu te portes volontaire pour une mission qui dépassait de loin les capacités encore trop vacillantes d'une nouvelle recrue. Il a fallut que nous soyons assez désespérés pour laisser intervenir une gamine innocente telle que toi, dans un conflit où tu n'avais pas ta place. Il a fallut que ton adversaire use sur toi de la seule formule contre laquelle personne ne pouvait te protéger. De la seule formule que je ne pouvais contrecarrer, en aucune manière.

Ce n'était pas faute d'y avoir songé, et d'avoir même essayé. On en trouve, des choses, dans l'allée des Embrumes... lorsque l'on est assez désespérée pour chercher. Le grimoire était encore chez moi, bien dissimulé au fin fond d'un placard, derrière plusieurs rangées de fioles de potions diverses. Mais lorsque était venu le moment de profaner ta tombe, de mutiler ton cadavre, et d'enfin verser le sang pour t'accorder une demie vie du sacrifice de la mienne... je n'avais pas pu. Je n'avais pas pu aller jusqu'au bout.

J'étais lâche.

Tout comme j'étais lâche de chercher à oublier tout cela ce soir, ce soir où je devrais pourtant plus que jamais accepter la douleur, cette douleur que je méritais, moi qui n'avais pas su te protéger, ni de moi, ni de toi-même. Sylvia... Baissant les yeux sur le verre de... vodka ? gin ? Je ne savais même plus... que je serrais entre mes doigts, j'y noyais mon regard à défaut de ne pouvoir m'y abandonner tout entière. Je ne portais rien de spécial pour l'occasion - un jean sombre, un pull noir par dessus un débardeur noir, mes bottes, mon longs manteau noir Moldu. Je ne m'en sentais que d'autant plus coupable - j'aurais dû... j'aurais peut-être dû porter quelque chose de plus habillé, en l'honneur de sa mémoire. Ou peut-être pas - peut-être qu'être moi-même suffisait ce soir ?... Je ne savais pas, je ne savais plus...

- ... Penelope ?...

Amorphe, je ne daignais pas relever les yeux sur Ashley, la jeune serveuse blonde et plantureuse, à qui j'empruntais quelques cheveux à l'occasion pour mon polynectar, puisque c'était sous ses traits que je me présentais aux Mangemorts en tant qu'Iris Dewitt. Réitérant son appel, et constatant le même résultat, elle se risqua à poser sa main sur mon épaule pour me secouer avec douceur, ce qui n'eut pas plus d'effet, sinon celui que je manquais tomber de mon tabouret.

- Patron ?... Son compte est bon patron, je la ramène ce soir, l'entendis-je déclarer un peu plus loin, alors que je suivais ses déplacements en me guidant au bruit de ses talons qui claquaient sur le carrelage.

Les mots mirent quelques minutes à monter jusqu'à mon cerveau, et même une fois arrivés à destination, je n'en saisis pas franchement le sens - je m'en moquais bien, à vrai dire. Il fallait que je fasse un cadeau de Noël à Sylvia... qu'est-ce que je pourrais bien lui acheter cette année ?...

Soudain, une rafale de vent glaciale me gifla le visage, et je cru constater vaguement que nous étions dehors. Le sol taguait sous mes pieds, mon regard ne parvenait pas à se fixer sur un point précis - il neige non ?... C'est bien... Sylvia aime la neige... Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale, même si je ne sentais pas vraiment le froid - j'avais bu... beaucoup, je crois... mais la constatation me laissa de marbre, puisque je l'oubliais sitôt qu'elle eut traversé mon esprit. A moitié avachie sur Ashley, qui avait passé un de mes bras par-dessus ses épaules et m'entourait fermement la taille d'un des siens, je me laissais promener dans les rues noires de Londres sans savoir où on allait, bien que quelque part, le peu de conscience qui me restait reconnaisse le trajet - savoir ou ne pas savoir... je m'en moquais bien... enfin je crois... peut-être... peut-être pas... je sais pas... Sylvia...

il était là... Le journal que je cherchais depuis des jours... Je me redressais du rayon dans lequel j'étais planqué depuis le début de la soirée, avant de m'appuyer sur la table derrière moi. Après ma journée de boulot, j'avais décidé de partir aux archives, une nouvelle fois depuis le début de la semaine. Je n'avais pas osé poser la question à Penelope et avait préféré chercher seul l'information que je voulais.

Et je la tenais entre mes mains, sur ce bout de papier. En première page du journal qui datait d'un an jour pour jour, le gros titre affichait le drame qu'avait subi le Ministère de la Magie. L'embuscade dans laquelle était tombée une poignée d'Aurors, causant la mort de trois d'entre eux, dont une toute nouvelle recrue. Le nom de Sylvia était là, en noir et blanc, dans la liste des personnes disparues.

Je restai un instant immobile, regardant sans la voir la Gazette entre mes mains, avant de la ranger à sa place calmement. Je saluai le réceptionniste, avant de sortir dans le froid hivernal. Après quelques pas dehors, je m'arrêtai et regardai la neige tomber. Aussi loin que remontaient mes souvenirs, elle avait toujours apprécié la neige, et surtout cette période de l'année. Le nez levé vers le ciel lourd de nuages, je laissai voguer pensées et souvenirs, ainsi que les lourds regrets qui ne me quitteront surement jamais. J'aurais du lui envoyer des hiboux, aller prendre de ses nouvelles, ne pas perdre contact... J'aurais du faire tout ça, mais je n'avais rien fait. Je m'étais renfermé sur moi même, j'avais retrouvé ma solitude, j'avais abandonné notre amitié sans savoir à quel point celle-ci pourrait me manquer.

Ma vue se brouilla. Je ne m'étais pas rendu compte que des larmes avaient envahi mon regard. D'un geste rageur, je baissai la tête et me frottai les yeux pour chasser ces gouttes d'eau brûlantes. Je marchai d'un pas furieux vers mon appartement, ne souhaitant rencontrer personne. Mais malheureusement pour moi, la journée n'était pas terminée...

Alors que je tournais au coin de la rue, je me retrouvai face à Iris. Mon visage se crispa immédiatement face à l'identité Mangemort de Penelope. Elle n'avait donc aucun sentiment, pour travailler alors que cela faisait un an que sa soeur avait disparu ?! Je faillis me mettre à lui hurler dessus, lorsque je remarquai la loque accrochée au cou d'Iris.

Penelope.

Je me penchai un peu, la regardai fixement. Son regard vide était totalement embrumé par de l'alcool, à ce que je pouvais sentir. Elle empestait le gin et le whisky... Je me redressai pour regarder la jeune femme dont je ne connaissais pas le nom, ne sachant pas quoi faire... Avant de finalement prendre le bras ballant de la sorcière pour le passer sur mes épaules. Courbé pour être à la même taille que la jeune femme. Je la regardai une nouvelle fois.

- Je la connais, je peux vous aider à la transporter. Vous la ramenez chez elle ?

Elle semblait tellement mal en point... Elle avait besoin d'aide. Et, sans comprendre vraiment pourquoi, je me refusais de la laisser comme ça.

Spoiler:

Je crois que j'ai la nausée, mais je n'en suis pas certaine. Un verre... j'ai... besoin d'un verre... après tout, ma conduite est irréprochable 364 jours par an... pour une fois... pour une fois, je veux faire tout ce que je m'interdis de faire en temps normal. Ce soir, je veux lâcher prise. Ce soir, j'ai clopé comme un pompier, bu comme un trou au bar, et... je marche. J'essaye de mettre un pied devant l'autre, en tout cas. C'est pas évident, mais je sens qu'on me porte à moitié, alors je tente de faire preuve de bonne volonté, même si c'est sans doute pas très concluant. Sylvia... elle aurait tellement honte de moi. Mais elle comprendrait... oui, je suis certaine qu'elle comprendrait...

- Penelope, tu pèses ton poids, secoues-toi un peu... maugréa Ashley en s'immobilisant sur le trottoir, aussi bien pour faire une pause que pour raffermir sa prise autour de ma taille. Eh, vous êtes qui vous ?...

Mais si la voix de la jeune femme me laissa de marbre, une autre creva le silence de la nuit et eut le mérite de me faire dresser la tête. Pour mieux me faire tomber dans deux puits d'aigue-marine. Je connaissais ce regard...

- Sylvia... crus-je m'entendre murmurer du bout des lèvres.

Puis soudain, mon bras libre fut passé autour d'épaules bien plus larges que celles d'Ashley, qui elle contemplait Orpheus d'un œil sceptique, méfiante. Le monde tanguait toujours, et je flottais dans une espèce de brouillard brumeux que même le froid de décembre n'avait pu dissiper dans mon esprit. Je n'étais pas habituée à boire de l'alcool... j'allais sans doute payer très cher cet écart, mais ce soir, tout était permis. Ce soir, Sylvia mourrait pour la seconde fois dans mon cœur... qui pourrait m'en vouloir d'essayer d'anesthésier la douleur ?...

- Euh... oui, répondit finalement Ashley avec un temps de retard - juste le temps de constater que j'étais bien moins lourde à porter lorsqu'il soutenait la moitié de mon poids. C'est plus très loin... ajouta t-elle en recommençant à marcher.

Et en effet, après une dizaine de minutes supplémentaires de marche difficile sous la neige et dans le froid, à la lueur incertaine des réverbères, elle s'immobilisa finalement sur le perron devant ma porte d'entrée, fouillant mes poches sans ménagement à la recherche de mes clefs. Pour ma part, je commençais à me sentir vraiment nauséeuse - tout l'alcool que j'avais ingéré quasiment à jeun me pesait sur l'estomac... mais je ne voulais pas... le recracher... je voulais... oublier...

La jeune femme semblait méfiante, ce que je pouvais amplement comprendre. Après tout, voir un homme bien plus grand qu'elle débarquer alors qu'elle essayait tant bien que mal de ramener une sorcière totalement ivre, ça n'était pas de très bon augure. Mais, une chance pour elle, mes intentions étaient vraiment louables. Je l'aidais donc à porter Penelope, qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que de murmurer le nom de sa défunte sœur avant de retomber dans les brumes de l'alcool. Surement s'était-elle rappelé que le seul lien qui existait entre elle et moi, c'était Sylvia, et avait occulté tout le reste.

Le trajet fut en effet rapide jusqu'à l'habitation de Penelope. Je la soutint alors que la blonde cherchait, j'imagine, ses clés, avant qu'elle n'ouvre la porte. Je ma laissais guider dans la pénombre des pièces, avant de laisser la sorcière s'échouer sur ce que j'imaginais être un lit. Je m'étirais rapidement, la regardai avant de me tourner vers l'accompagnatrice.

- Je peux rester pour m'occuper d'elle, si vous avez autre chose à faire.

Je me rendis alors compte que je n'avais aucun moyen de prouver que j'étais en effet une connaissance de Penelope, et à cette constatation, ma main se crispa sur ma baguette. Le cas échéant, elle pourrait tout simplement oublié ma rencontre... Mais je préfèrerais ne pas en arriver là.

- Je suis un collègue de travail, ainsi qu'un vieil ami... De la famille.

M'étendre sur mes liens avec la famille Harper m'était trop difficile ce soir.

Il ne fallu pas bien longtemps à Ashley pour se décider, et elle accepta l'aide d'Orpheus avec une gratitude non dissimulée. Il faut dire que malgré mes efforts, je ne tenais absolument pas debout, et même si je tentais tant bien que mal d'obliger mes pieds à se poser l'un devant l'autre, je trainais lamentablement la patte, dodelinant de la tête, à moitié inconsciente - pour ne pas dire au bord du coma éthylique. Et si moi je n'avais pas conscience du froid, elle, si, et elle était pressée de me déposer pour ensuite pouvoir filer se remettre au chaud. Et avec l'aide d'Orpheus, le trajet fut rapide et silencieux, et une fois devant chez moi, Ashley mit rapidement la main sur mes clefs avant de s'empresser d'ouvrir la porte.

Avant même d'en avoir franchit le seuil, on pouvait humer la puissante odeur végétale qui parfumait mon intérieur à l'atmosphère chaude et humide, idéale pour toutes les plantes plus ou moins dangereuses qui constituaient l'essentiel de ma "décoration". Guidant Orpheus le long du couloir sans se donner la peine d'allumer les lumières, elle passa devant le salon et la cuisine, ignora les deux premières portes en suivant, toutes deux closes - la "chambre" de Sylvia et ma salle de bain - et poussa la porte du fond, qui donnait sur ma chambre. Un lit double calé contre le mur du fond, une table de chevet encombrée de livres qui laissaient à peine assez de place pour une lampe de chevet et un cadre contenant une photo de Sylvia et moi, un bureau où s'entassaient quelques dossiers et une grande armoire vitrée en composaient le mobilier, le tout recouvert d'une certaine épaisseur de poussière prouvant à quel point je passais peu de temps ici comparé à mon bureau du Ministère.

M'effondrant sur le lit fait au carré, dont les draps trop lisses dénonçaient mes tendances insomniaques, je sombrais immédiatement dans un sommeil comateux, mais qui ne devrait pas durer, mon foie commençant à sérieusement protester contre la dose d'alcool qu'il avait à filtrer. Soupirant de soulagement, Ashley se redressa en étirant son dos, avant d'allumer la lampe de chevet et de scruter Orpheus avec une certaine méfiance.

- Je ne crois pas que... qu'elle soit du genre à apprécier ce genre... d'attention, répondit-elle, un peu suspicieuse.

D'un côté, elle ne souhaitait pas me laisser seule dans mon état... mais de l'autre, elle ne tenait pas non plus à me livrer sans défense aux mains d'un potentiel inconnu.

- Penelope, tenta t-elle alors en me secouant vigoureusement par l'épaule, à quoi je répondit par un grognement. Penelope, je pars, mais je te laisse pas seule, monsieur... - insérer ici un regard insistant en quête d'un patronyme - reste avec toi. Ça te va comme ça ?... demanda t-elle en continuant de me secouer.

"Mmmhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh..." fut tout ce que je trouvais à répondre, mais elle parut s'en satisfaire, et poussa un soupir avant de se tourner vers Orpheus.

- Je vous laisse alors. Merci de votre aide... et bon courage, ajouta t-elle en me jetant un bref coup d’œil, avant de faire volte-face, le bruit de ses talons claquant sur le plancher accompagnant son départ.

Pour ma part, j'avais replongé sitôt qu'elle avait cessé de me secouer - si tant est que j'ai jamais vraiment émergé.

La porte fut rapidement ouverte sur un appartement obscur et chaud. L'atmosphère semblait presque tropicale et, au vu de l'odeur, je ne doutais pas une seconde que des plantes devaient se développer avec joie dans l'habitation de Penelope. Je suivis sans demander la jeune femme, avant de lui expliquer la situation et de lui proposer de rester. Je voyais bien à son regard qu'elle n'était qu'à moitié décidée, mais c'était à elle de choisir maintenant.

Quand elle se pencha vers la sorcière pour lui expliquer la situation, je lui fis ce qui ressemblait le plus à un sourire rassurant. Je n'avais pas l'intention de blesser Penelope, loin de là... Il fallait juste faire en sorte qu'elle ne tombe pas en coma, sinon on était bon pour Sainte Mangouste. Et si je pouvais éviter d'arriver avec un Auror au taux d'alcoolémie plus élevé élevé que la tour d'Azkaban, ça serait quand même mieux, autant pour moi que pour son compte à elle...

Une fois seuls dans l'appartement, je regardais Penelope pour être sûr qu'elle allait bien... Ou plutôt qu'elle était encore en vie, avant de sortir ma baguette.

- Lumos, murmurai-je plus par automatisme que par besoin.

Une fois que mes yeux furent habitués, je partis à la découverte de la maisonnette. Je trouvais la cuisine minimaliste, utilisée bien plus pour la préparation de potions que pour la cuisine en elle-même, et mis de l'eau à chauffer pour un bon thé. Je trouvais également une vieille bassine que je pris avec moi, avant de passer à la pièce suivante.

Je trouvais la salle de bains en un rien de temps, et manquai de me faire attaquer par une des plantes qui y vivaient paisiblement, avant de trouver comment allumer la lumière. Je posai la bassine au pied de la douche, avant de repartir dans la chambre de la sorcière.

Je posai mes affaires sur une chaise et gardai ma baguette dans une des poches de ma robe de sorcier violet sombre, avant de me pencher sur la jeune Auror. Je réussis à lui enlever le manteau qu'elle avait sur le dos, ainsi que de la débarrasser de son pull et de ses bottes. C'était la première fois que je devais enlever les vêtements d'une jeune femme inconsciente, et l'expérience ne me plaisait pas du tout. Une fois cela fait, je la soulevai du lit pour la porter dans mes bras, faisant attention à ce que les secousses ne lui retourne pas l'estomac -je ne tenais pas à me retrouver couvert d'alcool prédigéré...-

Je la portais jusqu'à la salle de bains sans à-coup, remarquant qu'elle ne se rendait compte de rien tellement elle était imbibée, la posait sur le sol de la douche, dos au mur... Avant d'allumer l'eau froide juste au dessus de sa tête, histoire de la réveiller un peu. La pomme de douche dans une main, la bassine dans l'autre, j'étais prêt à toute éventualité... Et je l'avais même délesté de sa baguette, histoire d'éviter une éventuelle contrattaque.

Elle allait me détester.

Spoiler:

Avec au bas mot les 8 grammes d'alcool que je me payais dans le sang, j'étais bien partie pour ne garder aucun souvenir de ce que j'avais fait ce soir là - soit une visite au cimetière après un passage chez le fleuriste, avant de filer directement dans le petit pub/restaurant dans lequel je prenais 80% de mes repas. J'y avais même été avec Sylvia elle-même quelques fois... Et si habituellement, je négligeais le bar pour m'installer à une des tables du fond, ce soir, je m'étais assise au comptoir, et j'avais bu plus d'alcool que je ne l'avais fait durant cette dernière décennie.

Totalement inconsciente des déambulations d'Orpheus, voir même de sa simple présence, je ne dormais pas vraiment, n'étais pas consciente pour autant, ne pensais pas, ne rêvais pas - exactement l'effet recherché lorsque j'avais commencé à boire, en fait, et si j'avais été en état de m'en apercevoir, j'en aurais été ravie. Ce dont j'aurais sans doute été moins ravie en revanche, c'était du plan qu'Orpheus était en train de concocter pour me tirer de cet état, et je ne réagis pas lorsqu'il entrepris de me déshabiller en partie, avant de me porter jusqu'à la salle de bain. Mon filet du diable docilement réfugié derrière la cabine de douche, fuyant la vive lumière des néons que j'avais installé exprès pour le tenir à distance, je fronçais vaguement les sourcils en sentant le carrelage glacé de la douche dans mon dos... puis ce fut le déluge.

Sursautant violemment, j'échappais un couinement à mi-chemin entre le hoquet de surprise et le cri de souris, frissonnais... et mon regard trouble accrocha les iris translucides d'Orpheus. Complètement désorientée, le choc m'avait cependant assez éclairci les idées pour que je le reconnaisse... et sans que je ne me laisse le temps de comprendre ni comment, ni pourquoi, mon corps réagit plus vite que moi. Enfin, essaya plutôt, et lorsque je tentais de me redresser pour me jeter sur lui, histoire de lui coller la raclée de sa vie... mon sens de l'équilibre fortement perturbé et le sol glissant de la douche eurent raison de moi, et je m'effondrais sur lui de tout mon poids en le plaquant au sol.

- Espèce de !!!...

...
...
...
... Oh oh.

Fébrile, je me dégageais en vitesse, plus nauséeuse que jamais... et eu tout juste le temps de faire deux foulées à quatre pattes avant de plonger la tête dans la cuvette des toilettes. Heureusement que la salle de bain était minuscule... Accoudée à la lunette, une main crispée sur la faïence impeccable, l'autre perdue dans mes épaisses boucles brunes (et trempées d'eau froide !!!), mon corps commença à régurgiter une partie de l'alcool que j'avais ingéré, le mélange de bile acide et de vodka me brulant la gorge alors que je subissais patiemment le revers de ma bêtise. Plusieurs douloureuses minutes plus tard... je restais encore quelques instant immobile, tremblante au dessus de la cuvette histoire d'être certaine que la crise était passée... puis me reculais lentement, reprenant lentement mon souffle tout en me recroquevillant sur moi-même, appuyant mon front sur le carrelage frais au sol.

Ok... Maintenant, j'ai vraiment envie de mourir...

A l'instant où l'eau glacée atteignit la tête de Penelope, qu'elle dégoulinait sur ses lourdes boucles, son corps réagit pour elle. Je l'entendis couiner et ne lâchai pas des yeux son regard, histoire d'être sûr qu'elle ne réagisse pas trop durement. Je pus alors anticiper son mouvement et me décalai à temps, mais c'était sans compter sur son équilibre plus que précaire...

En moins de temps qu'il ne fait pour le dire, elle dérapa et m'entrainai dans sa chute. Tombant lourdement, je grimaçai quand mon dos tapa lourdement contre carrelage, et me préparai à prendre la rouste qui m'était apparemment destinée... Quand Penelope s'arrêta en plein élan. Je la vis ramper avec difficulté jusqu'aux toilettes, et l'atteignit au moment même où des spasmes agitaient son corps. Bon, la douche aura au moins été utile... Je me redressai et la regardai rendre tout l'alcool qu'elle avait ingurgité. Elle se tenait les cheveux elle-même, mais son épaisseur lui jouait des tours et de mèches revenaient sans cesse contre son visage.

Je me levai et me penchai vers elle, regroupant les mèches fugueuses dans mes mains pour lui libérer... La vue, et regardai ailleurs le temps qu'elle se calme. Quand je la sentis glisser au sol, je pris une serviette quelconque pour la mettre entre ses mains, et partis vers la cuisine. La bouilloire sifflait sur le feu, je la retirai et préparai rapidement un thé pour la réchauffer. Bientôt, elle allait surement trembler de froid, elle était trempée d'eau froide. Par ma faute, je l'avoue, mais je n'avais pas d'autre moyen sous la main. Je revins dans la salle de bains et m'accroupis à côté d'elle, laissant glisser mes doigts contre le carrelage.

- Penelope... Je vous ai préparé un thé, quand vous serrez en état de vous lever. Je peux vous aider si vous le voulez.

Je savais que l'heure était à la diplomatie après ce que je lui avais fait subir, et j'étais même persuadé que j'allais me faire remonter les bretelles comme jamais si elle était assez en forme. Je me mis donc à prier pour qu'elle soit encore groggy, même si je préfèrerais la voir plus en forme qu'elle ne l'était, étalée sur le carrelage...

Respirant lentement par la bouche, dégoûtée par mes propres relents d'alcool, le carrelage frais contre mon visage me fit cependant du bien, et je restais roulée en boule, serrant comme un doudou la serviette qu'Orpheus m'avait fait passé avant de partir. Je n'étais pas en état ni de me demander ce qu'il fichait ici, encore moins de m'agacer de la situation - je me sentais juste minable, minable, minable, et j'étais tout juste assez consciente pour sentir le poids de la honte qui ne tarderait pas à m'écraser. J'entendais le sorcier s'affairer dans ma cuisine, et je me demandais ce qu'il pouvait fabriquer - il n'y avait rien à manger chez moi, sauf peut-être un paquet de cookies pour les petits-déj' express, pour les matins où je n'avais pas la foi de descendre chercher un croissant à la boulangerie du coin. Seul un placard de mon buffet était consacré à la vaisselle, contenant également mon café, du thé, des tisanes, le fameux paquet de cookies et une ou deux conserves pour les cas d'extrême urgence... le reste, ce n'était qu'ingrédients de potion et fioles aux contenus divers.

J'eu une vague pensée pour la marmite de polynectar qui mijotait sur la gazinière - faut surtout pas qu'il y touche, sinon ça va tout faire foirer... Quelque chose de froid et un peu gluant glissa alors le long de mon bras, avant de s'enrouler doucement autour de mon poignet - sûrement une liane de mon filet, pas de quoi s'inquiéter. Je ne craignais pas la plante, qui ne se montrait agressive que lorsqu'elle se sentait menacée. Un bruit de pas approchant raisonna alors dans contre le sol, mais je ne bougeais pas, sentant la nausée m'envahir à nouveau... et plongeais de nouveau la tête dans la cuvette pour toute réponse à Orpheus.

Je restais cette fois encore plusieurs minutes penchée en avant - la crise avait été plus brève que la précédente, mais je restais volontairement penchée en avant, histoire de rendre définitivement et une bonne fois pour toute tout ce que mon corps ne pouvait tolérer plus longtemps. L'exercice me laissa une nouvelle fois hors d'haleine et épuisée, mais cette fois au moins, je sentis que j'avais les idées plus claires, et je pressais ma serviette contre mes lèvres tout en actionnant la chasse d'eau. Avant de tout simplement me rallonger par-terre, ma joue posée contre le carrelage bien frais. J'avais la gorge en feu... et je ne toucherais plus jamais à une goutte d'alcool de ma vie...

J'étais à peine rentré dans la salle de bains que Penelope avait déjà replongé la tête dans la cuvette des toilettes. Elle s'en sortais mieux que la première fois, je ne m'approchais donc pas trop et attendis qu'elle aille mieux. Elle se calma après quelques minutes, avant de se rallonger au sol. Elle avait l'air un peu plus fraiche à présent, mais ne voulais toujours pas bouger du sol. Je m'éloignais de nouveau vers la cuisine et lui préparai un verre d'eau. J'allais laisser tomber le thé pour le moment, ça n'était peut-être pas une bonne idée...

Je repartis dans la salle de bains et m'assis en tailleur à côté de la sorcière. Le verre d'eau tinta alors que je le posai au sol, près d'elle. Maintenant qu'elle avait évacué tout ce qu'elle avait bu de la soirée, je ne savais plus quoi faire. Il fallait qu'elle boive, se réhydrate et puis qu'elle mange un peu. Mais pour le moment, je ne savais surtout pas quoi dire, ou même quoi faire. Elle devait souffrir de la perte de sa sœur, sinon pourquoi s'était-elle mis dans un tel état ? Mais en même temps, elle devait être sûre que personne ne partageait sa douleur, le vide que Sylvia avait laissé derrière elle, le manque de joie...

Mais je pouvais le comprendre un peu. J'avais plongé plus profondément encore dans les abysses de la solitude depuis que nous ne parlions plus, et cette solitude était d'autant plus douloureuse que j'avais oublié l'espace de quelques années à quoi elle pouvait ressembler, à tel point elle était pesante... Sylvia avait rendu le moindre moment léger, haut en couleurs, en rires, en chaleur... Elle m'avait montré une autre façon de voir le monde, une manière de vivre sa vie de façon bien plus agréable que je ne la vivais maintenant, sauf qu'à présent, personne n'était plus là pour me montrer comment faire... Et je n'arrivais pas à le faire seul. Je baissai les yeux un instant, quittant le regard vide de Penelope, pour me replonger dans mes souvenirs. Etrangement, tout y était plus doux, plus parfumé, plus vivant, alors que ça n'étaient plus que des souvenirs... Mais sans Sylvia, le monde était fade et terne, et Penelope devait en être au même point que moi. Sauf qu'elle avait choisi l'autre option. Oublier à tout prix, au lieu de laisser vivre la douleur, et la laisser vous mordre le coeur comme elle le faisait actuellement avec moi. Ma main serra avec force mon genou replié, à tel point que mes jointures blanchirent. Une larme quitta mes yeux grands ouverts, avant que je ne parle de nouveau, la tête résolument baissée au sol :

- Vous devez boire et manger un peu, sinon vous allez souffrir le martyr.

Je n'arrivais pas à lui sortir autre chose que des banalités, des conseils pour chasser sa gueule de bois imminente. Je n'arrivais pas à me résoudre à lui parler de Sylvia. Je ne pouvais m'empêcher de penser que je n'étais pas digne d'évoquer le sujet avec la personne la plus proche d'elle de son vivant...

Étendue de tout mon long sur le carrelage, je ne bougeais plus, fixant le plafond d'un regard vide. Peu à peu, et à mon grand désespoir, mes idées s'éclaircissaient, ma nausée refluait, et ma mémoire m'envahissait, notamment le souvenir de notre dernière matinée ensemble... du dernier jour de sa trop courte vie. J'avais conscience de la présence d'Orpheus à mes côté, mais pour tout dire, je ne savais ni quoi faire, ni quoi lui dire, et je restais le plus longtemps possible prisonnière des brumes de ma léthargie qui se dissipait bien trop vite à mon goût. Je n'étais pas encore sobre, loin de là - seulement, je n'avais plus assez d'alcool dans le sang pour prétendre au coma. La bouche pâteuse, je songeais que je devrais boire - il me semblait même qu'Orpheus m'avait apporté un verre d'eau... mais je n'avais pas la force de bouger. Pas encore...

Je commençais à avoir froid - il aurait fallut que je bouge, que je me lève, que je boive, que je me sèche, que je change de vêtements... et rien que d'y penser, j'en étais épuisée à l'avance. Je n'avais envie de rien... enfin, si... d'une chose, une seule. Que Sylvia ne soit pas morte... mais c'était un souhait qui ne pouvait être exaucé. J'eu une pensée pour mon grimoire dissimulé au fin fond de mon buffet... Ce grimoire dont j'avais entendu parler dans les livres de la réserve de la bibliothèque de Poudlard, à laquelle j'avais eu droit d'accéder grâce à un mot spécial, en vu de mes études sur les Mages Noirs... Ce grimoire que j'avais mis des mois à me procurer après la mort de Sylvia. Ce grimoire qui puait la magie noire à des kilomètres...

- ... Je lui avais dit... soufflais-je d'une voix grinçante. Je lui avais dit... de ne pas faire ça... de ne pas devenir Auror... de ne pas y aller... Pourquoi, pourquoi est-ce qu'elle n'écoute jamais rien quand on lui parle ??!!... gémis-je dans un sanglot tout en frappant le carrelage d'un poing rageur.

Mes conseils ne recueillirent que peu de réaction. Penelope restait étendue au sol, sans bouger, malgré mes recommandations. Elle allait bientôt avoir froid, et si elle ne bougeait pas rapidement, elle serait dans un terrible état demain au réveil... Mais je ne voulais pas la brusquer ou lui dire quoi faire, de peur de sa réaction. Même si je devais l'obliger à bouger d'ici, à s'activer, faire quelque chose... Je ne savais pas comment lui dire, si je devais lui faire remarquer quoi que ce soit. Au final, j'étais tout aussi perdu qu'elle, et je ne savais pas si je devais m'en aller ou rester. J'avais l'impression d'être un intrus, mais ne voulais pas m'en aller pour autant.

La sorcière me tira de mon dilemme en marmonnant ses regrets, ses remords, et je posai mon regard vert d'eau sur elle. Elle se sentait tellement coupable que je pouvais ressentir sa culpabilité. Au final, aussi forte et inébranlable qu'elle pouvait paraitre, elle se laissait dépérir peu à peu, de solitude et de douleur. Elle n'était pas mieux que moi au final, à se morfondre de la sorte... Et puis, comme elle le remarquait si bien, Sylvia ne faisait jamais ce qu'on lui disait de faire. Elle voulait faire à sa guise, et travailler avec sa sœur était pour elle la meilleure manière de vivre...

Mais dire cela n'apaiserait en rien Penelope aujourd'hui. Ni même un autre jour, j'en étais persuadé. Je me contentais donc je m'appuyer contre le mur de la salle de bains et de laisser mon regard se perdre dans les feuilles du filet caché derrière la douche. Son sanglot, cependant, ne m'échappa pas. Je reportai mes yeux sur l'Auror, et tendis la main vers elle... Avant de me raviser, sans savoir quoi faire exactement.

- Je suis désolé Penelope.

Que dire de plus, à part confirmer ce qu'elle venait de dire ? Quoi qu'elle ait pu dire ou faire, Sylvia avait décidé d'être Auror, et elle a atteint son but, même si ça lui a couté, au final, la vie.

Un silence douloureux était retombé dans la petite salle de bain, seulement rompu par le goutte à goutte de la pomme de douche dans la cabine, et par les frémissements du filet du diable, qui s'impatientait, réfugié dans son coin à l'abri de la lumière crue du néon. Je devais être absolument affreuse, avec mes cheveux humides et en désordre, mon débardeur trempé, et mon maquillage qui avait dû me faire des yeux de panda, mais je n'y songeais même pas, toute entière perdue dans mes souvenirs, rejouant en boucle cet ultime instant où j'avais vu Sylvia pour la dernière fois. Si j'avais su... les choses auraient sans doute été différentes. Si j'avais su, je l'aurais bouclée quelque part à double tour, pour ne la laisser ressortir que des heures plus tard, bien après la fin de cette stupide mission dans laquelle elle s'était incrustée. J'aurais dû prendre la divination en option... peut-être qu'en y mettant du mien, j'aurais pu anticiper ce qui allait se produire... peut-être... que j'aurais pu l'empêcher...

- Peut-être... murmurais-je sans me rendre compte que je parlais à voix haute. Je n'aurais pas dû... lui interdire... la braquer... Au final, tout ce qu'elle voulait, c'était me prouver... qu'elle n'était pas à mes ordres... qu'elle n'était plus... une petite fille...

Fixant le plafond sans le voir, perdue dans mes souvenirs, je ne sentais pas les larmes silencieuses qui roulaient sur mes tempes avant de se perdre dans mes cheveux. Cette dispute avait été la dernière... et plus jamais nous n'aurions l'occasion de nous réconcilier à présent. Épuisée, et encore bien imbibée malgré tout ce que j'avais rendu... les minutes s'écoulèrent, lentement, douloureusement... jusqu'à ce que le néant finisse par enfin m'engloutir, m'abandonnant dans un sommeil profond et sans rêve. Le lendemain promettait d'être rude... mais ni la douleur, ni une gueule de bois carabinée ne m'empêcheraient d'aller au travail.

Après mes excuses, le silence s’abattit comme une chape de plomb sur la salle de bains. Penelope, au sol, n'avait pas l'air de vouloir bouger de si tôt, et je ne voulais pas la laisser au sol de la sorte. Elle allait attraper la mort, trempée sur le carrelage froid, mais pour le moment, je n'étais pas assez en forme pour la porter jusqu'à sa chambre. Encore pris dans mes pensées, je ne pouvais pas m'obliger à bouger et faire quelque chose de productif.

Je pouvais seulement penser à Sylvia.

Alors, quand elle parlait, surement pour elle-même, je ne répondis rien, la laissant sortir ce qu'elle avait enfoui depuis cette dernière année. Je ne pouvais que partager son point de vue, après tout avec sa douceur et sa gentillesse, elle n'était pas faite pour le métier d'Auror... Mais elle n'avait pas voulu le voir, préférant prouver sa vraie valeur sur un terrain qui ne lui été pas destiné.

Quand je sortis de mes divagations, le souffle de Penelope était plus calme, régulier. Elle s'était endormie, surement pour un mauvais sommeil précédant un très mauvais lendemain. Je me levais, les articulations ankylosées, pour prendre le verre d'eau et l'amener dans la chambre de la sorcière. Je revins ensuite dans la salle de bains pour la soulever du sol et la ramener jusqu'à sa chambre, la posai sur le lit et la recouvris d'une couverture.

Un fois cela fait, j'hésitai un instant. Je ne savais pas quoi faire pour le coup. Rester ? Ou bien partir et la laisser tranquille ?... Quelque chose me retenait ici, malgré la pauvreté de la décoration, quelque chose que je devais trouver. Je changeais donc de pièce et transplanai jusqu'à mon appartement pour ramener de quoi faire quelque chose à manger à la sorcière pour son réveil. Elle n'avait rien chez elle et tout était fermé à cette heure. Une fois de retour dans la maison avec quelques œufs et du bacon, je posai le tout sur la table de la cuisine, avant de m'arrêter dans le couloir. Toutes les portes étaient entrebâillées, sauf une.

Je m'en approchai donc. La porte était fermé à clé, surement pour cacher quelque chose. Ma conscience me torturai. Je ne devais pas rentrer, non. Cet endroit appartenait à Penelope, et je n'avais pas à y pénétrer. Je pris donc ma baguette et lançai un sort de déverrouillage, faisant tard cette voix dans ma tête. La porte s'ouvrit sans grincer sur la pièce la plus aménagée de la maison. Après un rapide "Lumos", je pus découvrir une chambre, entre ordre et désordre, qu'un âme avait surement abandonné le matin même. Sauf que je reconnaissais là la patte de Sylvia, qu'elle avait quitté il y a un an maintenant. Je ne pouvais en voir plus, submergé par l'émotion et la culpabilité. J'avais l'impression d'avoir souillé cette pièce en y entrant sans autorisation. Refermant la porte derrière moi, je me posai sur une chaise de la cuisine, croisai les bras sur la table et fermai les yeux le plus fort possible pour retenir mes larmes.

Abandonnée dans les restes de brume provoquée par l'alcool ingéré, je m'endormis comme une masse, sans réagir lorsqu'Orpheus m'arracha à mon carrelage pour me porter jusqu'à mon lit. Même l'odeur familière de cannelle ne me tira aucune réaction - il aurait pu faire n'importe quoi... n'importe qui aurait pu me faire n'importe quoi ce soir, je n'aurais pas été en état ni de me défendre... ni même de m'en rendre compte, tout simplement. Une armée de Mangemort aurait pu débarquer pour me descendre, que ça ne m'aurait probablement même pas réveillée. Je dormis ainsi d'un sommeil de plomb durant plusieurs heures d'affilées... et c'est finalement la combinaison d'un rayon de lumière sur ma joue et d'un grattement insistant à ma fenêtre qui eurent raison de mon coma.

Quelque chose grattait avec frénésie le montant de bois de ma fenêtre, et à mesure que j'émergeais douloureusement, j'entendis les miaulements courroucés du chat qui s'acharnait derrière la vitre - c'était un chat des rues, à qui je donnais à manger lorsqu'il venait quémander à ma fenêtre... sauf que aujourd'hui, j'aurais préféré qu'il s'abstienne. Grimaçant, je portais lentement une main à ma tête - mes tempes pulsaient douloureusement... j'avais la langue pâteuse, et j'avais l'impression d'être sur un bateau en pleine tempête - ce réveil de meeeeeeeeeeeerde... Comment je suis arrivée dans mon lit ??!!... Je ne me rappelais de rien... et vu que j'avais mal à la tête jusque dans les cheveux, j'évitais de trop solliciter mes neurones sur l'instant. Je sais... qu'on est le lendemain de la mort de Sylvia... que j'ai tout fait pour me mettre dans un sale état... mais... mais comment je suis rentrée chez moi ??!! Tendant lentement le bras vers ma table de chevet, j'attrapais la chaine de la montre de gousset qui trainait sur une pile de livres, jetais un coup d’œil vitreux à l'heure... Presque quatorze heures.

... Oh.
... Pu.
... tain.

- MERDE !!!!! brayais-je en bondissant sur mes pieds.

Tanguant sur mes jambes, je m'effondrais à moitié sur ma table de chevet... et le verre d'eau qui y était installé vola en éclat sur le plancher, m’arrosant les orteils en répandant son contenu dans quasiment toute la chambre.


- MERDEUUUUUUUH !!! répétais-je en sautant par-dessus les débris pour débouler dans le couloir comme une furie.

Je n'avais strictement aucuns souvenirs de la veille, un équilibre douteux et une migraine mortelle... mais surtout, je n'avais JAMAIS été aussi en retard de ma vie. Ma montre dans une main, je retirais mon débardeur dans le couloir, m'engouffrais dans la salle de bain en déboutonnant mon jean, et en moins d'une minute j'étais totalement nue et sous la douche, alors que même que mon filet du diable finissait de se planquer en gémissant de protestation. La nuque raide, le dos en vrac, et surtout la tête au bord de l'implosion, je ne fis pas dans la dentelle, et me savonnais vigoureusement avant de laver en vitesse mes longs cheveux bruns poissés de sueur. Mais en sortant de la douche, enveloppée dans une grande serviette blanche, laissant mes cheveux trempés dégoutter sur mes épaules, je dû ralentir un peu le rythme et faire une petite pause en m'appuyant à l'évier d'une main tremblante. Respirant par la bouche, je fermais les yeux, et m'octroyais trente secondes pour essayer de me reprendre - j'avais tellement mal à la tête que j'avais envie de gerber... allez... 30... 29... 28... 27...