Une semaine passée en Allemagne, pour des rendez-vous d'affaires au Ministère allemand, avait de quoi venir à bout du plus robuste des hommes. Sept jours de congrès et de réunions en huit clos, sans compter sur  les repas au réfectoire du Ministère à grand renfort de Schlachtschüssel et autres réjouissances à base de chou, saucissons de foie et boudins frais — que l'on ne vienne plus critiquer la cuisine britannique sous son nez ! —, Baldr était rentré le jour-même et avait filé droit au Tsarducks, éreinté mais ravi d'être de retour chez lui. De probantes perspectives d'extension de sa chaîne en terres germaniques le gonflaient d'espoir, pour autant il n'aspirait plus qu'à une chose : décompresser.
Cependant, le sort en avait décidé autrement, et lorsqu'un employé vint le trouver dans son bureau car un client le demandait, il sut que la journée était loin d'être finie.
Sur les talons de son serveur, il lui emboîta le pas jusqu'à la grande pièce principale qui constituait le Tsarducks Coffee, et lorsqu'il lui désigna la table en question, Baldr se dirigea vers la jeune femme qui tournait la tête de l'autre côté et dont il ne pouvait voir le visage. Se parant d'un sourire aimable, il refoula le plus loin possible la fatigue qui l'assaillait et s'annonça ;
— Bonjour Miss, vous avez demandé à me v... Audrey Worthington ? Articula-t-il, étonné, lorsque celle-ci se retourna enfin.

— Baldr, fit-il lorsqu'il glissa sa main dans celle d'Audrey, balayant d'un geste vague le ton trop professionnel que prenait la conversation. Certes, cela faisait un moment qu'ils ne s'étaient plus croisés depuis leur sortie de l'école, et pour être tout à fait honnête, ils ne s'étaient jamais vraiment fréquentés non plus, mais en tant qu'anciens camarades de maison à Poudlard, et côtoyant le même cercle de proches et d'amis, le sorcier estimait qu'ils pouvaient abroger cette distante politesse d'usage entre deux inconnus.
Audrey se rassit, et de sa main toujours dans la sienne, l'invita à faire de même. Lâchant finalement sa paume, il s'installa face à elle et fit signe à un serveur qui passait à côté d'eux de lui porter un café, et la même chose qu'avait commandé la jeune femme. Ce dernier revint rapidement et posa sur la table entre eux deux tasses fumantes.
— C'est vrai, très longtemps ! Je te remercie, il sourit et jeta un coup d'œil autour d'eux, plein de fierté. Les valises qu'il avait sous les yeux valaient finalement toutes les heures d'insomnie et de dur labeur à faire mûrir ce projet si réfléchi. Il reporta son attention sur le visage de l'ancienne Gryffondor. C'était étrange de la revoir, ici, après toutes ces années. C'était comme gênant et à la fois cela lui faisait plaisir. Et toi, Audrey... Qu'est-ce que tu fais, qu'est-ce que tu deviens ? Demanda-t-il, persuadé qu'il s'agissait là d'une visite de courtoisie.

Audrey s'accouda sur ses genoux pour diminuer la distance entre eux, et devinant qu'elle n'avait pas envie que leur discussion puisse être entendue, il l'imita et posa ses coudes sur ses cuisses, mains jointes sous son menton, plongeant ses yeux myosotis dans ceux de la jeune femme.
Elle lui apprit travailler pour le département de la Justice au Ministère, en tant qu'Auror. Baldr haussa imperceptiblement les sourcils, à la fois surpris et admiratif. Étonnement, il trouvait qu'elle n'avait pas tellement le physique de l'emploi, mais cela lui plaisait. Lui, l'anticonformiste, aimait l'originalité. Et puis, pour la connaître de Poudlard, il savait déjà qu'elle possédait une certaine force de caractère. Et beaucoup de témérité...
Pour autant, lorsqu'elle lui précisa venir en tant que telle, le sorcier perdit une once de sa décontraction. Point de visite de courtoisie non, mais belle et bien professionnelle.
— Je t'écoute, l'invita-t-il à poursuivre. Elle le briefa et lui fit un rapide topo sur ce qui l'amenait au Tsarducks, et à mesure qu'il l'écoutait, la stupéfaction lui faisait presque tomber les bras.
Quel piètre gérant il faisait, à n'avoir rien vu de ce manège... Qui plus est, le vendredi dernier en question, il n'était même pas à Londres. Le visage grave, il tentait de digérer les informations qu'il venait d'apprendre en proie à la crainte d'être mêlé contre son gré à de glauques affaires.
— Je... Je n'ai rien remarqué non, j'étais en voyage d'affaires la semaine dernière. Je reviens aujourd'hui-même, et mes employés ne m'ont signalé aucun événement particulier... Et ils étaient censés le faire. Ils sont allés dans l'atelier, tu dis ?
Earl, le troll de sécurité du café, devait faire la passoire devant l'entrée de la salle des chaudrons. Dressé dans ce but, il ne devait laisser entrer quiconque lui paraissait suspect. Mais qui savait vraiment ce qui se tramait dans la cervelle d'un troll ? Audrey désirait voir son registre d'admissions dans la salle, et déjà des oreilles indiscrètes pointaient dans leur direction.
— Viens, passons dans mon bureau. Inutile d'alerter la clientèle ou ses employés. Baldr voulait éviter de faire les choux-gras de la Gazette dès le lendemain. Plus à l'intimité, le jeune homme s'assit derrière son bureau en soupirant. Dis-moi de quoi tu as besoin ? Demanda-t-il, s'attendant à devoir lui fournir un liste de documents longue comme le bras.