— Bonjour, oui, appelez-moi Paula, répondit Mrs Funestar d'une voix pressée en serrant et secouant la main que Mr Vance lui tendait. Vite, votre fille a raison, filons d'ici...
Saul, plus spectateur qu'acteur actuellement, restait immobile et silencieux, tant verbalement que mentalement. Il ne sembla sortir de sa torpeur que lorsque la voix d'Emmeline pénétra dans son cerveau. Il se tourna vers elle et lui adressa un sourire avant que ses yeux de tombent sur sa main qu'elle venait de retirer de la sienne. Le coeur du Serdaigle se mit à battre un peu plus fort tandis qu'une pensée invasive clignotait dans sa tête sans qu'il ne puisse la faire taire : « Pourquoi m'a-t-elle lâché la main ? »
Se plaquant les deux paumes sur ses oreilles, il détourna la tête, les yeux clos, se maudissant et maudissant ce lien qui les mettait à nu par sa faute. Mais sa réaction passa inaperçue, du moins du côté des adultes car Mr Vance déjà leur proposait d'aller boire un verre dans un café un peu plus loin. Saul déglutit, « pense à autre chose, pense à autre chose », et il emboîta le pas à Mr Vance, marchant aux côtés d'Emmeline derrière les deux adultes.
« Je suis désolé pour ce que j'ai pensé, il y a une minute », lui dit-il dans son esprit. « C'est compliqué de se forcer à ne pas penser à quelque chose. Tu te dis "n'y pense pas" et c'est là que tu y penses. Tordu, non ? »
Saul rit doucement, sourire aux lèvres. Sa mère se retourna pour l'interroger du regard.
« Mon Saul... que se passe-t-il donc dans ta tête ? » se dit-elle avant de reporter son attention sur Mr Vance qui lui faisait la conversation.
Saul, gêné, croisa le regard d'Emmeline qui avait dû entendre les réflexions personnelles de sa mère. Il espéra un instant qu'elle n'entende que les pensées sans capter ce qu'il pouvait ressentir car il n'avait pas envie qu'elle sache que son coeur s'était serré à l'idée du souci qu'il pouvait causer à sa mère. Il détourna la tête de l'autre côté de la rue en se forçant à bloquer ses pensées . « Pourquoi est-ce que j'ai insisté pour tenter cette expérience ? »
— Franciscus est juste là, dit Mrs Funestar en pointant l'enseigne du doigt. Allons-y, vous en profiterez pour nous raconter ce qui vous est arrivé !
Ils traversèrent la route puis Mr Vance poussa la porte du café. Une cloche, accrochée près de l'entrée, tinta en cognant contre le bois de la porte.