Gabin avait été embarqué, sans vraiment qu’on lui demande son avis par Moran dans une maison close. Il lui avait sorti l'excuse qu'il ne fallait pas mourir bête et que ça s’engageait à rien. Finalement il avait craqué, un peu curieux de voir comment était ce genre d’endroit. La propriétaire l'avait regardé d'un drôle d'air quand il avait dû sortir sa carte d’identité. Il serait majeur dans quelques mois à peine, on ne voyait pas vraiment de différences entre Moran et lui non ? Bref, il avait eu le droit à un petit pitch lui expliquant qu'il n'avait pas le droit de demander le service d'une (jeune) fille ni de commander de l'alcool au bar. La première règle, aucun souci, ce n’était pas dans son programme, mais la seconde ? Sérieusement ? Tout le monde passait sa vie à boire et ce peu importe l’âge. Il avait donc fait son garçon sage devant elle mais il n'y comptait pas. Les deux compères trouvèrent une table et Moran partit au bar en leur ramenant deux bières. Après tout, il n'avait rien commandé n'est ce pas ? Très vite, Moran partit à l'aventure laissant Gabin seul, ce qui ne le dérangerait absolumen5 pas, il en profita pour observer l'endroit. Toutes les fenêtres condamnées par des épais rideaux foncés et une lumière tamisée qui donnait une ambiance feutrée. Les femmes se baladaient presque nues alors que les hommes les regardaient avec une lueur pervers dans le regard comme si c'était la première fois qu'ils côtoyaient une femme de leur vie. Il se déconcentré sur son verre plutôt que voir ce spectacle un peu affligeant.

Puis, il entendit une mélodie. Bercé par cette douce chanson, il fermit les yeux et se concentra sur chaque note, c’était un violon, la personne le jouait avec une adresse rare. Quelque chose dans cette façon de jouer lui était étrangement familier. Très familier, presque trop. En tant que passionné, il reconnaissait chaque note mais aussi chaque manière de jouer, les différences étaient imperceptibles pour toute personne qui n'y prêtait pas attention mais lui, il le ressentait. C’était le fait de rester une demi seconde supplémentaire sur une note ou de prononcer un peu plus. Il reconnaissait l'air, et il reconnaissait la manière mais c’était impossible. Il ouvrit les yeux lorsque la musique se rapprocha lentement de lui. Et puis il la vit. Les yeux bleus de glace, les cheveux blonds presque blancs. Mais surtout la tenue, une tenue qui ne lui ressemblait absolument pas, tout comme l'endroit d’ailleurs. Svet. .. Il ne prononça pas le moindre mot mais la regarda éberlué. Il ne l'aurait sûrement pas connu uniquement grâce à son physique car elle était bien camouflée mais son violon ne mentait pas. C'était elle et il ne savait pas quoi faire d'autre à part la fixer.

L'ambiance dans cette salle était étrange. D'une certaine façon, joyeuse car il y avait des rires, des sourires et plus encore et pourtant, il ne savait pas vraiment définir ce qui n'allait pas. Il aurait pu en quelque sorte comparer l'endroit à un repère de buveurs en fin de journée qui se détendent sauf que les femmes perchés sur leurs genoux faisaient penser à tout autre chose. Étant à présent seul car Moran était parti à je ne sais quel occupation, il restait simplement dans son petit fauteuil avec son verre a se détendre car c’était après tout le but premier de l'endroit et il ne comptait pas utiliser ses autres "activités".Un jeune homme rejoignit la musicienne et soudainement l'ambiance de la salle changeait du tout au tout et les notes d'une chanson d'amour envahirent la petite salle. Les deux instruments s'accordaient parfaitement dans un ballet sensuel et magnifique pour tout ceux qui connaissaient un tant soit peu la musique. Seulement, il n’était pas seulement bercé par la douce mélodie qui lui arrivait aux oreilles, car ce sont si particulier, cette manière d’accentuer certaines notes ou de glisser sur d'autres, il la connaissait plus que tout, tout simplement parce que c’était celle de sa meilleure amie. Il la laissa faire son boulot, vraiment ? Celle-ci finit derrière le bar et elle lui signifie d'un mouvement de tête et d'un regard de le rejoindre. Il quitta donc son petit coin tout calme pour rejoindre le bar tout aussi désert, les autres vaquaient à d'autres occupations dont il préférait ne rien savoir. "Et moi donc, je suis surpris que tu travailles la." Il eut envie de lui demander pourquoi elle n'avait rien dit mais la réponse était plutôt évidente, ce n’était pas quelque chose dont on se vantait. Mais pourquoi était-elle la ? La question lui brûlait les lèvres. Était-ce un coup de son père ? Non impossible, il n'aurait jamais permis qu'on trouve la chair de sa chair dans un tel endroit, en tant que femme, sa réputation aurait été scellée. Il se retint de la poser, enfin pour le moment pour ne pas la mettre mal à l’aise, il voulait juste comprendre. Il avala son shot à sa suite en vérifiant tout de même que la bonne femme qui l’avait accueilli n’était pas dans le coin pour ne pas se prendre un sermon. "J'ai reconnu ton violon, ta manière de jouer."

Il la regardait, sans jugement, simplement avec interrogation sur les raisons qui l'avait conduite ici. La jeune fille était occupé à laver des verres de shot et lui tournait le dos, la connaissant, il savait qu'elle ne devait pas être particulièrement à l'aise avec cette situation. La voir ici le faisait osciller entre la surprise et, disons le, un petit choc, c’était impossible à croire si on ne le voyait pas de ses propres yeux. Cependant, il ne montra rien de cette seconde émotion refusant de la mettre mal à l'aise. Après tout, il était plutôt normal que la première réaction face à ce genre de situation soit approximative. Ce qui importait était la manière de gérer la suite et il ne comptait surtout pas la blesser. « Excuse-moi, je ne voulais te juger ou te faire te sentir mal à l'aise ou quoi que ce soit qui y ressemble. » bafouilla-t-il à moitié mais tout en restant parfaitement sérieux.

Il était soulagé lorsqu'elle la rejoint sur les tabourets, c’était l’occasion pour lui d’arrêter de s'enfoncer toujours plus ! Et la, il comprit, certes avec un temps de retard mais bon c’était toujours ça ! Elle essayait de prendre son envol, du recul sur sa vie, sa famille et ses obligations. Il semblerait que cette fameuse conversation à la fin de l’année précédente ait pris une certaine maturation. Il se doutait à quel point tout cela devait être difficile pour elle car malgré les discordes et les points de vue divergents, elle était extrêmement proche de sa famille. Ils étaient unis et devoir s'en éloigner devait être un déchirement pour elle ! Ils n’étaient que deux enfants et elle était la fille en plus d’être là petite dernière. Elle avait donc été élevé dans un cocon de bonheur et de richesse. Savoir s'extraire de ce genre de vie lorsqu'on l'avait connu était plus difficile que tout et il n’était que plus admiratif de son amie. « Je comprend, tu es vraiment très courageuse, j’aimerais davantage te ressembler. » dit-il très sincèrement. « Tu as réussi à garder ton anonymat jusqu’ici ? » Réussir à garder une parfaite couverture dans un lieu comme celui-ci relevait de beaucoup de difficultés car il fallait que rien ne nous trahisse. L’avoir reconnu si vite et avec tant de facilité le surprenait presque lui-même. Il n'avait aucune idée qu'il connaissait si bien le son de son violon jusqu’à aujourd'hui. Mais le souci était que si lui l'avait reconnu, il craignait pour la sécurité de son amie et que d’autres la reconnaissent tout autant que lui et ça l’inquiétait. Faire une chose pareille, tout risquer, perdre sa famille, sa réputation, tout ce qui faisait qui elle était si elle était démasquée la détruirait sûrement plus qu'elle ne voudrait bien l'admettre. Elle faisait tout ça pour la force de ses convictions et Gabin en restait abasourdi et admiratif. C’était la personne la plus forte qu’il ait connu de sa vie, et il ne savait pas quoi dire pour lui montrer l’étendue des sentiments qui l'animait à son égard : le respect, l'admiration, la tristesse et bien d'autres. "D'accord, en tout cas, sache que ce que tu fais, très peu de personnes en seraient capables et préféreraient se laisser vivre. Tu as énormément de volonté."