De par son tempérament pusillanime qu'il avait étant plus jeune, Octavius s'était toujours plus facilement tourné vers les filles ayant un fort caractère. Cela créait très certainement un bon équilibre. Pourtant, si lui avait changé à ce niveau là, cette attraction, elle, n'avait pas bougé d'un iota. Ses relations n'en étaient devenus que plus harmonieuses, au final puisqu'il se montrait plus entreprenant en un sens. Il était ce qu'on pouvait appeler une force tranquille. Souvent on l'avait raillé concernant ses goûts en matière de femme, le qualifiant de soumis. Il s'en fichait comme de son premier lumos désormais. Que ces hommes restent avec leurs pots de fleurs s'ils le voulaient !
Aurora était une femme rayonnante et sûre d'elle. Elle avait un charme incroyable. Son rire sonnait agréablement aux oreilles d'Octavius au même titre que sa voix. S'il se fiait à cette vision qu'il avait d'elle, c'était une sirène en bonne et due forme. Il manquait juste la queue de poisson mais il ne s'agissait que d'un détail.
« Je vais tâcher à ne jamais te lasser dans ce cas. Je dois avouer que je tiens encore un peu à ma vie. » répondit-il avec un petit rictus.
Il se mit à raconter distraitement une vieille histoire de marin qu'il avait entendu quelques années auparavant. Il lâcha un léger rire à la défense d'Aurora. Bien sûre qu'elle n'était pas coupable. L'histoire s'était présumément produite il y avait bien vingt ans de cela. La jeune femme n'était très clairement pas assez âgée pour avoir été responsable de la noyade de ce pauvre Captain Whale.
« Tu fais bien de me le dire, je commençais à te soupçonner. Tu opères certainement plus dans les eaux de l'Atlantique. » dit-il, l'air faussement sérieux.
Quand un serveur passa, l'anthropomage l'interpella pour payer l'addition. Mais il n'eut à peine le temps de mettre la main dans la poche de sa veste qu'Aurora sortit une bourse en satin blanche de laquelle on entendait des pièces tinter. Elle la vida dans la main du serveur sous le regard et le sourire confus d'Octavius. Quand elle eut payé, il la suivait toujours des yeux alors qu'elle se levait d'un bond. Il n'eut même pas le temps de la remercier pour l'addition. D'un geste vif et raffiné, elle lui présenta sa main, lui priant de passer le reste de la soirée au casino avec elle. Un peu surpris de ce geste, il regarda très brièvement d'un regard timide autour de lui. Redirigeant ses yeux bleus vers la jeune femme pleine d'assurance: « Je ne comptais pas partir maintenant de toute façon. » dit-il en saisissant sa main et se levant de sa chaise avec un sourire courtois. Elle avait la peau douce.

Ils sortirent alors tous les deux du Tsarduck Coffee et Aurora les fit transplaner en face du apparemment célèbre Royal Flint Casino. Un lieu dans lequel Octavius n'avait jamais mis les pieds. La devanture de l'établissement respirait le luxe. Quand ils entrèrent, il fut directement frappé par l'ambiance qui régnait en ce lieu. L'intérieur était à l'image de la devanture. Une ambiance tamisée totalement années folles au sein d'un temple où le hasard n'était jamais à la faveur du client. Une atmosphère loin des casinos bling-bling de Las Vegas qu'il avait déjà pu fréquenter une fois — et ce n'était même pas pour jouer. L'anthropomage était presque fasciné par le lieu. Ils s'avancèrent directement ver le bar où un jeune homme préparait des boissons dans une tenue très chic. Celui-ci vint directement vers eux, se mettant à leur entière disposition.
« Bonsoir, un Bloody Mary s'il vous plait. »
Quand Aurora commanda à son tour sa boisson, Octavius sortit directement quelques gallions de sa poche pour payer l'addition avec un pourboire qu'il posa sur le comptoir avait qu'elle n'eût pu faire quoique ce fût. « Cette fois-ci, elle est pour moi. » dit-il avec un petit sourire en s'adossant au bar en attendant d'être servi. Il balaya la salle du regard.
« Je dois t'avouer que c'est la première fois que je viens dans un tel endroit. »
De toute façon, il n'avait pas d'argent à perdre dans des jeux.

L'argent n'intéressait pas Octavius. Comme le disait si bien Aurora, c'était un outil. Un outil nécessaire, certes. L'argent permettait de faire pleins de choses. Se loger, se nourrir, acheter de belles choses... Mais le bonheur, ça ne s'achetait pas. Le problème étant dans beaucoup de pays, assez paradoxalement, l'argent était nécessaire pour être heureux — en tout cas pour la plupart des gens. Parce que sans, on ne pouvait pas vivre décemment. Essayez d'être heureux en crevant de faim dans la rue en plein hiver ! Il fallait au moins avoir de quoi subvenir à ses besoins primaires. Il aurait été alors plus exact de dire qu'avoir beaucoup d'argent ne permettait pas nécessairement d'accéder au bonheur.
« C'est l'intention qui compte. Et je ne voudrais pas passer pour un malotru qui se fait grassement payer ses consommations. » expliqua-t-il avec un petit sourire.
Octavius trouvait cela très impoli de ne pas payer sa tournée quand on sortait accompagné. Même si on passait la soirée avec une femme richissime.

Ils allèrent s'asseoir sur des fauteuils. L'anthropomage fut un peu surpris en s'enfonçant dans le velours coussin plus bas qu'il ne l'aurait pensé. Il s'installa alors confortablement en écoutant ce qu'Aurora disait. C'était une cantine particulièrement luxueuse, en effet. La jeune femme semblait avoir été modelée pour ces lieux. On aurait dit qu'elle faisait parti du décor, contrairement à lui. Il avait beau avoir des manières et des vêtements dotés d'une certaine élégance, il détonnait dans cet univers de luxe. Il y faisait presque tache. Rien que le code couleur. La plupart des sorciers et sorcières présentes portaient des tons sombres comme le noir, le bordeaux ou le bleu marine agrémenté d'un peu de blanc. Lui, il portait des couleurs dans une gamme beaucoup plus lumineuse bien qu'elles soient tout aussi passe-partout.
« On ne peut tout de même nier qu'il s'agisse d'une sacrée cantine. » fit-il remarquer en regardant autour de lui.
Ce n'était pas la Grande Salle de Poudlard. Il retourna son regard vers elle et se pencha pour l'écouter. Il lâcha un léger rire. Il n'y connaissait rien en économie. En fait, il s'agissait du cours qui l'avait le plus ennuyé lors de la seule semaine qu'il avait passé en tant qu'étudiant à l'Ecole Supérieure de Magie.
« C'est une sage décision. Le casino gagne toujours. »
Ceux qui jouaient assidûment avait vraiment de l'argent à perdre. Ils furent interrompus par un homme, guindé et bien habillé, qui vint à eux. Plus particulièrement à Octavius. Cet homme n'avait même pas eu besoin d'ouvrir la bouche pour que le blond comprenne la raison de sa venue. Sans rien de plus, il lui demanda son nom d'un air presque hostile. Et le bonsoir, c'était pour les botrucs ?
« Bonsoir. » répondit simplement le jeune homme avec insistance et un sourire cordial.
Aurora, aussitôt, s'imposa avec un geste comme protecteur à l'égard de l'anthropomage, posant une main sur son genou. Cela l'arrangeait assez, pour être honnête. Et surtout, cela lui plaisait de la part d'une femme. Il guettait la réaction du vieux snob. Ce dernier n'avait pas l'air de grandement apprécié puisque toujours du même air supérieur, il demanda le nom d'Aurora. Ainsi, elle s'appelait Aurora Honoria Belvina Diana Beurk. A vos souhaits. Maintenant, il connaissait son nom. Et il comprit un peu pourquoi elle ne voulait pas le révéler dès le départ, aussi. En tout cas, cela fit fuir l'homme qui se renfrogna.
Beurk. Octavius avait déjà vaguement entendu ce nom. Il devait sûrement avoir fait parler de lui quelques temps auparavant. Tout ce qu'il savait concrètement, c'était qu'il faisait parti des 28 familles pures. L'anthropomage regardait Aurora qui avait l'air bien lasse de cette intervention.
« Ce n'est pas tant la politique qui m'inquiète présentement... Mais le niveau d'éducation de ces gens. Il y a certainement des centaine et des centaines de gallions qui sont passés dans son éducation et même pas fichu de dire bonsoir. » répondit-il avant de prendre une bonne gorgée de son cocktail.
Il préférait éviter de parler politique. Pas ce soir en tout cas. Il valait mieux détourner le sujet.

En tout cas, le sujet de son nom venait désormais sur le tapis. Evidemment, maintenant qu'il connaissait le nom de la demoiselle, celle-ci voulait connaître le sien. Octavius esquissa un sourire en coin.
« Je te donne la version complète de mon nom ? Quoique ce ne sera jamais aussi long que le tien. » Il s'éclaircit la voix presque théâtralement. « Mister Martens. Octavius Eugene Martens. Premier du nom. » annonça-t-il d'une façon pompeuse.
Son nom trahissait directement l'impureté de son sang, bien qu'Aurora devait s'en douter depuis longtemps. Et il n'avait ni titre de noblesse, ni distinction particulière. Même pas « professor ».

Un fossé vertigineux se plaçait entre le monde de ces haute caste et celui d'Octavius. Ce dernier n'enviait pas ces gens-là. Ils étaient nés dans un chaudron en argent serti de pierres précieuses. Grand bien leur fasse. Mais ils ne valaient guère plus que quelconque être humain sur cette terre contrairement à ce que certains d'entre eux pouvaient penser.
Il balayait le lieu du regard encore une fois en buvant une gorgée de son cocktail distraitement avant de retourner ses yeux vers Aurora.
« J'ai vu des adolescents ne sachant ni lire ni écrire avec une meilleure éducation. » commenta-t-il avec distance. « Ils disaient bonjour, merci et au revoir au moins. »
Peut-être était-ce le fait de vieillir qui faisait que cela le choquait de plus en plus de voir des personnes négliger les rudiments de la politesse.
« Ma foi, c'est une question de valeurs. »
Peut-être que ces gens réservaient leur politesse à leurs « égaux ». Oui, dans ce domaine, Octavius estimait ses valeurs supérieures aux leurs.

Il fut temps pour l'anthropomage de révéler son nom entier, puisque celui d'Aurora avait été dévoilé. Il se présenta alors en bonne et dû forme avec toujours un léger sourire, faisant au passage un commentaire sur sa longueur qui était bien moindre par rapport à la jeune femme. Il lâcha un rire à la réponse de cette dernière au sous-ton grivois.
« Vrai. Quand est-ce que les gens le comprendront ? Satisfaisons-nous de ce que l'on a. » répondit-il avec humour.
La sonorité de son prénom ne laissa pas Aurora indifférente. La jeune Beurk demanda, avec classe bien évidemment, s'il ne serait pas un héritier, issu d'une grande famille. Le sang-mêlé, lui répondit d'abord d'un sourire avant de boire une gorgée de son bloody mary.
« C'est ma mère qui a choisi mon prénom. » informa-t-il en regardant le contenu de son verre. « Avant d'épouser mon père, elle était une Bulstrode. »
Il leva son regard vers Aurora. Celestia Bulstrode avait beaucoup fait parler d'elle dans la sphère des 28 familles pures. On disait qu'elle avait été la plus belle enfant qu'il eut été donné de voir avec ses boucles dorées et ses yeux bleus ciel, qu'elle avait été la fille préférée d'Adonis Bulstrode. Mais, on disait aussi que sa beauté s'était ternie avec le temps, en même temps qu'elle se détournait du « droit chemin ».
« Mais mon père est né-moldu. »
Andreas et Celestia Martens étaient aurors. En 1956, ils moururent tous deux dans l'exercice de leur fonction. Mais certains soupçonnaient qu'il s'agissait d'un assassinat programmé. Aucune enquête n'avait été vraiment ouverte.
« Alors oui, mon prénom est quelque peu trompeur. » conclut-il avec un sourire. « Je ne suis pas un parfait petit héritier. »

« Le plus sage des hommes. » ajouta-t-il sans se départir de son sourire en levant son verre. « Mais derrière chaque grand homme, il y a une femme. »
Octavius ne prétendait pas être un homme doté de la sagesse d'un vieux sorcier à la barbe blanche. Par certains aspects, on pouvait le considérer comme aux antipodes de la sagesse. Il préférait laisser cette gloire à Aurora.
Le sujet de la famille de l'anthropomage vint sur le tapis à l'évocation de son nom. Nom qui pouvait porter à confusion quant à sa pureté. Cependant, il veilla éliminer tous les questionnements de son interlocutrice à ce sujet : il n'était techniquement pas un héritier d'une quelconque grande famille. Il n'avait jamais été proche de son côté Bulstrode et voulait en rester éloigné.
« Merci pour elle. Je suis sûre que cela lui aurait fait plaisir de l'entendre. »
Son père voulait au départ l'appeler Clarence mais sa mère n'était pas d'accord. Et Mrs. Martens avait toujours le dernier mot sur son mari. Si Octavius avait hérité de certains traits physiques de sa mère, pas mal d'autres lui venaient de son père. Le regard et le sourire, disait-on. On s'accordait également pour dire qu'il avait également hérité de son tempérament. Bien que les grand-parents du garçon auraient eu tendance à affirmer le contraire.

Il ne pouvait qu'être d'accord avec les propos d'Aurora. Il n'était pas né pour le voir mais il avait eu de nombreux échos de comment sa mère avait été considérée par sa famille pour avoir épousé un né-moldu. Ce n'était pas joyeux. Il se contenta d'acquiescer solennellement.
« Avec un peu de chance en même temps que quand ils comprendront que ce n'est pas la taille qui compte. » répondit-il avant de pousser un soupir.
Octavius était d'une nature optimiste. Il aimait croire que le monde allait changer en bien. Douce illusion.
S'il n'était certes point un héritier, aux yeux d'Aurora Beurk, il en avait toutes les qualités. Il se trouvait être un peu flatté venant d'une femme de ce milieu. Bien qu'il n'en fit pas grand cas.
« Je te retourne le compliment. Je n'aurais su trouver meilleure compagnie pour ce soir. » lui répondit-il cordialement et chaleureusement.
Il ne pensait pas faire une si agréable rencontre. Aurora avait su gommer toutes ses appréhensions. Octavius avait une très bonne première impression d'elle.
« A vrai dire, je pensais que j'allais passer ma soirée tout seul avec mon Irish Coffee dans un coin du Starducks parce que je n'allais oser parler à personne. » rit-il sur le ton de la confidence.
Il se connaissait et il savait qu'il en aurait été capable. Aller vers les autres n'était pas quelque chose d'inné chez lui. Il avait du apprendre à le faire. Le nombre de choses auxquelles il était passé à côté parce qu'il n'osait pas aller voir les gens.

Octavius ne parlait pas vraiment de sa vie amoureuse. Encore aurait-il fallu en avoir une. Il n'avait pas vraiment eu de petite-amie — en tout cas qu'il voulait bien nommer comme telle — depuis qu'il avait quitté le Royaume-Uni. Il avait fréquenté des femmes bien évidemment mais l'anthropomage n'avait jamais ressenti guère plus qu'une forte affection et un fort attachement pour elles. Point de frissons d'amour.
La question d'Aurora était légitime, toutefois. Il esquissa un léger sourire dans l'espoir de dissimuler sa réticence.
« Aucune Circé ne m'illumine de sa sagesse en ce moment. »
Il n'avait pas encore eu le loisir de rencontrer des femmes depuis son retour. Pendant près d'un mois, les seuls individus de sexe féminin qu'il avait côtoyé se résumait à sa sœur, des vieilles dames bigotes et la femme qui tenait l'épicerie près de chez lui. Pas fou fou. De toute façon, ce n'était pas comme si il avait le cœur ou la motivation à faire des rencontres.

Son nom de famille n'avait rien d'illustre. Il se fondait parfaitement dans la masse de sorcier qui n'avaient pas le sang-pur. Loin d'en faire un complexe, il portait son impureté avec fierté. Il savait qu'il ne valait pas moins en tant que sorcier qu'un quelconque Travers ou Malefoy. Contrairement à une partie de ces familles, il ne s'enfermait pas dans une cage dorée dont il était difficile de se libérer. Il vouait une grande admiration à sa mère qui avait eu le courage de quitter tout ce qu'elle avait connu pour se lier à un né-moldu. L'outrage ! La honte sur la famille !
Aurora également lui avait l'air de se détacher de toutes ces valeurs nauséabondes suprématistes archaïques héritées du patriarcat sorcier. Elle manifesta très clairement la volonté qu'elle avait à ne pas se marier. Elle voyait clair dans le jeu de ces hommes qui guettaient d'avantage le capital qu'elle représentait que la personne qu'elle était.
Cela plaisait beaucoup à Octavius.
« Quelle popularité ! » fit-il avec un grand sourire amusé en apprenant le nombre de proposition qu'elle recevait en une semaine.
Ces prétendants se rendaient-ils compte qu'elle ne voulait pas se marier ? Juste une question comme ça !

Son caractère faisait qu'Octavius aimait bien être entouré de gens. Cela lui apportait une forme de bien-être qu'il aurait eu du mal à expliquer. Ne pas être seul même si l'on ne parle à personne. Voir des hommes et des femmes se mouvoir, entendre la vie autour de soi. Passer des semaines entières pratiquement toujours seul chez lui lui avait fait oublier cela. Après réflexion, il se disait que s'il avait pris l'initiative de sortir pour le plaisir de sortir, cela lui aurait fait un très grand bien. Néanmoins, quand il avait pris la décision de sortir ce soir-là, cela n'avait pas été dans cette optique là. Il voulait rencontrer de nouvelles personnes.
« J'aurais fini par harponner le serveur pour avoir quelqu'un à qui parler. Et lui aurait essayer par tous les moyens de prendre congé tout en restant poli. » dit-il après qu'Aurora l'ait contredit pour défendre son hypothèse, se moquant un peu de lui-même.
Certes, il y avait d'autres sirènes dans la mer. Il n'allait pas dire le contraire.
« Et il y a aussi d'autres hommes naïfs sur les navires. »
Cela étant dit, il était sûrement le plus naïf d'entres tous.