Le mois de septembre offrait déjà à l'Ecosse ses trombes de pluie habituelles. Malgré des années et des années passées au Royaume-Uni, Shannon ne parvenait pas à s'y habituer. Il préférait amplement bien que ce fut plus violent, les tempêtes tropicales qui ravageaient parfois l'Amérique du Sud. Quoiqu'il en soit, ce soir-là de fin septembre 1978, il était arrivé au QG de l'Ordre du Phénix pour sa garde habituelle. Lui même ne savait pas vraiment à quoi ça servait, surtout alors qu'il était vingt et une heure passée, mais soit. Il faisait ce qu'on lui demandait, pour une fois, sans rechigner. De ces heures passées seul, l'irlandais avait souvent tendance à se tourner les pouces, boire un café et finissait généralement par pioncer. Piètre garde. Quoiqu'il en soit, c'est trempé jusqu'aux os qu'il ouvrit la porte principale pour pénétrer dans la petite baraque.  Après avoir correctement fermé la porte et incanté le sortilège habituel, Shannon remarqua bien vite une faible lumière, comme si une lampe de chevet était allumée pour la lecture de soirée. Au dehors, le ciel grondait.

Le jeune homme aimait bien le quartier général de l'Ordre. C'était un endroit paisible où l'on ne voyait, nécessairement, que des visages familiers, connus, généralement sympathiques. Généralement. Certains membres étaient des imbéciles, mais après tout, ce n'était pas lui qui était chargé du recrutement. Il déposa sa veste sur le porte manteau là où une autre était abandonnée. Il se demandait bien qui avait eu l'idée de venir passer sa soirée ici. En débouchant sur la pièce principale, Shannon sans bruit, s'arrêta sur le pas de la porte, stupéfait de voir Samuel Bones, le regard perdu au dehors. Samuel. Il ne semblait pas l'avoir remarqué, bien qu'il ne fut pas très discret. « Salut Sam' » fit-il remarquer sa présence après s'être éclairci la gorge. Mal-à-l'aise, l'irlandais ne savait pas quoi dire. Samuel vivait des temps compliqués depuis l'assassinat de ses deux parents. Subir un drame était terrible, en subir deux coups sur coups, c'était épouvantable. Surtout compte tenu des circonstances… Tous les membres de l'Ordre savaient qu'ils pourraient mourir de faire ce qu'ils faisaient. Ils l'avaient tous très bien intégré. Mourir soi-même en revanche, était bien différent que d'être heurté brutalement par le deuil. Et Shannon qui était un électron libre depuis bien longtemps, ne savait pas ce qu'il ressentait réellement. Son père à lui était debout dans les docks de Sligo à fumer sa pipe tous les jours. Quant à sa mère, il n'en savait rien. Il ne la connaissait pas et ne la connaîtra sans doute jamais. Il n'y pouvait rien. Samuel n'avait pas eu le même type d'enfance, ni le même type de vie. Finalement, le jeune homme fut surprit de ne pas voir Edgar - mais ce dernier était probablement avec Vicky. En famille. Pourquoi Samuel n'était-il pas avec la sienne ? Le jeune homme tira finalement une chaise et s'assit à califourchon dessus, à côté du gamin. Il ne manquait pas de délicatesse au point de lui demander comment il allait : « Tu es la dernière personne que je m'attendais à trouver ici » préféra-t-il un sincère aveu. Un éclair fendit le ciel à ce moment devant eux, derrière la vitre et Shannon détourna les yeux de Samuel pour les poser dehors. La pluie, qui un temps s'était arrêtée, reprit de plus belle.


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