Je me dis, que j’aurais dû me taire.
Garder cet aveu sourd muré entre mes lèvres et dans mon cœur. J’aurais dû faire en sorte que jamais, il ne s’en échappe. Pour ne pas avoir à vivre cette scène. Celle qui est en train de se produire et dont je ne sais plus quoi vraiment en penser. J’ai toujours souffert avec Carina Hodgens, d’un mauvais timing, d’un mauvais moment. A Poudlard, lorsque j’ai enfin voulu le lui dire et maintenant. Après des années à me taire, et à ne pas m’avouer ce que j’ai pu ressentir pour elle. D’ailleurs, je ne sais pas comment qualifier ce que j’éprouve pour elle. Que si jamais, j’en viens à la toucher, je vais la « noircir » comme les autres ? Que cette ancienne camarade de maisonnée, ne va plus être si pure, parce que moi, Isaac Wellington, vais l’entraîner dans mes propres Ténèbres. Ce que je ne veux pas.
Mon regard bleu clair s’attarde longuement sur ses mains qui s’approchent des miennes et s’en saisissent. Dans ce simple et si chaleureux contact, je reste interdit. Évoluant entre deux cas de figure bien distincts : le timide espoir qui peut en résulter et l’autre, celui où tout est définitivement perdu et que je suis à même de rester sur ce banc de touche, finalement. J’y suis resté durant quinze années, et n’en ai pas bougé, de peur d’en arriver à ce moment de totale incompréhension. Néanmoins, je profite qu’elle ait enserré mes mains dans les siennes et lui offre un sourire triste, que je fais disparaitre rapidement, en entendant la suite de ses propos. Philosophes et remplis d’une certaine introspection. Qui sont si douloureux en somme, car véritables.
- Je comprends, et il faut du temps pour se trouver et se comprendre. Savoir qui on est, est une tâche ardue. Souvent ponctuée de désillusions et de bonheurs. Quelquefois. Souris-je à son attention, sentant que ses mains se dérobent pour venir réentourer sa bieraubeurre.
Si, l’humain est complexe ? Il est une machinerie étrange régie par tout un panel d’émotions qui sont ingérables. Et, comme le dit si bien mon interlocutrice, on ne peut pas tout savoir. Tout comme lors de mon agissement, préférant m’empoisonner pour la revoir plutôt que de lui en parler clairement. Peut-être que ce simple état de fait, aurait changé la dynamique, en faisant tourner les rouages du Destin, autrement ? Je ne le saurais jamais. Tout ce que je sais, c’est que dans mon for le plus intérieur, je regrette mes mots. M’attendant égoïstement à quelque chose d’autre. Or, il n’en est rien, mise à part qu’on est perdus. Tous les deux. Pour une fois, la vanité du Boucher Vert est rangée au placard. Pour quelque chose de bien plus sombre et peu reluisant.
Ce n’est pas grave.
Si, ça l’est. Tellement.
A cause de moi, elle s’en trouve perdue.
Et, je m’en veux.
J’offre un léger sourire lorsqu’elle énonce une vérité, pourtant si cruelle à entendre. Il fallait que ça sorte et que par définitive, c’était mieux ainsi. Je me mets à hausser les épaules, n’osant plus vraiment la regarder dans les yeux, et préférant passer l’une de mes mains sur mon visage, l’autre ayant toujours sa place autour de mon verre. Que je resserre, pour me donner cet ancrage à ma réalité, qui est en train de se fissurer. Je passe de nouveau la main dans ma chevelure brune, rivant mon regard bleu clair au sien, après son laïus qui m’octroie un léger sourire. Il est vérifié et certifié que j’ai tenu cette promesse en étant le plus transparent et le plus sincère possible. En lui avouant, ce qui me gangrène depuis bien avant ma sortie de Poudlard. Même Ares Zabini, n’est pas vraiment au courant de ces sentiments que j’ai envers Carina Hodgens. C’est cet aspect si lourd et si dur à porter. Que j’ai dû un tant soit peu lâcher. Pour me sentir mieux ? Qui sait.
- Je t’avais promis de ne plus te mentir et j’ai tenu cette promesse. Car, je ne veux plus être cachotier envers toi. T’es importante Carina. Et, je suis heureux de t’avoir retrouvée.
Et surtout, qu’elle ait été à l’initiative de cette entrevue, autour d’un verre. Sachant que j’aurais pu être définitivement rayé de sa mémoire, en un claquement de doigts. Lentement, j’avance mes mains vers les siennes, les retirant délicatement de la boisson qui en est entourée. Mes iris bleu clair, sondent les verts, tandis que je joins légèrement mes doigts aux siens, pour la « remercier ». Parce que ça lui importe et que ça me touche. Aussi.
- Merci, de ne pas m’avoir envoyé bouler quand j’ai fait le con, la fois passée. Petit trait d’humour et large sourire, lorsque je me mets à relâcher ses mains. Amis, comme avant ?
Mon questionnement est tout autant extérieur qu’intérieur. Ne sachant pas vraiment où me situer, désormais. Encore moins, depuis que je me suis « livré ». Et putain, ça m’emmerde.