Jyn était occupée à avaler un bon gros plat de beans des familles, à la sauce tomate, dans la Grande Salle. Installée au bout d'une table qui n'était pas la sienne, celle des Serdaigles, elle regardait, comme souvent, Zéphyr travailler. Elle qui n'était pas studieuse, elle qui n'aimait pas les livres ni la magie, elle qui était l'incarnation même de l'enfant qui préfère la pratique à la théorie, elle trouvait ça plutôt cool et paisible de le regarder travailler. Il y avait une passion chez lui qu'elle n'avait jamais pigé - ni essayée de piger, d'ailleurs - et ma foi, c'était presque exotique. Elle avalait tranquillement ses haricots tout britanniques avec une passion qu'elle n'affichait que lorsqu'il était question de nourriture, avant de planter sa fourchette dans une saucisse qui fit gicler de la sauce jusqu'à sa voisine. Jyn lui jeta un regard copieusement noir pour qu'elle s'abstienne de l'ouvrir. « T'sais qu'apparemment, Diggory veut se pointer au bal avec Bubblington ? » lui fit-elle la conversation sans se dire que peut-être, elle le coupait dans une phrase qu'il était en train de lire. La poufsouffle, avec sa délicatesse habituelle, n'avait pas pu s'empêcher d'embrayer sur un sujet qui la réunissait si bien avec Zéphyr. Bien qu'elle n'aimait pas danser, ni se pomponner, le bal, c'était le moment sacré du commérage pour la gamine qui s'y pointait généralement avec lui. Elle n'imaginait pas combien elle allait tomber de haut. Sans doute que le karma de Merlin allait s'abattre sur elle pour avoir décidé de faire de Reginald et de Moggy, les victimes de sa mauvaise humeur.

Depuis que Moggy avait mis une potion dans son jus, sur ordre de cet imbécile de Reginald, la colère de Jyn ne descendait pas, pas plus que l'humiliation dont elle avait fait l'objet. Pire encore, elle entendait encore des quolibets désagréables sur son dos que lançaient les serpentards. Ces derniers étaient particulièrement lourds sur le sujet. Elle avait naïvement cru que les vacances d'été allaient laver son honneur, mais il n'en était rien. Ils avaient la mémoire bien douée pour ce genre de faits communs, à son grand désespoir, sans en douter. « J'espère qu'ils vont refaire les fontaines de chocolat de l'année passée » se surprit-elle à rêver encore à ce que son estomac allait déguster avant d'enfourner une énième cuillère de beans. Son regard s'attarda sur le titre du livre que lisait son seul ami, en se faisant la réflexion que définitivement, les conversations sur le bal de noël étaient plus intéressantes que ça.

La nourriture avait bien eu le temps de refroidir car Zéphyr, la tête penchée sur son livre, tenait sa cuillère en l’air depuis facilement 5 bonnes minutes. Le gros bouquin d’histoire de la magie, 2e tome, trônait sur la table et c’était son festin à lui. Ca le rendait fou, de devoir autant potasser un sujet qui l’intéressait, tout ça parce que le prof était d’une platitude inouïe. Mais ça lui plaisait, aussi. Les bruits alentours n’existaient pas, à peine s’il sentait les yeux de Jyn posés sur lui pendant que son regard d’acier dévorait les lignes, et les lignes, et les lignes. Finalement, de sa main libre, il griffonna quelques mots de son écriture peu soignée digne d’un médicomage. Même les autres Serdaigle prenaient le temps de manger, mais en ce moment, c’était le cadet de ses soucis. De toute façon, Jyn mangerait sa part, au pire.

Alors qu’il était arrivé à un passage tout particulièrement intéressant sur l’arrivée des Gobelins au Conseil des Sorciers du XIVe siècle, la bouche de l’écossaise avait fini son enième bouchée et l’extirpa de son texte. En général, il ignorait les conversations quand il étudiait. Mais il n’ignorait jamais Jyn. « Je croyais qu’on n’abordait plus le cas Regginald ? » lâcha-t’il d’un air qui semblait détaché, bien qu’il accordait en fait de l’importance à ce sujet. Reggie avait sacrément merdé, sacrément, ça oui. Et ça l’énervait pour plusieurs raisons, dont certaines qu’il n’exprimerait certainement pas à haute voix. Sa main continua de noter quelque chose, mais, déconcentré, c’était plus illisible que jamais. Tout à coup, il réalisa qu’il avait un peu faim, et croqua dans un quignon de pain même pas beurré.

Bon alors comme ça, Jyn avait envie de parler. Et de bouffe qui plus était, étonnant, non vraiment. « Je ne me laisserai pas avoir une deuxième fois. » L’année qui avait précédée, ils en avaient tellement abusé que Zéphyr s’était retrouvé la tête dans les toilettes pendant toute la fin de soirée. C’était que son estomac n’était pas entraîné comme celui de la Poufsouffle. « Alors cette année, ça sera sans moi ! » affirma-t’il bien haut, sa fierté parlant pour lui. Ce ne fut qu’après qu’il réalisa que, oh, et bien, il n’y aurait peut-être pas que la fontaine de chocolat qu’il allait délaisser un peu. Sans crier gare, Ollie Livestone lui avait glissé une invitation dans un livre, comme ça, pendant qu’il parlait en cours sûrement. Bon plan, le coup du livre. Il avait mis 3 jours à répondre, interloqué. Depuis la rentrée, les filles le regardaient, lui parlaient même parfois sans raison, et il ne comprenait pas. Mais après tout, Jyn se foutait bien du bal, se foutait bien de s’habiller en fille pour l’occasion, alors il avait fini par dire oui à la Serdaigle en la croisant un soir dans le dortoir. Elle avait eu une réaction… bruyante. Et Zéphyr, lui, avait honteusement gardé le silence avec Jyn sur le sujet parce qu’il ne savait comment se dépêtrer de ça. « Je veux dire, pour le chocolat. » se corrigea-t'il, car Zéphyr n'était pas du genre à mentir, sauf par omission. Et puis, ils y allaient tout le temps ensemble, et ça n’était pas comme s’il n’allait pas passer du temps avec elle quand même, hein ? On n’était pas obligé de rester pendu au bras de sa cavalière. « De toute façon, le bal, c’est toujours une déception, au fond. » glissa-t’il finalement, histoire de ne pas se donner de faux espoirs non plus, et puis de faire dévier la conversation pour qu’elle parle d’autre chose. Soupirant en la voyant manger comme une goinfre, la sauce en suspension terrible pas loin de son livre, il lui lâcha un regard dont il avait le secret. « Je te préviens, si tu tâches ce bouquin, je te laisse pas tricher sur moi la prochaine fois. » L’amitié, c’était sacré. Mais les livres aussi, non mais !

L'Histoire de la Magie et Jyn, ça faisait trente-six. Il fallait bien dire que s'intéresser aux Morts, ce n'était pas sa vocation première. Paradoxalement d'ailleurs, quand on connaissait un peu ses origines. Le père biologique de Jyn était certes un cracmol, mais sa lignée était druidique. Un lien fort à la Nature et une vision toute particulière de ce moment charnière où la vie quittait un corps, donc. Elle avait franchement flippé la première fois qu'elle avait croisé un fantôme à Poudlard - et autant dire que cela ne l'avait pas franchement aidé à apprécier le lieu. Savoir que des spectres se promenaient comme si rien n'était parmi des étudiants, qu'il y avait même un esprit frappeur dans le château, ça lui faisait un peu peur, au fond. Mais heureusement, le fantôme de sa maison n'était pas bien dangereux. Le Moine Gras était plus jovial, à n'en point douter, que le Baron Sanglant. Enfin bref, autant dire que Zéphyr était une énigme avec sa grande passion pour l'Histoire, les batailles de gobelins, les os de trolls et les atrocités des sorciers. Mais bon, il faut de tout, paraît-il, pour faire un monde. Occupée à faire la conversation, elle qui parlait bien peu en général, c'était un miracle, cela va sans dire, elle le regardait de ce fait travailler. Mais quoiqu'il en soit, elle préférait quand même distiller son venin contre Reggie que de parler de la Guerre de Katre. Jyn répondit par un marmonnement inaudible accompagné d'un haussement d'épaule à la réponse de son meilleur ami. Oui, ils n'étaient plus censés en parler, mais la colère n'étant toujours pas passée - malgré les piteuses excuses de l'étudiant lorsque tous les deux avaient été bloqués à un étage à cause de ces escaliers de malheur - la jeune fille était toujours d'humeur pour être méchante avec son camarade de maison.

Le bal de Noël était généralement un sujet qui les réunissait un peu plus. Ils y allaient toujours ensemble, en tout cas, depuis qu'ils étaient amis. Avant, clairement, Jyn n'y pointait son nez, même pas bien habillée, que pour voler sans vergogne de la nourriture sur le buffet avant de se barricader dans le dortoir des filles de Poufsouffle de son année. Mais voilà, l'année précédente, le directeur avait frappé bien fort avec des fontaines de chocolat qui avaient manquées de lui faire prendre cinq cent grammes. « Il était bon ce chocolat » lui dit-elle après avoir laissé échapper un léger rire au souvenir du pauvre garçon et de sa mauvaise crise de foie. Loin d'elle de le prendre au sérieux sur la suite, elle se contenta d'un sourire en coin avant d'avaler un autre morceau de saucisse. « J'espère bien que tu ne parles que du chocolat » lui dit-elle après avoir difficilement avalé le morceau énorme de viande qu'elle avait enfourné dans sa bouche, « avec qui j'irais sinon avec toi ? ». Avec personne, il était là, le truc. Jyn irait encore voler de la nourriture pour s'enfermer dans son dortoir en reniflant comme la vieille fille aigrie qu'elle sera un jour.
Sans le vouloir, sans doute, Zéphyr la vexa un peu en disant que le bal était toujours une déception. Le fait est que la galloise aimait bien cette soirée sans entraves, où elle pouvait faire bien ce qu'elle voulait sans que le concierge, ou un prof, ne sévisse. Que la réciproque ne soit pas partagée lui fit un peu mal. « T'exagères » fit-elle d'un ton bourru, « de toute façon, danser c'est surfait ». Hein ? Pas vrai ? Bah ! Jyn se fichait bien qu'on la fasse virevolter, elle avait le romantisme d'une théière. Elle planta sa fourchette dans chaque haricot qu'il était possible d'attraper alors que Zéphyr la menaçait de ne plus la laisser tricher sur lui. « Si tu crois que j'ai besoin de ta permission... » fit-elle en plissant les yeux pour le pointer dangereusement avec sa fourchette armée de beans, « c'est que tu me connais mal. Même quand tu es affalé sur ton devoir, j'arrive à voler des phrases ». Non contente d'elle, elle engloutit sa gorgée de haricots, satisfaite d'elle-même.

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La relation de la Poufsouffle et du Serdaigle était quelque chose de beau, sans doute parce qu’il était rare que deux âmes aussi solitaires se rencontrent si jeunes. Malgré son nom inspiré du vent, Zéphyr ne soufflait que rarement sur les braises de la colère de l’écossaise, qui acceptait quant à elle la moindre de ses bizarreries sans le juger. Aussi, depuis près de 3 ans, ils étaient aussi inséparables que peuvent l’être 2 personnes indépendantes n’étant pas dans la même maison. Et par un espèce de mystère qui ne s’expliquait pas - et dont Zéphyr était heureusement inconscient parce que sinon, ça l’aurait énervé - ils savaient exactement à quel moment l’autre avait besoin d’espace ou pas. Sauf que là, Zéphyr avait merdé. Et en beauté en plus.

Voilà que tout à coup, Jyn Dawkins s’intéressait au Bal de Noël ! Est-ce que c’était une blague ? Intérieurement, Zéphyr maudit le timing déplorable : il avait abordé le sujet trois ou quatre fois, et elle avait ignoré tout ça royalement, façon Dawkins quoi. Et maintenant, elle lui sortait une phrase qu’il avait désespéré d’entendre ! Sérieux, le garçon n’avait pas l’habitude de qualifier sa meilleure amie de fille - déjà, parce que ça l’aurait énervée d’être réduite à ça, et puis parce qu’il ne la voyait pas comme une fille, mais comme Jyn - mais franchement, là, il s’autorisa la pensée : les filles, mais que c’était compliqué ! Super mal à l’aise, le jeune sorcier attrapa son verre rempli d’il ne savait même plus quoi - ah tiens, une menthe à l’eau, mais pourquoi ? - et en but une longue gorgée en regardant le plafond, avec une poker face assez déplorable. Avec qui irait-elle sinon lui, hein ? Réfléchis Zéphyr, réfléchis, tu es plutôt bon à ça normalement, résoudre des problèmes. Mais là, c’était un problème d’ordre relationnel et clairement, ça craignait parce qu’aucun bouquin ne pouvait lui donner la solution. Alors il ne dit rien. Oui voilà. Il se contenta de lui sourire, pour ne pas avoir ni à dire la vérité, ni à mentir. Lâcheté masculine au top !

Il prononça quand même le mot déception, comme si c’était totalement prémonitoire, en espérant que la ronchonnerie habituelle de la Poufsouffle suivrait. Mais non, même pas ! Mais enfin, est-ce que c’était la nourriture qui la rendait aussi enthousiaste ou quoi ? Enfin enthousiaste… Plus que lui quoi, disons. En réalité, aller au bal avec Ollie lui faisait moins plaisir que prévu. Sûrement le poids de la culpabilité ça. Mais elle ne pouvait pas le savoir, hein, puisqu’il ne lui avait rien dit. Les colères de Jyn étaient mémorables et là, oh, il la sentait venir. Mais il allait trouver, hein. « De toute façon, si c’est pour que tu me marches sur les pieds à chaque temps… » se moqua-t’il doucement quand elle aborda la danse, avant de réaliser avec horreur que sa cavalière allait sûrement vouloir danser, et qu’il n’avait jamais tenté l’exercice. Ça devenait vraiment le bal de l’angoisse là ! Il allait falloir étudier ça sérieusement… « On pourrait peut-être y aller en groupe cette année, nan ? » Bah, non Zéphyr, bien sûr qu’elle allait dire non. Mais on ne pouvait pas lui reprocher d’essayer. « Je sais qu'il y a quelques gens de mon dortoir qui ont peur de se retrouver tout seuls. Et ils n’ont pas tous un Zéphyr pour leur faire la conversation ! » dit-il, fier comme un Aigle alors que vu la désillusion qui arrivait pour elle, il n’y avait clairement pas de quoi. Mais encore une fois, il n’avait pas vraiment menti, en fait. Il lui suffirait de trouver un ou deux camarades de dortoir et hop ! Mais le plan avait tellement peu de chance de fonctionner que même lui n’y croyait pas.

Du coup, changement très peu subtil de conversation, évidemment. Même si pour lui, le sujet livre était au moins aussi important que celui du bal, quel intello. La tentative d’intimidation de Jyn lui arracha quand même un rire réellement amusé. Sa tête, sérieux. Si elle faisait peur à beaucoup de monde, là, avec ses haricots, ça n'aurait même pas effrayé un Botruc ! « Je pourrais parsemer quelques fautes ça et là, et les effacer à la toute fin. » C’était ce qu’il faisait avec les tricheurs qu’il n’aimait pas. Même qu’il existait un sort pour ça, qu’il avait peaufiné. Quel gros nerd, sérieux. Mais bon, franchement Jyn, il lui passait tout, et elle le savait, c’était honteux. Mais pour l’agacer un peu, il referma son livre et planta sa fourchette dans son assiette pour lui piquer une bouchée de haricots qu’il ingurgita à toute vitesse, comme si elle allait lui repndre - elle en était capable. « Un vol pour un vol, ça se tient ! » la provoqua-t’il, la bouche à moitié couverte par sa main gauche pour cacher le fait qu'elle était encore à moitié pleine de sauce. Il se lécha ensuite les lèvres en la regardant de son petit air provoc insupportable, mais que les filles commençaient à trouver séduisant sans qu’il ne s’en rende compte. Tant de naïveté dans un seul être…

Les ronchonnements de Jyn étaient une affaire commune pour qui la fréquentait un peu. Zéphyr n'y faisait pas exception. Il fallait dire que la jeune fille avait le don de montrer la détermination dans les niveaux négatifs tellement elle n'en avait pas. Participer en cours ? Courrez toujours. Aimer le Quidditch ? Allez vous faire cuire un oeuf. Participer à une soirée sociale ? Beurk ! Et pourtant, la voilà en train de bavasser sur le bal. Jyn s'était naïvement figurée que comme tous les ans depuis trois ans, elle irait avec Zéphyr et qu'ils passeraient une bonne soirée à base de rires et de joie, comme d'habitude, quoi ! En soit, une bien bien meilleure soirée que ce que faisaient tous les autres qui ne pensaient qu'à danser à en perdre la tête ! Bien entendu, et ça crève les yeux de n'importe qui, Jyn n'était pas une jeune fille attirée par la danse. Il fallait bien dire que la grâce naturelle n'existait pas chez cette fille, de même que tout attribut féminin. Alors bon. Si Zéphyr ne l'accompagnait pas, personne ne le ferait. Et si ce n'était pas la perspective de ne pas aller au bal qui la dérangeait, celle qu'on lui arrache SON Zéphyr, ça, ça la foutait en rogne. Et elle serait prête à envoyer un cognard dans les tribunes en visant la tête de l’écervelée qui aurait obtenu le bras de son habituel cavalier. La galloise commença à sentir venir l'embrouille lorsqu'il évoqua l'idée d'y aller en groupe : « Bah pourquoi cette idée grotesque ? ». Grotesque oui, et elle pesait bien ses mots. Franchement ! Jyn avait la sociabilité de son patronus, entendez qu'elle était très bien toute seule ou avec un nombre réduit de personnes (une personne de plus, le serdaigle qui mangeait vaguement en face d'elle), alors la simple idée de se retrouver entourée de gens qu'elle ne connaissait que de vue, ça la foutait bien en rogne. « J'espère que t'as pas demandé à des gens de venir nous accompagner » dit-elle d'un ton volontairement menaçant, « sinon j'me tire ». Et plutôt deux fois qu'une, tien !
Jyn avait quand même une étrange moutarde qui lui montait au nez, on va se le dire. Il lui vola des haricots sans qu'elle ne réagisse. La bouffe, c'était sacré, oué. Certes. Mais elle préférait encore qu'il lui vole l'assiette de haricots plutôt qu'il la lâche pour le seul événement social auquel la gamine se traînait.

Pour le commun des sorciers, Zéphyr était clairement quelqu’un qu’on pouvait qualifier d’intelligent. Mais ça ne l’empêchait pas d’être con, ah ça non. Et en l’occurence, le petit jeu dangereux auquel il s’adonnait sans même le vouloir était une sacrée belle connerie. Son cerveau moulinait à toute vitesse, mais les options qui se présentaient à lui étaient toutes foireuses. S’il annulait son rendez-vous avec Ollie, il envoyait un signal assez clair à toutes les filles de Poudlard, à savoir que Jyn passerait toujours avant toutes les autres - ce qui était vrai, cela dit - fait qui se transformerait très vite en ragot, là où les langues se plaisaient déjà à leur prêter parfois une relation imaginaire. Et qui bloquerait pour toute sa scolarité ses futures tentatives de séduction. Non pas que ça soit dans ses projets immédiats, mais tout de même. On ne savait jamais. Toutes les hypothèses étaient à envisager après tout. Et s’il avouait à Jyn qu’il avait un rencard, alors là, c’était son amitié avec elle qui en prendrait un sacré coup. Il aurait peut-être dû lui en parler quand il avait reçu l’invitation, l’imbécile, plutôt que de se prendre la tête tout seul et de se retrouver dans pareille situation. Mais non, surtout pas, le grand Zéphyr Bloom gardait ses états d’âme pour lui et regardez-le maintenant, à réfléchir plus encore que sur un devoir d’arithmancie - c’était dire. Est-ce que s’intéresser aux filles serait toujours aussi compliqué ? Parce que si c’était ça, merci, il passait son tour.

Evidemment donc, la proposition de Zéphyr fut rejetée en bonne et due forme avec toute la brusquerie qui caractérisait la jeune galloise. Mal à l’aise, l’adolescent eut un rire un peu nerveux qui se voulait naturel - raté. « Chais pas, c’était une idée, comme ça… » Une bien piètre tentative d’excuse qui ne sembla pas apaiser le dragon en face qui commençait à se réveiller. Panique à bord, Zéphyr aurait bien quitté la salle à toute jambes, mais ça n’aurait fait que le rendre encore plus suspect. Et en face, très clairement, ça grondait fort. « Non, non ! » répondit-il très vite pour se dédouaner. Bah quoi, en vrai, il n’avait rien demandé lui, alors ça n’était pas un mensonge, encore une fois. Pas comme si ça allait l’aider à s’en sortir, mais bon. C’était même pire, quand on y songeait…

Zéphyr avait donc tenté un détournement de conversation côté bouffe, qui s’avéra peu fructueux. Heureusement, l’heure de retourner en cours approchait, et ils prirent rapidement des chemins séparés après avoir échangé deux ou trois autres bêtises qui impliquaient des haricots - décidément - et des livres. Ca aurait fait un drôle de titre ça. Mais pendant tout le cours qui suivit, Zéphyr eut un mal fou, mais fou à se concentrer, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Alors ça, non hein. Hors de question qu’il devienne un de ces ados qui avaient les notes en berne à cause du bal de Noël ! Mais c’était plus fort que lui, et la petite oeillade d’Ollie Livestone pendant le cours de soin aux créatures magiques ne l’aida pas à se remettre les idées en place.

Le soir venu, Zéphyr prit donc son courage à deux mains, occupées à tenir un énorme bouquin contre son torse comme si c’était un bouclier, et aborda sa cavalière avec qui il n’avait échangé aucun mot depuis qu’il avait accepté de l’accompagner, et que les ennuis avaient commencé, donc. « Hey Ollie, euh… » La jeune fille battit des cils, comme une biche, et Zéphyr en fut tout désarçonné. « Concernant le bal, j’me disais, tu vois, qu’on pourrait peut-être se rejoindre directement là-bas… » La jeune fille l’interrompit.

PAIR - « Pas de souci Zéphyr ! Mais tu me réserves la première danse hein, promis ? » Clairement, Zéphyr était tombé sur une perle rare, et il en ressentit un soulagement si intense qu’il passa la nuit la plus paisible du monde. Surtout qu’après qu’il ait accepté, la jeune fille avait déposé un baiser sur sa joue, et qu’il en avait été tout retourné.

IMPAIR - « Ah, non non non ! Un rendez-vous commence avant même l’entrée au bal, monsieur Bloom. » dit-elle d’un air malicieux en lui touchant le bras, ce qui le fit frissonner pour plusieurs raisons. « On se rejoint dans la salle commune à 19h ? » Incapable de dire un mot de plus, il la laissa partir et resta là, pantois, pendant au moins 2 bonnes minutes. Merde…


Quelques jours plus tard…

SI PAIR - Le soir du bal était donc arrivé, et Zéphyr était beau comme le jeune dieu dont il portait le nom. Ses cheveux parfaitement coiffés, son costume rallongé avec soin par sa mère, il attendait devant la porte de la Grande Salle que Jyn se manifeste, et pria très très fort qu’Ollie Livestone soit déjà l’intérieur pour éviter un malaise dès le début de la soirée. Oh, il y aurait sûrement un couac dans la soirée, mais ça encore, il improviserait. Pas vrai ?

SI IMPAIR - Le bal était le soir même, et Zéphyr n’avait toujours pas trouvé le courage de prendre une décision. Aussi ce matin-là, pour la mettre dans de bonnes dispositions, l’adolescent attendit que Jyn ait terminé son entraînement de Quidditch - elle se serait suffisamment défoulée non ? - pour aborder la question qui fâchait. « Hé, la tueuse ! » l’aborda-t’il avec un sourire très, trop figé. Ouf, elle n’avait pas sa batte. « Il faut qu’on parle. À propos du bal, euh… » Manque de bol, sa cavalière était justement venue assister elle aussi à l’entraînement et le gratifia d’un adorable « A ce soir Zéphyr ! » en partant direction le château. Gêné comme jamais, l’adolescent ferma les yeux et attendit que la colère de Jyn s’abatte sur lui. 17 ans, c’était un bel âge pour mourir, non ?

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'Le dé ' : 2

Jyn avait parfois un instinct hors du commun. Là elle sentait bien qu'il y avait anguille sous roche. Ça sentait bon la trahison, le mauvais pressentiment était là. Et elle ne pouvait pas s'empêcher de le laisser grandir en elle, encore plus alors qu'il prétendait que non, ce n'était qu'une idée. Une idée. Tout part d'une idée, il paraît. Et alors que la jeune fille finissait son plat de haricots à la tomate, la faim n'était même plus là. Idem pour l'entrain. Quoiqu'il en soit, leur déjeuné se finit sur une atmosphère bizarre. La poufsouffle ne saurait réellement expliquer pourquoi, mais y'avait un truc qui n'allait pas. Parole de Jyn.

Et forcément...

Le soir du bal, Jyn s'était habillée avec la même robe qu'elle avait depuis qu'elle se pointait à cette soirée. Elle la faisait généralement agrandir par une voisine de dortoir pour ne pas avoir à en racheter une autre - imaginez combien elle était ravie de se faire "jolie". En fait, elle ne se faisait pas franchement jolie, elle l'était un peu naturellement, dans sa petite robe à la couleur de ses yeux. Vous pouvez rêver pour la voir maquillée ou délicate. Mais voilà, elle avait trouvé le cavalier parfait : Zéphyr. Zéphyr se fichait bien de tout cela, n'est-ce pas ? Les cheveux tout juste tressés, Jyn était, un peu malgré elle, bien mignonne. Malgré son absence manifeste de sourire, ses yeux brillaient d'une seule envie : celle de s'allonger sous la cascade en chocolat pour se laisser mourir là d'une crise de foie. Et c'était son plan de la soirée : pas de danse, pas de claquements de talons ni battements de cils, non non !
Son ami était déjà là, devant la porte comme le gentleman qu'il était. Ainsi donc, il ne lui avait pas menti ! Car oui, le doute avait été présent jusqu'au bout dans le cœur de la jeune fille. Mais voilà, n'était-ce pas ce qui le démarquait tant de tous les autres abrutis qui se promenaient dans cette école ? Eh bien si, justement, justement ! « Ah, je suis contente que tu sois là » lui dit-elle en attrapant son bras, « j'espère que tu as jeûné comme moi ce midi ». Jyn était PRÊTE à passer la soirée à se gaver comme une oie préparée pour du foie gras. Ni une, ni deux, elle l'entraîna dans la salle de bal.


PAIR | AH ! Il n'y avait pas encore grand monde de présent et la jeune fille avait, de ce fait, une large vue sur le buffet de ses rêves. Ses yeux plus gros que le ventre lui lançaient désespérément un déchirant appel alors qu'elle venait de lâcher le bras de son cavalier pour s'aventurer vers les fontaines de chocolat.

IMPAIR | Oulalala, c'est qu'il y a foule déjà. « Peuh, les gens sont tous arrivés à la même heure ou c'est comment ? » fit-elle d'un ton désagréable à l'attention de son partenaire. A tous les coups, il faudrait faire la queue pour manger.

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'Le dé ' : 3

Il fallait le voir là, beau comme un coeur, à se triturer les mains nerveusement comme un ado angoissé à l’idée de voir sa cavalière. Oui mais voilà, Jyn n’était pas vraiment sa cavalière, en vérité. Ou alors, si ? Plus il y pensait, et plus sa chemise lui semblait lui serrer le cou si fort qu’il avait du mal à respirer. Mais l’air lui manqua réellement quand il vit débarquer sa meilleure amie dans sa sempiternelle petite robe bleue. C’était toujours la même fille, toujours la même robe et pourtant, quelque chose avait changé. Comme pour lui, l’été avait fait son oeuvre et toute la beauté de Jyn lui éclata à la rétine, le faisant déglutir comme un idiot alors que pendant un instant, Olie Livestone lui sortit complètement de la tête. La galloise était d’un enthousiasme débordant, certainement à la simple pensée de manger, mais Zéphyr s’imagina bêtement qu’elle était peut-être aussi ravie de le voir lui, sur son 31. « Jyn, tu es… » Heureusement, elle lui coupa la chique, l’empêchant de dire une bêtise plus grosse que lui. « Un vrai ventre sur pattes ! » se rattrapa-t’il un peu bêtement. L’honneur lui sembla sauf, du moins sur l’instant.

Jyn pendue à son bras - il sentait sa main serrer son bras, plus que d’habitude, c’était étrange - le Serdaigle entra donc dans la Grande Salle déjà bondée, et son regard ne chercha même pas sa cavalière officielle, c’était dire. Il avait toutes les peines du monde à ne pas laisser ses yeux dériver vers Jyn. « C’est nous qui sommes en retard. » lâcha-t’il avec un pragmatisme laconique tandis qu’effectivement, il constatait la foule près du buffet. Bon, objectif chocolat, c’était le plan a priori. Mais c’était sans compter sur le karma, et surtout, sur son gros mensonge qui s’apprêtait à lui exploser en pleine tête.

PAIR - Finalement, ses yeux captèrent ceux d’Olie qui était quelques mètres plus loin en compagnie de sa petite bande d’Aiglettes. Elle était belle, renversante même, dans une robe de satin violine. Timidement, elle lui adressa un petit signe de main qu’il lui rendit très discrètement, le plus possible en tout cas, avant de prendre Jyn par les épaules et de la tourner un peu pour qu’elle ne voit rien. Du moins, il espérait. « Tempère ton estomac, Jynette ! Quand il y aura la musique, tout le monde se ruera sur la piste. » Et lui aussi devrait s’y coller, ciel ! Il verrait le moment venu, hein ? « Tu veux qu’on essaye de piquer une chouquette à Bubblington ? » lança-t’il en espérant que le défi distrairait Jyn le temps que la nourriture soit accessible.

IMPAIR - Olie Livestone surgit devant eux avec la célérité de l'Aigle qui était leur blason. Pas le temps de s’éblouir de sa beauté, les yeux de Zéphyr s’arrondirent tandis qu’il dégageait machinalement son bras de l’emprise de Jyn. Très mauvais move ça, Bloom. « Zéphyr ! Tu es très élégant… » lui dit-elle en rougissant un peu, alors que lui-même devenait aussi écarlate que l’emblème des Gryffondor. « Ehem… Merci, je… » Bravo champion, quelle répartie incroyable. « Bonjour Jyn. » le coupa heureusement la Serdaigle. Bon, jusque là, tout allait bien non ? Ce pouvait être une simple politesse, rien de plus, non ? Non ? « Tu me le prêteras pour la première danse hein ? » enchaîna la jeune fille, malicieuse, à l’attention de Jyn, avant de disparaître dans la foule aussi vite qu’elle était apparue. Consterné, Zéphyr ferma les yeux un court, court instant, comme un Croup qui entendrait sa raclée. Par Merlin, il était vraiment dans la bouse de dragon jusqu’au cou.

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'Le dé ' : 3

Fallait-il au moins de la nourriture pour faire venir Jyn dans la grande salle pleine de monde, en robe et presque coquette. Certains esprits auraient pu croire que c'était pour Zéphyr, que peut-être même ils avaient une relation "en cachette" mais non. Pour son ami Serdaigle, la Poufsouffle n'avait que des sentiments amicaux teintés néanmoins il est vrai, d'une terrible, terrible possessivité. Peut-être était-ce pour cela aussi qu'elle serrait son bras si fort, peut-être que quelqu'un, une fille, voudrait l'arracher d'elle ? De part ce qu'elle avait vécu, la galloise avait un tempérament qui faisait qu'elle s'attachait peu, voire pas aux autres. Mais pour les rares élus de son coeur, elle ressentait un besoin viscéral de les avoir près d'elle. Que Wilda soit loin de Poudlard était pour la jeune femme un déchirement qu'elle ne s'admettait même pas. Jyn avait toute la soirée bien précisée dans sa tête, en tout cas pensait-elle. Un élément extérieur perturbateur et non désiré s'invita pourtant devant eux, une fille dont elle connaissait vaguement l'existence sans s'y être plus attardée que cela et qui s'adressait à Zéphyr en roucoulant comme un pigeon. La poufsouffle jeta un regard en biais à son ami pour chercher des réponses sur son visage ou dans son regard, mais ce fut en fait le dégagement de son bras qui parla pour lui-même. Non mais ! Et l'autre continuait, s'adressa même à elle - elle la connaissait mais c'était apparemment purement unilatéral quand même - et se permit, Ô malheur, de demander à danser avec Zéphyr. La fille disparue, la stupéfaction de Jyn était coincée dans sa gorgée et elle se tourna vers le Serdaigle comme si elle avait été pétrifiée par un basilic. « Elle te fait du gringue ? » demanda-t-elle avant qu'un rire blasé et stupéfait ne s'échappe de ses lèvres, « ou tu lui as promis de passer la soirée avec elle ? ». Une partie de Jyn voulait sincèrement croire que ce n'était pas là une trahison mais simplement une incompréhension de sa part qui avait suivi difficilement la conversation. Mais quelque chose dans sa tête clignotait furieusement en pointant Zéphyr du doigt pour le désigner comme un traître et un menteur.
Le fait est que Jyn vivait très mal d'être séparée des gens qu'elle aimait, c'était certes vrai. Mais pire encore, la trahison était quelque chose qui lui remuait les entrailles, lui dressait les cheveux sur le crâne et faisait généralement aussi monter les sanglots dans sa gorge. Incrédule, triste aussi, la galloise fixait celui qu'elle pensait être son ami, les bras ballants, alors qu'autour d'eux, le monde semblait s'amuser sous les cris déjantés de la plupart des filles.

Comment pouvait-on être aussi intelligent dans certains domaines et aussi bête sur d’autres ? Le fait était que justement, Zéphyr était accro aux faits. Aux choses claires, nettes et précises, qui étaient inattaquables ou presque. Mais voilà, en matière de relations garçon-fille, et bien… Il n’existait rien de la sorte. Rien du tout, non. Pour ça sûrement que pendant longtemps, il n’y avait prêté aucun intérêt, sinon en observant de loin la valse de la petite vie amoureuse des gens alentours. Mais là, il avait fallu prendre une décision, une décision basée sur des émotions et ça, aucun savant calcul ne pouvait trouver la solution, aucun. Dans les deux cas, quelqu’un aurait été blessé alors quoi ?

Alors il se retrouvait là, à attendre le déluge de reproches qu’il méritait. Mais rien pour l’instant. Rien si ce n’était des questions qui attendaient une réponse, une réponse qu’il ne pouvait hélas pas donner sous peine de mentir et mentir, c’était mal. Lentement, il ouvrit les yeux pour les poser sur Jyn, qui avait l’air furax, mais pas seulement. Et c’était le pas seulement le pire. Zéphyr déglutit un peu trop bruyamment pour quelqu’un qui n’avait rien dans le bec, si ce n'était des mots coincés dans sa gorge parce qu’il se sentait bête. Par Merlin, son col de chemise lui semblait si serré qu’il avait l’impression qu’un bouton allait très bientôt sauter. Et les températures... qu’est-ce que c’était que cette ambiance de serre tropicale ? Ses joues rendues roses par son coup de chaud, Zéphyr cherchait une solution pour se dépêtrer de ça sans risquer de continuer la soirée avec la trace des 5 doigts de Jyn sur sa joue - ou les deux. Ça lui était déjà arrivé une fois, avec une autre fille, et c’était quand même une sensation déplaisante. Jyn avait déjà un doigt réprobateur pointé sur lui, et ça lui donnait l’impression de transpercer sa poitrine, comme une lame chauffée au fer blanc. Alors une claque, imaginez.

« Elle… Elle m’a demandé si on pourrait danser un peu. » Bégayer, superbe début vraiment. Lui qui se targuait d’être une personne éloquente, voilà qui ne faisait que le rendre encore plus idiot qu’il ne l’était. Et puis, avec ses phrases à moitié vraies, à moitié fausses, Zéphyr était en train de danser, et pas comme il aurait aimé. Sous ses pieds, c’était des braises qui rappelaient l’étincelle dans les yeux de la galloise. Mais ce sol ardent, c’était sa faute à lui. Pas elle. Même si, avec un peu de mauvaise foi, il aurait pu dire que… Rah, chut, ça n’était pas le moment. Haussement d’épaules, regard bas, Zéphyr avait vraiment tout du chien battu. Un peu de panache, bon sang ! C’était en ayant de l’assurance qu’il pourrait s’en sortir, pas en jouant les martyrs. « Dis-toi que quand tu auras le buffet pour toi toute seule, tu ne remarqueras même pas que je suis parti ! » Aïe aïe aïe mais que c’était… NUL ! Il s’en rendit compte lui-même, mais loin de prendre le parti de s’excuser et d’être un peu honnête, le Serdaigle s’enfonça plus encore dans la bêtise et la diversion en forme de chocolat. Et commit une terrible erreur en attrapant Jyn par le bras pour tenter de l’attirer vers ledit buffet. « Allez, viens, on va se faufiler. » Mais quelque chose en lui savait que c’était la bêtise de trop, et que le revers allait être d’une violence certaine. Même s’il avait envie de croire que… Que quoi ? Que Jyn allait accepter de le partager ? Pauvre fou…

Jyn avait cet espèce de sixième sens qu'ont parfois les gens avec un lourd bagage mental et familial. Quoiqu'il en soit, elle avait flairé le malaise en deux temps trois mouvements et l'air embêté de son ami Zéphyr ne pouvait pas, bien entendu, effacer cet étrange pressentiment. Elle était possessive comme pas deux. La faute à son enfance, à ses parents adoptifs qu'elle aimait tant, au fait qu'elle avait du mal à s'attacher aux autres. En tout cas, depuis qu'elle était amie avec lui, elle était possessive comme si elle était sa copine. La Poufsouffle voyait d'un mauvais œil les filles qui osaient s'approcher de SON ami et elle vivait mal que d'autres garçons l'accaparent, surtout pour parler des cours. Parce que bon, la meilleure solution pour emballer le Serdaigle, c'était quand même de lui sortir un bouquin d'histoire de la magie qu'il n'aurait pas encore lu - c'était d'ailleurs le cadeau de Noël qu'elle avait prévu pour lui et déjà acheté par ailleurs. Parce que oui, rendez-vous compte, la sauvage du château faisait même des cadeaux. Mais à cet instant et alors qu'il essayait terriblement de noyer le poisson, la jeune fille en vînt à regretter sa trouvaille. Elle en vînt à regretter d'être son amie avec toute la force des ressentiments adolescents. Elle sauta directement sur l'idée qu'il l'avait trahi, sans en avoir fondamentalement la preuve. Mais son sixième sens, tout ça, voilà. Bravo Zéphyr d'avoir brisé un cœur de pierre en surface mais sensible sous sa croûte. Lorsqu'il eut le malheur de l'attraper par le bras, la Poufsouffle qui était aussi blanche que le Moine Gras se défaussa un peu brusquement en lui lançant d'une voix glaciale : « Ah ne me touche pas hein ! » - elle s'écarta vivement de lui. Dans son regard farouche perlait une larme au niveau de son œil droit - parce que oui, un seul œil verserait une seule larme à cette personne qui n'en méritait aucune - « je ne veux plus te voir ! T'as qu'à aller danser avec elle puisqu'elle t'attend ». Jyn s'éloigna de quelques pas en ajoutant : « Tocard ! ». Bravo, Zéphyr...

Le couperet allait tomber, ah ça, il le savait. Et le geste qu’il eut envers Jyn était celui de trop, aussi rien d’étonnant à ce qu’elle se dérobe de lui avec fougue. Bien joué Zéphyr, quelle maladresse allait-il bien pouvoir commettre maintenant ? Se tournant vers elle, il lui lança un regard désolé alors qu’elle semblait ne même pas avoir envie qu’il la regarde - la pauvre, il la comprenait en fait. Il la comprenait parce que si l’inverse s’était produit, il aurait sans doute été aussi blessé qu’elle, voire plus. Mais Zéphyr n’aurait sans doute pas osé faire une scène pareille car voilà, autour d’eux, les gens s’étaient arrêtés de parler et assistaient au naufrage du pauvre Serdaigle face à la Poufsouffle volcanique. Si les cauchemars pouvaient se matérialiser, alors il était en plein dedans. Enerver Jyn, s’empêtrer dans ses mots, se faire remarquer au milieu d’une foule, tout ça était vraiment, vraiment désastreux et il se sentit si con qu’il aurait aimé avoir la capacité de transplaner pour fuir comme le tocard qu’il était - elle le lui avait dit, hein, et elle avait raison.

Il avait bien vu, avant qu’elle parte, sa petite larme au coin de l’oeil. Il avait bien vu qu’il lui avait fait du mal, et le voir, c’était pire que l’imaginer en fait. Mais t’es vraiment le plus débile des débiles, Bloom ! Sa voix intérieure le traînait dans la boue comme l’aurait fait un ami proche mais le fait était que là, Zéphyr était tout seul, planté au milieu des élèves qui ricanaient avant de reprendre le cours de leur petite soirée. Et ce fut à ce moment précis qu’Olie Livestone surgit devant lui tel un fléreur, ce qui lui causa un petit sursaut. Le regard toujours perdu vers la porte où Jyn avait disparu, il n’écouta que d’une oreille. « Bon, maintenant que la furie est partie, tu viens ? » Hein, quoi, pardon ? Son attention se reporta sur la jolie Serdaigle qui lui sembla tout à coup bien fade. Mais en même temps, à côté de Jyn, toutes les filles semblaient fades, c’était un fait. « Ne parle pas d’elle comme ça. » lança-t-il d’un ton sec et courroucé, se détournant d’elle aussi vivement que Jyn l’avait fait avec lui. Sa cavalière en resta bouche bée, et acheva de lui coller la honte en criant à son intention, alors qu’il fonçait en dehors de la Grande Salle pour rejoindre son dortoir. « C’est ça, tire-toi ! Tu ne sais pas ce que tu rates, Bloom ! » Zéphyr ne se retourna même pas, serrant les dents alors qu’il faisait l’inverse avec son col de chemise pour essayer de retrouver un peu de son souffle. Si, si, il savait ce qu’il ratait. Une soirée agréable qui l’aurait éveillé aux charmes des amours adolescents mais si ça risquait de lui couter une amitié, et bien, ça n’en valait pas la peine.

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