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Panse mes maux | NEOLINA

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Razvan Vacaresco

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MessageSujet: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Mer 21 Juil 2021 - 0:18

Les nuits écossaises étaient fraîches malgré l'été qui se dévoilait sur le Royaume-Uni. Elles  n'aidaient pas Razvan à mieux dormir. En fait, s'il avait pu constater une amélioration de ses nuits depuis qu'il avait le bonheur de s'endormir avec quelqu'un qu'il aimait, pour autant, tous les problèmes n'étaient pas réglés. Loin de là. A la fermeture de ses paupières que ce soit épuisé ou non, le roumain pénétrait de nouveau dans le monde de la nuit, des songes insupportables et des cauchemars. Les cauchemars étaient son presque quotidien depuis tellement d'années que le médicomage avait arrêté de les compter, quoiqu'il savait qu'ils étaient au moins aussi vieux que l'âge de sa petite fille. Et ils s'étaient amplifiés lorsqu'il avait été marqué, puis lorsqu'il avait commis l'irréparable. Parfois, il rêvait plusieurs fois de la même chose, de ces mêmes regards vides qu'il n'oubliait jamais. Parfois, c'était autre chose, mais c'était toujours foncièrement désagréable que de se rendre compte d'une insupportable sensation de déjà-vu pendant le sommeil. Comme si le cerveau, en arrière fond, disait bien que ça avait déjà été un mauvais moment à passer et qu'il faudrait passer de nouveau au travers. Razvan ne supportait plus de se réveiller, transpirant d'angoisse, le souffle court, avec le furieux besoin de sortir du lit pour ne pas faire une attaque de panique. C'est d'ailleurs ce qui arriva ce soir-là.

Razvan s'éveilla brusquement en sursautant légèrement et regarda la fenêtre par delà laquelle il percevait le ciel. Il ne se leva pas tout de suite, malgré les sueurs froides, malgré la sensation de malaise, et malgré les frissons qui lui parcouraient encore les bras. Au contraire, il attendit, comme pour vérifier que Neolina avait bien un rythme de respiration calme et posé, semblable aux gens endormis, avant de se glisser hors du lit. Il eut l'impression que ses jambes s'étaient transformées en coton et il trouva la salle de bain sans trébucher sur rien par une chance qui relevait sans aucun doute du miracle. Le cerveau du roumain réalisa en sortant de la chambre qu'il y avait un - foutu - croup dans cette maison mais se dirigea avec le plus de discrétion possible vers la salle de bain. Il alluma la lumière, qui lui agressa les yeux si fort qu'il la reteignit pour ne pas se brûler la rétine. Le médicomage laissa la porte entre-ouverte et s'appuya au lavabo. Razvan ne distinguait pas tout à fait son visage mais c'était sans doute mieux. Il savait ce qu'il y verrait, un monstre ravagé par la culpabilité, par le manque de sommeil et la fatigue chronique. Se déversa dans le lavabo l'eau claire qu'il se jeta sur le visage et dans la nuque. « Tu n'es qu'un vulgaire monstre ». « Espèces de lâches ! ». « Tu me fais honte ». Les voix appartenaient à différentes personnes mais raisonnaient avec une parfaite intensité dans sa boîte crânienne, se fracassaient contre, lui fendaient la conscience en quatre. En fait, ce songe sombre avait été particulier. Il avait vu le regard transformé par la haine du fantôme qu'il traînait derrière lui depuis sept années. Elle lui avait craché des choses d'une voix qu'il ne pensait pas lui entendre un jour. Comme si Mara avait réellement prononcé ces paroles, à lui dire qu'il lui faisait honte, qu'il était un monstre, un père ridicule et un raté. Qu'elle regrettait de l'avoir un jour épousé, parce qu'elle était morte à cause de lui et qu'à cause de lui toujours, leur petite fille était orpheline de ses deux parents. La voix de Mara était changée par la fureur mais le pire c'était finalement cet air totalement froid et psychopathique de son regard. Ses yeux auparavant ambres avaient pris une teinte comme la sienne. Sombre, sans fond, dure. Impersonnelle. Et son visage qui était le sien sans l'être, s'était imprimé dans ses yeux noirs et le hantait alors qu'il était appuyé contre le lavabo. Puis elle s'était transformée presque instantanément en fait, elle avait comme tourbillonné sur elle-même, sans changer d'apparence, bien qu'il savait cette fois-ci que ce n'était pas elle. La voix d'Hermes était sortie de ses lèvres et il avait pris ce moment d'égarement de son subconscient comme une profanation personnelle. Un violent haut-le-cœur le pris brusquement alors qu'il serrait le lavabo si fort que ses jointures étaient blanches. Nouvelle giclée d'eau, avant qu'il ne s’assoit du bout des fesses sur le bord de la baignoire, le visage dans ses mains, toujours irrémédiablement dans le noir.


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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Ven 23 Juil 2021 - 1:12

Les nuits de Neolina étaient le plus souvent paisibles. L’imagination fertile de la roumaine lui faisait régulièrement avoir des rêves improbables, mais qui lui laissaient des sensations bien agréables au réveil - plus encore depuis qu’elle se réveillait dans les bras de l’homme qu’elle aimait. Bien sûr, elle avait connu des périodes de cauchemars terribles, qui revenaient par moment quand elle traversait un moment compliqué. Et depuis 3 semaines maintenant, Neolina en vivait un et pourtant, ne rêvait pas. Il fallait dire que pour elle, le cauchemar était bel et bien réel. Le sommeil était une façon de s’en extraire, en quelque sorte, situation drôlement inversée mais hélas, la petite blonde mettait plus que jamais du temps à sombrer du côté de Morphée. L’inquiétude lui rongeait les sangs, et si elle essayait de ne pas faire ressurgir ce trouble une fois chez elle, dans les faits, l’exercice était compliqué.

La prise d’otage du Chemin de Traverse était sur toutes les lèvres. C’était un acte horrible et dévastateur, qui paralysait la communauté sorcière toute entière. Les Aurors étaient sur le qui-vive, tenus toutefois par la hierarchie qui leur ordonnait de ne rien tenter. Négocations en cours, crainte pour la vie des otages, tout ce beau monde était sur les dents, rongés par la frustration, la peur et l’incertitude. Neolina était dans le même état, son empathie prenant évidemment le dessus, le tout amplifié par le fait que son meilleur ami était bloqué là-bas. Elle avait beau savoir qu’il ne tenterait rien de stupide, et que la situation était a priori pacifique pour le moment, l’imaginer dans ce climat de tension et de peur lui faisait de la peine. Savoir qu’elle était impuissante à l’aider était bien pire. Impuissante tout court, d’ailleurs, car les missions s’étaient considérablement ralenties. La roumaine protégeait toujours le secret magique des frasques d’inconscients, une situation qui lui aurait tout à fait convenu si la guerre était finie. Si tout ça n’était que la normalité. Mais non. Les attaques des mangemorts n’étaient raréfiées que parce que leurs efforts étaient ailleurs, et cette constatation la terrifiait, tout autant que de sentir ses collègues sur le qui-vive. Tout le monde connaissait quelqu’un qui était bloqué là-bas. Même Dexter Walsh, l’inébranlable, peinait à cacher une nervosité qui ne lui ressemblait pas, et Neolina avait appris avec effroi qu’il était dans pareil état à cause de son frère. Cecil… Certes, elle ne le connaissait pas depuis bien longtemps, mais imaginer cette douce âme en proie à un tel stress lui faisait mal au coeur. Il lui arrivait parfois de passer devant sa boutique, fermée de ce fait, et de sentir une pointe s’enfoncer dans son coeur. Et si la boutique ne rouvrait pas ? Et si… ? Pareil pessimisme ne lui ressemblait pas, mais les journées étaient longues, et Neolina passait bien trop de temps chez elle à ruminer et cogiter plutôt qu’à se rendre utile. Que dire alors des nuits ?

Ce soir-là, Neo avait fini par sombrer à une heure bien tardive. Ses nuits étaient entrecoupées de moments où elle se réveillait, cherchant alors la présence réconfortante de Razvan pour se lover dans ses bras et essayer de se laisser à nouveau glisser dans le sommeil. Mais cette nuit là, elle ne trouva que des draps encore chauds de sa présence, imbibés d’une couche de sueur sous sa main qui le cherchait. Ça n’était pas la première fois. Car même si Razvan prenait toutes les précautions du monde à ne pas la réveiller quand il lui arrivait de s’éclipser au coeur de la nuit, la roumaine avait comme un sixième sens et souvent, se réveillait quelques minutes après lui. Comme si le sentir loin d’elle la troublait au point qu’elle ne pouvait plus continuer à rêver tranquillement. Souvent, Neo attendait son retour en somnolant, et l’accueillait quand il daignait revenir par une douce étreinte. Mais à cet instant, Neolina était parfaitement réveillée, une angoisse qu’elle ne s’expliquait pas logée au creux de sa poitrine. Elle avait besoin de Razvan, et peut-être lui aussi, après tout.

Ses pieds glissèrent sur le plancher froid, tout comme l’air ambiant. Enfilant un t-shirt qui trainait au pied du lit, et qui lui arrivait aux genoux puisque ça n’était pas le sien, elle incanta un Lumos dont elle baissa l’intensité pour ne pas risquer de brusquer ses yeux et esquiva les meubles au passage, partant en quête de son homme. Gabi n’ayant pas joyeusement cavalé sur le parquet en bas, elle s’imaginait bien qu’il n’était pas descendu, et elle se dirigea donc par instinct dans la salle de bain. La silhouette de Razvan se détachait dans le noir de la pièce, assis sur le bord de la faïence de la baignoire. Un mauvais rêve de plus, se douta-t-elle. Elle le sentait souvent s’agiter dans son sommeil, resserrer son étreinte sur elle parfois. Peinée par une telle vision, au point d’en oublier ses propres peurs sur le moment, Neolina le dévisagea quelques secondes avant d’avancer à pas feutrés, posant sa baguette sur le rebord de la baignoire avant de se poster devant lui, ses mains se glissant avec délicatesse dans sa nuque pour l’attirer gentiment contre elle. Son pouce près de sa veine sentit bien le rythme effréné de son coeur, et d’une voix tendre, un murmure, Neo brisa finalement le silence. « Qu’est-ce qui se passe, Iubire ? » Ses pieds nus contre le carrelage commençaient déjà à geler, mais elle s’en moquait bien. « Tu veux en parler ? » demanda-t-elle finalement, comme pour lui faire comprendre qu’ils pouvaient tout aussi bien rester comme ça, en silence. Il y avait des secrets chez Razvan qu’elle devinait, des blessures à vif qu’elle imaginait ressurgir en songe. Par pudeur, par respect, jamais elle ne lui imposait de lui en parler. Petit à petit, elle espérait qu’il se confie - ce qu’il faisait d’ailleurs. Mihaela, Mara, son exil… La vie de Razvan était faite d’épreuves qu’il avait traversé seul, et dont il n’avait jamais parlé. C’était une chose qu’elle acceptait. Après tout, n’avait-elle pas elle-même son lot de souffrances qu’elle taisait ?
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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Sam 24 Juil 2021 - 23:29

Le sommeil de Razvan était aléatoire depuis de nombreuses années mais ces dernières semaines semblaient être pires que les autres. La raison ? Le Chemin de Traverse était bloqué par les mangemorts et le roumain, fréquemment réquisitionné pour faire de la surveillance. Sur les toits, dans les rues. Parfois, on lui demandait de délier des groupes, d'entrer dans des habitations. Ça le rongeait de maintenir ces gens dans l'angoisse. Ça le rongeait, cette simple idée qu'on puisse lui demander bien pire que de la simple surveillance... Et quoi de pire que de fréquenter quelqu'un que cet acte angoissait d'autant plus ? Razvan connaissait assez Neolina pour savoir qu'elle y pensait. Ne serait-ce que parce qu'elle connaissait des gens qui étaient là-bas. Lui, malheureusement, n'avait pas vraiment la mémoire des visages. Il serait bien mal-à-l'aise d'essayer de se rappeler du meilleur ami de Neo qu'il avait simplement aperçu à son mariage. Et cela remontait, maintenant...
Quoiqu'il en soit, le médicomage s'était extrait à sa douce présence. Hanté, comme toujours, par des songes qui l'empêchaient d'avoir une vie normale. Razvan avait toujours cet air fatigué sur le visage. Ce n'était pas seulement dû à la boxe et à son métier, bien que c'était ce qu'elle pensait, elle. Comment Neo aurait-elle pu imaginer que ce soit pour autre chose ? Pour des nuits coupées, entrecoupées de cauchemars où des gens qu'il avait assassiné revenaient le hanter ? Le roumain pouvait bien avoir des allures de fantôme, ce n'était pas lui qui faisait peur aux autres. C'étaient eux, ces morts, qui le terrifiaient profondément. Et là, assit dans la salle de bain, il vit du coin de l’œil la lumière du Lumos de Neolina se rapprocher de lui. Elle l'avait entendu se lever, elle l'avait suivi. Parce qu'elle était gentille, qu'elle n'aimait pas le voir dans cet état. Le pauvre homme ne se sentait pas de lui mentir encore maintenant. Pas en pleine nuit, pas alors qu'elle s'était réveillée après qu'il ait lui-même fui le lit conjugal. La douce lumière du sortilège de la sorcière s'évanouit naturellement lorsqu'elle lâcha sa baguette pour la poser sur la baignoire. C'était peut-être mieux qu'il ne voit pas l'expression de son regard s'il voulait... S'il voulait quoi ? Avouer ? Quelle blague. Si ce n'était pas aussi terrible, il en aurait ri. Mais pas là. Jamais là. La main douce dans sa nuque ne le détendit pas, mais il se laissa faire et posa sa joue contre son ventre. Entendre son cœur battre à l'intérieur de son corps, à mille lieux de tous ces cœurs qu'il avait à jamais arrêté, le rassura. Tout comme son odeur, d'ailleurs. Le parfum de Neolina le calmait toujours, depuis l'enfance. « Elle m'en veut ». Razvan marqua une pause. Il n'avait pas spécifié le sujet à juste raison. Il n'osait pas admettre ce qu'il pensait au plus profond de lui-même, comme si sa fierté ne se remettrait pas d'un tel aveu.

La Roumanie était un pays pieux. L'Europe de l'Est, terre de traditions, de légendes, où les temps semblaient parfois s'être arrêtés, au moins un peu. Il aimait son pays, qu'est-ce qu'il aimait son pays. Mais la Roumanie était aussi un pays croyant. Forcément, forcément. Et sa tante - que Dieu ait son âme - était une femme pieuse, qui voulait élever un neveu dans les règles de l'art roumain. Elle l'avait élevé pour qu'il soit croyant, Razvan ne l'était plus. Il avait trop subi la vie pour s'en remettre à une pseudo entité que certains nommaient Dieu pour avoir l'impression que quelqu'un les écoutait. Personne ne l'écoutait, personne ne le sauvait. Il était seul face à lui-même et face à ses choix désastreux. Pas d'ami lointain dans le ciel pour l'aider. Il était seul, les épaules voutées et maintenant même en rêve, sa morte venait le hanter. « Je sais qu'elle m'en veut ». Il n'osait tellement pas entrer dans les détails, dire précisément ce qui n'allait pas. Pourtant, c'était là, au bord de ses lèvres, ce besoin de déballer son sac, au moins en partie. Lui dire pourquoi Mihaela n'était pas là, lui dire à quel point sa situation en Angleterre s'était dégradée rapidement, au point même qu'il mette d'autant plus de temps à répondre à son courrier, à l'époque. Le roumain avait eu peur, peur qu'on lui fasse aussi du chantage à propos de cela. Alors il avait espacé ses réponses pour elle, mais avait au moins un peu compensé par la taille de ses lettres. Perdre l'amitié de Neo à l'époque l'aurait rapproché d'un précipice où il risquait aujourd'hui de tomber. Et heureusement, heureusement qu'elle était là, tout le temps, maintenant. Qu'ils soient dans le noir lui faisait du bien. Ses mains à lui, qui étaient restées perdues sur ses genoux se posèrent sur ses hanches sans la serrer pour autant. Il n'avait pas la force. Neo avait toujours été son rocher sur lequel il se reposait volontiers.

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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Mer 28 Juil 2021 - 2:09

Neo et Razvan n’avaient pas toujours besoin de mots pour se comprendre. C’était sans doute l’une des plus grandes forces de leur relation, et ce depuis leur plus tendre enfance. Il suffisait bien souvent d’un regard, d’un geste, pour qu’ils sachent ce qui se jouaient chez l’autre. Toutefois, l’absence de mots n’aidait pas toujours à saisir la profondeur de ce qui se jouait chez l’autre. Et s’ils n’avaient aucun mal à en poser sur leurs sentiments respectifs, il leur était parfois plus compliqué de dévoiler ce qui les peinait. Et c’était là une difficulté bien plus récente de leur relation, car vieillir, c’était aussi découvrir des souffrances qu’il était bien plus pénible de confier. Même lorsqu’ils n’étaient qu’amis, et pour des raisons sûrement différentes, Neo comme Razvan avaient toujours gardé une part de pudeur sur les maux qui les rongeaient. Elle, parce qu’il était impossible d’expliquer à un homme la plaie béante qui avait entaillé son coeur de femme. Lui, parce qu’il était certainement difficile de convoquer à chaque conversation le spectre de celle qui lui manquait tant. Du moins, c’était ce que Neo imaginait. Chaque fois qu’il effleurait le sujet, d’autant plus depuis qu’elle était devenue plus qu’une simple amie, la roumaine veillait à ne pas le brusquer. Ne pas trop creuser pour ne pas risquer de lui faire de la peine. Pourtant, il aurait sans doute mieux valu crever un peu l’abcès, chercher à mieux comprendre car ce pan complet de sa vie semblait le hanter, et quoiqu’il dise, quoiqu’il essaye de faire, il existait bien des fantômes dans cette maison. Ceux de deux absentes, et le plus terrible, c'était que l’un de ces fantômes était encore en vie.

Aussi, lorsque Razvan exprima tout de même ses angoisses, le flou du pronom employé la laissa dans une hésitation certaine quant à l’attitude à observer. Parlait-il de Mara, et projetait-il sur elle des remords qu’il était seul à éprouver ? Ou de Mihaela, et dans ce cas, la situation était bien différente. Les quelques visites en Roumanie, qui commençaient à se faire moins pénibles pour elle depuis qu’elle acceptait petit à petit la place qui allait devoir être la sienne, n’avaient fait que confirmer ce qu’il lui avait dit. Sa fille avait un comportement hostile à son égard, vivait cet exil comme un abandon - mais après tout, comment lui en vouloir ? Neo aurait aimé avoir la force de lui demander les détails, mais chaque fois une petite voix dans sa tête la stoppait. Après tout, il en parlerait quand il serait prêt. Peut-être ce soir, d’ailleurs. Alors qu’elle caressait avec douceur les cheveux humides plaqués dans sa nuque, Neo se demandait bien ce qu’elle pouvait répondre à ça. Toute question lui semblait déplacée, et choisir l’une ou l’autre des deux autres grands amours de Razvan pour poursuivre la conversation lui paraissait trop risqué. Alors elle fit ce qu’elle faisait le mieux : se concentrer sur lui, et lui seul. « Je crois que c’est surtout toi qui t’en veux. » répondit-elle finalement après un long moment de silence, d’une voix posée qui se voulait apaisante. Puis, lentement, elle se baissa, posant ses genoux nus sur le carrelage glacial pour se mettre à sa hauteur. Peut-être n’avait-il pas le courage, l’envie, la force - ou les trois à la fois - de la regarder, mais elle ressentait le besoin de saisir les émotions qui le parcouraient. Ses mains glissèrent sur sa peau imprégnée de la sueur de ses cauchemars pour venir caresser tendrement ses joues en miroir. « Tu fais de ton mieux Razvan. Et tu fais peut-être des erreurs, mais tout le monde en fait. » Du bout des lèvres, elle déposa un baiser sur son front, avant de venir y appuyer le sien. « Ne sois pas trop dur avec toi-même. » De ce qu’elle savait, Neolina trouvait cette culpabilité bien trop lourde pour les choix qu’il avait fait. Mais évidemment, elle en ignorait certains. Ceux qu’on avouait pas, même à celle qui avait promis de toujours être à nos côtés, et de toujours tout pardonner.
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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Jeu 29 Juil 2021 - 21:48

Le temps faisait peser sur les épaules de Razvan une culpabilité qui semblait réellement décuplée. Sans qu'il ne puisse s'en empêcher, comme si c'était dans la nature même de son caractère. Pourtant, il n'était pas comme cela quand il était plus jeune. Sans aller jusqu'à dire qu'il n'était pas mélancolique, le roumain ne s'en voulait pas pour tout et rien. La mort de sa femme avait finalement marqué un véritable tournant dans l'évolution de son caractère. Car il s'en était voulu, profondément. Que dire alors lorsqu'il avait dû partir ? Que dire encore, lorsqu'il avait été marqué...? Les dernières années de sa vie avaient marqué son visage de cernes irrattrapables, que Neolina avait découvert en arrivant par le train à Londres. Sur ce quai embrumé par la vapeur des locomotives qui dégueulaient leurs passagers. Il avait changé, quelque chose dans ses yeux avait évolué. Loin était le petit Razvan tout mignon de Roumanie. Y succédait un homme qui avait vécu, avait subi, des choses d'autant plus horribles qu'elles s'étaient succédées en l'espace de quelques années. Et pour l'aider à gérer tout cela ? Personne. Une amie, lointaine, à qui il ne pouvait confier des choses pour lesquelles il lui faudrait du temps à répondre. Il avait trop de pudeur de toute façon, pour coucher les choses sur un papier. Que dire d'en parler alors ? Car lorsque la roumaine avait franchi la porte de la salle d'eau, le médicomage lui-même avait su que c'était le moment ou jamais. Celui de poser des mots sur certaines choses de son vécu qu'il assumait mal. Sachant pourtant qu'il faudrait taire des choses, choses qui, évidemment, étaient un mensonge par omission. Et il n'aimait pas mentir à Neolina, il n'aimait pas cela. Mais jetez à cet homme la première pierre si vous avoueriez des choses pareilles à votre amant.
Car là était tout le soucis. Neo posait sur lui un regard compréhensif, un regard patient. Elle était tendre, l'aimait tel qu'il était. Ou en l'occurrence, tel qu'elle pensait qu'il était. Sans la zone d'ombre sur laquelle il ne parvenait pas à poser de mots. Ne l'aimerait-elle pas moins si elle savait ? Est-ce qu'il ne la dégoûterait pas comme il se dégoûtait profondément lui-même ? Razvan se détestait, il se dégoûtait, il le lui avait dit. Les mots avaient tapé fort dans ses oreilles lorsqu'il les avait confiés. Que dire, dès lors, de la vérité plus morbide ? Celle qui justifiait des morts pour sauver une seule personne, la personne la plus importante de sa vie avec Neolina ? Il craignait que l'aveu le plus acceptable la fasse fuir. Alors en dire plus ? Laissez-moi rire. La caresse de sa main dans sa nuque ne calmait pas ses pensées effrénées, ses yeux auraient pu sauter d'un bout à l'autre de la pièce s'il avait eu le courage de les garder ouverts. Mais dans la noirceur de sa salle de bain, il ne voyait rien. Peut-être était-ce mieux. Voir l'expression de son visage, qu'elle voit la sienne, n'en valait pas la peine. Razvan la sentit se baisser plus qu'il ne la vit, pour autant, il ouvrit les yeux quand même. Dans l'ombre, il distinguait tout de même son visage, ses traits qu'il aimait tant, concernés par son état. Son chaste baiser était délicat, mais il ne le méritait pas. Il ne méritait aucun de ses délicats gestes envers lui. « J'ai quelque chose à te dire » fit-il au bout d'un moment. Le front toujours posé contre le sien, il s'écarta en détournant son visage légèrement et se redressa un peu. Ses mains glissèrent sur ses bras à elle, comme pour garder tout de même un contact avec elle. N'était-elle pas sa nouvelle force, maintenant ? « J'ai besoin de te dire pourquoi je laisse Mihaela en Roumanie, mais... » - il fit une pause, pour déglutir. C'était plus difficile qu'il ne se l'était imaginé, finalement, de mentir par omission : « Ne me juge pas » - la caresse sur les bras de sa roumaine s'arrêta quelques instants - « s'il-te-plaît ».

Comme à chaque fois qu'il était gêné, il passa une main dans ses cheveux noirs, à l'arrière de sa tête, geste qui releva d'autant plus ses épis. Heureusement qu'il faisait sombre. Razvan aurait été mortifié qu'elle puisse lire toutes les expressions sur ses traits fatigués : « Quand je suis arrivé en Angleterre, je ne parlais pas bien anglais et, tu le sais, j'ai un statut de réfugié alors... » - alors ne te justifie pas Razvan, nom de dieu ! - « alors j'ai fait quand même profil bas. Je faisais mon travail, sans faire de vagues, ni me faire remarquer, enfin, voilà. Puis des gens sont venus me demander des services. Le genre de gens à qui tu ne dis pas non, tu vois ». Machinalement, il avait décollé ses mains de sa peau à elle. Si elle le rejetait pour cela, au moins cela serait moins violent : « Et j'ai dit non parce que j'étais naïf ». Naïf n'était pas un adjectif que l'on attribuerait instinctivement au roumain et pourtant il l'était. Il était foutrement naïf et cela lui avait causé tellement de tort, que ce soit en Roumanie ou en Angleterre, que c'était tout de même scandaleux qu'il n'ai pas appris de ses erreurs. Razvan pourtant, n'accordait pas sa confiance à n'importe qui mais le fait est qu'il n'était pas bon dans les petits jeux de la manipulation. Cela n'avait jamais été pour lui, que ce soit à Durmstrang ou dans sa vie adulte. Voilà où ça le menait. « Et ils avaient vraiment besoin de moi alors... Disons que c'est facile de menacer une gamine, non ? Surtout la gamine d'un réfugié ». Razvan avala difficilement sa salive, honteux comme un chien que l'on aurait disputé pour une bêtise. Et il avait le toupet de parler au passé alors que tout se poursuivait dans le présent. Honteuse, honteuse utilisation de la conjugaison roumaine. « Et j'ai accepté parce que j'étais seul, et que je ne pouvais pas accepter qu'il arrive malheur à Mihaela. Je - ... » s'interrompit-il  avant d'avoir un rire particulièrement sans joie, « je n'aurais pas pu supporter qu'on lui fasse du mal ». La suite était facile à deviner. Razvan s'était inquiété qu'on s'en prenne à elle, Razvan avait voulu la protéger et Razvan l'avait renvoyé en Roumanie, où elle était une petite fille orpheline de ses parents : de sa mère par la mort et de son père par la force des choses.


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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Dim 1 Aoû 2021 - 22:19

Tout l’amour du monde, hélas, ne pouvait suffire à apaiser les plus terribles souffrances. Neo l’avait appris, avec le temps, savait à quel point il s’agissait d’un travail à faire sur soi, d’autant plus quand on gardait cette peine comme un secret honteux. La roumaine sentait bien que Razvan cachait certaines choses, ne s’en offensait pas d’ailleurs. Mais il lui semblait, les jours passant, que le poids de ce mystère là commençait à trop peser sur ses épaules. Peut-être parce qu’elle passait désormais toutes ses nuits avec lui, et qu’elle ne pouvait que constater à quel point le sommeil de Razvan était agité. Peut-être aussi parce qu’elle le connaissait par coeur. Aussi, après un long moment de silence où elle tentait de l’apaiser par ses gestes plus que par ses mots - car que dire de plus ? - Neolina ne fut pas surprise de l’entendre s’embarquer sur le terrain des confidences. La raison pour laquelle il avait éloigné Mihaela était brumeuse, intangible, et souvent elle essayait de réfléchir à diverses options. Mais aucune ne lui paraissait être la bonne. Il sentait bien la rancoeur de l’enfant, la résignation de son père, et elle, au milieu, tristement impuissante, porteuse également d’un petit secret qu’elle se refusait à avouer de peur de le peiner. Car Neo n’avait jamais oublié qu’en décembre, Mihaela avait laissé échapper son envie de retourner à Londres. Tout ça cachait quelque chose qu’elle savait être terrible, mais elle avait attendu. Et ce soir, semblait-il, l’attente prenait fin.

Razvan lui échappa un peu, et elle le laissa volontiers faire, posant ses mains sur ses cuisses alors qu’il lui caressait lentement les bras. Sa peur envahissait la pièce, comme un brouillard épais et étouffant, et le pire, c’était que cette peur reposait sur le jugement de celle qu’il aimait, visiblement. Longtemps, Neo avait cru qu’il taisait tout ça parce qu’il n’en avait pas le courage, parce que la plaie était encore trop vive. Mais quelque chose en elle s’éveilla, une crainte peut-être, alors qu’elle imaginait mal pourquoi elle pourrait juger une décision qu’il avait prise pour sa fille. Elle n’était pas mère, et même si ce constat faisait mal, c’était une vérité qui expliquait qu’elle se sentait en-dehors de tout ça. Une simple spectatrice, qui n’avait certainement rien à dire sur quoi que ce soit quand il s’agissait de prendre soin d’un enfant. « D’accord. » répondit-elle tranquillement, bien que l’angoisse commençait à lui tordre le ventre. Elle ne pouvait pas lui promettre, mais vraiment qu’est-ce qui pourrait bien justifier qu’elle puisse le juger ?

Razvan lui fit le récit de son arrivée en Angleterre. Ils n’avaient jamais parlé de ça, pas même par courrier. Sans doute parce que le contexte n’avait rien de joyeux, et que comme souvent il n’avait pas voulu l’inquiéter. Neo réalisa, pour la première fois peut-être, à quel point il avait du se sentir seul. À quel point il aurait gagné à ce qu’elle soit à ses côtés. Par Merlin, pourquoi avait-il fallu que leurs drames se déroulent en même temps ? Pourquoi avait-elle pris cette décision si vite, alors qu’à quelques jours près… Neo n’aimait pas vivre au conditionnel, mais cette fois, la tentation était trop forte. Si elle était restée, peut-être ne serait-il jamais parti. Ou alors, elle l’aurait suivi et à deux, ils auraient été plus forts. Du moins, c’était ce qu’elle croyait, avant d’entendre la suite. Car jamais de sa vie elle n’aurait pu penser que la vie se serait autant acharnée sur ce pauvre Razvan. Au fil de ses mots, la roumaine comprit vite dans quel pétrin il s’était retrouvé embourbé. Ses gestes parlaient pour lui, et à l’instant où il se détacha d’elle, Neo comprit que le non s’était rapidement transformé en oui. Choquée par la découverte, la roumaine ne put retenir son expression de surprise, un peu bouche bée, comme si l’air lui manquait tellement qu’elle avait besoin d’en inspirer plus encore. Des services ? Mais quels genres de service ? La question lui brûlait les lèvres, mais Neo savait à quel point ce genre de confidences était difficile, aussi resta-t-elle muette jusqu’à entendre la suite.

La terrible suite.

De toutes les options qu’elle avait envisagées, jamais elle n’avait pensé à ça. Jamais. Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’on ait pu utiliser Mihaela pour faire du mal à Razvan. Le monde était-il fou à ce point ? Sans qu’elle ne puisse le contrôler, et alors que Razvan terminait cette histoire dont elle avait déjà compris la finalité avant qu’il ne la dise, des larmes vinrent brouiller son regard sans couler pour autant, alors qu’elle posait une main tremblante sur sa joue. « Oh Razvan, je suis tellement… » Tellement quoi ? Désolée ? Perdue ? Sur les fesses ? Aucun mot ne semblait pouvoir réussir à compléter cette phrase et durant un bref instant, Neo en vint à oublier la contrepartie qu’on lui avait demandé, ne songeant qu’aux horribles menaces qu’il avait dû entendre. Qui pouvait bien faire ça, qui ? Le nom d’un groupuscule qu’elle ne connaissait hélas que trop bien aurait pu lui venir en tête, mais elle était trop bouleversée pour ça. « Je n’en reviens pas. Je… » Neo avait cette faculté de voir toujours le bien chez les autres, même si elle savait qu’il se logeait chez bon nombre une étincelle de malice et de noirceur certaine. Mais que cette noirceur là s’étende jusqu’au coeur de l’homme qui comptait le plus pour elle… C’était terrifiant. Finalement, elle laissa tomber ses fesses sur ses talons, comme si ses cuisses ne la portaient même plus, et détacha sa main de la joue de Razvan pour venir essuyer une larme sur la sienne. « C’est pour ça que tu ne veux pas qu’elle revienne, hein ? Parce que tu as peur qu’ils, je veux dire… » Neo réfléchissait tout haut, réalisant tout à coup pourquoi le sujet Mihaela était si sensible. « Tu ne méritais pas ça. » dit-elle tout à coup d’un voix blanche, se redressant pour enlacer son cou et l’étreindre de toutes ses forces. « Tu mérites ce qu’il y a de mieux. » Sa voix basse, près de son oreille, se brisa finalement dans un sanglot qu’elle ne parvint pas à retenir.
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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Lun 2 Aoû 2021 - 11:38

Comment aurait-il pu imaginer qu'il en viendrait à des confidences aussi graves après avoir eu un mauvais rêve de plus ? Razvan ne comptait plus les nuits où il cauchemardait, cela arrivait presque tout le temps. Même lorsqu'il n'avait pas dans la journée ce regard mélancolique qui était devenu sa signature, le roumain parvenait tout de même à faire des mauvais rêves le mettant en scène lui mais surtout, la mettant en scène elle. Mihaela était une enfant qui comme tous les enfants, ne voyait pas le mal. Elle était pure, parce qu'elle était jeune, pas encore pervertie par la vie et les travers des gens qui la rendaient difficile. Partir de Roumanie était quelque chose qu'il n'avait su lui expliquer. Comment dire à une enfant que s'il avait le malheur de rester dans son pays, il finirait probablement ses jours plus tôt que ne le laissait entendre son espérance de vie, dans une cellule toute moldue au Nord de la Russie ? Et comment encore lui faire comprendre que c'était pour sa sécurité qu'il préférait qu'elle vive avec ses grands-parents, plutôt qu'avec lui ? Lui, incapable de la protéger, alors que c'était-là son rôle. Pour Mihaela, ce n'était qu'une séparation parce qu'il ne l'aimait pas. Et il avait beau lui répéter toujours le contraire lorsqu'il la voyait et la prenait dans ses bras, la blessure de la petite fille était trop profonde pour que quelques mots rachètent un comportement à son père. Le jugement de l'enfant était sans appel, aussi terrible que celui de Salomon. Mais c'était davantage celui de Neolina que craignait Razvan. Que lui resterait-il si elle jugeait sa situation trop grave et si elle le laissait ? Il lui avait souvent dit qu'il ne la forcerait jamais à rien et de la même façon, jamais il ne l'enfermerait avec lui. Mais quel coup de massue derrière son crâne si, une fois encore, il en venait à se retrouver seul...
Razvan avait une vie jalonnée par les pertes et les deuils. Il ne se sentait pas capable, alors qu'il était présentement si heureux dans une relation, à faire le deuil de celle-ci pour la voir s'enfuir. Comment pourrait-il lui en vouloir pourtant d'avoir une réaction si censée ? Si méritée ? Le roumain ne lui en voudrait pas de partir, il la comprendrait, lui recommanderait même de le faire. Et alors que les mots franchissaient ses lèvres, comme un torrent qui éclate le barrage d'un cours d'eau, il s'étonna qu'elle reste là. Il s'en étonna, oui. Sans doute parce que sa trop grande culpabilité le conduisait à se voir comme quelqu'un de si profondément néfaste qu'il ne pouvait y avoir d'autre issue à cette conversation. Il avait mis de la distance entre elle et lui pour ne pas subir de rejet si telle était sa réaction première. Neolina, pourtant, fit s'évanouir la distance en posant sa main sur sa joue rugueuse. Lorsqu'il se tut, l'air honteux rendu flou par la noirceur de la pièce, ce furent les mots de la roumaine qui parvinrent à ses oreilles. Hachés, parce qu'elle était sidérée, que c'était normal, inattendu, terrible. Terrible qu'il lui ait caché tout cela aussi longtemps. Les faits se comptaient en années et il n'avait jamais abordé la chose par courrier. Pourtant, qui sait, peut-être que ça l'aurait aidé de demander de l'aide. La suite qu'elle mit dans ses paroles, la déduction exacte de toute sa situation, le fit garder le silence. Puis brusquement, la surprise.

Le médicomage s'était attendu à beaucoup de réactions mais sans doute se dégoûtait-il trop pour imaginer que Neolina ait de la peine pour lui. Ce n'était pas pour quelqu'un comme ça, lâche, qu'il fallait avoir de la peine, mais pour toutes les victimes collatérales de cette affaire, à commencer par Mihaela. Pourquoi, pourquoi ne se sentait-il pas soulagé qu'elle l'enlace ainsi, pourquoi s'en voulait-il d'autant plus ? Razvan savait qu'il avait menti par omission d'une certaine façon. Il ne s'était pas étendu sur la nature des services et remercia silencieusement Neo de ne pas aller sur ce terrain-là pour l'instant. Comment diable pourrait-il admettre la terrible vérité qui était la sienne ? Sa crainte qu'elle le rejette lorsqu'il poserait des mots sur ses agissements commença à lui plomber le coeur comme s'il faisait une attaque cardiaque. Pour autant, il avait glissé ses mains dans son dos à elle, sentait qu'elle luttait contre les larmes qui finiraient par couler à cause de lui. Combien de personnes avait-il fait pleurer ? Et elle, encore plus...? Razvan enfouit son nez dans son cou, respirer son odeur le calmait toujours. Et après un silence qui lui paru être éternel, il finit par ajouter, d'une voix davantage chargée en émotion qu'il ne l'aurait cru : « Je préfère qu'elle me haïsse, qu'elle me déteste, m'ignore et ne veuille plus entendre parler de moi, plutôt qu'on lui fasse du mal ». C'était l'explication à toutes ses décisions. « Et je préfère mille fois qu'il m'arrive quelque chose plutôt que... » s'interrompit-il en ayant pas le cœur d'en dire davantage, « je ne peux pas la ramener ici, je ne peux pas ».


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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Jeu 12 Aoû 2021 - 6:20

Là, nichée dans le cou de Razvan, les émotions de Neolina semblaient ne faire qu’un avec celles qu’elle ressentait chez l’homme qu’elle aimait. La roumaine avait toujours été d’une empathie folle, éponge à sensations, capable de pleurer la perte de gens qu’elle ne connaissait même pas pour peu qu’elle ressente l’amour de celui ou celle qui en faisait le deuil. Neo était comme ça, et certains y auraient peut-être vu une faiblesse mais pour elle, c’était une force incroyable. Sans doute aurait-il mieux valu qu’elle soit forte, qu’elle tienne un peu le choc pour deux mais à cet instant précis, elle n’en était pas capable. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était lutter un peu contre ses sanglots qui brisaient par moment le silence qui s’était installé, alors que son esprit ne pouvait s’empêcher de dérouler le fil d’événements desquelles elle avait été désespérément absente. Tout ça était terriblement flou bien sûr, car comment imaginer la violence qu’il lui décrivait ? Comment poser des mots sur les menaces sourdes qu’il avait reçues ? Elle se figurait de sombres silhouettes, des ombres qui venaient envelopper toute entière cette pauvre et innocente enfant, avide de la dévorer comme les monstres qu’ils étaient. La méchanceté humaine n’avait donc aucune limite.

Ils restèrent longtemps ainsi, en silence, Neo s’imaginant le pire qui s’était de toute manière déjà produit. La décharge d’informations n’avait pas encore fait tout le chemin qui viendrait sûrement les jours d’après, car tout ça n’était pas sans conséquence, même sur leur histoire. On s’en était pris à quelqu’un qu’il aimait, et désormais, elle était de celles qui pourraient risquer d’être un poids dans la balance d’un chantage qu’elle imaginait, naïvement, achevé. Pour Neo, à cet instant-là, Razvan lui confiait un épisode du passé qui avait laissé des marques indélébiles sur son caractère résiliant, résigné. Abandonner sa fille pour la protéger d’un mal qui pourrait à nouveau s’abattre sur elle… Neo comprenait, étrangement, bien qu’elle n'ait jamais de sa vie eut à subir une situation aussi terrible. Elle comprenait car c’était elle-même ce qu’elle avait fait autrefois. Ou était-ce pour se protéger elle qu’elle avait quitté Andrea ? La question ne se posa pas, pas pour l’instant du moins car la roumaine ne pensait pas à elle, juste, ressentait en miroir la peine qui émanait de son homme, sa moitié. Ils ne s’étaient rien promis, du moins, pas de promesses solennelles comme ils en avaient fait autrefois à d’autres. Mais l’engagement de Neo était fort, tout autant que cette relation qu’ils partageaient et sa souffrance désormais était la sienne. Ca avait toujours été le cas, le serait sans nul doute toujours mais jamais elle n’aurait cru en arriver à ce point. Avoir à s’inquiéter d’une enfant qui n’était pas la sienne, car c’était bien là qu’était toute l’angoisse. Il n’avait pas à le dire, et lorsqu’il le fit, Neo mesura toute la portée du sacrifice qu’il avait fait. Qu’elle le haïsse, par Merlin… Comment un tel acte d’amour et de résignation pouvait-il engendrer un tel retour de flamme ? C’était injuste, si profondément injuste et en même temps, aucun enfant ne pourrait jamais comprendre ça. Aucun enfant ne méritait d’entendre qu’il avait été la fragilité de son père. « Je sais. » répondit-elle doucement en caressant sa nuque avec tendresse. « Je sais. » Car pour la première fois peut-être, elle savait vraiment, comprenait ce choix qui était longtemps resté un mystère. Et pour cause. Combien de maladresses avait-elle bien pu commettre par son ignorance exactement ? « Elle ne te déteste pas Razvan. Je t’assure, je le sais. » continua-t-elle sans même le regarder, toujours blottie dans son cou, là où les confidences, semblait-il, avaient plus de poids. Elle connaissait suffisamment la petite maintenant pour savoir que ça n’était pas de la haine qu’elle ressentait. De la colère, oui, mais elle aimait son père. Le simple fait qu’elle l’accepte, elle, en était une preuve. « Tout ça, tout ce qu’elle te renvoie, c’est parce qu’elle veut être avec toi. » Sa voix était chargée d’émotions, mais cette fois, elle n’essaya pas de les retenir alors qu’elle se détacha un peu de lui pour prendre son visage en coupe. « Parce qu’elle t’aime. » Posant son front contre le sien, elle aurait aimé pouvoir prendre sa peine et la vivre à sa place. Même une minute, une seconde. Le délester de ce poids là, et pas juste le partager. « Elle t’aime. »
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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Ven 20 Aoû 2021 - 20:23

Quand on avait vécu son lot de drames, on pensait naïvement que plus rien ne serait capable de nous toucher. On pensait pouvoir tout surmonter, de la bête petite malchance au plus terrible des événements que la vie pouvait vous balancer à la figure. Et cette garce ne pouvait-elle pas pourrir la vie de quelqu'un d'autre, plutôt que de le faire souffrir encore, de le mettre maintenant face à ses propres regrets et ses propres mensonges ? L'acharnement, il n'avait jamais aimé cela. A Durmstrang c'était pourtant monnaie courante, les garçons de cette école avaient tendance à avoir un comportement souvent très malsain envers les plus jeunes qui n'étaient pas capables de faire leur place. Razvan se souvenait de son soulagement lorsque le train s'arrêtait à Bucarest et qu'il descendait avec les quelques roumains du train. La plupart des jeunes descendaient en Russie, ceux des Balkans étaient moins nombreux. La dernière partie du trajet était toujours très calme, plus agréable. Et il pouvait enfin relâcher la pression, se laisser aller au sommeil sans avoir peur que quelqu'un n'entre dans sa cabine pour lui voler une dernière fois ses affaires, ou pour lui cracher dessus, comme cela leur arrivait de le faire. Confier à Neolina ce qu'il avait sur le cœur depuis si longtemps ressemblait à une forme de soulagement. Quelque chose qu'il avait eu besoin de dire, quelque chose qu'il ne voulait plus lui cacher et qu'elle acceptait maintenant avec le naturel qui était le sien. Les images de son cauchemar s'évanouissaient lentement de sa rétine, la salle de bain se faisait plus présente et plus réelle. Le contact des mains de sa roumaine contre lui était plus vivant.

Razvan ne répondit rien à ses paroles soufflées contre son cou, rien du tout. Lui-même avait parfois l'impression de ne pas reconnaître sa fille. Mihaela qui était si contente de voir Neolina, pas lui, Mihaela qui lui disait tout à elle et plus à lui. En fait, il n'était absolument pas jaloux. Peut-être même qu'il était soulagé qu'elle l'accepte comme elle le faisait. Il appréciait peut-être moins que ce soit à son propre détriment, mais d'une certaine façon, il savait que ce n'était que sa faute à lui. Il avait planté la graine du rejet chez sa propre fille qui le lui rendait bien désormais. Et les paroles de Neolina trahissaient justement cet état de fait : le temps passait et sans doute qu'elle la connaissait mieux que lui. Ses explications avaient d'ailleurs du sens et lorsque ses yeux noirs croisèrent les siens, il voulu détourner la tête, s'échapper à sa vision. Mais le front plus frais de Neo contre le sien le condamnait à la regarder, à affronter ses mots et ses explications. Le temps ne semblait même plus réellement avancer. Au contraire, il avait l'impression que les choses étaient suspendues. S'étaient écoulées peut-être deux minutes, trois, lorsque la montre à son poignet se mit à siffler l'heure. Quatre heures trente. C'était son réveil. La brutalité avec laquelle la montre qui sifflait pourtant doucement la position des aiguilles sur le cadran se manifesta, lui déclencha un frisson qui dévala son dos. « J'espère que tu sais mieux que moi » se contenta-t-il de répondre. Que lui dire d'autre ? Comment lui dire qu'il se sentait d'autant plus laissé pour compte qu'elle déchiffrait des choses avec Mihaela qu'il ne réalisait même pas ? Sans le savoir, ses mots étaient à la fois très réconfortants et terribles, terribles. Mais qu'est-ce qu'il y pouvait, n'avait-il pas déclenché cette situation tout seul comme un grand ? Comme toujours ? Razvan lui claqua un tendre baiser sur la joue avant de se relever en lui tenant les mains pour l'aider à se redresser à son tour et ajouta : « C'est mon réveil, je vais descendre » - ses pouces caressaient machinalement ses mains fraîches, « je suis désolé de t'avoir réveillée ». Désolé pour ça, désolé pour la révélation désastreuse, qui l'empêcherait d'ailleurs probablement de retrouver le sommeil. Désolé de toutes les erreurs qu'il avait la triste habitude de commettre, aussi. Il fit quelques pas pour sortir de la salle d'eau et s'arrêta dans l'encadrement de la porte : « Et Neo... » - il fit une pause pour regarder son ombre qu'il distinguait mal dans l'obscurité de la pièce, « merci d'être là, pour elle comme pour moi ».


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MessageSujet: Re: Panse mes maux | NEOLINA Panse mes maux | NEOLINA 129196351Mer 1 Sep 2021 - 2:18

Dès le début de cette nouvelle page de leur histoire, Neo avait su que les choses ne seraient pas simples. Malgré la désinvolture des débuts de leur idylle empreinte toujours de leur profonde et indéfectible amitié, les secrets de chacun étaient toujours là, prêts à crever la surface à tout instant. Ce matin-là, cette nuit peut-être, l’un des plus virulents s’était imposé à elle, et pour rien au monde elle ne regrettait cette confession. C’était dur, violent, déchirant, mais c’était inévitable. Au moins maintenant comprenait-elle un peu mieux cette grisaille qu’elle lisait souvent dans le regard pourtant si tendre de Razvan. Ne méritait-il pas pourtant tout le soleil du monde ? Car Neo avait beau en être un rayon sur patte, comme se plaisaient à dire bien des gens, il y avait des choses qu’elle ne pouvait balayer d’un sourire. Cette peine là, ce traumatisme profond, elle ne pouvait pas l’effacer. Tout juste le comprendre, être là, et s’efforcer d’écouter. D’apaiser. Mais ses mots avaient-ils seulement un poids, alors qu’elle parlait de cette enfant qu’elle connaissait depuis seulement quelques mois, alors que lui l’avait accompagnée toute sa vie ? Même de loin, de si loin que ça lui fendait le coeur, Razvan était son père, et l’amour d’un père faisait fi des distances et du reste. L’amour d’un père, surtout si profond et indéfectible, atteignait forcément le coeur d’une enfant, si rancunière soit elle. Mihaela ne comprenait pas, ne comprendrait sans doute jamais, mais jamais elle ne pourrait dire que son père ne l’avait pas aimé de toutes ses forces. Ce lien là n’avait pas besoin de mots, et parfois pas besoin de preuves.

Le temps ferait son oeuvre. Dans le coeur de Neo, dans sa tête aussi quand enfin elle aurait saisi toutes les implications de pareille révélation. Et le temps, espérait-elle, ferait comprendre à Razvan qu’elle avait raison. Elle partageait son espoir, y croyait pour deux peut-être. Et Neo eut envie de lui dire milles choses, de trouver les exacts bons mots pour lui faire comprendre sa conviction, mais ne les trouvait pas. Leur étreinte parlait pour elle sans doute, et le silence vint appuyer le moment, laisser justement le temps aux paroles de s’inscrire dans les esprits, aux corps de renouer avec l’autre alors que les émotions s’apaisaient peut-être un peu. Et puis, ce minuscule bruit strident qui vint briser l’instant qui aurait pu durer au moins une éternité, semblait-il. Ce rappel terrible de la réalité dans laquelle il fallait retourner, et les forces de Neo étaient bien trop absentes pour parvenir ne serait-ce qu’un peu à le retenir. La roumaine lui rendit son baiser en miroir, ses lèvres posées sur sa joue mal rasée sur laquelle elle s’attarda un peu avant de le laisser s’échapper, ses genoux toujours posés contre le carrelage. Ce fut à cet instant qu’elle réalisa combien elle était gelée, aussi un peu à l’intérieur. « Ne le sois pas. » répondit-elle à son excuse dont elle ne voulait pas. Pas du tout. Il pouvait bien la réveiller toutes les nuits que Merlin faisait si seulement lui parler lui faisait au moins un peu de bien. Elle était prête à écouter toutes les horreurs du monde, quoiqu’elle espérait au fond qu’il n’y en avait pas d’autres cachées derrière les nuages de ses yeux.

Alors qu’elle se relevait doucement, frissonnant un peu car l’air semblait glacial, ses yeux le retrouvèrent alors qu’il l’interpellait pour lui dire la chose la plus douce qui soit. Attendrie, un peu chamboulée tout de même, la petite blonde balaya un reste de larmes sur sa joue en lui adressant son plus tendre sourire, et le rejoignit finalement au milieu du couloir. Sa main trouva la sienne malgré l’obscurité ambiante et l’invita gentiment à lui faire face. « Vous êtes ma famille Razvan. » C’était la première fois qu’elle le disait, du moins comme ça. La première fois qu’elle incluait réellement Mihaela dans le monde qu'ils s'étaient créés à deux, et au sein duquel ils étaient maintenant trois. Mais c’était la vérité, et c’était plus que jamais ce qu’elle ressentait. L’émotion lui serra la gorge. « Alors maintenant, c’est toi, elle et moi contre le reste du monde. » Sur la pointe de ses pieds transis de froid, Neolina déposa un baiser tendre et profond, comme une promesse silencieuse qui venait sceller ses mots. « Va donc te doucher, je m’occupe du café. » murmura-t-elle après quelques longues secondes chargées d’un trop plein d’émotions alors qu’elle se détachait un peu de lui. Déposant un baiser sur son épaule nue, Neo laissa sa main glisser le long de son bras jusqu’au bout de ses doigts avant de le laisser s’échapper. Aussi forts soient certains instants, le quotidien souvent reprenait ses droits. Et après pareille conversation, pareils aveux, pareille promesse, l’un comme l’autre avaient peut-être besoin de se retrouver en tête-à-tête, cette fois avec leurs propres émotions.
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