Voilà une semaine que les membres de l'Ordre du Phénix enchaînaient leurs rondes auprès du Ministre. Depuis son enlèvement, ils le surveillaient, tour à tour, mais ne savaient pas vraiment quoi faire de lui. C'était au tour de Paige et d'Audrey de rester dans la cache. Le nourrir la dégoûtait, mais elle ne devait pas le laisser mourir, et encore moins de faim, alors elle s'adonnait à cette activité avec amertume et le faisait boire avec autant d'amabilité. Ils lui avaient mis un bâillon à la bouche car depuis l'autre soir, le Ministre tentait par tous les moyens de divertir ou de monter les membres les uns contre les autres. Comme cela ne marchait pas Hardbulll tentait à présent les menaces, ou l’apitoiement, et parfois l'intimidation. Cet homme était incroyable, même en position de faiblesse, il tentait le tout pour le tout !

Voilà deux heures qu'elles étaient là et Brutus semblait s'être endormi. Les deux jeunes femmes, plutôt sereines de leur garde qui se déroulait bien, bavardaient lorsque .......

Depuis combien de jours était-il là ? Enfermé dans cette cabane, se faisant nourrir par ses étrangers ? Que faisait sa garde personnelle ? Et les enquêteurs, qu’il payait une fortune ? Pourquoi ne l’avait-il pas encore trouvé ? Son amertume était à la hauteur de son impuissance. Il était réduit à être nourri à la cuillère, quand ses kidnappeurs l’avaient décidé. Il dormait assis, ligoté pied et main à la chaise. Il faisait ses besoins, sous surveillance. De Ministre il était passé à rien, annihilé par ses individus. D’ailleurs combien étaient-ils ? Brutus en avait compté dix, alternant leur garde de façon irrégulière.

Il était temps d’agir… Faisant mine de dormir, guettant une occasion de tenter quelque chose durant la garde des deux femmes, le moment se présenta. De longues heures d’attente allaient bientôt porter leur fruit. L’une d’entre elle sortait à cause d’un bruit suspect, c’était l’occasion à saisir !
Le Ministre, bâillonné, commença à s’agiter sur sa chaise. D’abord doucement, puis de plus en plus vite. Son corps frémissant, sa voix gémissant dans sa gorge. Il simulait une crise...

Baguette en avant, la jeune Auror sortit de la cabane pour inspecter les environs. L'halo de l'extrémité de sa baguette provoqué par un lumos maxima, éclairait parfaitement l’extérieur. Elle marcha de longues minutes, vérifiant chaque recoin de son regard affûté. Elle s’arrêtait parfois pour écouter s’il n’y avait pas de bruit de pas ou de sons suspects, puis reprenait sa marche nocturne. Audrey fit rapidement le tour de la cabane et lorsqu’elle aperçut un arbre contre le mur de bois, penché et arraché à sa base, elle comprit instantanément l’origine du craquement qu’elles avaient entendu. Précipitamment elle prit la direction inverse afin de rejoindre son acolyte quand ..

Brutus s’agita, tellement fort que sa chaise bascula, l’entraînant malgré lui dans sa chute. La douleur lui transperça le crâne au moment ou il percuta le sol. Mais qu’est-ce qu’il pouvait être débile ! Il se maudit pendant un instant de sa stupidité et grimaçât, mais c’était trop tard, une ombre fila sur lui, enfonçant dans sa chair deux lames aussi fines qu’incisives. La souffrance de son crâne n’était rien comparée à celle qu’il ressentait à présent. Son corps, comme paralysé, tressaillait de tout son long, arquant son dos, contractant ses muscles. La nuque tendue en arrière et ses yeux révulsés trahissaient l’intense douleur qui le traversait, un membre après l’autre. Ses articulations se raidirent et commencèrent à blanchir, marque du manque de sang. Le Ministre serra son bâillon avec ses dents si fort qu’elles cédèrent sous la pression, teintant le tissu dans sa bouche de sang. Petit à petit la douleur s’estompa pour laisser place au vide, comme si il s’abandonnait finalement à elle. Les sons devinrent plus lointains encore, des lumières grises se mirent à danser devant ses yeux engourdis. Il ne sentit bientôt plus l’emprise de l’ange noir agrippé à son cou et la vie le quitta, avec la pensée sereine de retrouver son amour perdu…

A la fin de sa ronde, devant la porte d’entrée de la cabane,Maugrey fit son apparition. Les deux aurors échangèrent deux trois mots et finirent pas pénétrer dans la pièce. La scène qui s'offrit à eux allait au delà de ce qu'elle avait pu voir jusqu'alors. Paige était accroupie au dessus du Ministre et lui ôtait la vie par gorgées. Il y avait du sang, beaucoup de sang. Pris par la surprise, le dégout et une certaine excitation provoquée par son instinct animal, Audrey resta figée, sans pouvoir faire quoi que ce soit, à part suivre l'événement. Finalement Maugrey réagit en écartant violemment Paige et commença à déverser sa colère sur elle. Il avait raison, ils étaient dans de beaux draps ! Malgré tout une vague de compassion pour son amie l'envahit. Elle pouvait aisément comprendre ce qui c'était passé et combien la faim peut parfois vous changer malgré toute la bonne volonté du monde.
La jeune femme s'approcha finalement de son collègue en se ressaisissant :

- C'est trop tard, ce qui est fait, est fait...

Sans un regard pour le corps, elle continua :

- Il faut qu'on se débarrasse de lui ..