La nuit glaçait d'une peur malsaine la jeune Minerva dont le corps, si faible et pâle tremblait, et son épiderme, brillant d'une insaisissable pellicule de sueur froide, miroitait tel une eau pâle où la lumière argentée de la lune se refléterait. Le bois de tilleul, d'une légèreté et d'une tendresse rare en main réchauffait en cet instant de courage le cœur de sa maîtresse. Pourtant la rouquine n'en menait pas large bien que son regard à la fois brûlant de défi et glacé de hargne interdisait aux ivrognes de faire un pas de plus en sa direction. L'odeur insupportable, lourde et vulgaire de leur haleine empestait l'air. Les narines de la sorcière inspiraient avec dégoût cet oxygène souillé. Ses yeux s'emplissaient d'une panique lisible. Telle un livre ouvert, la rouquine transpirait la peur. Tout dans son attitude, de sa façon si crispée et raide de tenir sa baguette à sa mâchoire serrée, ses veines palpitantes, sa peau si blanche et couverte de chair de poule plaçait en position de force la meute saoule.

Son innocence, sa naïveté dangereuse les tordaient de rire. Son cœur à elle, inexpérimenté et plongé en eaux troubles menaçait d'imploser lorsqu'à nouveau le sorcier fit un pas vers elle. Une baguette pointée sur lui ne semblait pas l'inquiéter outre-mesure. Tétanisée par la peur, les longues jambes de la sorcière n'obéissaient pas à son cerveau. Sa gorge nouée étouffait sa langue acérée elle aussi emmêlée. Mais où était donc Marcus ?! Où était donc Cooper ?! N'y avait-il personne pour s'inquiéter de ces rires déments dans la nuit noire et sinistre, n'y avait-il pas une âme charitable pour tirer de ce mauvais pas une si jolie enfant ?

- Lashlabask L'homme avait surgi de nulle part, ange ou démon envoyé par les astres, elle s'en fichait. De grosses billes translucides roulaient déjà sur ses joues blanches comme le marbre, ses yeux rougissaient et suppliaient la lune, mère céleste de tous les Moon de lui venir en aide. Le hurlement du sorcier lui arracha un gémissement tandis qu'elle détournait subitement son visage de cette scène insupportable. Elle ne voulait pas voir, ne pouvait supporter ce cri rauque, cette souffrance vibrante qui infiltrait sa chair, se collait à son épiderme et s'immisçait dans ses poumons. Minerva crut s'écrouler tant l'émotion la submergeait lorsque l'écho mourut enfin. Le corps vaincu, gisant sur le pavé crasseux de l'Allée des Embrumes, tout son être était trop chamboulé pour qu'elle ne mette des mots sur ce qu'elle éprouvait. Pourtant, lorsque les évènements se précipitèrent il ne lui fallut pas longtemps pour se décider.

Son mystérieux protecteur au visage mangé par l'ombre noire de sa large capuche se permit ce qu'elle prit pour un sourire lorsque les ivrognes sortirent à l'unisson leurs baguettes. En cet instant seulement Moon reprit conscience des évènements, soudain follement inquiète pour cet homme dont elle ignorait tout et envers qui elle ressentait déjà une gratitude immense. Sous sa robe noire ses longues jambes fuselées ne tremblèrent plus lorsqu'il avança dans sa direction. Instinctivement elle vint trouver derrière ses épaules un rempart contre cette meute dangereuse. La grande rousse avait renoncé à utiliser sa baguette maintenant que ses esprits reprenaient le dessus.

Qu'elle était bête de ne pas y avoir pensé plus tôt! Jamais elle ne se serait aventurée en un lieu aussi mal famé sans précautions! Les veines palpitantes, elle plongea sa main dans son sac, ses longs doigts fins comme des pattes d'araignée fouillant chaque recoin, soulevant, soupesant chaque objet. Le combat avait déjà commencé. L'espace de quelques secondes elle se figea, admirative de la dextérité avec laquelle l'homme contrait les sortilèges de ses adversaires mais aussi inquiète de la hargne qu'ils mettaient à vouloir le faire chuter. Minerva n'en n'avait pas encore réellement conscience, mais en son sang pur coulait une puissance peu commune, une force prompte à faire de cette adolescente un adversaire redoutable.

Mais pour l'instant elle cherchait au fond de son sac de quoi marquer des points. Ses doigts s'emparèrent enfin d'une étonnante sphère noire, lisse et de la taille d'une balle de tennis. Moon profita une seconde de l'absence de bouclier magique pour lancer de toute ses forces la sphère dans le camp adverse avant de reculer d'un pas, sa main tirant vigoureusement en arrière son protecteur.

¤ Pair ¤

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¤ Impair ¤

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'le dé ' : 1

La tête lui tourna tandis qu'à la surface humide de ses yeux dansaient en une ronde moqueuse des points noirs. Un instant la jeune sorcière se demanda si les pavés qu'elle sentait frais contre sa peau blanche ondulaient sous sa chair. Elle ne considérait plus son propre corps, comme absente de son enveloppe charnelle. Tout autour d'elle valsait, elle sentait son crâne trop lourd et la lune, si belle en cette nuit dangereuse caressait de ses rayons gris sa peau pâle aux reflets argentés. Minerva plissa des yeux, les pupilles emplies de la voie lactée, cette vision trop belle pour être soutenue et détourna la tête. Contre sa joue elle sentit la soie de sa crinière rousse répandue en un halo flamboyant mais aussi la crasse des pavés de l'Allée des Embrumes.

Ces secondes lui parurent une éternité. Peut-être plus, ou peut-être moins. Son corps tremblait de peur et sa chair, si pâle, d'ivoire à la lumière mystérieuse de la lune se couvrait de chair de poule et sa respiration saccadée trahissait son angoisse. La sorcière rousse pensa tour à tour à Marcus et ses précieux livres, craintive de les avoir abîmés au cours de cette nuit, et puis, plus terrible encore, elle frissonna de la colère noire de Morgan Moon, pâlit des réflexions amères de sa grand-mère. Elle ne pouvait rester là, son corps jeune et enveloppé de vêtements trop luxueux pour cadrer au décor glauque de l'allée. Personne ne devait savoir qu'elle, Minerva Moon, la studieuse Minerva, si obéissante et plaisante Minerva passait outre les ordres de sa propre mère.

Enfin elle se sentit comme soulevée de force par son mystérieux sauveur, emportée par sa main puissante qui la tirait brusquement de sa léthargie. Elle tituba, pas encore totalement remise de sa chute brutale et cherchant à tâtons sa baguette. L'adolescente se laissa diriger par le sorcier vers un abri miraculeux. Le visage blanc comme un linge, Moon n'en menait pas large, tremblante comme une feuille livrée au vent d'octobre, elle serrait contre sa poitrine son précieux butin, celui là même pour lequel avait eu la frousse du soir. Telle une enfant peureuse, elle battait des cils pour ne pas pleurer et courir se réfugier dans la boutique de son cousin Shipton. Elle s'imagina réconfortée par son idole, son regard polaire la protégeant de tout danger, bien au chaud dans son antre et ses paroles ingénieuses la ramenant sur le droit chemin. Malheureusement elle ne pouvait mettre en péril son cousin. Si ça se savait l'équilibre fragile dans la famille serait rompu par sa faute.

Min'?! Elle sursauta, reconnaissant immédiatement cette voix. Son minois coupable se tourna vers celui de Seth, ses grands yeux bleu vert fondants de reconnaissance.

Minerva Violette Moon tu as intérêt à avoir une bonne explication à tout ça. De grosses larmes roulaient à présent sur ses joues, ses lèvres tremblaient et son regard une seconde plus tôt plein de gratitude observait Seth. La hautaine jeune femme qu'il avait connu redevenait la petite fille de première année dont le visage innocent avait le pouvoir de vous faire fondre le cœur. Inconsciemment, elle espérait éveiller en son ami assez de tendresse pour qu'il ne songe qu'à faire son bonheur et non la questionner. Et c'est bien consciente de ses actes qu'elle vint se blottir contre son protecteur en étouffant de petits sanglots contre sa poitrine.

- Je... Je voulais juste voir à quoi ça ressemblait bredouilla-t-elle ses yeux clairs brillants comme les étoiles tournés vers le visage de l'ancien serpentard.

L'adolescente mentait avec d'autant plus d'espoir qu'elle connaissait bien son sauveur, du moins s'était-elle enorgueillie de pouvoir barboter à la surface sombre des yeux de Seth Anderson sans jamais s'y noyer. Mais de l'orgueil, de la suffisance sa naissance, son éducation lui en avaient trop apporté jusqu'à voiler son regard brillant d'intelligence. Ce n'était plus l'enfant au front haut, assurée de se faire une place en ce bas monde à force d'étaler au grand jour ses liens de famille. Délestée de son innocence, sa moue n'inspirait plus les mêmes sentiments, elle avait perdu de sa fraîcheur enfantine.

Minerva espérait de tout coeur qu'il goberait ce vilain mensonge, et surtout, que pas une seule seconde, attendri, ramené de force au temps révolu par le seul pouvoir de son regard larmoyant il ne songerait à lui poser des questions bien embarrassantes. Un lieu aussi sale, malfamé, pouilleux et glauque ne lui seyait pas. La rouquine s'estimait trop pour souffrir d'être associée à la population de l'allée.

- Tu sais que tes parents n’apprécieraient pas de te savoir ici. Donne moi une bonne raison pour ne rien leur révéler Min?!

Elle sursauta, ses grands yeux traversés d'un éclair de tristesse avant de poursuivre, sa voix chevrotante accusant l'ancien serpentard d'indélicatesse :

- Il n'y a que ma mère et moi!

Orpheline depuis l'enfance, Minerva n'avait conservé que très peu de souvenirs de son défunt père et de ce fait, malgré son attachement profond aux témoins de cette ancienne vie, l'adolescente n'en conservait aucun malaise. La rouquine s'épanchait rarement sur le sujet.

- Oh Seth je t'en supplie ne lui dis rien, à présent son joli minois, pâle tant la peur lui ôtait toutes couleurs, affichait une peur sincère et sa voix, déjà réduite à un mince ruisseau se tarissait. S'il-te-plaît articula difficilement Minerva, ses mains gelées serrant de toutes leurs maigres forces celles plus fortes de Seth.

Il était si aisé au sombre Anderson de mesurer toute sa puissance. Jamais Minerva ne s'était trouvée dans une position aussi délicate. Toute chamboulée par sa mésaventure, elle l'avait pas encore réalisé son erreur : le Seth qu'elle avait connu n'était plus le même. Elle se trompait de tactique et ses yeux de biche, aussi émouvants fussent-ils, ne feraient pas dévier de sa trajectoire la curiosité d'Anderson.

Son tendre regard de biche, humide et larmoyant à souhait fixait Seth avec une drôle d'intensité. Que cherchait-elle à obtenir avec son regard de douce si ce n'était le silence de ce lui qui fut, ou était peut-être encore son ami ? Plus elle ancrait son âme en la sienne, y cherchant une connexion immédiate et entière, et plus le doute se faisait, insidieux et grandissant. Son regard avait changé. Plus entier, plus sombre et mystérieux, lisse comme la surface à peine déridée d'un lac. Et pourtant... Pour la première fois, et peut-être jamais aussi nette, Minerva se sentait troublée, mal à l'aise sans pouvoir se l'expliquer. Ce n'était pas l'atmosphère glauque et malsaine qui lui filait la chair de poule mais plutôt ce qu'elle pressentait de sa part.

Toute honte n'était pas encore bue. Minerva avait des scrupules à s'abaisser de la sorte, elle qui prenait le monde de haut, convaincue d'avoir un petit quelque chose en elle qui faisait toute la différence. Le nom des Moon, le sien la comblait d'orgueil. Après la mort de son père la mère et la fille étaient rentrées en Angleterre. Minerva était devenue pour toujours Minerva Moon, aussi rousse que sa mère. Son amitié envers Seth n'avait jamais été sincère, pas plus qu'elle n'était tout à fait franche avec son entourage. Ce soir encore elle mentirait comme elle savait si bien le faire.

- Caches ce que tu veux aux gens Minerva, mais à moi n'essaie même pas. Que faisais-tu ici? Je te promets de réfléchir à ta demande si tu dis la vérité.

Ainsi donc son instinct ne la trompait pas. Dépitée, et vexée jusqu'à la moelle d'être ramenée à la réalité aussi durement, son visage se ferma reprenant ainsi ses airs hautains et froids qu'elle servait au tout Poudlard. De sentir ses doigts sur son menton, de se savoir à la merci de ce Seth qu'elle ne reconnaissait plus la dégoutait autant que ça l'effrayait.

Elle détourna d'un geste brusque la tête, libérant par la même occasion son menton de cette emprise qu'elle rejetait à présent. La grande rouquine en voulait clairement à Seth de ne pas être dupe. Seth avait changé, définitivement. Elle ne le reconnaissait plus ce qui la troublait davantage. Minerva ne minaudait plus, son corps hostile, auparavant tourné vers Seth se verrouillait avec d'autant plus de vigueur qu'elle pleurait de rage à l'idée d'être privée de la présence de Marcus. Ses larmes chaudes coulaient sur ses joues blanches. La mâchoire serrée et la gorge plus nouée encore par la couleuvre qui lui enserrait les cordes vocales, seul son regard brûlant exprimait tout le mépris et la colère qu'elle avait pour Seth en cet instant.

- Réfléchis autant que tu veux, je n'ai pas besoin de toi, elle lui avait presque craché au visage d'une voix qui se voulait assurée mais tremblait en réalité de rage. Enfant gâtée, elle se comportait comme elle l'avait toujours fait avec Seth. Lorsque sa volonté toute puissante n'était pas satisfaite la si gentille et douce petite se transformait en sale gosse. Maintenant droite comme un i, Minerva lança un dernier regard hautain, ses livres serrés contre elle et dans sa main libre sa baguette avant de tourner les talons.

En réalité elle était écrasée par la peur, sa démarche digne mais mal assurée la trahissait mieux que les mots. Tout lui apparaissait soudain comme hostile, propice aux coups bas et même la nuit, qu'elle aimait tendrement pour ses mystères l'emplissait d'une solitude effrayante. Minerva n'avait pas fait un mètre qu'elle souhaitait déjà de tout coeur que Seth la rattrape tant elle se sentait démunie face à la réalité difficile de son époque.

Sous ses grands airs de duchesse la sale gosse qu'elle était crevait de peur. Ses os tremblaient comme de misérables feuilles au vent. Sans son orgueil, sa fierté mal placée Minerva se serait écroulée, en larmes, pitoyable petite chose sans envergure et trop fragile pour un environnement aussi rude. La jeune sorcière n'avait pas en elle assez de ressources, de force pour relever sa tête rousse et dominer de son œil hautain le pavé noir. Passé son petit monde de Poudlard Minerva Moon n'était que du vent, un mince courant d'air fuyant qui ne sait sous quelle porte se glisser pour s'échapper. Elle jouait dans les cours des mioches. Mioche elle était et sale gamine elle demeurait. Moon se sentait si misérable, si en dessous tout malgré son apparente dignité qu'elle avait même peur de la brise froide qui lui chatouillait la nuque et jouait avec ses nerfs. A la manière d'un chat cruel, mais sans conscience de son sadisme, les ombres se jouaient de son sentiment envahissant d'insécurité, étendant leurs larges pattes et coinçant entre leurs griffes immatérielles un petit bout de son âme tiraillée qu'elles trituraient savamment.

Le froid lui piquait la peau. Elle avait les yeux brillants. Était-ce le froid ou cette envie puissante de pleurer à chaudes larmes qui lui nouait la gorge ? Minerva avait en elle trop de sensibilité, trop de délicatesse pour ignorer sa situation. Si Seth n'avait été qu'à quelques pas d'elle et pourtant déjà si loin de ses souvenirs elle aurait trouvé un coin isolé, ou probablement serait-elle retournée dans la boutique de son cousin pour y déverser des litres de larmes salées. Mais tout cela aurait été inutile. A quoi bon chialer des heures ? La loyauté de Seth n'était plus si l'on pouvait employer ce mot. D'ailleurs elle avait elle même favorisé cet état des choses, obéissant aux desseins obstinés de sa famille. Ses livres serrés contre son cœur, et sa baguette dissimulée sous son manteau, elle crevait d'envie de retourner se blottir contre Anderson, là où elle ne craignait rien. Mais enfin, les hommes changent, d'une façon ou d'une autre pour se révéler sous leur véritable nature ou au contraire s'égarer. Minerva n'avait jamais ignoré cet aspect détestable de sa personnalité mais tant que ça ne l'atteignait pas elle fermait les yeux. Travailleur mais aussi roublard, ce garçon ambitieux et rusé lui avait été utile. Il fallait bien le reconnaître.

- Laisse moi au moins te raccompagner.

La rouquine sursauta violemment, le vieux médaillon qu'elle portait toujours sur son cœur bondissant aussi. Son premier réflexe, et certainement le plus salutaire fut de se retourner, tirant de sa cachette plus vite qu'elle ne l'aurait pensé sa baguette qu'elle pointa contre la poitrine de Seth. Les nerfs à vif, elle était à deux doigts de fondre en larmes. Son visage exprimait un mélange inédit pour le mangemort de joie indicible, de soulagement mais aussi d'une frayeur réelle. Pour une fois Moon ne simulait pas. Elle ne rangea pas pour autant sa baguette, fixant d'un regard brulant Seth. Tiraillée entre des désirs contradictoires, son orgueil prenait pour une provocation son offre. Pour qui la prenait-il ?! Elle n'avait besoin de personne, la preuve...

Elle finit par ranger sa baguette avec une docilité qui la surprenait. Au fond d'elle Minerva savait qu'il n'était pas digne de confiance. D'ailleurs peu l'étaient dans son entourage, mais il lui avait probablement évité une mésaventure fort amère, elle se sentait redevable. Reconnaissante mais surtout guidée par son instinct le plus primaire. Mieux valait rester auprès de cet homme, le quartier favorisait trop les petites crapules.

- D'accord. Toutes ses réticences n'étaient pas encore envolées, mais après tout elle n'était pas une Moon pour rien. Tirer parti des autres était une seconde nature. Elle serra de sa main glacée le poignet de Seth. Mais avant je veux savoir une chose : qu'est-ce que ça peut te faire ce que je faisais ici ?

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La peur la déstabilisait certes, mais pas encore au point de griller toutes ses neurones. Un rien la faisait trembler. Au-delà de ses espoirs, satisfaits en fin de compte, Minerva avait craint pour sa sécurité. Son premier réflexe, salvateur, lui aurait peut-être évité une mauvaise rencontre si cette main posée sur son épaule, douce mais forte n'était celle de Seth. L'adolescent qu'elle avait connu hier, aujourd'hui un homme avait tant changé, bien qu'il lui soit encore impossible de dire en quoi, qu'elle s'attendait à tout. Et surtout au pire.

Les temps sombres, entretenus par l'affreux Hardbull favorisaient les pires instincts, élevait au rang de vertu la pourriture et traînait dans la boue les justes. Minerva se sentait au pied du mur, épiée par les sbires de ce détestable sorcier qu'elle haïssait de tout son cœur. Tout son discours la dégoutait. Elle n'avait jamais partagé ce point de vue pas plus qu'elle se sentait fière d'être de sa classe. Qui sait si l'un des hommes de Hardbull était tombé sur elle, seule, dans cette allée mal famée ? Quel profit aurait-il pu tirer d'une jeune sorcière aussi inexpérimentée ?

Combien de temps encore se préserverait-elle encore de la suspicion ? Son la maintiendrait-il assez loin de tout soupçon ? Les Prewett, ses cousins, lui redonnaient un peu de courage lorsqu'elle doutait trop. Un exemple à ses yeux, Minerva se pensait trop faible pour suivre un jour leur voie, la seule digne d'être louée. Tout se mélangeait dans son esprit. La vermine sans foi ni loi, les mauvaises âmes du ministère, sa culpabilité et l'obsession, la crainte terrible de la fureur de Mrs Moon.

- Oh je n'sais pas. C'est vrai que c'est courant de voir passer une femme de la haute ici, belle, seule... j'continue? Tu voulais quoi? Que je te laisse à tes petites affaires? C'est vrai que ça te réussi plutôt bien de la jouer solo... De toute façon j'te ramène chez toi, finis de trainer.

Son insolence avait de quoi énerver. Seth ne manqua pas de la remettre à sa place. Touchée de plein fouet par ses paroles, Minerva ne savait quoi répondre. Il avait raison et elle tort. C'était une évidence qui lui clouait le bec et lui évitait par la même occasion de s'enfoncer un peu plus. Tout à coup la rouquine ne se sentait plus de droit à le questionner. Traitée en enfant la vexait. La langue pleine de nœuds, elle se contenta de lui adresser un regard assassin où la fragilité de son âme tourmentée se lisait sans peine pour un homme tel que Seth.

Elle se laissa néanmoins faire, rassurée de retrouver dans la douceur de son geste le Seth qu'elle connaissait. Transplaner constituait un événement toujours aussi désagréable. Minerva détestait cette sensation. Enfant elle en faisait des cauchemars. Son corps se tordait douloureusement pour éclater. Elle serra de toutes ses forces la main de Seth, craintive. Entière, saine et sauve. Elle avait le teint très pâle et l'estomac en vrac.

L'allée qui conduisait à sa maison de style victorien était déserte. Pas un chat ne rôdait dans le coin. Le quartier, essentiellement habité par des moldus aisés ignorait l'existence de cette demeure visible uniquement par les sorciers. Ses lignes anciennes, bien entretenues se dressaient dans la nuit. On ne distinguait pas les couleurs toutes balayées par le noir du ciel, mais de jour la maison avait une allure joyeuse avec ses couleurs gaies. Quelques maisons moldues plus loin se dressait celle des Flint.

Triomphant, mais surpris, Seth tenait entre ses mains son précieux livre, source de tous ces ennuis. Sa mine se décomposa aussitôt tandis que dans la nuit calme un lugubre sanglot éclatait. Minerva en avait la chair de poule. Un long frisson lui remua tout le corps tandis qu'elle arrachait des mains du mangemort l'ouvrage pour le fourrer dans son sac. Les pleurs, à vous donner la nausée, sinistres et pleins de douleur et d'effroi continuèrent encore quelques longues secondes. Moon, le coeur battant la chamade, lança un regard plein de colère à Anderson. Des lumières s'allumaient dans le quartier. Les mains pleines de sang, ou d'encre rouge, elle n'en savait encore rien, tout comme celles de Seth elle fulminait, et son murmure sonnait plus comme le feulement d'une chatte furieuse.

- Tu es content maintenant ?! De grosses larmes roulèrent sur ses joues pour se transformer en une rivière qui n'en finissait plus. Toute chamboulée, elle lançait des regards asffolés autour d'elle, comme si elle s'attendait à voir surgir de nulle part sa mère. Par Salazar personne ne doit nous voir avec ça dans les mains! Vite, suis moi!

Les lumières s'allumaient les unes après les autres tandis qu'ils couraient pour fuir les curieux. Minerva craignait d'avoir attiré l'attention des Flint, les autres sorciers du quartier. Ils franchirent le haut portail magique au moment même où les moldus pointaient le bout de leur nez dans la rue. Personne ne pouvait les voir. Le jardin était calme, à peine troublé par le bruit d'une modeste fontaine. Ils traversèrent une allée fleurie où l'été il faisait bon s'asseoir sur un banc et lire à la chaleur d'un soleil. L'elfe ouvrit la porte avant même que Minerva n'ai touché la poignée. La créature observait sa maîtresse avec des yeux ronds. Il ne posa pas de questions, filant préparer du thé et des biscuits tandis que Minerva entraînait au pas de course Seth dans sa chambre pour ne pas attirer l'attention des tableaux endormis.

- TU N'AVAIS PAS LE DROIT! Hurla-t-elle, hors d'elle même une fois la porte refermée.

A bout de souffle, en proie à une crise de nerfs qui la laissait toute tremblante, Minerva dévoilait un visage jusque-là inconnu à Seth. C'était comme s'il voyait cette nuit-là une autre Minerva. Une Minerva bouillonnante de rage, dont les yeux perçants éclataient en des éclairs foudroyants, sa chevelure rousse enflammée ajoutait à la pâleur de sa peau. L'onde de choc de sa rage était telle qu'elle libérait en elle quelque chose. Ses dons magiques, comme lorsqu'elle était enfant et ne se maîtrisait pas dans ses rares accès de fureur vibraient, vivaient hors d'elle même. Les miroirs de la pièce à coucher et la salle de bains se brisèrent en cœur répandant dans l'air une pluie brillante.

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Une autre Minerva coexistait avec la pacifique rouquine. Une Minerva plus forte qu'elle ne le pensait, plus entière aussi, plus proche de ce cœur puissant et vibrant d'indignation. Sa magie s'exprimait hors de cette prison de chair, ce carcan moral qu'elle s'imposait pour briser le silence de la pièce. Tous ses beaux miroirs se brisèrent et ce fût comme une merveilleuse pluie d'étoiles. Des paillettes de verre, suspendus dans les airs puis attirés par la gravité au sol éclairaient la pièce sombre. Le chaos régnait là où tout n'était qu'ordre et délices, mais cette distorsion n'en était que plus belle, révélatrice d'une personnalité endormie. Minerva avait perdu la notion du temps. Son corps ressentait une brusque fatigue, comme si l'on avait puisé dans sa réserve d'énergie.

L'onde de magie baignait encore la pièce dans une étrange atmosphère. La sorcière n'avait plus vraiment conscience de ce qu'elle venait de faire. Elle ressentait une douce, étrange chaleur qui la soulageait, la délivrait d'un poids. Sa respiration était encore un peu agitée. Son regard perdu de petite fille se voilait d'une peur puérile. A tout moment, comme au bon vieux temps de l'innocence, elle s'attendait à voir surgir une Mrs Moon à la fois inquiète et furieuse. Mais ce temps là était révolu. Sa magie faisait désormais partie d'elle même, elle n'était plus un bébé incapable de se maîtriser. Y penser suffisait à la couvrir de honte. Toute penaude, pareille à une gamine prise la main dans le sac, elle n'avait le courage de regarder Seth.

Sa colère s'était effacée pour laisser place à l'humiliation.

Ce sentiment fut bref car elle retrouva rapidement ses esprits. D'abord mollement horrifiée par l'état de sa chambre, les dégâts occasionnés par sa perte de sang froid furent bien vite relégués au second rang. Minerva ne pensait qu'à une seule et unique chose. Tout son être se déchirait à présent au souvenir cruel de Marcus. Jamais elle ne s'était sentie aussi minable. Seth n'était plus qu'un détail tant le centre de son existence, désormais gâchée dans sa tête, s'écroulait. Perdre la confiance, pire ce qu'elle prenait naïvement pour de l'amour de la part de Shipton la bouleversait plus que tout. Elle se fichait éperdument de tout. Son rang, l'image qu'elle s'efforçait de construire pour mériter l'affection de son entourage, même de passer pour une sotte enfant ne lui importait plus.

Les gestes d'Anderson, pourtant pleins de délicatesse glissaient sur sa peau sans y laisser d'émotion charnelle. Sa chair, insensible, glacée, se laissait faire sans y prendre plaisir ni déplaisir. Il n'y avait que les grosses larmes brûlantes qu'elle sentait rouler sur ses joues. Une rivière salée trempait son visage empli d'une tristesse immense. Plus coupable qu'une voleuse débusquée, la rousse adolescente aurait pu attendrir une montagne tant son joli visage exprimait une peine profonde.

- Il va vraiment falloir penser à se calmer Min'... ce n'est qu'un bouquin, je ne dirais rien.

Son instinct avait beau lui dicter de se méfier de ce serpent, il n'empêche qu'elle buvait ses paroles comme l'on siroterait un remède de grand-mère dans l'espoir de trouver au fond de son verre la guérison. Elle aurait du entendre dans son ton suave l'écho masqué de la manipulation, mais elle était si fragile en cet instant, si démunie qu'il n'y avait pas meilleure occasion de tirer parti d'une Moon. De toute son âme elle voulait croire à ses paroles. Ce n'était pas qu'un livre. Aucun livre normal, admissible par la communauté des bien-pensants n'aurait de telles propriétés. Une sombre affaire à vrai dire. Le genre de thriller capable de la passionner comme de l'horrifier. Mais cette histoire là, pleine de sang et de cruauté qu'elle soit n'était pas un mythe. Le meurtrier et la victime avaient bel et bien existé et leurs crimes, enfermés dans ce bouquin, n'auraient jamais du tomber en si d'innocentes mains.

Shipton. Lui seul savait aussi bien manipuler sa petite cousine. il aurait pu lui faire admettre que le blanc n'est pas blanc.

Ses grands yeux de biche fixaient Seth avec au fond de ces eaux claires d'insondables sentiments. Elle se nettoya le visage sans mot dire ni donner l'impression de comprendre ce qui se tramait autour d'elle. Une fois de plus l'adolescente se laissait guider en bonne poire qu'elle était. Encre ou sang réel Min l'ignorait. Elle se décrassait le visage sans trop se poser de questions, de façon machinale. Son corps obéissait mais son esprit était déjà bien loin. Marcus la hantait. Plus sournois encore, elle pouvait presque éprouver dans son cœur son infamie.

- Je ne sais pas ce que tu comptes en faire Minerva, mais tu penses réellement avoir besoin de ça?!

Mais quelle langue parlait-il ?! Minerva ne comprit pas tout de suite où il voulait en venir. La rouquine le fixait avec des yeux ronds, un peu absents, comme vidés de toute énergie. Toutes ces émotions l'avaient épuisé. Son corps réclamait du repos, mais son esprit, bien que ralenti, n'en démordait pas. Il fallait trouver une solution à tout ça. Réparer son erreur ou en subir les conséquences.

- Oh Seth si tu savais, elle avait dit cela d'une voix piteuse avant de se laisser tomber sur son lit, son visage bouleversé caché par une épaisse tignasse rousse. Son torse se soulevait, secoué qu'il était par les lourds sanglots qu'elle étouffait sans succès.

- Je ne suis qu'une idiote, tout est de ma faute maintenant et il va me détester... Plus malheureuse encore que les pierres, Minerva voyait tout en noir, nageant en plein cauchemar. Ses pleurs ne s'arrêtaient plus exprimant avec une sincérité amère sa détresse. Ils vont tous me détester et c'est de ma faute...

Même dans ses pires cauchemars elle n'avait pas imaginé cette situation. Tout devait, tout aurait du se dérouler parfaitement et surtout selon ses plans. C'était si simple. Il y aurait eu bien sur quelques embûches, quelques difficultés couchées sur son chemin, prêtes à bondir, mais jamais, non jamais elle n'avait imaginé un tel péril. Son beau monde s'effritait. Une culpabilité telle qu'elle n'en avait jamais encore ressentie jusque là lui oppressait sa poitrine. Son coeur battait la chamade, pris d'une folie irréversible. L'univers se dérobait sous ses pieds, coincée dans sa cage dorée, au milieu de tous ces objets familiers, Minerva perdait pied, chutait dans des abîmes de détresse. Elle se voyait déjà ruinée, mise au ban de sa famille, ignorée comme l'étaient les Prewett et les Timms. Morgan ne lui pardonnerait pas et Vesta peut-être encore d'attirer les foudres du ministère sur son neveu adoré. Un piège involontaire se resserrait sur la sorcière rousse, les filets s'approchaient dangereusement de sa chair, prêts à y laisser des traces.

Elle se laissa faire, les grandes mains de Seth essuyant les larmes qui ne cessaient de couler sur son visage rougi. Elle ne savait pas vraiment ce qu'il faisait et comprenait encore moins ses intentions. Elle aurait voulu disparaître dans ses draps, être absorbée par le matelas et ne refaire surface qu'une fois la tempête passée. Derrière la porte tournait en rond l'elfe qui s'inquiétait de l'état de sa jeune maîtresse. La vieille créature, toute ridée, tournait en rond, partagée entre le désir de venir en aide à Minerva et la peur viscérale de désobéir. Il toqua à la porte, d'abord très doucement, puis entendant ses pleurs lourds un peu plus fort.

- Minerva, pourquoi t'en voudraient-ils? Tu n'as pas montré ce livre à n'importe qui, Shipton me connait après tout.

Au nom de son cousin Minerva releva la tête, la face cramoisie. Elle aurait du trouver louche qu'ils se connaissent mais releva à peine ce détail pourtant significatif. Ses pleurs redoublèrent avec plus d'hystérie encore. Comment Seth ne pouvait-il pas comprendre dans quelle périlleuse situation elle se trouvait désormais ? La grande rouquine brûlait de tout lui expliquer, elle se sentait faible, si faible et lasse de porter sur ses épaules le poids du linge sale que l'on préfère laver en famille. Peut-être que si elle lui en disait un peu pensait-elle...

- Mais je continuerais à te protéger Min', et ne rien dire peut en faire parti.

Elle se redressa complètement, ses grands yeux de biche fixant Seth avec espoir. Elle renifla timidement. Les coups redoublèrent à sa porte. La voix se fit d'abord à peine audible et puis, à mesure que l'elfe s'inquiétait, Seth et Minerva entendirent distinctement la créature derrière la porte :

- Miss Minerva, tout va bien ? Miss, Miss ?

Reprenant ses esprits, la voix tremblante et peu convaincue, Minerva répondit :

- Oui tout va bien.

Puis, se concentrant à nouveau sur Seth, elle déglutit difficilement, sa gorge comme nouée par un immense chat. Elle ne savait pas si ses paroles étaient nécessaires ou pas mais au fond d'elle Min savait qu'elle devait se libérer de ce poids.

- Ma mère est en froid avec Marcus, si ça se savait... Reniflant bruyamment, elle attrapa un mouchoir sur sa commode pour soulager son nez, Ils me détesteraient...