- Morgan ? Et bien oui… Nous l’avons connu en meilleure forme, il est vrai.
- Il est de notre devoir de soutenir notre sœur et aussi notre nièce, n’est-ce pas, mon frère ?
- Oui, bien sur Alphard mais… Comment ? Minerva est majeure maintenant et en plus elle est encore à Poudlard.
- C’est l’affaire de quelques mois. Si nous nous y prenons bien nous pouvons lui assurer un avenir.
- A quoi penses-tu ?
- Marions-la !
- Ce n’est pas ce que père avait prévu pour elle. De toute façon Morgan s’y opposera, tu sais bien qu’elle a des projets pour la petite.
- Père n’est plus Octavius. Que savons-nous de ce qu’il avait prévu ? Tout au plus quelques conversations, mais rien de concret. Notre famille a subi un dur revers, nous nous devons d’être unis et d’apporter un peu de joie. Quoi de mieux qu’une union ?
- Morgan n’est plus la même, je l’admets, mais n’oublies pas mon frère que sa fille a toujours eu la préférence de notre père et que mère confirmera ses projets. Il n’a certes pas eu le temps de le noter, mais sa volonté doit être respectée.
- Morgan se noie dans sa douleur. Le chagrin lui fait même négliger son commerce. Si elle fait faillite, quel argent aura-t-elle à offrir à sa fille ? Je te le dis mon frère, notre sœur décline, nous devons protéger notre nièce.
- Et à qui penses-tu ? Il y aurait bien le jeune Black, Regulus, ou encore Croupton même si son père est un traître il a le sang pur et ça nous ferait bien voir de cette harpie de Clevergrace. Les Miller peut-être ? A moins que tu ne penses aux Mulciber ou encore aux Wilkes ?
- Non, aucun d’eux… Je pense… A Orwell ?
- Orwell ? Jeremiah Orwell ? Cette crapule d’Orwell ?! Je ne peux te croire mon frère, le whisky te monte à la tête ! Oublies-tu que c’est ce même Orwell qui a rompu les fiançailles ?!
- Il est jeune, certainement influençable et aura voulu suivre quelque fantaisie ou s’affirmer face à ses parents, que sais-je Octavius quelle bêtise lui est passée par la tête ?! Mais ce dont je suis certain c’est que les Moon ont beaucoup à lui apporter.
- Il refusera.
- Et pourquoi ?
- Il a refusé une fois et depuis ne cesse de faire honte à son sang. Notre nièce vaut mieux que ce vaurien ! Jamais Morgan n’acceptera.
- Justement, j’allais y venir… Morgan aime son enfant, elle a de grands projets pour elle et nous ne pouvons le lui reprocher mais dans cette affaire, je trouve qu’elle a été prompte à s’incliner face au refus du jeune Orwell.
- Ecoutes Alphard je vois très bien où tu veux en venir ! J’en ai assez entendu !
- Octavius, calmes toi, je sais ton attachement à notre sœur, c’est pour son bien, crois-moi. Seul le bien de notre famille compte à mes yeux…
- Ce que tu veux Alphard c’est toute la gloire de notre nom ! Maintenant tu m’excuseras mais ma femme m’attend.
- Bientôt le commerce de Morgan ne sera plus qu’une ruine ! Qui voudra de Minerva ?! Orwell a tout à gagner ! Le sang pur des Moon, l’influence de notre famille, de l’argent ; bref, tout ce dont un jeune sorcier peut rêver. Pourquoi refuser ?
- C’est un crétin, voilà pourquoi.

" Orwell, nous devons nous rencontrer pour parler d’une affaire urgente. Je vous attendrai demain à 17h au bord de la Tamise, côté London Bridge. Il y a un pub, le Bridge, j’y serais.
Minerva Moon. "


Minerva fonça dans la salle de bain pour s'asperger le visage d'eau glacée. Personne n'avait vu son hibou grand-duc s'envoler. Maintenant personne ne devrait remarquer son air troublé. Elle avait peur, très peur que les projets de son oncle fonctionnent alors sans trop réfléchir elle avait gribouillé ces quelques mots et expédié à la hâte la missive. Elle n'avait aucune stratégie bien définie, mais une chose était certaine, personne ne la marierait avec ce goujat d'Orwell!


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De tout le repas, la jeune sorcière n’avait pas touché à son assiette. Pourtant ce n’étaient pas les mets délicieux qui manquaient au centre de cette grande table de bois où des générations de Moon se trouvaient. Il y avait là sa grand-mère, Vesta, ses oncles Alphard et leur famille ainsi que les Shipton et Mrs Malfoy, la sœur de Vesta. Autant dire du beau monde que la ministre actuelle, Harmonia Clevergrace se serait faite un plaisir de coincer dans ses filets. Elle n’avait pas non plus pu s’empêcher de trouver un sens caché à chaque parole de son oncle Alphard. Plus elle le regardait et plus son visage lui devenait étranger ; traître. Ses yeux clairs, perçants lui faisaient froid dans le dos, et à plusieurs reprises elle avait senti le poids de ses pensées l’effleurer. Tout en Alphard Moon se révélait sous un autre jour. Sa grande taille et ses larges épaules qu’elle trouvait autrefois flatteurs lui semblaient faits pour vous broyer, comme si tous ses muscles n’avaient pour seule vocation que d’écraser.

Tout était étrangement confus au matin. De la soirée elle gardait des bribes de conversation, une colère aussi qui lui nouait les tripes et lui donnait une légère nausée. La demeure victorienne était vide car sa mère voyageait actuellement. Il n’y avait donc que l’elfe de maison, une vieille créature très attachée à sa famille. Il était tôt encore, elle avait assez de temps pour prendre une douche et un solide petit déjeuner avant de partir travailler à la boutique de sa mère. L’eau coulait, chaude sur son corps élancé, ses cheveux se plaquant en des lianes orangées dans son dos. Tant de questions se bousculaient dans sa tête…

Oncle Alphard, Orwell… Et elle. Quel part de rêve avait-elle le pouvoir de transformer en réalité ? Son existence dorée, à l’abri du besoin lui apparaissait telle une cage confortable où elle vivait d’illusions en illusions. Vivre ne pouvait se résumer à un mariage profitable aux deux familles, étendre la lignée et avec l’orgueil, les désirs, les vices. Tout ça ce n’était pas pour elle. Ses rêves revêtaient d’autres formes, ses ambitions ne se cantonnaient pas à une existence bourgeoise et dictée par les Moon. Elle ferma le robinet, passa sa serviette autour d’elle et d’un coup de baguette sécha sa longue crinière rousse avant de sortir de la salle de bain et se poster devant sa penderie. Du noir sous toutes ses formes, ses dégradés… Elle soupira, le moral au plus bas. Encore une fois elle porterait du noir, couleur du deuil, mais elle choisit une tenue plus discrète, adaptée aux mœurs moldus qu’elle rangea dans son sac dont le fond avait été ensorcelé. Son petit déjeuner avalé Minerva transplana.

16h55. Viendrait-il ? Elle se posait la question. Après tout Orwell pouvait tout aussi bien prendre cette missive pour une plaisanterie de sa part, ou plus grave, un piège. Moon avait eu toute une journée pour réfléchir au cas Orwell. Sa mère avait été incapable de lui expliquer pourquoi il avait rompu ces fiançailles. D’ailleurs personne n’avait été capable de lui fournir un semblant d’explication. C’était un mystère.

- Chaque famille a ses secrets, il est préférable de bien réfléchir avant de les déterrer dit-elle à voix basse, pour elle seule en regardant avec insistances les passants sur ce bord là de la Tamise. Pour se changer les idées, et vérifier qu’elle ne laissait pas transparaître son stress, Moon sortit de son sac à main un miroir de poche pour vérifier qu’elle avait bien l’air d’une moldue. Il fallait avouer qu’elle n’était pas peu fière de sa tenue, flatteuse et qui changeait de ces robes noires qu’elle s’infligeait. Plusieurs hommes semblaient rejoindre son avis, ce qui la fit doucement sourire.

17h. La grande rousse déglutit péniblement lorsqu’elle vit le visage d’Orwell. Il la cherchait des yeux. Alors, prenant son courage à deux mains elle alla à sa rencontre. Sa baguette dans la poche intérieure de sa veste, elle se demanda soudain si d’autres sorciers se trouvaient dans ce lieu et se promit d’y remédier.

- Orwell, bonjour. Quelle étrange sensation… Elle se sentait comme heureuse de le voir là. Moon prit son air neutre et rejoignit sa table, au fond de la salle, là où on ne viendrait pas les déranger. Elle sortit sa baguette discrètement, J’aimerai que cette conversation demeure tout à fait privée. Assurdiato.

L’enchantement fût si efficace que toutes les personnes présentes dans le Bridge et même quelques-unes à la terrasse plaquèrent simultanément une main sur leur oreille, d’autres chassant des mouches invisibles. Elle rangea sa baguette avant de poursuivre :

- J’imagine que vous avez plusieurs questions à me poser, ma lettre était très brève. Laissez-moi d’abord vous expliquer notre présence ici car tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti. Après avoir appris nos fiançailles rompues j’ai mené quelques recherches à votre sujet. J’en suis arrivée à une conclusion : même pour tout l’or de Gringotts je ne voudrais pas avoir quoique ce soit en commun avec vous. Les Moon vous détestent, et c’est peu dire mais certaines choses changent, et d’autres ne changeront jamais. La position de mon oncle Alphard Moon a évolué à votre sujet. Bien sûr il n’a aucune affection pour vous, mais il semble trouver à nouveau de l’intérêt à une alliance entre nos deux familles. Ma mère ne permettrait pas une telle union, mais ce n’est un secret pour personne, Alphard Moon a toujours aspiré à être un membre important de notre famille. Ni vous ni moi ne voulons de ce mariage arrangé, mais pour mon oncle le meilleur moyen de réaliser l’impossible est de croire que c’est possible. J’ignore quand et comment mais il se débrouillera pour vous proposer un marché. C’est un homme persuasif et il a certainement des méthodes que la ministre n’approuverait pas. Quoiqu’il vous propose Orwell, refusez. Les premiers temps vous penserez peut-être avoir fait le bon choix, mais vous vous rendrez vite compte que les choses que l’on possède, finissent par nous posséder.


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Pour tout l'or du monde = "pour tout l'or de Gringotts"
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• Le meilleur moyen de réaliser l’impossible est de croire que c’est possible. ▬ 1 dragée
• Les choses que l'on possède, finissent par nous posséder. ▬ 2 dragées
• Certaines choses changent, et d’autres ne changeront jamais. ▬ 1 dragée
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Tenue:

Spoiler:

Son monologue achevé, la jeune sorcière découvrit avec surprise une tasse fumante de café posée devant elle qu’elle s’empressa de boire à petites gorgées. Tous ces mots lui avaient asséché la gorge. A moins que ce ne soit une certaine angoisse qui ne la quittait plus depuis quelques temps… Ou l’étrange impression qu’elle avait éprouvé en voyant Jeremiah Orwell faire son entrée. Après tout ce garçon avait été d’une rare grossièreté envers elle, allant même jusqu’à faire preuve de méchanceté selon sa propre appréciation. Alors pourquoi après cette conversation désastreuse sa présence ne lui était pas si désagréable que ça au fond ?

Votre oncle Alphard, vous dites ? Question à laquelle elle n’eût guère le loisir de réfléchir puisqu’après sa tirade c’était au tour d’Orwell de prendre la parole. L’insouciante légèreté de sa voix agaça la rouquine, et aussitôt elle se souvint pourquoi le souvenir du jeune sorcier lui était aussi pénible. Visiblement il ne semblait pas comprendre la gravité de la situation.

Alphard Moon, oui, cela me revient à présent, C'est drôle, cet homme dont vous me parlez m'a justement sollicité un entretien, il y a de cela deux jours. Mais je ne pouvais pas le recevoir, nous avons dû remettre à plus tard.

Comme ses manières pouvaient l’agacer ! Pourtant la jeune femme avala d’une traite son café, sans laisser paraître son agacement grandissant. C’eût été lui faire trop d’honneur, et cela, le sien l’en empêchait. Mais bien vite elle laissa de côté ses sentiments négatifs pour se consacrer à ses paroles. Elle manqua de s’étouffer, pâlissant, visiblement fort contrariée, et même inquiétée de cette révélation. Ainsi donc Alphard Moon s’était déjà mis en tête d’être le maître de son avenir…

Cette pensée lui serra le cœur, laissant un voile de froideur masquer son visage. Mais il y avait encore de l’espoir. Orwell n’avait pas eu le temps, ou peut-être le seul nom des Moon lui était insupportable. Elle se consola en se disant qu’il avait été sage de ne pas donner du crédit à son oncle Alphard, aussi bien vu soit-il au ministère.

Alors vous pensez qu'il vient me parler stratégie ? Elle acquiesça d’un regard troublé par cette découverte, bien embêtée par les initiatives des Moon. De quoi d’autre Alphard voudrait-il lui causer ? Ce n’était pas un honnête homme, il y avait toujours avec lui une arrière-pensée et cette manie détestable de tirer à lui tout seul la couverture.

Pourquoi refuserai-je ? Cette interrogation la laissa un instant sans voix, sidérée qu’il ai le culot de lui poser une telle question. Sous la table, cachée de ses yeux, sa main trembla, irritée qu’elle était. Ainsi donc c’était tout ce qu’il trouvait à répondre ? Furieuse, Moon lui lança un regard noir, meurtrier et lâcha d’un ton dédaigneux :

- Parce que je ne veux pas de vous ! Et puis si vous croyez apprendre à un vieux gobelin à faire la grimace vous vous trompez lourdement ! Je connais assez mon oncle pour savoir que quoi qu’il ai à vous proposer ce ne sera jamais à votre profit mais au sien.

L’œil vif, brillant de colère, elle marmonna un sortilège afin de remplir à nouveau sa tasse de café. C’était si… Désastreux ! Elle avait envie de pleurer tellement cet idiot d’Orwell lui tapait sur les nerfs.

- Vous êtes libre Orwell d’aimer ou de détester qui bon vous semble, finit-elle par lâcher, au fond envieuse de cette chance, N’est-ce pas assez précieux à vos yeux ?

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" Apprendre à un vieux singe à faire la grimace " = Apprendre à un vieux gobelin

Cette situation semblait provoquer l'hilarité chez Orwell. Il ne lui donnait pas l'impression de s'inquiéter une seule seconde, comme si, au fond il ne redoutait pas les manigances des Moon. Son attitude lui tapait sur les nerfs, et c'était peu de le dire. Le sorcier éprouvait un plaisir plus qu'évident à se payer sa tête, et ça elle ne pouvait décemment pas le digérer. Quand elle repensait à la conversation entre Alphard et Octavius... Comme il se trompait lourdement! Jamais il ne serait accepté par les Moon, et si par hasard Alphard parvenait à ses fins alors la vie de Jeremiah Orwell deviendrait un enfer. Ses futures belles-soeurs pourraient en témoigner!

Je cesse de vous taquiner, Pas de mariage alors, très bien, je vais devoir me faire une raison.

Par Morgane qu'est-ce que ce type pouvait être insupportable! Ses doigts jouant nerveusement avec sa cuillère, la jolie rouquine le gratifia d'un sourire forcé et qui tenait plus du pincement de lèvres.

Pourtant vous savez, qui dit mariage ne dit pas forcément amour, l'expérience de nos parents l'a bien montré. J'ai compris, j'ai compris, plus de blagues douteuses de ce genre.

Elle lança un regard gêné autour d'elle dans l'espoir que personne n'ai entendu les propos douteux d'Orwell. Affreusement gênée, la sorcière tenta tant bien que mal de cacher son trouble, même s'il était évident qu'elle était plutôt du genre oie blanche en la matière.... Elle se surprit soudain à se demander combien de femmes Orwell avait connu, et si les rumeurs à son sujet étaient plus réelles qu'un nuage de mensonges....
Moon piqua un fard avant de soutenir son regard et de répliquer, d'un ton qui se voulait incisif mais qui en réalité masquait mal sa gêne:

- Je vous crois sur parole puisqu'il paraît que vous avez bien retenu la leçon, mais à votre manière.

Sa pique lancée, la jeune sorcière se sentit un instant terriblement stupide et sa réflexion encore plus. Mais c'était de notoriété publique, Jeremiah Orwell fréquentait du beau monde et se séparait d'une femme comme elle changeait de robe!

Bon, toute tentative de me faire accepter comme époux étant vaine, nous avons un problème. Et quelle solution avez-vous à me proposer à ce problème ?

Un large sourire aux lèvres, elle se pencha en avant pour mettre Orwell dans la confidence de son plan, même si en réalité il n'y avait pas de plan A et encore moins de plan B.

- Acceptez son entretien. Montrez que vous êtes flatté, peut-être même sensible. Mon oncle prendra votre réaction pour une victoire et vous témoignera encore plus d'attention. Il attendra de vous que vous mettiez un terme à votre vie actuelle, son sourire se fit plus grand encore, mais vous n'en ferez rien. Bien au contraire! Je vous garantie que ma grand-mère ne supportera pas de vous voir en charmante compagnie à la une de Sorcière Hebdo, elle est très conservatrice et ça la tuerait de vous voir entrer dans la famille. Si Vesta Moon vous considère comme un traître à votre sang alors vous pouvez être certain que tant qu'elle vivra personne n'osera défier son autorité. Pensez-vous pouvoir être insupportable à ce point ?


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Le genre idéal! Jeremiah Orwell tenait plus de la caricature que du gendre. Il n'avait rien à faire parmi les Moon. Pour son bien et celui de Minerva. Il s'affichait régulièrement avec des jeunes femmes dont la seule vertu consistait en leur physique avantageux. Si l'on se penchait un peu plus sur leur ascendance il n'était pas certain qu'elles remplissent tous les critères attendus par les Moon, et ces écarts, médiatisés ou pas suffisaient en soi à rayer Orwell de la liste des prétendants. Mais pas pour Alphard. Son ambition était si grande, sa soif de pouvoir si étendue et fratricide qu'il en venait à sacrifier sa nièce. Vulgaire pion entre ses mains.

Seulement tout ne se passait pas comme prévu. Le pion s'était trouvé au bon endroit au bon moment. Et voilà qu'il se faisait couper l'herbe sous le pied, au grand bonheur de la rouquine!

Si je comprends bien, vous me demandez de me montrer encore plus imbuvable que d'ordinaire.

- Soyez naturel répondit la jeune femme un large sourire aux lèvres, ravie du tour que prenait leur conversation. Elle se sentait tout à coup tellement plus détendue, ravie de constater qu'Orwell consentait enfin à se montrer sérieux.

Pensez-vous que je sois capable d'être insupportable à ce point ?

Quelle question! Bien sur qu'il en était capable! Après tout n'était-ce pas la facette - peu reluisante - qu'avait daigné lui servir le dandy depuis le début ? Le ton était railleur, et son oeil taquin, mais Minerva sentait un malaise, à moins que ce ne soit sa conscience ? Peut-être était-elle allée trop loin, et son jugement trop sévère ?

Je n'en suis pas persuadé, voyez-vous. C'est beaucoup de travail, vous savez, et je ne suis pas sûr de vouloir que Vesta Moon ait une telle opinion de ma personne. J'ai beaucoup de respect pour les ancêtres.

Elle pouffa de rire malgré elle, presque nerveusement. Du respect pour les ancêtres...

- Du respect pour les ancêtres ? Ma grand-mère vous voudrait mort et enterré, ainsi que tous les Orwell vivants, elle n'accrocherait même pas votre tête sur son mur comme le fait Walburga Black avec ses elfes. Si elle en avait la force elle vous enverrait dans l'au-delà de sa propre baguette. Quant à mon oncle Alphard... Il est plus sournois....

Quel triste tableau! Elle avait soudain l'air lasse et enviait plus que jamais la liberté de son interlocuteur.

Enfin cet entretien prenait une tournure favorable, celle qu'elle avait toujours voulu. Les plans odieux et machiavéliques de son sournois oncle Alphard se briseraient face au refus de Jeremiah Orwell, et elle, enfin libérée de ce poids, dormirait du sommeil de l'innocente. Ce n'était que justice. Et tant pis si elle outrepassait ses droits, s'octroyait une liberté de parole et de gestes qui lui vaudrait les foudres des siens. Moon n'était pas naïve au point d'espérer un peu de compréhension, et plus fou encore de soutien. Son existence ne lui avait jamais appartenu jusqu'à présent. Être une Moon, faire honneur à son sang, ne pas entacher la réputation du clan; elle n'était pas juste bonne à ça.

Eh bien, pas de respect pour les vôtres, s'ils ne le méritent pas, comme vous le sous-entendez,

Elle le dévisagea, surprise par sa franchise. Elle pâlit, soudain mal à l'aise. Il l'avait poussé à bout, poussé à tenir des propos odieux, des propos ingrats et d'une méchanceté infamante.... Ce n'était pas elle. Non, elle ne se reconnaissait pas. Certes sa famille n'était pas exempte de défauts, il fallait bien l'admettre, les Moon n'étaient pas des exemples de vertu, mais tout ce qu'elle possédait, toute cette confiance qu'ils avaient mis en elle...

- Je me suis emportée bredouilla la jeune femme, pâle, consternée par sa propre hardiesse. Elle tritura une de ses longues mèches rousses, pleine d'une culpabilité cuisante, telle une pécheresse vouée aux flammes des remords. Elle ajouta, d'une voix claire et qui se voulait conciliante, Nos familles ont certainement de honteux secrets, mais après tout c'est notre sang.

Elle n'était pas prête à jouir de la liberté dont profitait ouvertement Orwell. La jeune femme avait trop de scrupules à voir la vérité en face. Malgré tous leurs défauts, en dépit de leurs paroles et actes qu'elle condamnait au plus profond d'elle même, Minerva ne pouvait s'empêcher de les aimer, tels qu'ils étaient. Et c'était ce même amour, pur, cette même affection aveugle qui la poussait dans les bras de Molly ou encore guidait ses pas jusqu'à Fabian et Gideon.

Je ne sais pas comment tu fais pour continuer à vivre parmi de tels personnages,

La surprise se lisait aisément sur son beau visage en cet instant. De son regard doux, d'un bleu teinté de vert, elle observa longuement Orwell, comme si elle le voyait pour la première fois. Et c'était le cas. Pour la première fois depuis bien longtemps Minerva ne ressentait aucune rancoeur envers le jeune héritier.

- Je les aime tels qu'ils sont, même s'ils peuvent te sembler abjects répondit-elle en toute sincérité, surprise elle aussi par la facilité avec laquelle elle le tutoyait, et surtout le naturel de leur conversation. Que ce soient les Moon, les Weasley ou les Prewett nous sommes du même sang, et si je ne peux accepter les miens, les aimer pour ce qu'ils sont, ce serait bien triste comme existence, tu ne crois pas ?

Curieuse journée. Celui qu'elle détestait finissait par la tutoyer. De loin ils donnaient l'impression d'être deux vieilles connaissances évoquant les souvenirs du passé et les projets d'avenir autour d'un café. Comme s'il n'y avait jamais eu de paroles blessantes, comme si les machinations des uns et des autres n'avaient jamais eu lieu. Comme si Minerva Moon et Jeremiah Orwell pouvaient être de vieux amis ravis de se trouver là.

Tu as bon coeur, ses joues rosirent, et elle eût un fugace sourire, touchée par le compliment, Une véritable famille, digne d'être aimée, devrait ne vouloir que le bonheur de ses membres.

Son sourire s'effaça pour laisser place à une mine mi figue mi raisin. Que pouvait-elle bien répondre ? Ce serait tellement si aisé de leur jeter la pierre, dresser un bûcher de tous leurs défauts et allumer le feu de la vengeance. Mais ce n'était pas elle. Ce n'était pas ce que son coeur lui dictait. Elle se garda donc bien d'y répondre, jugeant qu'il était hasardeux de s'aventurer sur ce chemin. Après tout les Orwell Sr étaient décédés, et que savait-elle au juste d'eux, si ce n'est qu'ils étaient d'honorables sorciers ? Et qu'est-ce que l'honneur lorsqu'il conduit à autant de gâchis ?

Triste vie que de vivre sans ses bourreaux... C'est un point de vue...

Elle n'osa croiser le regard d'Orwell. Il y avait tant de mystères autour de la mort de ses parents. Tant de profits au jeune Orwell. Et ce mot, "bourreaux". Peut-être mieux valait-il de ne pas s'y attarder, ne pas en chercher les racines secrètes et profondes. Pudique, elle se contenta d'un sourire crispé.

Bref, y avait-il autre chose dont vous deviez me parler ?
- Non, c'est tout ce dont je voulais vous entretenir. Merci de m'avoir accordé votre temps Orwell. Bonne journée.

Elle se leva, droite, altière et il la salua poliment avant de s'en aller. Une fois parti elle se laissa tomber lourdement sur son fauteuil, la main sur les tempes pour chasser la migraine qui grondait au loin...

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