Accoudée à la fenêtre, ses yeux étaient perdus dans les restes poussiéreux de l'âtre déserté de la vieille cheminée. Elle était étonnamment calme Dorcas et le cône de nicotine qu'elle écrasa au fond du cendrier posé à côté d'elle n'y était pas pour rien. Dans le salon on n'entendait rien, rien d'autre que le bruit lointain du chemin de traverse qui se réveillait doucement. La vieille horloge dressée près du canapé sonna. C'était l'heure.

La blonde ajusta sa cape sur ses épaules et s'approcha de la petite cheminée… Y entrer n'était pas très confortable, et malgré sa petite taille la jeune Meadowes était obligée de courber l'échine pour y tenir toute entière. Ce détail ne sembla cependant pas la contrarier, sa main s'était déjà refermée sur une poignée de poudre grisâtre...

- Ministère de la magie.  Articula-t-elle en laissant s'écraser la poudre magique au fond de l'âtre. Son voile brumeux l'enveloppa et déjà, elle avait disparu.

Le passage du petit salon qu'elle partageait avec Bertram à l'Atrium fut brutal. Le contraste entre les deux lieux était saisissant. De quoi vous faire tourner la tête, car du calme de son appartement, Dorcas venait d'entrer sans transition dans le hall bruyant et fourmillant de sorcier du ministère. Son coeur s'emballa brusquement, faisant voler en éclat le calme et la détermination qu'elle s'était efforcée de garder jusque là. Son plan lui semblait maintenant bien bancal, l'idée qu'on la laisse pénétrer dans le bureau de son père bien optimiste. Puis après tout, qu'y trouverait-elle? Ses recherches jusqu'aujourd'hui étaient inexorablement infructueuses et rien ne lui prouvait réellement que la disparition de Monsieur Meadowes avait un quelconque lien avec son travail d'avocat. Un nouvel échec, voilà ce qui l'attendait.

Crac. Derrière elle un sorcier venait d'apparaitre dans la cheminée qu'elle venait de quitter, l'obligeant à avancer dans le hall noir de monde. Elle s'assena une baffe mentale. Il n'était plus temps de douter. Elle s'était promis d'étudier toutes les pistes, elle le ferait, pas question de reculer, et aujourd'hui elle mettrait coute que coute la main sur les dossiers de son père, à la recherche d'un affaire susceptible d'expliquer sa disparition.

Ses yeux scrutèrent un instant la foule. Elle n'eut besoin que de quelques secondes pour apercevoir au loin la silhouette altière de l'un des collègues de son père. Sans perdre une seconde elle s'élança vers le sorcier qui venait d'aborder un homme à l'allure froide près du Kiosque à journaux.

- Monsieur Hodgkin! l'apostropha-t-elle quitte à le couper dans sa conversation.

L'homme se tourna vers elle les sourcils fronçaient. Il ne la reconnaissait vraisemblablement pas.

- Je suis Dorcas Meadowes, la fille d'Albert…

Un éclair étrange parcourut les yeux de l'homme devant elle. Une étincelle qui se mua bien vite en air désolé qu'elle connaissait bien. Ses interlocuteurs avaient pris l'habitude de l'adopter quand elle parlait de son père, introuvable depuis maintenant 4 mois. Elle avait appris à en faire abstraction.

- Oui, la petit Dorcas, comment vas-t..

- Très bien. Le coupa-t-elle, préférant entrer tout de suite dans le vif du sujet. Je suis venue rassembler les effets personnels de mon père… Serait-il possible que j'ai accès à son bureau?

Son mensonge ne fut finalement pas si difficile à sortir, sa voix, un peu fatiguée, se prêtait finalement bien à la situation. Une seule chose mit cependant Dorcas mal à l'aise, la présence de l'interlocuteur d'Hodgkin qui assistait à la discussion, lui arrachant quelques rougeurs sur les joues. L'homme en face d'elle sembla cependant mordre à l'hameçon et c'est d'un air compatissant qu'il reprit la parole.

Oh mais bien entendu, j'envisager justement de rassembler ses affaires depuis sa disparu… Enfin je vais voir ce que je peux faire. Il faut que j'aille demander l'autorisation de vous faire monter là-haut. Restez-ici, je vais voir ça tout de suite.

Dorcas eut du mal à cacher sa satisfaction, remerciant d'un sourire son vis-à-vis. Le sorcier ramassa sa mallette et salua d'un signe de tête l'homme à leur côté "Je passerai déposer le dossier dans votre bureau Avery.[/color] Puis en une fraction de seconde disparut, laissant Dorcas seule avec Monsieur Avery. La blonde eut alors du mal à garder son sourire, de cette homme elle en avait entendu parler, par son père principalement, et pas nécessairement en bien…

- Bonjour Monsieur Avery. Ça tombe bien que je vous croise, j'ai quelques petits soucis avec le dossier dont nous avons parlé la semaine dernière... Vous savez, celui de...

- Je sais de quel dossier vous parlez Hodgkin, l'interrompit-il d'un ton sec, sans lever les yeux de son journal. Il me semblait pourtant que l'affaire était claire et que ce que vous aviez à faire était simple, même pour vous.

L'avocat se dandina sur ses pieds, tentant de garder bonne figure en ne baissant pas les yeux, même lorsque Tiberius leva les siens pour lui imposer son regard, implacable.

- J'ai... rassemblé les documents problématiques pour la défense de mon client. J'espérais que vous puissiez y jeter un oeil et...

Il fut interrompu par une jeune femme qui interpella Hodgkin. Est-ce que cette petite idiote n'avait pas remarqué que les deux hommes étaient en train de parler ? Lorsqu'il daigna dévisager l'intruse, Tiberius lui trouva un air curieusement familier, mais qui ne lui rappelait pas des souvenirs particulièrement agréables. Son impression fut confirmer lorsqu'elle se présenta comme la fille d'Albert Meadowes. Finalement, cette interruption pouvait se révéler plus intéressante que la précédente discussion... Il écouta avec attention la demande de la petite Meadowes et un mince sourire apparut sur son visage, qui s'élargit lorsqu'elle tiqua à l'annonce de son nom. Il détourna finalement la tête pour retenir l'avocat d'un coup d'oeil.

- Je prend Miss Meadowes sous ma responsabilité, je l'emmène au bureau de son père. Hodgkin hésita, ouvrant la bouche pour répliquer mais Tiberius ne lui laissa pas l'occasion de continuer. Je suis sûr que vous avez beaucoup de travail Hodgkin, pas la peine de vous retarder d'avantage...

Ce dernier hocha la tête et fila sans un mot, mais non sans jeter un coup d'oeil inquiet à la jeune fille, qui ne semblait pas des plus à l'aise. Mr Avery plia soigneusement son journal en laissant l'avocat s'éloigner et il offrit à Dorcas Meadowes un sourire amicale, adoucissant subtilement son visage anguleux.

- J'ai été peiné d'apprendre la disparition de votre père. Nous n'étions pas vraiment les meilleurs amis du monde, mais c'est un très bon avocat, il manque beaucoup à ses clients.

Il lui fit signe de le suivre et la guida vers un des ascenseurs où se pressait une foule de fonctionnaires pressés. Il petit sorcier replet céda sa place à Mr Avery, qui profita de la promiscuité imposé par l’ascenseur pour glisser à l'oreille de la jeune femme :

- J'ai moi-même une fille, qui doit avoir à peu près votre âge. On ne devrait jamais séparer les parents de leurs enfants. Je peux vous assurer ma profonde sympathie Miss Meadowes.

Positiver, voilà ce qu'il fallait faire… Puis éviter toute conversation avec Avery, s’en tenir au plan, et attendre qu’Hodgkin reviennent avec l’autorisation. C'était simple. Limpide. Et elle n'aurait à supporter la présence de l'un des ennemis de son père que quelques minutes : le temps qu'Hodgkin ait l'autorisation de la faire entrer dans le bureau. Alors Dorcas se détendit, essaya de ne pas penser aux diverses rumeurs qui entouraient Avery et son supposé don de légilimencie, ni à toutes les fois où son père lui avait dépeins le portrait de cette homme si loin de leurs idéaux. Non, elle s'attacha simplement à sourire à Hodgkin qui s'apprêtait à partir…

"Je prend Miss Meadowes sous ma responsabilité". Il y avait quelques chose de drôle à constater le pouvoir d'une simple phrase. Son sourire se crispa brusquement. Dissimulés par sa cape,  ses doigts pâles froissèrent la  doublure de sa poche, s’accrochant au tissus satiné comme si il s'agissait du sang froid qu’elle tentait de garder. Ne rien montrer. Rester calme. Un vrai challenge pour Dorcas Meadowes dont le self-control était loin d’être légendaire.

Hopkins hésita, ouvrit la bouche mais ne laissa échapper mots. Dorcas l’avait fixé avec hargne, comme si un regard assez convainquant allait pouvoir le retenir. Mais elle le savait, elle ne faisait pas le poids, dans son dos une paire d’yeux bien plus persuasive la transperçait, lui brûlant presque l’échine... Hodgkin n’insista pas et l’ancienne Poufsouffle du se résigner à regarder partir l’homme et à travers son regard désolé elle dut accepter de voir son maigre espoir qui s’envolé....   

«C’est vraiment aimable de votre part. Lacha-t-elle bravement en tentant un sourire sincère alors qu’elle se tournait enfin vers Tiberius Avery.  L'avoir sur le dos compliquait sévèrement son plan. La naïveté et le gentillesse d'Hodgkin lui aurait assuré de pouvoir fouiller tranquillement le bureau de son père. Mais l'homme sévère et charismatique qui lui faisait face se laisserait difficilement berner et Dorcas craignait qu'il ne la suive jusqu'au bureau sans lui laisser la chance d'entamer ses recherches. Elle tenta d'étouffer l'agacement que provoqua ce constat. Mais se retrouver coincer avec l'une des rares hommes du ministère qui devait se satisfaire de la disparition de son père n'aidait pas…

Comme si il avait lu dans ses pensées, Avery prit la parole. Son visage s'était adouci et les quelques mots qu'il lui adressa parurent presque sincères… Assez du moins pour la troubler.

"Il ne manque pas qu'à ses clients" ajouta-t-elle simplement en le suivant jusqu'à l'ascenseur. Une réplique ne laissant pas vraiment de place à une suite à la conversation mais qui avait le mérite d'être poli.

La promiscuité contrainte que leur imposé l'ascenseur la mis mal à l'aise, tout comme les quelques mots que le sorcier lui chuchota. Un témoignage de sympathie qui sortant de la bouche de n'importe qu'elle autre personne aurait pu paraitre chaleureuse… Mais Avery avait cette étrange capacité à l'ambiguité et si son but était de l'intimidé, Dorcas était malheureusement forcé d'admettre qu'il avait réussi. Elle décida cependant de faire de son mieux pour ne rien en laisser paraitre et se tourna vers le sorcier, plantant ses yeux dans les siens avec un sourire contrôlé.

"Je dois vous avouer que les nombreux gages de sympathie que je reçois ces derniers temps ont tendance à me rendre méfiante. On n'en vient vite à douter de leur sincérité…

«Niveau 2, Département de la justice magique» L'ascenseur s'arrêta brusquement en secouant sans ménagement ses occupants. Dorcas se fraya un chemin jusqu'à l'extérieur et se dirigea vers le bureau de son père.

"… Mais j'aurais du mal à douter de la votre. C'est très aimable de prendre le temps de m'accompagner jusqu'au bureau de mon père, je suppose que vous devez être très occupé."

Elle s'arrêta devant l'une des portes en chêne du long couloir du département de la justice. Tout autour, plusieurs sorciers s'activaient, mais aucun ne sembla remarquer l'étrange couple. Le maigre espoir de voir l'un d'eux accaparer Tiberius Avery s'envolait. Elle ne perdit cependant pas son aplomb, il n'était plus question de laisser apercevoir au sorcier une quelconque déception.

"Si mes souvenirs sont bons il s'agit de ce bureau?"

- Eh bien, je suis suis vraiment chanceuse d'être tombée sur vous. Quelqu’un d’aussi honnête et serviable, c'est une vrai aubaine de nos jours, n’est-ce pas? Elle ne prit cette fois pas le peine de voiler l’ironie de sa réplique. Elle n’échapperait pas à la surveillance de Tiberius Avery. C’était un fait. J'ai bien peur que mon père se soit montré bien injuste à votre égard Une réplique mordante lâché avec un sourire dissimulant à peine son agacement.

Elle ne savait pas très bien qu’elle était les intentions de Tiberius Avery. La surveiller? Certainement. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'y voir autre chose, comptait-il en profiter pour fouiner dans les affaires de son père? Assouvir une curiosité mal placée? Vérifier qu'elle ne tombe sur quelques choses de compromettant? Quoiqu'il en soit son esprit se refuser à croire en "ses bonnes intentions". Pourtant, si une petite voix en elle voyait en lui un suspect tout désigné dans la disparition de son père, sa conscience lui soufflait de ne pas tirer de conclusion hâtive. Comme l’avait si bien dit Avery, le métier d’avocat était un métier particulièrement exposé, et son antipathie pour l’homme en face d’elle ne devait pas sufir à en faire un coupable. Il y avait certainement bien d’autres hommes hostile aux affaires de son père, bien d’autre personne susceptible de vouloir le voir disparaitre. La jeune fille s’asséna une claque mentale magistral, tentant de se  raisonner. Il fallait qu’elle se détache de ses émotions qui l’empêchaient d’aborder la disparition de son père de manière impartiale. Pour le moment elle n’était même pas sûr de la nature de celle-ci. Les aurors chargés de l’enquête n’avait d’ailleurs pas écarté la théorie d’une fuite volontaire de son père. Même si elle n'y croyait pas, elle n’avait pas la moindre preuve, et était là pour ça. Trouver enfin quelques chose de concret et Avery ou non, elle trouverait quelques chose.

Elle emboîta le pas d’Avery et resta sagement dans son ombre alors qu’ils pénétraient dans ce qui semblait être le secrétariat. Les gloussements qui les accueillirent lui firent lever les yeux au ciel et c'est passablement agacée qu'elle suivit la prénommé Miranda et ses minauderie jusqu'au bureau de son père. Elle devait cependant reconnaitre que pour une fois la présence d'Avery était un avantage, au moins la sorcière s'était montrée plus que coopérative.

Rapidement, ils furent seuls dans le bureau. La pièce aurait pu être spacieuse si elle n'avait pas été si encombré. Partout où elle posait les yeux une pile de dossier apparaissait. Le bureau disparaissait presque sous un monticule de paperasses, et l'unique placard de la pièce, entrouvert, laisser prévoir le même schéma.

- Eh bien… ça risque d'être un peu plus long que prévu Tentative ultime de décourager Avery.

D’un coup de baguette léger elle fit léviter un boite en carton visiblement vide jusqu’à elle. Le capharnaüm qui régnait dans la pièce avait de quoi en décourager plus d’un, pourtant Dorcas sentit son moral remonter en flèche. Dans un tel bazard,  même pour rassembler de simple "affaires personnels", elle serait obligé de fouiller. Un alibi parfait, même avec la présence d'Avery à ses côtés.

Elle s'approcha du bureau carton en main et commença à soulever quelques dossiers, ses yeux parcoururent rapidement les noms de ses derniers… Rien de bien intéressant cependant. Le premier concernait une certaine Madame McCabe et Doe était presque sûr d'avoir entendu son plaire se plaindre de cette simple affaire de divorce. Elle les reposa et se saisit qu'une photo disposé dans la des coins du bureau. C'était elle et ses frères. Avec un petit pincement au coeur elle posa le cadre au fond du carton qu'elle portait sous le bras.

Ses yeux se posèrent alors sur une pile de dossiers rouge méticuleusement rangés dans un cassier portant la mention "important". Elle sourcilla un instant et se retint difficilement de les ouvrir. Dans son dos elle Avery l'observait certainement. Elle fit alors mine de chercher quelques chose sur le bureau encombré, puis se retourna un instant vers le sorcier.

- Hm pourriez-vous vérifier si la plume de mon père n'est pas dans le placard derrière vous? Elle se retourna vers le bureau et continua à faire mine de chercher. Elle est verte je crois, ma mère y est très attaché elle est dans la famille depuis plusieurs génération… Les dossiers étaient là, tout près d'elle, et elle n'attendait plus qu'Avery la lâche du regard quelques secondes pour les ouvrir.

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