Son métier d'auror avait au moins le mérite de l'aider à favoriser sa lutte contre sa propre lycanthropie. Audrey avait en effet accès à des dossiers top secret sur certaines recherches que menaient le ministère sorcier mais aussi certains laboratoires privés dirigés par l'armée moldu anglaise. Ce soir elle avait prévu de rencontrer un homme exerçant dans l'un d'entre eux, qui détenait, d'après le rapport qu'elle avait lu dans l'après-midi, un sérum qui empêchait les transformations de pleine lune. Particulièrement curieuse et soulagée de savoir qu'un tel remède existait, elle s'était rendue dans un bar de jazz où elle avait rendez-vous avec l'individu. L'homme était arrivé avec quelques minutes de retard, augmentant l'angoisse de la jeune femme. Ils avaient échangé quelques banalités avant de procéder à leur petit troc. Peut-être pourrait-elle tester cette potion lors de la prochaine pleine lune...
Quand leur discussion fut terminée, l'homme quitta le bar, et Audrey commanda un verre. Le vin la détendait, surtout accompagné du piano-voix de l'artiste du soir.

Tandis qu'elle sirotait silencieusement son verre. Un homme entra dans le bar. Séduisant, il dégageait une aura à la fois attirante et dangereuse. Elle le fixa et remarqua instantanément sa cicatrice sur la joue. Lorsqu'il tourna sa tête dans sa direction, mal à l'aise, elle détourna la sienne et rougit, comme une enfant qui venait de faire une bêtise. Grillée, qu'est-ce qu'elle pouvait être troll ! L'homme commanda un verre semblable au sien et se dirigea vers sa table. A mesure qu'il approchait, ses sens s'éveillèrent et se mirent doucement en alerte. Sa présence, aussi froide soit-elle lui fit monter le rouge au joue. Elle remonta le col de sa chemise par réflexe, dissimulant la cicatrice de sa morsure, puis tendit son verre en avant, faisant teinter le cristal. Audrey détailla le visage du nouvel arrivant, et ne put s'empêcher de poser ses pupilles sombres sur sa joue portant les vestiges d'une plaie profonde. Cette homme était étrange, portant sur lui un mystère indévoilable. Inconnu, il lui semblait pourtant le connaître. Peut-être sa silhouette lui rappelait-elle un homme d'une nuit, ou bien un homme exerçant au ministère, à moins que ce ne soit une ancienne connaissance de Poudlard ou un souvenir de vacances. Le cerveau marchant à toute allure pour retrouver dans sa mémoire, qui il pouvait bien être, elle entrouvrit les lèvres mais se rétracta ne prononçant aucun son.

Son sang s'accéléra dans ses veines lorsqu'il ouvrit le bouche et prononça sa question. Si cette phrase était d'un bateau exemplaire, dans sa bouche, cela sonnait divinement. Une voix presque ensorcelante qui devait séduire toutes les femmes des 30 km à la ronde. On voyait qu'il l'avait déjà servi à toutes les sauces. Malgré son baratin rasoir, elle baissa légèrement les armes, se laissant apprivoiser par l'homme.

- Elle attend le grand méchant loup ... Répondit-elle de sa voix grave sur le ton de la taquinerie.

Sans le quitter des yeux, elle prit une nouvelle gorgée. Tous ses sens étaient tournés vers lui mais ils fonctionnaient au ralenti sans qu'elle puisse les contrôler. Cet homme dégageait quelque chose de terriblement fort et d'interdit, déboussolant sa méfiance et son instinct.

- A moins que ce ne soit elle ...

C'était direct, mais il ne la prendrait surement pas au sérieux !

- Il faut se méfier des apparences .. Elles sont parfois trompeuses ...

La jeune femme suivit le regard de l'homme et tomba nez à nez avec le poivrot qu'il regardait. Alcoolisé et hideux, il puait la solitude, elle ne l'avait pas remarqué plus tôt alors qu'elle sentait d'ordinaire toutes les odeurs aux alentours. Ses yeux bruns se posèrent de nouveau sur l'inconnu et elle continua son discours en faisant tourner le pied de son verre entre ses doigts :

- On dit souvent que le plus beau des flacons cache le plus dangereux des poisons ..

Elle marqua une pause, tentant de déchiffrer les expressions de Marlon, mais il n'y lisait rien, elle pensa en provoquer une en articulant :

- Cet homme est peut-être doux, gentil et généreux .... Et vous êtes peut-être un monstre..

Sa réponse lui arracha un sourire du bout des lèvres. Ses yeux étaient aussi noir que les siens, mais il sentait le danger. Et cette cicatrice, inexorablement là, inquiétante, qui ne le défigurait pas pour autant, semblait lui indiquer de fuir tant qu'il en était temps. Elle s'enfonça dans son siège sans le quitter des yeux et le jaugea. Qui était-il ? Qui était-il au plus profond de lui même ? Continuant de tourner le pied de son verre elle finit par articuler doucement :

- Laissez moi en juger par moi-même ...

Elle lâcha son verre, se rapprochant de la table en y posant ses coudes. Elle croisa ses doigts et posa son menton dessus, intriguée :

- Je ne crois pas vous avoir déjà vu dans le coin ... Tenta-t-elle

Loin de la refroidir, elle resta là à le regarder au fond de ses yeux sombres, comme si ils jouaient à celui qui baisserait les yeux le premier. Elle écouta sa voix grave se déferler sur elle. Un grand voyageur..un explorateur. Pourquoi restait-il si évasif ?  Elle sentit sa froideur émanée de chaque pore de son visage et cela aurait du lui donner la puce à l'oreille. Mais rien. Rien ne vint. Ils étaient seuls au monde dans un face à face entre créatures de la nuit, fascinés l'un par l'autre. Il articula ses questions et elle resta figée. Audrey avait déjà voyagé, pour le travail. Jamais elle ne s'était permise de s'adonner à la contemplation d'un beau paysage ou à la dégustation lascive d'un met exotique. Le travail, il n'y avait que le travail dans sa vie. Pour être à la hauteur. Mais face à cet inconnu, tout ce qui avait un sens devenait soudain obsolète.

- Je ne suis pas vraiment une exploratrice....Je suis plutôt de ceux qui ne prennent pas le temps.... Mais peut-être pourriez-vous me montrer ce que je loupe en me laissant entrevoir votre esprit ...

Elle faisait clairement allusion à la légilimancie... Voir à travers ses yeux serait sans doute la meilleure façon de le connaître.