Assise au bar depuis une bonne quinzaine de minutes dans une longue cape brune, Faye avait rendez-vous avec un client. Mais les seuls indices qu'elle avait sur lui étaient : blond, grand et habillé de noir. Sirotant un liquide ambré sans glace, la jeune femme s'impatientait lorsqu'un individu à la description correspondante pénétra dans le bar. L'établissement était connu pour être le seul témoin de manigances et autres transactions que les autorités taisaient pour leur plus grand arrangement. Terminant son verre d'une traite, la jeune blonde se leva de son siège et s'approcha de sa table ::

- Vous êtes en retard ! Dit-elle en s'installant en face de lui

Une vieille sorcière le dévisagea longuement, comme si son oeil borgne pouvait lui transpercer le crâne et fouiller ses pensées. Elle pouvait le regarder de travers cette vieille peau, l'auror était bien trop crevé pour s'en soucier. D'ailleurs c'était ça qu'il était venu chercher, se vautrer dans sa part sombre. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui ce soir, et il irait probablement s'offrir un peu de chaleur humaine à l'allée des embrumes.

- Vous êtes en retard !

La maison offrait les filles avec le whisky maintenant ? Passé la surprise, Magnus revint à la réalité, eh non, c'était pas encore compris dans le prix de la boisson. La gamine parlait avec l'assurance des loubards, ce qui le fit sourire, ou plutôt lui arracha un rictus.

- J'savais pas que des filles si jeunes venaient attendre leurs clients ici...

C'est vrai que Faye avait toujours fait plus jeune que son âge et les clients le lui faisaient souvent remarquer. Mais passée cette première impression, ils étaient finalement toujours satisfaits du dénouement et en payaient le prix ! A sa remarque elle devint blême mais ne se démonta pas pour autant.

- Il faut toujours se méfier des apparences, elles sont parfois trompeuses ! Dit-elle un peu sur la défensive en gardant tout le professionnalisme qu'on lui connaissait.

C'était quand même gonflé. L'homme était en retard, lui faisant perdre de précieuses minutes de son temps et en plus il se permettait une remarque désobligeante. Faye garda son sang froid et dissimula son mécontentement en allant droit au but :

- C'est 50 Gallions avant ! Vous payerez l'autre moitié à la fin de mon service !

- Il faut toujours se méfier des apparences, elles sont parfois trompeuses !
- J'vois ça. La gamine blêmit, mais il s'en lavait les mains, qu'elle assume son assurance. C'était pas son genre de faire des cadeaux.

C'était pas franchement ce qu'il avait prévu en venant ici, mais il allait pas faire le difficile! La gamine n'était pas désagréable à regarder. Une jolie tête, mais un peu maigrichonne pour le reste. Bah tant pis, elle ferait l'affaire pour cette nuit!

- C'est 50 Gallions avant ! Vous payerez l'autre moitié à la fin de mon service !
- Quoi ?! L'auror avala de travers à l'énoncé du tarif! 50 gallions! Non mais c'était quoi ce délire ?! Elle lui faisait quoi pour ce prix là ?! Les curieux les dévisageaient sans même chercher à être discrets, dont cette horrible mégère borgne. - Si tu veux pas  que j't'arrache l'autre oeil la goule t'as intérêt à plonger ton gros nez dans ton verre. Et vous aussi, occupez vous de vos chaudrons!

Les curieux détournèrent le regard, convaincus par l'air mauvais de l'auror et sa baguette qu'il venait de poser sur la table.

- 50 gallions pour une vélane, pourquoi pas, mais pour une gamine, surement pas!

Spoiler:

Quand l'homme hurla son "quoi" des plus expressif, Faye recula instinctivement vers le fond de son siège. Elle scruta les environs les yeux baissés, et se positionna dos à la salle afin qu'on ne la dévisage pas.

- Chhhh.. Vous allez nous attirer des ennuis ! Répondit-elle en écho à son affirmation.

Elle baissa le regard en direction de la baguette qu'il venait de déposer telle une menace pour les voyeurs et elle se demanda à quelle énergumène elle avait encore à faire. Elle redoubla d'effort pour garder son calme et son air serein et pro mais ses sourcils froncés donnaient le change :

- Mes tarifs sont à la hauteur de mes prestations ! Aucun client ne s'en est plaint !

Elle fit mine de se lever, comme si elle n'était plus intéressée de travailler pour lui et clôtura :

- 50 avant, 50 après, c'est ma dernière offre ! Si cela ne vous convient pas, contactez mes consœurs ou confrères pour la sale besogne !

Celle-là alors ne manquait pas de culot! A ce prix-là il pouvait refaire entièrement la déco de son salon! Si la profession d'auror rapportait beaucoup de gallions ça se saurait! Depuis le temps! La gamine le regardait avec des yeux ronds, prêts à rouler sur la table, et semblait sur le point de s'en aller.

- Mes tarifs sont à la hauteur de mes prestations ! Aucun client ne s'en est plaint !
- Mouais... Il garda pour lui la suite de ses pensées, moins orthodoxes, mais ne se retint pas d'afficher son scepticisme. Non mais quelle modestie!

- 50 avant, 50 après, c'est ma dernière offre ! Si cela ne vous convient pas, contactez mes consœurs ou confrères pour la sale besogne !

Alors là c'était le mot de trop. L'auror avala sa salive de travers, manquant au passage de mourir bêtement, et lança son regard le plus noir, mais aussi le plus vexé à la demoiselle. Cette fois c'était lui qui parlait à voix basse.

- Non merci, je ne suis pas de ce bord là! Et tes 100 gallions blondasse tu peux te les mettre où j'pense!

Spoiler:

- Mais de quel bord vous parlez ? Vous êtes complétement à l'ouest ou quoi !!

Ce gars était trop ! Il se pointait en retard et en plus il l'insultait, pour qui il se prenait ! C'est lui qui avait besoin de ses services, il l'avait contacté et il devait bien être au courant des tarifs en cours pour ce genre de travail ! Heurtée, Faye se leva et le fixa de ses yeux bleus incendiaires :

- C'est les prix qui se pratiquent sur le marché ! Vous trouverez pas moins cher pour ce type de .... service !

La jeune blonde était penchée dans sa direction pour minimiser l'impact de sa voix sur les autres clients qui semblait guetter l'explosion entre les deux protagonistes. Elle était prête à partir et lâcha en guise de conclusion :

- Vous devriez le savoir, c'est vous qui m'avez contacté !

Tu parles d'une bonne étoile! La sienne c'était plutôt le genre vieille étoile en fin de course! Non seulement il n'avait rien demandé, et que les choses soient claires, c'était elle qui avait commencé par l'aguicher, pour ensuite lui proposer des tarifs exorbitants! Mais pour qui le prenait-elle ? Crésus ?!

- Mais de quel bord vous parlez ? Vous êtes complétement à l'ouest ou quoi !!
- C'est les prix qui se pratiquent sur le marché ! Vous trouverez pas moins cher pour ce type de .... service !

C'était le mot de trop! Son visage se ferma, et son regard vira au bleu nuit. Sa baguette produisait de petites étincelles rouges, et il s'apprêtait à l'empoigner, la traîner hors de ce bar pour la boucler!

- Vous devriez le savoir, c'est vous qui m'avez contacté !

Les étincelles cessèrent, et il se détendit, soulagé de constater que ce n'était qu'un malheureux quiproquo. Quelle poisse! Il avala une longue gorgée, méditant sur le comportement à tenir, parce que fallait être un gros nul pour ne pas piger que la gosse trempait dans des affaires louches. Surement du trafic d'ingrédients, ou peut-être du vol.

- J'crois pas nan, et si tu veux mon humble avis chérie, il se pencha alors en avant, laissant alors discrètement dépasser son badge d'auror de manière à ce que seule la blonde le voit, il ajouta à voix basse, Ton rdv est probablement en mauvaise posture à l'heure qu'il est. Mais bon, c'est pas mes oignons, et ton business je m'en fous royalement parce que là, j'ai vraiment envie de penser à tout sauf à mes obligations. Pigé ?

Le visage fermé, l'homme perdait son sang froid et sa baguette commençait à scintiller sur la table. Néanmoins, à la dernière phrase de la blondinette, il se calma, et ce fut la grosse douche froide. D'un coin de l’œil elle aperçut l'insigne de l'homme et instinctivement, elle eut un mouvement de recul. Elle était dans la bouse de sombral ! Pourtant elle garda son aplomb, car après tout, c'était bien un auror qui venait de la prendre pour une entraineuse et il semblait presque prêt à la suivre. La situation était bizarre et comique, pourtant aucun d'eux ne riait. Elle le dévisagea, ne sachant pas quoi faire ni répondre.

- Je pense qu'on ferait mieux d'oublier cette conversation... vous comme moi ...

- Je vais passer cette porte .. dit-elle en faisant un geste de la tête en direction de celle-ci.. et nous ne nous reverrons jamais ! Comme si rien ne s'était passé !

Maintenant que la situation était clarifiée, comment allait réagir la gamine ? Le pointer du doigt en hurlant ? Se lever, raide et sortir sans demander son reste ? L'auror affichait une moue contrariée, agacé par son manque de chance. Il dévisagea la blonde, pas gêné pour deux sous de l'observer avec tant d'intensité, même s'il essayait de prendre un air détaché.

- Je pense qu'on ferait mieux d'oublier cette conversation... vous comme moi ...
- On est d'accord répondit-il en reposant son verre, ses yeux clairs soutenant ceux de la miss.
- Je vais passer cette porte .. et nous ne nous reverrons jamais ! Comme si rien ne s'était passé !

Il haussa les épaules, avant de soupirer. Ce soir encore il dormirait seul, et plus pesant encore que des draps froids, il n'y aurait personne pour lui tenir compagnie. Personne avec qui boire une bierreaubeurre, discuter; bref, personne. Seul.

- On finira bien par se croiser, d'une manière ou d'une autre, il fit un geste de la main, histoire de souligner la fatalité qui les pousserait dans la même direction tôt ou tard, Et je te l'ai dis, tes affaires ne m'intéressent pas. Il se gratta la nuque, ferma un instant les paupières. Merde, cette gosse lui faisait penser à sa soeur Mildred. Même blondeur, même assurance... Et si jeune, trop jeune. - Tu as quel âge ? Je parie que tu n'as pas plus de 20 ans, peut-être 21 ans. Je me trompe ?

C'était drôle mais le ton de l'auror changea du tout au tout. On aurait dit que tout à coup il était pris d'une certaine compassion pour elle, empreint de lassitude. Il se moquait visiblement de ce qu'elle trafiquait ici, malgré le fait que son statut professionnel lui en donnait le droit. Un peu désarçonnée, elle le dévisagea, sans savoir que répondre. Finalement, après réflexion, le visage toujours fermé, elle articula :

- Non ! Vous ne vous trompez pas.

Elle resta plantée là, aussi immobile qu'un meuble dans une sorte de contradiction. Partir ou rester. Elle n'avait plus rien à faire ici. Elle n'avait plus rien à faire du tout. L'homme avec qui elle avait rendez-vous avait plus de 45 minutes de retard. Il ne viendrait plus. Fichue pour fichue, Faye se rassit en face de l'homme, un peu figée, en se disant que peut-être s'entendre avec un auror aurait du bon dans le futur. Qui sait ce qu'il pourrait réserver ?

Il fouilla sa mémoire dans l'espoir d'y dénicher le visage trop jeune de la miss. Si elle trempait dans les trafics il y avait de fortes chances qu'ils aient déjà vu sa frimousse. Gray l'observa, déçu de ne pas lier un nom à son joli minois. Avec ce maudit mage noir et ses encagoulés de malheur les aurors n'avaient plus le temps de s'occuper des trafiquants, voleurs, revendeurs et crapules en tous genres. Quelle misère!

- Tu es jeune, fit-il sur le ton de la conversation bien qu'il ai l'air sincèrement désolé de cette sordide réalité, Mais j'imagine que tu es un as dans ton domaine. Tu n'as jamais envisagé d'avoir une activité plus régulière ?

Il fit un signe au barman et quelques minutes plus tard deux chopes, pleines de leur boisson étaient posées sur la table de l'auror et de la voleuse.

Le ton était redescendu mais Faye ne relâchait pas sa vigilance. "Tu es jeune". C'est vrai et alors, pensa-t-elle. Elle se renfrogna et croisa ses bras sur la table. Penchée en avant, elle observait l'homme en face d'elle, tentant de savoir où il voulait en venir. "Mais j'imagine que tu es un as dans ton domaine". Ca, elle essayait. En tout cas elle se débrouillait, et les nombreux clients qui faisaient appel à elle n'avait jamais fait de réclamations.
"Tu n'as jamais envisagé d'avoir une activité plus régulière ?". Elle ne réfléchit pas longtemps et répondit avec une certaine amertume :

- On ne nait pas tous avec une cuillère d'argent dans la bouche.

En réalité, c'était le cas, mais à 16 ans, lorsque ses parents furent assassinés, on lui avait tout pris ! Maison, fortune, bijoux... Elle vivait désormais avec sa tante mourante dans un petit deux pièces.
Deux chopes arrivèrent et la jeune femme resta perplexe. Elle ne toucha pas à sa boisson.

- Et vous ? Vous n'avez jamais songé à avoir une activité moins régulière ? Je veux dire... les aurors n'ont plus vraiment les moyens de leurs ambitions ... Demanda-t-elle avec une pointe de provocation

- On ne nait pas tous avec une cuillère d'argent dans la bouche.
- C'est sur, mais on a toujours le choix. Faut juste s'en donner les moyens.

Amertume. Il l'avait perçu. Cette gamine avait-elle eu deux vies ? Peut-être. Remarque ça ne l'aurait pas étonné. Elle avait cet air de ceux qui grandissent trop vite, se retrouvent tout à coup confrontés à la mocheté du monde. Peut-être même qu'elle avait eu une famille aimante, une vie stable et un avenir pas trop mal, à la mesure de ses ambitions. Avec cette maudite guerre les honnêtes gens se retrouvaient jetés dans la misère, obligés de voler pour se nourrir. Quelle tristesse!

- Et vous ? Vous n'avez jamais songé à avoir une activité moins régulière ? Je veux dire... les aurors n'ont plus vraiment les moyens de leurs ambitions ...

Il sourit, amusé par cette petite. C'est qu'elle ne manquait pas de piquant! Pas faux songea Gray. La frontière n'était pas bien épaisse entre l'intégrité et la corruption. Il suffisait parfois d'un rien pour basculer, garder son sang-froid n'était jamais évident. Ce fût à son tour d'être amer. Goyle... Il aurait mieux fait de crever! Il se serait fait une joie de cracher sur son cadavre!

- Qui te dit que les aurors sont seuls ? Il y a des sorciers qui sont prêts à mourir la baguette à la main. Et puis de toute façon l'argent c'est pas le plus important, même si c'est ce qu'on voit est souvent moche on garde espoir. Il y a des combats qui en valent la peine.

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