Ce n’était qu’après des examens complémentaires et un désespoir grandissant de minutes en minutes que la jeune fille pu enfin sortir de ce lieu avec la promesse de devoir revenir un mois plus tard. Gardenia s’était assise sur une chaise à l’écart des autres en pensant à ce qu’il allait advenir d’eux. Ils étaient deux enfants tout juste sortis d’une rude adolescence qui n’avait peut-être pas tout à fait pris fin, devenant deux étudiants profitant de la vie en se noyant dans l’alcool regrettant bien trop de choses. Elle n’avait jamais su la raison pour laquelle il était devenu ainsi, tandis qu’il était bien trop facile de savoir ou de se douter de sa raison à elle. Qu’allaient penser leurs familles ? Gardenia était sous la tutelle des Potter depuis bientôt deux ans et avait peur de leur réactions en apprenant qu’ils seraient, bien avant l’heure, grand-parents. Elle redoutaient la famille de Moran, elle avait déjà bien souvent rencontré son père, certes, mais que devraient-ils lui dire ?
Un doute envahit la jeune fille. Moran resterait-il à ses côtés ? Elle comprendrait qu’il parte, ils n’avaient, ni lui ni elle, signés pour cela au départ. Devrait-elle l’élever seule ? Gardenia chassa toutes ses pensées avant de se lever, Moran devait certainement être parti prendre l’air ailleurs et il était temps pour la jeune fille de regagner son domicile, ou en temps normal elle aurait ouvert une, puis deux, puis trois bouteilles pour noyer son chagrin. Avançant dans les couloirs la tête baissée elle ne fit plus attention à rien, chassant ses dernières larmes, elle ne s’attendit pas à revoir l’ancien Serpentard en lui rentrant dedans. «Je...» tenta-t-elle la gorge serrée. Ne sachant pas quoi dire, elle ne croisa que trop rapidement son regard avant de baisser la tête. Que feraient-ils maintenant ?

L'état de Moran pouvait s'apparenter presque à un état de choc. Et sa réaction justement, le renforçait dans l'idée qu'il n'était définitivement pas prêt à se voir affublé de l'étiquette "papa". Il n'avait rien contre les gosses, mais il avait été éloigné d'eux pendant toute sa vie. Il était fils unique, il ne savait pas comment agir avec eux. Ses cousins avaient à peu près son âge, il n'y avait absolument aucun univers dans lequel il ait réellement côtoyé des enfants plus de trois ou quatre minutes. C'était prit dans ces terrible pensées qu'il heurta justement, la mère : "Viens" lui fit-il en lui prenant la main, "on rentre".
A quoi bon aller en cours ? Il n'arrivera jamais à se concentrer et il était prêt à parier qu'il en valait de même pour elle. Il avait l'impression que sa vie se mettait entre parenthèse d'elle-même pour qu'il accueille un nouveau membre. Un bébé, c'était beaucoup. Beaucoup d'angoisses, de problèmes. De la joie, aussi. Mais des difficultés avec. Ils sortirent de l'hôpital et il transplana dans la foulée en entraînant Gardenia avec lui.

Vient. On rentre. Ces quelques mots lui semblaient annoncer une sentence déterminée à l’avance. Elle s’était laissée traîner dans l’hopital telle une poupée de chiffon d’un coin à l’autre dans les couloirs blancs, elle voulait juste partir d’ici et oublier ce qu’il se passait. Sans qu’elle ne comprenne rien, ils se retrouvèrent devant sa maison, et entrèrent sans aucun bruit dans le manoir. Gardenia se laissa tomber dans le canapé, d’ici quelques mois elle se trouverai ici avec... son enfant. "Maman", elle devrait entendre ce mot des années durant. Elle s’était attendue à l’entendre un jour, mais il était bien trop tôt pour cela. Beaucoup trop tôt. Elle n’était pas capable de reflechir correctement. « Que... Nous... Enfin... » Ni même de s’exprimer correctement.

Arrivé dans le salon de la jeune fille, Moran se passa une main dans ses cheveux déjà décoiffés. Son coeur battait à mille à l'heure, et il avait l'impression qu'il valait mieux ne pas mettre la conversation à plus tard pour ne pas rendre la situation plus critique encore : "Bon, j'crois qu'on peut dire qu'on ne s'y attendait pas, et qu'on est enfoncé dans la bouse de dragon jusqu'au coup, Gardenia" lui fit-il dans une déblatération vive. Il faisait maintenant les cent pas dans le salon tandis que la jeune fille s'était assise dans son canapé en essayant de lui parler. Le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher de s'animer. Il avait l'impression que s'il daignait s'asseoir, il allait se mettre à pleurer et ce n'était clairement pas une option envisageable. Devenir papa avait toujours été une farouche volonté, et c'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il avait quitté Daisy. Avec elle, il ne pouvait espérer être rien d'autre que l'amant de passage. Mais si tôt ? Avec Gardenia ? Bon sang, il n'avait pas signé pour ça.

Gardenia devait avoir envie de lâcher prise autant que lui, mais le jeune homme en grandissant s'était avéré être un garçon qui avait besoin de se défouler pour encaisser les chocs. Cela avait été le cas lorsqu'ils s'étaient disputés - et elle devait vraiment s'en rappeler aussi bien que son propre poing s'en rappelait - cela avait aussi été le cas lorsqu'il s'en était prit à Alexandre. Moran avait besoin d'extérioriser et marcher, faire les cent pas, lui permettait de ne pas sombre dans la déchéance. Gardenia s'énervait et comme il se sentait en plus super coupable par dessus le marché, il avait juste envie d'exploser : "A quoi ça va avancer que je m'assoie ? Quelle solution tu veux trouver, Gardenia ? Y'a rien à trouver !  Siùrsach ! explosa-t-il comme une cocotte minute.

Elle était à deux doigts d’exploser, mais Moran fut plus rapide. Ils étaient moralement à bout. Conscients que leur vie allait changer du tout au tout dans les prochains mois. La jeune fille se leva du canapé avec une forte envie de frapper quelque chose et s’approcha du mur, un coup. « À quoi tu dis ? » Un autre coup. « À rien bien évidemment » Un troisième puis un quatrième. Et elle craqua. « On va être parents, Scheiß Scheiße ! » dit-elle la colère lui montant au cerveau et les larmes commençaient à rouler. Ils étaient dans le même bateau et devaient se calmer tout deux rapidement avant de faire quelque chose qu’ils regretteraient par la suite. Une sensation de déjà vu lui prenait le corps, au bal, il y a deux ans. Ils étaient montés dans les tours et cela avait réellement mal terminé. Elle ne voulait pas recommencer une nouvelle fois à zéro. « Pardon... » Elle était à bout. Complètement.

Moran avait envie de péter des vases, de gueuler un bon coup, et de s'assommer en priant d'être frappé d'amnésie pour oublier toute cette histoire. Un gosse. Il allait avoir un-go-sse. Il y avait dans sa tête autant de panique que de colère, mais Gardenia en colère suffit pour le calmer un peu. Elle se mit à frapper le mur, et il se revoyait lui-même à cette place de longs mois auparavant, plus d'un an, quand il avait pété les boulons avec elle. Elle commençait à pleurer, et Moran réalisait enfin que son désespoir ne devait être rien à côté du sien. Un gosse, faut le porter. Elle n'avait que dix-huit ans, et allait passer par une étape qu'elle ne pensait endurer que dans de longues années sans doute. Dans de longues années, le gosse aura grandit, se sera un enfant, puis un adolescent. Misère postale. "Ne pleure pas..." lui dit-il doucement en comprenant qu'il avait été trop loin, sans le vouloir. Il s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras, parce qu'il pressentait qu'elle avait autant besoin de réconfort que lui-même.

Elle aurait beau essayer de se convaincre, elle ne pourrait pas s’habituer au fait d’avoir un enfant. Elle n’aurait qu’à peine trente-quatre foutues années quand il ou elle serait majeur, elle se regarderait et se demanderait comment elle avait pu en être arrivée là si tôt. Elle pleura de tout son saoul dans les bras de Moran, s’y raccrochant le plus possible. Elle savait qu’elle n'était pas la seule à être en cause, qu’elle n’était pas là seule à maudire l’univers. « Comment on va faire, Mo’... ? » finit-elle par dire après quelques minutes. Le calme après la tempête. Une multitude d’émotions déferlaient en elle. Un enfant s’élevait, s’éduquait, elle ne se sentait pas prête à vivre cela, et elle sentait bien que lui non plus. Le pire resterait certainement les réactions de leur familles...

Moran avait peut-être un ego surdimensionné, cela ne voulait pas dire qu'il pensait avoir réponse à tout. Au contraire ! Le jeune homme avait besoin de cette étreinte autant qu'elle en avait besoin, bien qu'il ne se laissait pas aller. S'ils se mettaient à pleurer tous les deux comme les deux enfants qu'ils étaient encore, ils ne pourraient pas réfléchir et s'en remettre. Toute cette situation montrait tellement qu'ils n'étaient pas prêts à devenir parents. "Bah ! On fera face ! Il y a des gens qui sont parents bien avant nous, tu sais..." essaya-t-il de la rassurer bien maladroitement. Il y croyait à peine lui-même. "J'suis sûr que nos parents aussi ont fait des conneries" sourit-il. Un rire jaune, bien entendu.

Contre Moran, elle se sentait quelque peu rassurée, elle l'avait toujours été dans ses bras après tout leur amitié en était une de longue date. Sept ans d'amitié ne s'effaçait pas devant un évènement aussi inattendu, ou presque. Avoir un enfant ? Elle l'avait souvent imaginé lorsque l'on lui posait des questions sur le futur, mais l'ancien serpentard n'avait jamais eu cette place ci, elle avait toujours pensé qu'il serait le parrain et non le père. Les propos qu'il tenait étaient cohérent, mais elle sentait l'hésitation dans sa voix, elle se détacha de son étreinte et le regarda dans les yeux. « Si on nous avait dis ça il y a sept ans...» dit-elle avec un très léger sourire nostalgique de cette époque. Époque d'émerveillement et d'innocence. Un geste automatique et dont elle ne se rendit pas compte l'avait fait poser sa main droite sur son ventre, tandis qu'elle repensait à leur arrivée à Poudlard et à tout ce qu'il s'était passé ensuite.