Il y avait de ces relations anciennes qui finissaient par se faire simplement logiques, des habitudes finalement. Entre Elise et Morfin, on ne pouvait pas réellement dire que les choses étaient toujours simples. Ils étaient très loin de s’entendre sur tout. C’était même assez rare. Pourtant ils restaient en contact, assez proches, se voyaient souvent. Car voyez-vous, il y avait bien quelques sujets qui savaient les accorder. Et pour peu qu’ils arrivent à s’en contenter, ils pouvaient même passer des moments très agréables. Partir en mission avec Morfin était souvent une assurance de bonne soirée pour Elise. Chacun y trouve son compte, ils se mettent souvent d’accord avec une certaine facilité. La belle le pense même capable d’apprécier son travail, de voir qu’elle est parfaitement capable de se montrer à la hauteur de leur cause.

Comme souvent et après avoir tout de même annoncé sa venue n’étant pas encore totalement sauvage, Elise s’était présentée chez son chez Mr Carrow. Parfaitement apprêtée, élégante quoi que légèrement provocante peut-être, il n’était pas impossible qu’une simple conversation se change à tout autre chose avec un peu plus de temps. Une éventualité qu’elle avait prévue et qui ne lui déplairait d’ailleurs nullement. Elle avait ainsi trouvé un homme visiblement un peu plus nerveux qu’en temps normal. Ce que la belle pouvait comprendre avec son implication politique du moment, cela devait être un poids supplémentaire. Pour une fois, Elise envisageait même de prendre quelques précautions, comme prendre le temps de voir dans quel état d’esprit il se trouvait. Et pour un homme comme lui, qu’elle fréquentait depuis si longtemps, un homme qu’elle avait même décidé de placer en parrain de sa fille, elle serait peut-être même prête pour une fois de se faire plus calme pour lui apporter une discrète forme de soutien. Mais ça, cela dépendrait de Morfin et de son humeur. L’approchant avec un léger sourire, Elise lui tendit une main pour qu’il y dépose un baiser, ne souhaitant pas en sa demeure à lui se montrer trop frontale dès le départ.

-Mon cher Morfin, comment vas-tu?

Seuls dans cette pièce et presque comme si elle ne pouvait pas s’en empêcher, la belle française s’était approché de son amant pour glisser dans son cou un baiser lent et délicat.

-Ton épouse est à la maison?

Une question qui pouvait avoir plusieurs buts, mais ça, Morfin le savait parfaitement. Un sourire malicieux s’était posé sur le visage de la brune, relativement calme mais gardant un fond de malice tout de même.

Depuis le temps qu’ils se connaissaient, Elise commençait à savoir ce qui plaisait plus ou moins à cet homme. Elle n’avait pas eu besoin de se cacher longtemps à ses yeux, et leur relation était étrangement longue pour ce genre de registre. Ils y trouvaient leur compte il semblerait. Du côté de la française elle appréciait son caractère un peu vif de cet homme, presque orageux. Tout comme il était l’un des relativement rares à savoir apprécier ses divers talents à elle ainsi que ses conseils souvent avisés. Chacun tenant sur ses positions, ne laissant pas franchement aller de leste, ils arrivaient simplement à tomber en accord sur certains points. Il y avait un côté assez flatteur pour elle à le voir la regarder avec une telle satisfaction et autant d’envie. C’est pour cette raison que la belle veuve prenait un grand soin à choisir la tenue adéquat et tentait au possible d’attiser tout cela à la première occasion, parfois aussi subtilement que le monde qui les entourait pouvait l’exiger.

Finalement il y avait aussi sans doute de cela, jouer avec cette situation qui n’était claire ni d’un côté ni de l’autre. A l’époque où ils avaient lancé cette relation, Elise était encore mariée à celui qui aujourd’hui avait quitté ce monde. Loin de la déstabiliser, considérant qu’elle ne devait rien à un homme qu’elle n’avait pas même choisi, cela donnait un goût particulier à cette liaison. Venir le voir en sa demeure sans même savoir si Danae Carrow serait présente avait de quoi amuser la belle Lerouge. Dans une très belle robe rouge parfaitement ajustée sous sa cape, Elise avait tendu une main courtoise bien que charmante à son amant, préférant donner le change au cas où dans un premier temps.

-Elise ma douce

Douce, il n’était pas si courant qu’elle le soit en sa compagnie. Mais que voulez-vous, les apparences avaient leur importance. Elle le laissait donc la saluer avec délicatesse avant de poursuivre leur petit numéro. Il fallait faire attention, surtout plus encore en cette période électorale où Mortin était sans doute surveillé de près. Alors ils faisaient tout deux attention à leurs interactions, surtout en extérieur.

-Un peu fatigué, mais ça peut aller, malgré les circonstances

Fatigué elle voulait bien le croire, il avait effectivement déjà eu meilleure mine. Quand aux circonstances c’était tout à fait discutable. La mort de Basilius était bien loin de l’attrister autant qu’il le laissait entendre. Mais là encore, il fallait faire bonne figure. Elle le voyait bien regarder par-dessus son épaule cherchant sans doute à voir si quelqu’un se cachait ou écoutait leur conversation.

-J’imagine bien. Encore toutes mes condoléances…

Au moins le temps de passer les portes de l’habitation. Morfin avait lui-même procédé aux vérifications maintenant habituelles. A la suite de quoi son amante n’avait résisté à son envie de lui accorder un premier baiser dans le cou.

-Si ça gagne pas, ça débarrasse

Un sourire alors que la belle se tenait toujours presque joue contre joue. Voilà qui lui ressemblait déjà bien mieux. Après avoir repris une distance raisonnable au cas où, elle avait posé une nouvelle question intéressante… La présence ou non de Danae dans ces murs avait son importance quoi que pas pour tout. Morfin l’avait pas la suite attiré à lui sans grand ménagement, lui offrant par la suite un baiser bien plus franc. Les mains déjà baladeuses, Elise suivait le mouvement sans s’en plaindre un instant, l’accompagnant en glissant une main à l’arrière de sa tête pour attraper les cheveux courts de sa nuque.

-Voilà qui devrait suffire à te répondre

C’était une façon de voir la chose sans doute, oui. Encore dans l’entrée de la belle demeure Carrow, deux amants qui ne s’en cachaient pas, Madame était sans doute absente ce soir. Ce qui arrangeait bien Elise à vrai dire. Il était toujours assez terrible de rester sur sa faim…

-Pas forcément… Vas-tu me demander une certaine discrétion?

Profitant de ces mains qui s’égaraient sur le bas de sa robe ainsi que de la prise qu’elle avait d’une de ses mains, Elise avait laissé tomber sa canne, levant sa jambe la moins sûre le long de la cuisse de son amant pour la loger dans sa main, se retrouvant au plus proche de lui, affirmant au passage la route qu’elle entendait suivre. Décidément une soirée prometteuse.