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Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA

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Razvan Vacaresco

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MessageSujet: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mar 4 Mai 2021 - 23:20

Assit contre sa fenêtre, le jour déclinant au dehors, Razvan fumait sa cigarette. Des rides bien ancrées aux bords de ses yeux, des cernes qui semblaient avoir posé bagages, le médicomage regardait le contrebas. Les gens marchaient dans la rue, semblaient pressés pour il ne savait quelle raison. Son imagination était trop limitée pour qu'il essaie de le deviner, ou pour qu'il invente seul des chimères. Alors, soufflant la fumée par ses poumons pour la laisser rejoindre l'air déjà pollué de la capitale anglaise, Razvan ne fit rien. Il reboutonna simplement sa chemise rouge sang de quelques boutons, car la fenêtre entre-ouverte lui donnait un petit coup de froid quand même. Des frissons dévalaient un peu ses bras, de la cendre s'écrasa contre le rebord de l'ouverture sans qu'il n'y fasse plus attention que cela. C'est la vue d'un énième bus à impériale qui arracha finalement un soupir au roumain qui secoua la tête en se demandant pourquoi il était judicieux de faire un bus à deux étages, qui plus est de cette couleur.
Razvan avait envie de partir, de cette envie qui ne peut généralement pas attendre, celle qui nous fait prendre de mauvaises décisions. Il avait envie de sortir, d'aller ailleurs, loin de la ville et de ses buildings. C'était une idée qui revenait souvent, trop souvent peut-être pour que ce soit raisonnable et raisonné. Et alors qu'il écrasait sa cigarette dans le cendrier à côté de lui, il ressentit une insupportable sensation de brûlure sur le bras. Et il comprit dans la seconde, les yeux fermés et les bras ballants, qu'il était appelé. « Non, pas ce soir » geignit-il, alors qu'il jetait un coup d’œil douloureux de nouveau dehors et que la sensation de brûlure se faisait plus violente, plus insupportable. Razvan devait voir Neolina ce soir. Il devait la voir et le voilà pourtant à devoir s'évaporer pour quelques sombres desseins. Il espéra que ce soit pour une réunion débile où on les convoquerait pour leur faire la morale. Finalement, il prit à la va-vite un parchemin, une plume et rédigea un petit mot à l'attention de sa petite amie : Je suis désolé, j'ai une urgence. Je t'aime. Le médicomage ne savait jamais ce qui l'attendrait au détour de ce transplanage. Il ne savait même pas ce qu'il allait faire, ce qu'il allait subir. Il pourrait perdre un bras, une jambe ou encore la vie, il n'y pourrait rien du tout.

Lorsqu'il revint plus tard, le jour s'était largement effacé pour laisser place à l'astre lunaire qui enveloppait Londres d'une aura inquiétante. Les tempes trempées par la sueur, Razvan ne monta pas tout de suite les marches de son immeuble. Il resta quelques instants dans la rue, pour essayer de calmer sa respiration, de même que les terribles images qui évoluaient encore dans ses yeux noirs. Posté sur le trottoir en face, il avait une vue sur la fenêtre de chez lui, de laquelle il voyait très légèrement de la lumière émaner. Neolina n'était donc pas rentrée chez elle, malgré l'heure tardive, malgré la nuit qui était tombée. Et le visage mortifié, le roumain avait la terrible sensation que toute sa culpabilité allait éclater à la figure de sa petite amie s'il montait maintenant les escaliers. A tel point qu'il eut envie de découcher, pour dormir il ne savait où. Pour ne pas qu'elle le voit. Dans un même temps, il mourrait d'envie de retrouver la présence réconfortante de ses bras, de sentir ses mains caresser sa peau, l'apaiser comme elle savait le faire avec tout le naturel du monde. Est-ce que c'était normal qu'il aspire à cela alors que pendant toute une soirée, il avait vu des gens se faire torturer ? Oh, Razvan n'avait rien fait. Il était incapable de lancer un doloris pour la simple et bonne raison qu'il n'en avait jamais la volonté. Alors, la plupart du temps, il devait regarder, surveiller. Parfois soigner pour que la personne soit détruite plus encore, ça le rendait malade. Malade d'y penser, malade de le faire. Encore une fois, il se sentit pris à la gorge par Londres, il se sentait étouffé comme si on le torturait lui. C'était insupportable, intolérable. Résigné, après avoir longuement pesé le pour et le contre, Razvan remonta doucement les escaliers qui menaient jusqu'à chez lui, passa le pas de la porte pour s'adosser contre elle. Épuisé, fatigué. Coupable.


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Dernière édition par Razvan Vacaresco le Sam 15 Mai 2021 - 16:36, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 5 Mai 2021 - 0:24

Il y avait des jours, comme ça, où rien de spécial ne se passait. Du matin au soir, aucune surprise, qu’elle soit bonne ou mauvaise, rien d’autre sinon la vie qui suivait son cours tranquillement. Jour d’ennui pour certains peut-être, mais Neo appréciait. Dans ce monde qui perdait la raison, un peu de normalité lui faisait du bien. Finir des rapports, discuter frippes avec des collègues, prendre le temps de manger à une table… Rien de passionnant, ça non, mais ça lui allait. La banalité avait parfois ce petit quelque chose de charmant. Et puis, de toute manière, qu’importait la journée car ce soir, elle voyait Razvan. Comme à chaque fois que ce genre de rendez-vous était prévu, Neo s’était réveillée un peu plus heureuse que la veille, et balayait les petits tracas qui pouvaient survenir en pensant au moment où elle le retrouverait enfin. Ca ne faisait que quelques jours, peut-être, et pourtant, il lui manquait tellement. Le manque devait normalement s’atténuer un peu au fil de la relation, mais pour elle, c’était pire à chaque fois. Comment était-ce seulement possible ? Une addiction. Voilà, c’était ça, une addiction à leur amour, à son corps, ses lèvres, ses mains, son sourire, ses épis au réveil, quand il passait ses doigts dans la forêt de ses cheveux noirs.

C’était donc le coeur bien léger, mais le pas un peu lourd, que Neo avait gravi les marches jusqu’à son appartement. Elle boitait, la pauvre, étant donné que son croup avait fait un strike avec sa rotule pendant un jeu avec un autre croup lors de la balade habituelle. Oups… Une histoire qu’elle hésitait à cacher à Razvan de peur qu’il ne la passe dans le prisme de sa phobie insensée car après tout, rien de bien grave. Une chose était sûre : il allait se moquer du fait qu’elle ne savait pas tenir sur ses jambes, encore. Oh, ça lui allait, car bientôt elle serait pendue à son cou, et elle ne risquerait plus de tomber. Mais voilà, Neo tomba surtout sur un appartement vide, et un petit mot qui lui fit mal au coeur autant que plaisir. Trois mots avaient parfois le pouvoir de balayer le reste, mais l’urgence dont parlait Razvan l’avait arrachée à elle. Terribles vocations qu’ils avaient tous les deux, capables de ruiner de jolies soirées. Soit, Neo attendrait. Elle aurait pu rentrer, bien sûr, manger une pizza avec Anselmus et somnoler sur le canapé avant qu’il ne la porte dans son lit, ou quelque chose dans ce goût là. Mais non, même si rien ne s’était passé aujourd’hui, Neo ressentait le besoin de voir Razvan, au plus profond de sa chair. Et tant pis s’il la réveillait, tant pis s’il ne revenait qu’au petit matin… Tant pis, oui.

Le temps fut un peu long, jusqu’à ce que Neo se décide à allumer le transistor. Elle n’écoutait jamais si tard la radio, et tomba donc sur une curieuse émission un peu voyeuriste, où une jeune femme répondait à des déboires amoureux qu’elle avait reçus par hibou. Les histoires, intimes, parfois tristes, la happèrent complètement et enroulée dans une couverture imprégnée de l’odeur de celui qu’elle attendait, les mains autour d’un, puis deux, puis trois thés, Neo passa sa soirée à écouter la vie des autres. Et puis, à une heure bien avancée, ses oreilles curieuses notèrent un son de la vraie vie, et la roumaine tourna sa tête telle un animal à l’affut pour s’assurer que oui, enfin, ça y était. « Razvan, tu ne sais pas ce que… » Interruption momentané de la fonction langage. C’était que son médicomage était adossé à la porte, un air fantomatique flottant sur ses jolis traits qui semblaient plus épuisés que jamais. « Razvan ? » Bondissant malgré son genou en miettes, Neo s’approcha de lui, doucement, comme on aurait fait avec une bête blessée. Posant une main sur sa joue, l’autre vint dégager quelques mèches trempées de sueur qui s’étaient collées à sa tempe, comme s’il venait de vivre un combat, ou pire. C’était sans doute le cas, car ne luttait-il pas contre la mort chaque jour dans ce triste hôpital ? « Il… Il était trop tard ? » se hasarda-t-elle, persuadée que ce ne pouvait être que ça, que seule la perte d’un patient pouvait le mettre dans pareil état. Car comment aurait-elle pu se douter ? Elle sentait qu’il évitait son regard, ne comprenait pas pourquoi. Et surtout, Neo sentait sa peine comme si c’était la sienne, ou presque. Sa main glissa de ses cheveux à son coeur, qu’elle sentait taper fort malgré la couche de tissu. Doucement, elle l’attira à elle, comme si cela suffisait à effacer l’horreur. Mais après tout, elle ne pouvait faire que ça. Elle ne pouvait lui offrir que ses bras.
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 5 Mai 2021 - 12:53

Les images dansaient dans la rétine de Razvan comme une danse macabre. Un souvenir impérissable, malheureusement, qui tapait avec violence contre ses regrets. Pourquoi diable était-il monté ? Alors qu'il s'adossait contre la porte de chez lui, le roumain eut ce regret, alors même qu'il était monté pour avoir du réconfort. Mais y avait-il seulement le droit ? Il avait passé sa soirée à soigner pour que la victime soit torturée de plus belle par d'autres. C'était terrible de complicité, il se sentait sale, sale d'autant plus qu'en face, Neolina était si douce et si gentille à s'inquiéter pour lui. Elle l'était tant qu'elle se fendit d'une phrase qui lui aurait fait avoir un rire jaune, tant tout cela était ironique. Elle pensait qu'il rentrait de l'hôpital, il fallait bien dire qu'il avait été vicieusement vague. Comme il ne voyait pas grand chose, il ne l'avait pas vu bondir, tout juste sentait-il ses doigts contre lui. Elle lui donnait de la tendresse alors qu'il ne méritait pas cela. Plus que jamais, le médicomage eut l'impression de la prendre pour une idiote. De lui arracher son propre consentement. De vicier sa volonté pour qu'elle souffre plus tard. Il se sentit attiré à elle et comme deux forces semblaient toujours se battre en lui, le roumain se laissa faire, tout en culpabilisant, incapable d'accepter correctement cette douce étreinte qu'elle lui livrait pourtant.

Razvan cacha son visage dans son cou comme il en avait l'habitude et il n'avait toujours pas répondu. Toujours pas, après tout, pour quoi faire ? Lui mentir ? Parler à double-sens pour qu'elle pense comprendre alors qu'il n'en était rien ? A cet instant ça lui sauta d'autant plus aux yeux, mais le médicomage se dit qu'elle méritait tellement mieux que ça. Elle méritait quelqu'un qui ne traîne pas derrière lui un monticule de casseroles, une vie de problèmes et une armée de cadavres dans son placard. Elle méritait quelqu'un de stable, dont le conscience n'était pas ravagée par ces choses qu'il lui cachait désespérément. Neolina saisissait peut-être au vol ces éclats de tristesse dans ses yeux noirs, sans pourtant être capable d'en mesurer la profondeur. Car qui aurait pu croire qu'un homme comme lui en tuait d'autres...? « Je ne supporte pas l'impuissance » murmura-t-il tout contre elle. C'était vrai, il avait été impuissant, contraint de soigner pour faire souffrir davantage. Utiliser ainsi à contre sens son métier de médicomage était aussi douloureux pour la victime que son bourreaux. Et Razvan avait bien en mémoire les rires mauvais, parfois gras, des autres mangemorts qui se délectaient de la situation. Il ferma les yeux si fort qu'il en eut mal, alors que les images lui sautaient encore aux bords des yeux : Dépêche toi, Vacaresco, ou tu vas finir à sa place. Un frisson violent lui remonta l'échine et il continua : « Apaiser la douleur pour que ce soit éphémère, en sachant que ça ne changera rien. Je déteste ça ». Détester était peut-être en deçà de la réalité, mais pas en deçà de la réalité de Neolina. Car elle s'imaginait bien qu'il allait mal parce qu'il avait été incapable de faire quelque chose de bien à l'hôpital, alors que ce n'était pas tout à fait le cas...  Razvan n'avait jamais envie de se décrocher d'elle. Il avait besoin de ses bras, de sentir son souffle contre ses cheveux, ses mains le caresser doucement. Il savait qu'il n'oublierait pas. Comment le pourrait-il ?


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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 5 Mai 2021 - 20:12

À chacun sa peine, à chacun sa façon d’y réagir. Et Neo était terriblement bien placée pour le savoir, elle qui justement avait la lourde tâche de la soulager d’un coup de baguette, et qui devait donc faire face à toutes ces nuances de douleur. Il y avait parfois la sidération, ou au contraire la panique franche, brute, incontrôlable. Il y avait les mots qui sortaient en pagaille, et le silence. Il y avait les regards qui ne savaient plus affronter le monde, et ceux qui cherchaient au contraire un autre dans lequel s’ancrer. Parfois, la colère explosait en un flot de larmes, ou de mots furieux, quand ça n’était pas la peur qui s’insinuait jusqu’au plus profond de la chair à en faire trembler les mains, ou le corps tout entier. La peine, oui, ne prenait jamais la même forme, et si Neo savait comment y remédier dans son travail, faire face à celle de Razvan était bien différent. Car quand il s’agissait de quelqu’un que vous aimiez, alors toutes les barrières érigées pour vous protéger s’effondraient comme un château de cartes. Les voeux de mariage ne parlaient-ils pas après tout de ça, d’être là en toute circonstance, dans la joie comme dans la souffrance ? Aimer quelqu’un, c’était aussi accepter d’assister à ça, de vivre ça, et d’en prendre une partie - même si, à défaut de la soulager, on ne permettait à la douleur de ne prendre qu’un peu plus de place, dans deux coeurs au lieu d’un.

C’était la première fois depuis longtemps que Neo le voyait aussi dévasté. Depuis très longtemps, même. À l’époque, ils n’étaient encore que des amis, et il venait de perdre l’amour de sa vie - ou du moins, d’une partie de sa vie. Et Neo avait eu beau retourner ça dans tous les sens, impossible alors de trouver les mots. Impossible, oui, quand on faisait face à l’impensable que rien ne pouvait effaçer, rien. Elle s’était juste efforcée d’être présente, alors, lui offrir le réconfort de ses bras dans lesquels il n’avait même pas pleuré. Et ce soir, il lui semblait retrouver le même genre de trouble dans son regard sombre. L’empathie de Neo était si forte qu’il lui semblait presque sentir le poids de tout ça sur ses épaules, comme un fardeau qu’elle aurait aimé qu’ils partagent mais après tout, c’était impossible. Et au fond, elle trouvait ça presque touchant que des années plus tard, Razvan soit toujours aussi impacté par la perte d’un patient. Peut-être était-ce quelqu’un à qui il était attaché ? Peut-être était-ce juste le patient de trop ? En tout cas, pouvait-on faire preuve de plus d’humanité qu’en réagissant ainsi ? Lové contre elle, Razvan pourtant ne la prenait pas vraiment dans ses bras, ne la serrait pas, c’était étrange. Sans doute n’en avait-il même pas la force. Aussi essaya-t-elle de lui transmettre un peu de sa force, sa main caressant lentement son dos qu’elle sentit frissonner à un moment, alors qu’il lui confiait enfin un peu ce qu’il avait sur le coeur. Elle comprenait. Par Merlin, ce qu’elle comprenait. Après tout, son métier n’était-il pas l’incarnation de l’impuissance ? Agir quand le pire avait été commis, être moins un remède qu’un vulgaire pansement, cela faisait longtemps maintenant qu’elle avait accepté. Il fallait bien quelqu’un pour le faire, et puisque que prévenir marchait moins que guérir, alors… Mais voilà, ça ne changeait rien aux actes qui s’étaient déroulés, rien. Tout comme Razvan ne faisait qu’éloigner un temps donné la mort qui finirait dans tous les cas par rattraper tout le monde. Tout le monde, oui, c’était inéluctable. « Je sais… » Que dire d’autre après tout ? Que dire qui ne serait pas un mensonge ?

« Tu as fait de ton mieux. » En voilà, un mensonge qui s’ignorait, car comment Neo aurait-elle pu seulement imaginer que c’était au contraire le pire ou presque qu’il avait commis ? Pour elle, il n’y avait qu’une seule façon d’envisager les choses : Razvan avait essayé, avait échoué, avait du s’incliner face à sa plus grande Ennemie, dans le combat le plus déséquilibré qui soit. « Mais tout le monde ne peut pas être sauvé. » C’était la phrase la plus résignée qui soit, étonnant peut-être dans la bouche de Neo, mais c’était ainsi. Et c’était cruel, dans un tel contexte, de lui balancer ça mais encore une fois, l’ignorance ne l’aidait pas à trouver les mots justes cette fois. Se détachant un peu de lui finalement, elle lui attrapa la main pour l’emmener sur le canapé. L’émission était terminée et désormais, un vieux tube swing brisait le silence, conférant à la scène une atmosphère qui ne collait pas vraiment à l’ambiance. Mais Neo n’y prêta que peu d’attention, caressant les mains de Razvan qu’elle avait ramenées sur ses genoux. « As-tu mangé ? » Avait-il seulement faim ? Mais dans un moment pareil, la roumaine savait qu’il était difficile de prendre soin de soi, alors s’il fallait le faire pour deux… au moins pouvait-elle faire ça pour lui.
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 5 Mai 2021 - 21:24

Ciel, comme c'était terrible de sentir ses mains le caresser pour essayer de lui donner du réconfort. Penser qu'il avait juste passé un mauvais moment à l'hôpital. Razvan vivait toujours mal de perdre un patient, c'était vrai. Car l'impuissance avait cela de terrible que précisément, il n'y pouvait rien. Mais là, c'était tellement pire. Il aurait aimé qu'elle puisse effacer les souvenirs d'une caresse de sa main. Il aurait aimé être allégé de son fardeau, il aurait aimé passer à autre chose, se lover contre elle et oublier. Mais il n'y parvenait pas, jamais. On oubliait pas ce genre de choses, pas quand on avait participé si activement à détruire quelqu'un d'autre.
Les paroles de Neo étaient d'une cruauté sans nom.

Bien fait pour toi.

Mais bien entendu, Razvan ravala son malaise, ravala ses larmes, ravala son envie de s'éloigner d'elle pour retourner dehors et ne pas lui claquer une crise de panique entre les bras. La suite fut pire et peut-être aurait-il dû partir, au final. Elle avait raison. Tout le monde ne pouvait pas être sauvé. Tout le monde ne pouvait pas vivre et il y avait des morts tous les jours. Lui, il avait fait pire, il avait prolongé la vie pour prolonger la souffrance que d'autres attribuaient à une victime avec une délectation qui le rendait fou. Il avait prolongé indirectement la souffrance alors qu'un refus l'aurait peut-être tué plus vite. Mais voilà, Razvan restait un médicomage, lâche qui plus est. Il s'était dit, dans l'urgence de l'instant, qu'après tout, peut-être que la personne pourrait partir après ? Une fois qu'ils s'étaient bien défoulés dessus ? Mais non, bien entendu. Il s'était persuadé de cette chimère, peut-être aussi pour ne pas culpabiliser. Maintenant qu'il avait vu ses yeux vides, et froids, la culpabilité revenait au galop pour grimper jusqu'à sa gorge. Neolina, avec sa douceur habituelle, l'entraîna vers le canapé où il s'assit un peu mécaniquement, le visage rendu livide par le remords, la détestation de soi, et la honte aussi, tiens. Comment ne pas avoir honte, comment se sentir bien après ce qu'il avait fait ? Le médicomage ne faisait même pas attention à la musique qui passait dans les ondes radios. Il ne l'entendait même pas vraiment. La plupart du temps, Razvan écoutait la radio pour une émission ou deux, rarement pour écouter des chansons. C'est que, malgré sa facilité déconcertante à bouger ses hanches, il n'était pas forcément naturellement enclin à écouter beaucoup de musique. Ou en tout cas, pas celle qui passait sur les ondes.

Lâche.

Neolina caressait ses mains et il ne sentait même pas vraiment sur quoi elles étaient, il s'en fichait en fait. Il entendit juste sa question, posée d'une voix douce, une voix qui lui ressemblait tant. Il ne la méritait pas, putain, il ne la méritait pas. Le roumain se décala un peu pour s'allonger et poser sa tête contre elle, le visage vers l'intérieur du canapé. C'est qu'il semblait même beaucoup plus petit que ce qu'il était réellement dans cette position, alors qu'il attrapait machinalement une des mains de Neolina pour entrelacer ses doigts aux siens.

Parfaire l'illusion.

« Je n'ai pas mangé depuis ce matin. Et je n'ai pas faim ». Il laissa un silence s'installer brièvement, alors qu'il avait les yeux toujours clos. « Qu'est-ce que tu as fait de ta journée ? ». Penser à la sienne, plus innocente, ne pouvait que lui faire du bien de toute manière.

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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Jeu 6 Mai 2021 - 1:45

L’impuissance dont parlait Razvan, Neolina la ressentait à cet instant précis. Plus que jamais. Car comment faire, comment le soulager du fardeau qui était le sien alors qu’il semblait sur le point de perdre pied ? Rien n’aurait pu consoler le roumain et elle le savait, si ce n’était cette faculté magique qu’elle avait de lui permettre d’oublier ses souvenirs. Mais voilà, Neo avait un principe de vie bien à elle, et n’utilisait ce talent là que pour son travail, toujours. Oh bien sûr, on lui avait souvent demandé. Aide-moi à oublier. Mais la vie ne fonctionnait pas comme ça, jamais. Oublier ne changeait rien à ce qui s’était passé, rien, et Neo avait elle-même assez subi le sort en entraînement pour savoir qu’il restait toujours un résidu de quelque chose. Un souvenir noir, comme elle disait, l’impression terrible d’être incomplet. Et surtout, surtout, le fardeau devenait le poids unique de celui qui avait tout effacé. Peut-être aurait-elle pu faire ce sacrifice pour Razvan. Peut-être oui, mais ça n’aurait rien changé au fait que demain, peut-être plus tard, il perdrait à nouveau quelqu’un. Et que le lendemain, les conséquences de cette soirée l’attendraient, n’ajoutant que plus de trouble à son état. Oublier n’était jamais la solution, du moins, pas dans ce genre de cas.

Pourtant, Neo aurait aimé qu’un coup de baguette puisse le soulager, vraiment. Son air absent, ses mains comme mortes entre les siennes, son regard qui semblait ne plus appartenir à leur monde. Tout ça était un spectacle si triste, si difficile, et Neo s’en voulait presque de ne rien pouvoir faire, tout en sachant que c’était comme ça. Des empathiques comme eux auraient peut-être du choisir un autre métier, plus simple, et pourtant : c’était cette faculté qui faisaient d’eux des gens si doués pour leur vocation. Abnégation, toujours, voilà un mot qui leur allait si parfaitement. Et alors qu’il se blottissait contre elle, comme un enfant perdu ou presque, Neo caressa avec douceur ses cheveux encore moites de son émotion, dans un geste répétitif et tendre, alors que son regard se dérobait une fois de plus. Mais rien ne servait de lutter, après tout. C’était l’espace dont il avait besoin pour guérir de cette plaie là, et au fond, mieux valait-il peut-être qu’elle soit restée ? Ou pas, comment savoir ? Comment savoir qu’il aurait préféré être seul à cet instant-là ? Elle l’aimait tant, eut envie de lui dire mais le moment était mal choisi, elle le sentait. Mieux valait choisir le chemin de la banalité, qui remettait un peu de quotidien dans un acte qui en sortait et hélas pourtant, s’y inscrivait terriblement. « D’accord. » L’appétit lui manquait, c’était bien légitime. Combien de repas avait-elle sauté parce que la vie l’avait confrontée à des choses horribles ? Razvan voulait s’éloigner de sa vie à lui, en s’intéressant à sa vie à elle, mais que dire si ce n’était qu’elle avait vécu une journée comme il aurait aimé, sans drame, sans péripétie, rien d’autre que la vie banale. « J’ai pensé à toi. Beaucoup. » dit-elle en pensant naïvement que cela lui mettrait peut-être du baume au coeur. « Tu occupes tellement mes pensées, c’est à se demander comment je fais encore pour fonctionner. » Elle eut un rire en forme de souffle, presque un peu triste alors que pourtant. « J’ai toujours très envie de te retrouver le soir, tu sais. » Surtout quand c’était prévu, elle semblait presque n’attendre que ça. Même dans des instants comme ça, surtout dans ceux-là, Neo avait envie d’être près de lui. Tous les soirs que Merlin feraient. « On devrait vraiment chercher cet appartement, tu ne crois pas ? » Elle avait attendu une collègue parler d’un déménagement hier, et comme à chaque fois, elle se disait Tiens, peut-être ? Pourquoi continuer à repousser le moment, alors qu’elle le voulait plus que tout ? Tristement, elle se disait que tous les soirs où il revenait si mal et se retrouvait seul étaient des instants manqués, où elle n’était pas là, et elle ne voulait plus. Surtout pas ce soir. Peut-être que ce genre de projets pourrait l’aider à penser à autre chose à avancer ? Ou au contraire, le timing était peut-être terrible… Allez savoir.
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Jeu 6 Mai 2021 - 14:17

Bercé par la douce caresse de Neolina dans ses cheveux, Razvan ne pipait mot. Les yeux clos, il se laissait porter par le geste tendre, sans pouvoir se sortir des yeux la soirée épouvantable qu'il avait passé. Le temps semblait s'étirer plus vite quand il était dans ses bras à elle, prostré comme un enfant, le visage contre elle qui pensait naïvement qu'il n'allait mal que parce qu'il avait perdu un patient.

« Ah Razvan belle soirée, non ? » l'accueillit-on d'un rire sans joie. Pas très sûr de savoir si on attendait de lui une réponse ou non, le roumain préféra ne rien dire, en s'enfonçant simplement dans le Manoir, lieu du rendez-vous sordide. Manoir qui servait aux réunions, qui servait à torturer des gens, aussi. Il y avait là cette espèce d'ambiance un peu glauque qui était évidente quand on savait un peu ce qu'il s'y passait. Ça lui donnait envie de vomir rien que d'y songer. « Chemise fort à propos » entendit-il alors que l'homme, un Selwyn ou quelque chose dans le genre, faisait un geste en direction de sa chemise rouge carmin.
Déglutissant comme s'il avait mal avalé quelque chose, le roumain le suivit, résigné, jusqu'aux sous-sols. Ça lui donnait une espèce d'impression de château fort un peu débile, comme si les mangemorts se complaisaient simplement là-dedans. Tout était richement orné, c'était une maison de noble entachée du sang des gens qu'ils raflaient, parfois, pour les traîner jusqu'en bas. Pièce tamisée par une lampe dans un coin, il y avait par terre quelqu'un que Razvan identifia comme étant un moldu sans réellement savoir pourquoi. Pas de baguette, bien entendu. Mais il y avait surtout quelque chose dans le regard qui laissait entendre que véritablement, cette pauvre personne ne comprenait pas. Elle ne savait même pas sans doute pourquoi elle était là. Lui non, plus, il ne savait pas bien, il fallait dire. Sur les coups de huit heures, sonnés dehors par un carillon d'église, le premier sortilège fusa.


Razvan rouvrit ses yeux quand elle lui avoua avoir beaucoup pensé à lui et seul un sourire triste se peignit sur ses traits fatigués sans qu'il ne réponde. A quoi bon ? Elle savait bien qu'elle hantait aussi beaucoup ses pensées, plus que de raison. C'était pour ça qu'ils avaient tant hâte de se retrouver, de se revoir pour profiter de l'autre. Sauf que ce soir, rare soirée qu'ils pouvaient s'accorder, Razvan la gâchait par son insupportable tendance à s'attirer des problèmes. Et quels problèmes, en l'occurrence... Neo enchaîna sur leur recherche d'appartement, ce qui fit d'autant plus peine au roumain qui, véritablement, se sentait d'autant plus coupable pour elle. Elle allait passer sa vie à vivre sous le même toit qu'un tueur, ne le saurait même pas. Elle fuirait si elle savait, elle fuirait comme toute personne censée. « Mais tu héberges toujours quelqu'un, non...? » demanda-t-il, la voix légèrement étouffée par les vêtements de Neolina contre lesquels son visage était. « Je veux juste de la lumière » demanda-t-il, « j'ai besoin d'un endroit lumineux. Le reste, c'est comme tu veux ». Razvan serra un peu sa main dans la sienne, celle qu'il avait saisie tantôt. De la lumière pour éclairer le visage d'un homme qui était exactement l'inverse. L'austère roumain était quelqu'un qui avait besoin de luminosité car vivre dans un endroit sombre, il ne savait le supporter. Ironique, quand on sait le nombre de personnes qu'il plongeait définitivement dans le noir.


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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Ven 7 Mai 2021 - 2:27

Les souvenirs.

Tous les jours, Neo voyait à quel point les souvenirs pouvaient être toxiques pour les gens. Etait-ce pour cela qu’elle avait développé cet état d’esprit, cette façon farouche de s’attacher plus au présent et à l’avenir qu’au reste ? Ou peut-être que ça avait toujours été là, au fond, une part profonde de sa personnalité qui marquait une différence de plus avec Razvan. Après tout, aucune chute ne l’avait suffisamment effrayée pour qu’elle refuse une autre aventure. Les larmes, ça se séchait, les douleurs, ça s’estompait. Il fallait du temps, peut-être, mais ne pas se laisser envahir par la peur que ça se reproduise aidait, sûrement. Après tout, n’était-ce pas ce qui l’avait paralysée au point de refuser un temps ce qui s’avérait sans doute être la plus belle histoire d’amour de sa vie ? Les souvenirs méritaient qu’on les trie. Garder les meilleurs, laisser les autres derrière et refuser qu’ils ne s’invitent trop souvent dans nos vies, voilà le secret du bonheur de Neolina. Raison pour laquelle elle ne s’attachait à aucun endroit, aucun objet. Les souvenirs étaient liés aux gens, pas au matériel après tout, et la roumaine avait toujours pu tout quitter du jour au lendemain, comme ça, sans se retourner. Sans verser une larme au moment de rendre la clé, comme elle le ferait avec son logement de fonction. Les appartements où elle avait vécu avaient été des cocons de bien-être, réconfortants mais éphémères. D’ailleurs, elle appréciait tout autant l’appartement de Razvan, malgré l’austérité du lieu, que le sien, ne serait-ce que parce que c’était là qu’ils se retrouvaient toujours, et ça comptait bien plus que tous ses plaids colorés, ses bougies et le reste. Oui, elle partirait sans une once de regrets, comme elle le ferait un jour quand il faudrait quitter Londres. Un jour, oui.

Pour Razvan, elle le savait, ça n’était pas tout à fait pareil. Elle avait bien vu son regard changer en balayant la chambre de Mihaela, ou ne serait-ce qu’en approchant la maison de ses beaux-parents. Elle savait qu’il suffisait d’un rien, un mot, un objet, n’importe quoi, pour le ramener en arrière. Elle savait que Londres était sa prison, ne comprenait toujours pas vraiment d’ailleurs pourquoi il s’infligeait ça, mais soit. Et peut-être que vivre à deux le rendrait plus heureux, sûrement d’ailleurs, mais ce ne serait qu’une bien maigre consolation pour lui, qui désespérait si fort de ne pouvoir rejoindre son pays. Elle ne comprenait pas, ça non. Pourquoi vouloir revenir à un lieu associé à tellement de souffrance ? Était-ce pour Mara ? Pour Miha ? Pourrait-elle au moins seulement un jour réussir à le faire avancer un peu, elle, Neolina Siankov ? C’était idiot de penser à ça, surtout maintenant, mais alors que sa main massait doucement ses cheveux, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir peur de ne pas suffire. Jamais.

Razvan l’arracha à ses étranges pensées avec cette façon bien à lui d’être si pragmatique. Oh, si, Anselmus squattait toujours mais ça n’était pas trop un problème. Elle pourrait garder le logement le temps qu’il trouve une solution pour se retourner. Peut-être même qu’il partirait un jour, comme ça, du jour au lendemain d’ailleurs. Elle lui en parlerait, voilà tout, car Anselmus n’avait jamais voulu être un fardeau pour elle, et ça n’était pas le cas d’ailleurs. « Oh tu sais, c’est temporaire. Et puis, le temps qu’on trouve… » Le temps, oui. C’était que l’immobilier à Londres n’était pas une mince affaire, malgré le peu d’exigence de Razvan, et celles de Neo d’ailleurs qui se moquait un peu de multiplier les critères, tant que l’endroit leur plaisait à tous les deux. Pourtant, si elle se laissait aller à rêver un peu… « On pourrait chercher un appartement au-dessus des toits alors. Près des nuages… » Loin des gens et la folie du monde, au sol. C’était un peu métaphorique, mais ça marchait avec cette histoire de lumière. « Ou alors… » Ca la trottait depuis cette histoire de Pays de Galles. Posant ses yeux sur lui, sur sa propre main qui caressait doucement ses cheveux, l’autre serrant la sienne doucement, elle lui offrit un sourire tendre qu’il ne pouvait pas voir. « Que dirais-tu qu’on s’éloigne un peu de Londres ? » Après tout, ici ou ailleurs, quelle importance ? Privilège des sorciers, le transplanage et autres méthodes de transport magiques faisaient que la ville était accessible en quelques minutes, alors… Si ça pouvait lui faire plaisir, elle était prête à quitter un peu de son agitation pour lui. Ou au moins faire un compromis en allant dans une petite ville de banlieue. « Avec un bout de jardin pour tu-sais-qui. » Parlait-elle de sa fille, de son croup, des deux ? Difficile à dire. Neo n’avait pas envie de ramener un sujet délicat sur la table à cet instant précis. « Je crois que mes genoux apprécieraient de ne plus avoir à monter d’escaliers. » C’était que le sien la lançait un peu, mais bon, quelle importance ? Elle vivrait où bon lui semblerait, même si elle savait bien qu’il la laisserait choisir, elle. Et ce serait donc à Neo de prendre en compte leurs considérations à tous les deux, sans lui dire, juste comme ça. Parce que c’était la chose la plus naturelle qui soit pour elle. Ils étaient un nous, après tout.
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Ven 7 Mai 2021 - 13:04

Neolina avait peut-être l'impression que Londres n'était que le problème. C'était à la fois beau de naïveté et terrible d'incompréhension. Razvan ne fustigeait pas que la capitale anglaise. Il fustigeait tout ce qui faisait l'Ouest, son capitalisme, ses mœurs débridées, ses langues aussi, tiens. Que dire du reste, sinon ? Sa culture, même sa nourriture non, Razvan faisait tâche dans cet environnement. Il faisait tâche et il faisait semblant la plupart du temps. S'intégrer dans sa propre culture avait toujours été délicat pour lui, s'intégrer ici de ce fait, avait été pire. Il pouvait encaisser la souffrance qu'il avait vécu en Roumanie, elle était de toute manière tellement inférieure à celle qu'il vivait dans ce pays. Car ce n'était pas en Europe de l'Est qu'il avait vu des gens se faire torturer et qu'il en avait tué. C'était en Angleterre, c'était à l'Ouest. Et les gens pouvaient bien les traiter de sauvages et autres quolibets qu'il avait déjà entendu, on ne chassait pas les moldus, chez lui. C'était même plutôt l'inverse désormais. Il admettait sans mal que Durmstrang avait des moeurs arriérées - pas d'enfants né-moldus à l'école, par exemple. Mais tout de même... Tout de même. Alors oui, Londres n'était pas le seul soucis, rester au Royaume-Uni en était cependant un gros. Mais il n'avait pas à cœur de parler de ça maintenant. Razvan allait suffisamment mal pour ne pas se lancer dans ce type de débats. De toute manière, avec Neolina, ils ne seraient jamais d'accord là-dessus, aussi compréhensifs fussent-ils l'un et l'autre. Car ils pouvaient bien concevoir de nombreuses choses dans leur couple, dans leur relation et chez l'autre. Mais il restait toujours certaines barrières qui s'expliquaient par le fait qu'ils étaient deux personnes radicalement différentes.

Pourtant, les voilà à évoquer leur emménagement ensemble. Quelques mois après qu'ils aient commencé à se fréquenter mais trente ans après qu'ils se soient rencontrés. Etait-ce illogique ? Le mouvement de sa main ne s'arrêtait pas, et il avait tant besoin de cette tendresse qu'il avait envie de se fondre dans ses bras. S'enivrer de sa présence avant qu'elle ne reparte encore, par obligation professionnelle ou sociale et amicale, même. Razvan n'avait jamais été possessif. Mais il ne pouvait empêcher le malheur de lui écraser les épaules quand elle n'était pas là pour tout effacer avec son doux sourire. Alors, le roumain se remettait certes peu à peu, il essayait certes d'outrepasser son tempérament mélancolique voire dépressif, il y avait des jours avec et des jours sans. Les jours avec, c'était pour Neolina. Les jours sans...

Le petit ton rêveur de sa roumaine contracta sa bouche dans un léger sourire. Près du ciel pour lui, dans les nuages pour elle. Pourquoi pas, après tout ? Ce serait mieux que ce qu'il avait là. Bien entendu, le médicomage n'avait pas des goûts de luxe. Il n'avait ni été élevé à en avoir, ni élevé à l'envier. Pour lui, c'était quelque chose que les autres avaient et qui ne l'intéressait pas plus que cela, pragmatique au possible, cherchant d'abord l'utilité d'un objet plutôt qu'autre chose. Son luxe à lui, c'était la lumière, la nature si possible. Et comme si elle avait lu dans ses pensées, Neo attira son attention davantage en parlant d'un jardin, d'un ailleurs qui ne serait pas Londres. Razvan avait toujours les yeux clos parce qu'il ne voulait pas qu'elle voit les images qui dansaient dans ses yeux. Mais la proposition était tentante, particulièrement tentante, même. « Ton croup apprécierait » répondit-il sans même penser à Mihaela, chose terrible au fond, « et moi aussi ». Le roumain amena la main de sa petite amie qu'il tenait à sa bouche pour l'embrasser chastement. Elle avait toujours ce don de l'apaiser même quand il n'y avait pas le droit. Comme si elle pourrait guérir même le pire des sévices, même le pire des aveux. Mais bon, pour ça, il ne fallait pas trop rêver quand même. Il y avait des choses qu'on effaçait pas et certainement pas ce qu'il faisait lui-même. Razvan savait que si elle proposait, c'était que ça ne la dérangeait pas de s'éloigner un peu de Londres. Aussi ne demanda-t-il pas si elle était sûre d'elle. Il ne lui dit pas qu'elle n'avait pas à faire de compromis pour lui. Il ajouta : « Du moment que tu es heureuse » avant de faire une pause et continuer : « Même si je serais toujours là pour soigner tes genoux si tu en as besoin. Ou tout autre bobo du à tes chutes ».


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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Sam 8 Mai 2021 - 12:57

Cela faisait bien longtemps maintenant que Neolina n’avait plus rêvé de fonder une famille. Etrangement pessimiste peut-être pour quelqu’un qui allait de l’avant, ou était plutôt prompte à croire aux secondes chances. Peut-être, oui, mais quand l’amour, la vie, le destin - appelez ça comme vous voulez - vous mettait une si grosse claque, il était bien difficile de s’en relever indemne. Neo donc s’était faite à l’idée qu’elle trouverait sans doute quelques compagnons sur sa route, mais n’avait jamais plus jamais eu depuis une image claire de son avenir. Et certainement pas celle d’une version plus vieille d’elle-même dans une chaise longue, avec quelqu’un pour partager les longues heures durant lesquelles il ne se passait plus rien à cet âge. Peut-être parce qu’à rêver ainsi, il semblait toujours lui manquer quelque chose, ou quelqu’un plutôt. Mais avec Razvan, les choses étaient différentes. Sans qu’elle fasse des plans sur la comète, Neo avait au moins la certitude que Razvan ferait toujours partie de sa vie. Et aujourd’hui plus que jamais.

Alors oui, Neo s’imaginait bien dans ce bout de jardin, à siroter une limonade pendant que Razvan lirait une de ses revues médicomagiques, Gabi reniflant au loin un gnome de jardin qui le rendrait fou. Et peut-être Mihaela courant derrière lui, peut-être oui. C’était là la plus grande des inconnues, qui ne s’éclaircirait pas aujourd’hui car Razvan semblait ne pas vouloir ajouter un autre trouble celui qu’il ressentait déjà. Son croup apprécierait, oui, mais elle savait surtout qu’un bout de verdure plairait à son roumain, qui n’était pas fait pour les espaces clos, pour les grandes villes et l’agitation autour. Un peu de calme, oui, dans lequel elle viendrait mettre un peu de chaos, c’était évident. « Je sais. » acquiesça-t-elle alors qu’il lui embrassait la main avec tendresse, comme si petit à petit il reprenait un peu pied au milieu du mal qui le rongeait. Sa main au chaud dans ses cheveux épais, ses gestes à elle se faisaient plus lents, plus intenses aussi alors qu’elle aurait aimé sceller le moment d’un baiser, mais la situation ne s’y prêtait pas tellement. Et Razvan lui réchauffa le coeur, comme souvent, en parlant de son bonheur à elle. Comment ne pourrait-elle pas être heureuse à ses côtés ? Même les jours les plus durs, même quand le monde perdait un peu de sa lumière, le retrouver était toujours un morceau de bonheur pur. Alors vivre avec lui ? Neo ne se souvenait pas depuis quand un projet l’avait autant enthousiasmée. Un an peut-être, quand elle avait décidé de venir à Londres ? Et ça avait été, finalement, la meilleure des idées qu’elle ait pu avoir. La preuve. « Toujours, avec toi. » Rien ne servait d’en dire plus. Rien, non.

Et lui aussi serait toujours là, pour des raisons autre que celles qu’il invoquait. D’ailleurs, à la simple évocation de ses genoux, la douleur dans le sien se réveilla curieusement. Ça, des bobos, c’était son lot quotidien. « Je m’en voudrais de te faire faire des heures supplémentaires. » dit-elle dans un rire avant de laisser courir ses doigts dans sa nuque étonnamment fraîche. « J’ai tout de même choisi le meilleur parti qui soit, non ? Au club des maladroits, tout le monde m’envie. » Choisi, oui, quel mot inapproprié. Leur amour s’était imposé comme une évidence après tout. Elle avait juste choisi d’avoir le courage de le vivre. « Tu me feras des bisous magique ? » plaisanta-t-elle en bougeant légèrement pour être un peu plus confortable et pouvoir glisser un peu sa main dans le col de sa chemise pour poursuivre ses douces caresses. Mais le mouvement accentua un peu sa douleur, lui arrachant une grimace et un petit sifflement de douleur, qu’elle contint entre ses dents tout de même. Si ça n’était pas une illustration parfaite de ce dont ils étaient en train de parler, franchement… Mais Neo essaya quand même de masquer sa douleur, histoire de ne pas accabler son pauvre amoureux avec un futile bleu alors qu’il revenait d’une garde pénible. Un jour, il lui avait demandé de ne pas la ménager, mais que voulez-vous... c’était plus fort qu’elle.
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Dim 9 Mai 2021 - 19:16

Quand Razvan s'était retrouvé veuf, il avait dans un premier temps cru qu'il allait simplement pouvoir vivre sa vie dans les confins de la Roumanie, sans personne pour juger sa peine. Il se pensait seul au monde, Neolina partie, une enfant si jeune. Des beaux-parents certes très gentils, qui le traitaient certes comme s'il était leur fils. Mais tout de même. Tout de même, ça ne changeait rien au fait qu'il était seul, avec pour seul but dans la vie celui de s'occuper de ses patients et d'élever sa fille. Razvan n'avait pas la prétention de croire que la vie irait en s'arrangeant. Son naturel pessimiste, au contraire, lui faisait surtout comprendre que rien n'irait jamais mieux. Son arrivée à Londres n'avait fait qu'encourager cette triste vision qu'il avait de sa vie. Que dire alors de ce qui avait suivi ? Le roumain avait tant contemplé le monticule qu'était devenu son existence, il avait tant souffert de constater ses propres échecs. Lui qui avait étudié si fort et si longtemps pour devenir médicomage, payait pourtant cette ambition de la pire des manière. La marque sur son bras était sans arrêt là pour lui rappeler que s'il avait simplement suivi un cursus en sortilèges, lui qui était si doué pour les contre-sorts, il n'en serait pas là. Car les mangemorts n'avaient pas besoin de briseurs de sorts ou autres sorciers simplement doués avec leur baguette magique. Ils auraient trouvé un autre médicomage à qui faire du chantage. Qui sait, peut-être n'était-il pas le premier à être passé par là et peut-être que les autres avaient eu le courage de partir ou avaient le malheur d'être morts. Il n'en savait rien, rien du tout. Aujourd'hui pourtant, il se trouvait à rêver d'avoir un endroit à partager avec Neo. Elle était presque comme chez elle déjà dans son appartement. Mais il était petit. Razvan n'avait jamais bougé depuis qu'il était arrivé sur Londres. C'était un endroit qui était accessible pour une petite bourse, celle qu'il avait à l'époque où la majorité de ses interventions se faisaient dans la gratuité la plus absolue. Il n'avait jamais été intéressé ni par l'argent, ni par le luxe. Mais il convenait sans mal que cet endroit était petit pour deux adultes et un croup. Encore plus petit si on y ajoutait un enfant...

Car Neolina avait beau être stérile - ce qui ne posait clairement pas de problème à Razvan - Mihaela était tout de même une inconnue dans cette équation et il ne savait toujours pas quoi faire d'elle. Peut-être que Neo aurait voulu en parler mais la dernière fois qu'ils avaient posé le sujet sur la table, ça s'était mal terminé, parce qu'il était con et maladroit, terrible cocktail s'il en est. Cela dit, le médicomage ne se projetait pas plus que cela, peut-être de peur de s'attirer le mauvais œil, ou simplement parce qu'il était dénué d'imagination quand même. Imaginer un futur à deux était déjà difficile, ajouter autour quatre murs et un toit relevait de l'impossible pour quelqu'un comme lui. Il se contentait donc de profiter de la douce caresse de Neolina dans ses cheveux, son attitude curatrice, si agréable, si délicate. A cet instant, il aurait voulu croire qu'elle serait toujours heureuse avec lui. S'il était simplement l'image qu'elle voyait, sans doute qu'elle aurait pu l'être. Mais le roumain était tellement plus que ça, tellement plus sombre et dangereux que c'en était intolérable qu'il la salisse comme il le faisait, qu'il bafoue sa confiance de la sorte. Il ne méritait rien de ce qu'elle lui disait, aucune tendresse ni aucune caresse. Accablé par ses propres pensées, il se rapprocha encore d'elle, son visage collé contre le creux de son ventre. Razvan sentit ses doigts glisser dans sa nuque et il ne sut empêcher un léger son de contentement de s'échapper de ses lèvres, en même temps qu'un léger soupir. Comme si, à chaque fois qu'elle le touchait, elle l'apaisait. Il ne savait pas si elle avait de la chance de l'aimer et qu'il l'aime mais il ne se sentait pas d'humeur à plomber l'ambiance avec une de ses phrases nostalgiques. « Je te ferai toujours tous les bisous que tu voudras » lui dit-il en liant le geste à la parole pour l'embrasser là où il avait son visage, « bisous magiques ou pas bisous magiques ». Il eut l'impression pourtant qu'elle venait de se tendre et comme un chien qui entendrait un jouet bruyant, le roumain ouvrit un œil, puis deux et releva le visage pour regarder le sien : « Quelque chose ne va pas ? ». Elle semblait être passée tellement vite de la sérénité à quelque chose d'autre que Razvan se releva en s'appuyant sur sa main pour la regarder : « Neo ? ».


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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Lun 10 Mai 2021 - 13:20

Était-ce l’effet de ses caresses qui détendait ainsi Razvan, ou leur douce conversation pleine de projets pour l’avenir ? A moins que ça ne soit sa simple présence. Difficile à dire, mais Neo sentait bien que la pression sur ses épaules semblait disparaître un peu. Un peu, car les miracles n’existaient pas vraiment dans ce monde où les souvenirs laissaient sur chacun une trace invisible et parfois indélébile. L’âme de Razvan, qui plus est, semblait se marquer plus encore que les autres, et Neo aurait aimé balayer tout ça d’un geste tendre ou d’un mot doux. Elle aurait aimé savoir comment faire pour soigner les maux qu’aucune potion, aucun sort ne pouvait combattre. Comme souvent, elle aurait aimé pouvoir faire plus, tout simplement. Ce sentiment terrible que tout ça n’était pas assez, alors que pourtant, leur amour était ce qu’elle avait connu de plus fort jusqu’à présent. Mara aurait-elle su, elle ? La pensée était étrange, malvenue peut-être, mais elle ne put s’en empêcher. Après tout, même si l’alliance à son doigt ne la dérangeait pas, Neo la sentait souvent contre sa peau, la faute à leurs mains si souvent entrelacées. Elle se moquait bien des regards des gens qui parfois semblaient se poser des questions. Qu’importait, car elle savait bien, elle. Pourtant parfois, le métal contre sa peau lui semblait de trop, et elle s’en voulait tant de ressentir ça. Car elle était l’avenir de Razvan, pas un choix par défaut. Mais peut-être Mara avait-elle trouvé le secret pour réussir là où elle se sentait parfois échouer…

Comme toujours, Neo ne montra rien de son trouble, essayant même de masquer sa douleur alors que Razvan la couvrait de tendresse, par ses mots et son geste qui ne la faisait que se sentir plus aimée. N’était-il pas l‘homme parfait ? Parfaitement attentif qui plus est, car avec son instinct aiguisé de médicomage, le roumain avait semblait-il compris que Neo lui cachait quelque chose. Ça n’était pourtant rien, mais la sollicitude et l’empathie de Razvan étaient si fortes qu’il sembla inquiet, réellement inquiet. Et mince, voilà ses belles tentatives de l’apaiser ruinées par sa maladresse, encore et toujours. Quelle godiche elle faisait ! « Ce n’est rien, je t’assure. » Sa voix était douce, ne laissant même pas poindre une once de la petite douleur qu’elle ressentait, lancinante. Mais Razvan ne se contenterait pas de ça, elle le savait bien. Aussi passa-t-elle sa main sur sa joue, comme pour effacer son inquiétude, avant de lui renvoyer un sourire tranquille et serein. « Mon genou a juste subi l’enthousiasme de mon croup cet après-midi. Mais c’est trois fois rien. Demain, ça sera passé. » En vérité, Neolina n’était pas médicomage, et ignorait donc que sa rotule était légèrement disloquée mais que voulez-vous… À force de se faire mal, la roumaine avait tendance à minimiser un peu ses bobos, comme il disait, et ne s’en inquiétait que quand la douleur persistait vraiment. « Je sais, je sais, les croup sont des dangers publics… » anticipa-t-elle en levant un peu les yeux au ciel alors que son sourire devenait un peu plus taquin. « Mais je t’interdis de t’inquiéter pour ça. Par contre… » Sa main vint se loger sous son menton qu’elle leva un peu plus vers elle. «… je veux bien un bisou. Magique ou pas. » Tous les baisers qu’elle voulait, lui avait-il dit, pas vrai ?
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Lun 10 Mai 2021 - 21:14

Razvan avait longtemps songé à ce qu'aurait été la vie à Londres si le projet que Mara avait fomenté avait vu le jour. En fait, si elle n'était pas morte. Depuis qu'il était avec Neolina, et même avant en fait, depuis l'été dernier, ce genre de questions ne s'infiltraient plus dans sa tête. Il avait de toute façon toute son idée de ce qui se serait passé. Face à une situation comme celle qu'il vivait, elle l'aurait quitté. A juste raison. Et serait partie avec Mihaela. A juste raison aussi. Mais à quoi bon penser à un scénario qui n'avait de toute manière jamais vu le jour ? Le roumain se trouvait présentement dans les bras de Neolina, à profiter de ses caresses et de ses tendresses. Toute la tension qu'il avait emmagasiné ce soir, par les hurlements et les soupirs de souffrance de la victime qu'il avait passé son temps à soigner pour qu'elle soit torturée davantage commençait à délier ses muscles. Mais le processus était lent, parce que si la conversation, promesse d'avenir, avec sa roumaine se poursuivait, son esprit cogitait toujours en parallèle. Lui rappelait qu'il était un monstre dans les bras d'une femme douce et gentille qui ne voyait de son profil que sa face lumineuse. Razvan avait constamment l'impression d'être faux. De lui montrer son meilleur côté et pas le côté sombre. Alors qu'au fond, il avait bon fond. C'était vrai, impossible de dire de lui qu'il était quelqu'un de sadique, ou de mauvais au contraire. Il avait bon fond, il était médicomage par vocation. Il ne désirait pas faire souffrir les autres et rêvait d'une vie sans histoire. Il ne supportait pas d'être une plaie pour les autres, et il ne supportait pas plus de les importuner. Pas bien difficile à vivre, comme homme. Oui, sauf quand il tuait des gens.

Heureusement ou malheureusement, l'attention du condamné à la culpabilité fut détournée par son sixième sens de médicomage. Et le petit air qu'avait Neo en lui disant qu'elle n'avait rien ne faisait que le conforter dans le fait qu'il y avait quelque chose. Elle passa sa main sur sa joue et ce doux contact lui fit comme perdre pied avec la réalité. Razvan ne se retrouvait pas propulsé dans les souvenirs de cette soirée terrible. Les battements de son coeur s'étaient d'ailleurs calmés. Non, il se retrouva dans ces souvenirs de tous ces moments où elle l'avait prise dans ses bras, quand ils étaient amis, amants, amours. Les gestes tendres de Neo avaient toujours eu le don de le faire sortir de son corps, c'était curieux comme phénomène. Vraiment curieux. Un super-pouvoir supplémentaire à ajouter à longue liste de celle qu'elle semblait avoir, donc. Le roumain rouvrit les yeux, cependant, face à son explication et releva un sourcil sans rien dire de désobligeant sur le croup de Neo - sale bête ! Et puis de toute façon, elle l'en empêcha par sa petite anticipation qui lui attira un sourire, un peu. La jeune femme réclama avec sa manière toujours aussi douce un bisou et forcément, comment lui dire non ? Le médicomage se releva en position assise pour se pencher vers elle et poser délicatement ses lèvres sur les siennes, baiser chaste, bien rare. Il se décolla avant de recommencer. Une, deux fois, alors qu'un sourire se posait tranquillement sur ses lèvres et finalement qu'il fasse durer un peu plus le plaisir en lui en offrant un vrai. Sa main, sans mauvaises intentions, se posa juste sur sa cuisse et finalement il se décolla d'elle. « Vous ne détournerez pas l'attention d'un médicomage aussi facilement, Mademoiselle Siankov » fit-il tendrement, avec cette fausse distance, avant de reprendre plus tranquillement, « tu me laisses voir quand même ? S'il-te-plaît ? ». Il ne savait pas quel genou c'était, alors il ne fit aucun geste pour poser une de ses jambes sur lui. Razvan se contenta de la regarder, de son air de médicomage patient. En fallait-il pour savoir gérer la maladresse maladive de Neolina.


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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 12 Mai 2021 - 8:29

Magiques ou non, les baisers de Razvan lui faisaient toujours un effet fou. Qu’ils soient empressés car leurs corps réclamaient autre chose, ou rapides pour se dire au revoir avant d’attaquer une nouvelle journée, ou simplement tendres sans autre raison que parce qu’ils s’aimaient… Les centaines de nuances de ces baisers là lui faisaient toujours du bien. Et même si cette fois elle l’avait un peu quémandé, Neolina ne pouvait qu’apprécier de sentir ses lèvres sur les siennes, ne serait-ce que parce qu’elle avait l’impression que c’était le signe qu’il sortait un peu de son marasme pour se reconnecter à elle. Un premier baiser, bref, qui claqua presque plus dans l’air que sur ses lèvres, puis un second  qui la fit sourire tout en même temps avant qu’il ne cède à l’envie de lui en délivrer un plus profond. Elle vint nicher sa main à la base de sa nuque, attrapant quelques mèches entre ses doigts comme pour l’empêcher de partir car ce baiser là soignait bien des maux, y compris la petite douleur de son genou. Elle sentit son contact sur sa cuisse, sa main à cheval sur sa jupe et le tissu plus fin de son collant, et comme toujours, ressentit une vague de bonheur dans son ventre. Pas forcément l’éveil de son désir, non, mais chaque fois qu’il la touchait quand elle ne s’y attendait pas forcément, Neo se sentait comme une adolescente ou presque, soumise à des sensations quelque peu enivrantes. Le temps effacerait peut-être ça, mais elle n’était pas pressée, oh ça non.

Mais ç’aurait été bien mal connaître Razvan que de croire qu’il oublierait si facilement la petite douleur qu’elle lui avait avouée. Aussi le laissa-t-elle s’éloigner un peu d’elle, suivant tout de même le mouvement quand il se détacha d’elle, comme pour réclamer la suite, mais il fallait bien savoir s’arrêter un peu. Un petit sourire attendri sur les lèvres, Neo leva les yeux au ciel comme on le ferait face à une demande déraisonnable. C’était qu’il la vouvoyait en plus, le fourbe, comme si elle pouvait résister à cet élan de politesse inutile qui s’invitait parfois dans leurs moments qui pourtant ne pouvaient se dérouler qu’entre deux personnes qui se connaissaient bien - très bien, même. « Mince, moi qui pensais avoir trouvé une faille. » se moqua-t-elle avant de lui claquer une bise furtive sur la joue, l’air un peu mutin. « Mais bon, puisque c’est si gentiment demandé… » Se tournant un peu vers lui, elle leva son genou douloureux - ce qui lui valut une petite grimace - qu’elle vint poser sur les jambes de Razvan. D’un geste lent qui ne se voulait pas forcément lascif, mais qui l’était un peu quand même, elle fit glisser son bas jusque sous son genou, dévoilant doucement sa peau pâle qui contrasterait bientôt très bien sous la main experte - en médicomagie, bien sûr - de son homme. Son genou avait pris une teinte violacée qui n’était pas tout à fait celle qu’il avait la dernière fois qu’elle avait vérifié. Hum, c’était peut-être plus grave que ce qu’elle pensait, mais bon, rien que Razvan ne saurait soigner après tout. La position était désagréable, et elle réalisa alors qu’elle ne pouvait pas vraiment tendre sa jambe, qu’elle appuya un peu sur lui pour plier l’articulation jusqu’à ne pas avoir trop mal. « Et dire que pour une fois, ça n’est même pas ma faute. » plaisanta-t-elle en contemplant un peu les dégâts qui étaient plus impressionnants qu’autre chose, en fait. « Je crois que je pourrais faire un nuancier inspiré sur mes hématomes ! » Oh oui ça, elle en avait vu de toutes les couleurs. « On ne peindra notre chambre ni en bleue, ni en violet, si tu veux bien. » Elle eut un sourire amusé, car il était évident que Razvan n’était pas fait pour vivre dans un monde coloré. Blanc, gris, noir, voilà le filtre à travers lequel il voyait la vie. Oui mais voilà, Neolina allait forcément mettre de la couleur dans la sienne. D’ailleurs, n’avait-elle pas déjà commencé ?
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MessageSujet: Re: Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA Le spectre de mes yeux | CLOS | NEOLINA 129196351Mer 12 Mai 2021 - 18:50

Il y avaient des gens qui ne trouvaient jamais leur vocation.

Razvan avait toujours su quelle serait la sienne. Comme l'évidence que l'on ne s'explique pas vraiment. Il avait toujours su qu'il voulait aider les autres sans forcément que sa vieille tante ne l'ai influencé là-dedans. Pour elle, les choses de la vie étaient manichéennes et simples, et Razvan s'inscrivait dans son quotidien comme un entre-deux qu'elle ne s'expliquait pas. Pourquoi vouloir être médecin alors qu'il pouvait faire comme tout le monde, travailler au champ, ou dans n'importe quel autre métier manuel ? Elle avait été circonspecte quand il avait commencé ses études. Moldue au milieu de sorciers de toute manière, elle n'avait jamais réellement compris les tenants et les aboutissants de la société qui l'avait adoptée. Quoiqu'il en soit, et malgré les réticences de la seule figure d'autorité de sa vie, Razvan avait insisté et il était devenu médicomage, comme sa femme. Ils avaient fait leurs études ensemble, tranquillement, simplement, naturellement. Alors si Neolina pensait détourner son attention si facilement...

Elle se mettait la baguette dans l'oeil. Mais le roumain était un homme patient et tendre et il voulait bien admettre qu'il aurait aimé se perdre davantage dans ce baiser qu'il lui offrait s'il n'avait pas en toile de fond certaines images de sa soirée qui revenaient comme une litanie mortifère. Il la laissa mettre son genou sur lui et baisser son collant pour voir, disons-le, une articulation qui avait pris cher, pour parler en termes grossiers. Néanmoins il ne fit aucune grimace en l'inspectant silencieusement et délicatement, pour ne pas lui faire mal. La petite phrase de Neo pour détendre l'atmosphère lui fit relever la tête alors qu'il affichait un sourire quand même. Elle avait toujours le don de se mettre dans des situations pas possibles sans qu'il ne s'explique comment elle réussissait cela. « Je valide » plaisanta-t-il en retour sur la question de la couleur de leur chambre. C'est qu'ils en étaient à avoir pour projet de vivre ensemble, rendez-vous compte. Il ne s'était jamais figuré de pouvoir refaire sa vie. Mais comme quoi, cette dernière s'amusait à le mettre face à des situations pas croyables. « Tu t'es disloquée le genou, félicitations ! » fit-il sans se départir de son air plus amusé qu'autre chose, « et tu as de la chance d'être une sorcière. Pour les moldus, c'est une convalescence de cinq à six semaines. Pour toi, ce sera la soirée ». Razvan se pencha sur son genou pour lui faire un bisou - magique - dessus avant de soulever délicatement sa jambe pour la reposer sur le canapé.
Il sortit du salon pour récupérer sa mallette médicale et revenir au séjour. Tout du long et alors qu'il manipulait plantes et potions, Razvan se faisait la réflexion qu'il aurait au moins fait quelque chose de bien ce soir. Apaiser les maux de son amour pour lui permettre une nuit de sommeil tranquille, et une douleur disparue le lendemain, avait un attrait plus apaisant que de soigner quelqu'un pour qu'il soit en état d'être torturé encore. Et le roumain ne pouvait s'empêcher de repenser à ces moments où on l'avait supplié et où il n'avait rien fait, voix parcourue de trémolos intolérables à laquelle il n'avait pas répondu. Se détournant de son travail, il tendit à Neolina un fond de verre d'une potion à la couleur bleue : « Pour la douleur. Et ça a un goût de menthe donc tu peux y aller », avant de s'asseoir à côté d'elle pour lui enrouler le genou délicatement dans un tissu imbibé de potions et herbes réparatrices miracles, merci les sorciers. « Demain matin, tu seras comme neuve » lui dit-il en finissant son œuvre. Il releva la tête pour la regarder et lui sourire avant de se pencher de nouveau pour l'embrasser.


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