La liste des mésaventures - qui rimaient souvent avec blessures - de Neolina était si longue qu’elle avait arrêté et de les compter, et d’essayer à tout prix de s’en souvenir. Le sujet était à force devenu une plaisanterie, car mieux valait rire de ce qui parfois la faisait pleurer de douleur sur le moment, même si Neo à force n’était plus vraiment douillette. La preuve, elle avait tout de même pris pour un simple bleu ce que Razvan diagnostiqua en quelques secondes comme quelque chose de tout de même un peu plus grave. « Oh ! » s’exclama-t-elle, elle-même surprise par cette révélation sans vraiment être choquée car c’était comme tout : on s’y habituait. Qu’est-ce que c’était qu’un genou disloqué quand on s’était cassé presque tous les os du corps, enfin pas en même temps bien sûr, mais vous voyez l’idée… Razvan avait d'ailleurs raison sur un point : Neolina avait beaucoup de chance d’être une sorcière. En réalité, si elle avait été moldue, sans doute aurait-elle passé le plus clair de son temps dans son lit - et pas pour les raisons qu’elle aimait. Si elle avait été moldue, Neo aurait plus survécu que vécu, c’était un fait. « J‘ai surtout la chance de t’avoir, toi. » répondit-elle dans un sourire alors qu’il déposait un tendre baiser, quoiqu’un peu douloureux, sur son articulation déboitée. C’était souvent comme ça, une fois le diagnostic posé, la révélation de son réel état augmentait la souffrance jusqu’à un niveau normal, comme si sa propre ignorance anesthésiait un peu la douleur. Le pouvoir du mental, peut-être.
Alors que Razvan la quittait un court instant pour aller chercher son attirail de grand guérisseur, Neo aurait aimé qu’il lui raconte quelque chose, n’importe quoi, pour la détourner un peu de la vague de douleur qui commençait à envahir sa jambe. Mais elle ne voulait pas non plus le déconcentrer, ou l‘inquiéter inutilement, alors la roumaine serra les dents en silence et finalement, trouva la distraction qu’elle cherchait en l’observant exercer son art. À moitié allongée, Neo pencha un peu la tête, comme pensive, alors qu’elle l’admirait s’affairer à ses mélanges, tandis que ses petites rides entre ses sourcils montraient combien il était concentré sur sa tâche. Elle aimait le voir faire ce qu’il aimait, empreint d’une rassurante assurance, ses doigts agiles manipulant les produits avec une certaine dextérité. Elle fut finalement tirée de sa contemplation par la voix chaude de Razvan, qui lui offrait un remède contre la douleur qui venait tout à coup de ressurgir. « Santé ! » plaisanta-t-elle en faisant mine de trinquer avant de boire cul sec la potion qui effectivement était agréablement mentholée. Voilà qui changeait de bien des mixtures infâmes qu’elle avait du ingurgiter pour réparer d’autres dégâts plus graves. Mais rien n’était finalement bien grave quand il était là, près d’elle. Aucune douleur n’était insoutenable quand il prenait soin d’elle comme ça, avec une attention toute particulière, presque plus qu’avec ses autres patients - du moins en avait-elle l’impression. La sensation du bandage sur son genou blessé lui fit du bien, comme une vague de fraîcheur qui la fit légèrement frissonner. « Eh bien, trop sérieux pour un Episkey, j’ai encore fait fort… » commenta-t-elle, experte qu’elle était désormais en soins magiques. Il était d’ailleurs assez étonnant qu’elle ne soit pas plus douée que ça pour se réparer elle-même mais bizarrement, cette forme de magie là lui était bien plus difficile que les sortilèges, et elle n’avait jamais compris pourquoi. Peut-être parce que sa maladresse avait une raison d’être, et que se soigner toute seule en annulerait les effets ?
Razvan acheva ses soins par un baiser qui effaça tout le reste, et Neo y plongea toute entière, l’attirant un peu à elle en tirant sur sa chemise, comme si elle avait peur qu’il la laisse alors qu’elle savait bien qu’il n’en ferait rien. Mais parfois, c’était plus fort qu’elle, ce besoin de le sentir près d’elle. Mais ce maudit canapé et sa jambe à moitié tendue rendaient les choses plus compliquées qu’elle n’aurait voulu. Elle voulait une étreinte, une vraie, pour sentir sa présence rassurante tout contre elle alors qu’elle pourrait tranquillement, en silence sûrement, continuer ses douces caresses sur sa peau pour chasser un peu son malheur jusqu’à ce que son beau médicomage cède enfin à l’appel du repos bien mérité. Pas de folies pour Neo et Razvan ce soir, mais il n’en avait sans doute pas le coeur, et elle pas le corps. « J’espère que je suis la seule patiente à qui tu administres ce remède. » souffla-t-elle dans un sourire, ses lèvres encore toutes proches des siennes alors que ses doigts froissaient encore sa chemise. Après lui avoir volé un baiser, elle noua finalement ses mains dans sa nuque, son front collé contre le sien. « Je crois que ça outrepasse un peu les fonctions d’un médicomage, mais il va falloir me porter jusqu’au lit, Monsieur Vacaresco. » Oh mais quel dommage, vraiment…