Par chance, Minerva ne releva pas mon hésitation, ni même mon mensonge, et se contenta d’acquiescer, avant de se mettre à parler. A mon grand soulagement d'ailleurs, parce que je ne me sentais pas apte à entamer une conversation de mon plein gré, et surtout aussi spontanément. Mais heureusement, elle rebondit sur un parfait sujet de conversation, qui me convenait parfaitement. Après tout, j'avais des choses à dire sur les pubs anglais... Non ?

- Je suis du même avis. Il faudrait plus d'une soirée pour tout gouter, et je ne voudrais même pas voir l'état du fou qui essayerais de relever le pari... Je me souviens d'une soirée, où les clients du pub étaient tellement ivres qu'une bagarre a éclaté... Pour une histoire de jeu de balle. Si j'ai bien tout compris, c'est un peu comme notre Quidditch, mais sans les balais et il n'y a qu'une balle inanimée... Bref, le type s'est fait secouer comme un saule cogneur et le gérant les a tous mis dehors pour éviter trop de casse.

Ce fut ma dernière sortie dans le Londres moldu d'ailleurs. Ca ne m'avait pas spécialement manqué, mais c'était vrai que sortir de temps à autre passait le temps, et permettait de voir d'autres choses... Bon, ça n'était pas vraiment mon passe-temps favori, mais je n'étais pas totalement contre non plus. La preuve, j'étais assis dans un restaurant avec une jeune femme, prêt à passer un diner entier avec celle-ci. Je n'étais pas associable... J'étais totalement fou en fait.

Je tiquai légèrement à son amorce de réponse. Son palais des souvenirs ? Je n'étais pas un expert en la matière, mais je savais quand même à quoi se rattachait un palais des souvenirs... Et puis, son changement total de réponse ne me dupa pas. Il ne fallait quand même pas me prendre pour un boursouf non plus. Cependant, je ne relevais pas mais préférais me méfier. Je n'avais aucune notion de légimancie ou d'occlumencie, donc je ne saurais pas me défendre, mais on ne sait jamais, je pourrais peut-être la repérer et lui sommer d'arrêter tout de suite...

- Je suis soulagé de ne pas vous avoir attirer d'ennuis dans ce cas. Expliquer ce genre de situation n'est jamais aisé de tout manière.

Je jetai un dernier coup d'oeil à la carte pour être sûr de mon choix, avant d'entendre Minerva reprendre. Je haussai un sourcil lorsqu'elle hésita, avant de me crisper à sa question.

- Ca ne vous...

La serveuse arriva et coupa court à ma réponse qui avait fusé comme un réflexe. En effet, ça ne la regardait pas, que mes parents m'ait stupidement rejeté pour une simple histoire de maison. Mais j'ai toujours été persuadé, et je le suis encore, qu'il n'était pas question que de ça. Ils ont très vite remarqué que je n'avais pas cette verve et cet orgueil propre aux sang purs. Placide, passif, j'avais été durant mon enfance un petit garçon docile et silencieux. Cela n'avait pas du m'aider.

- Un involtini et un verre de Barolo s'il vous plait, répondis-je d'une voix blanche en fixant Minerva

La serveuse prit notre commande et partit, nous laissant à notre tête à tête. Je ne savais toujours pas quoi faire. Lui répondre sincèrement, ou lui dire que ça ne la regardait pas ?... Je réfléchis quelques instants, avant de soupirer légèrement. Je pris ma serviette et la dépliai sur mes genoux pour gagner du temps, avant de poser mes coudes sur la table, croisant mes mains à hauteur de mon visage.

- Selon mes parents, oui, je suis traitre à mon sang, depuis mes onze ans si je me rappelle bien. Je n'ai jamais rien demandé à personne, mais ça n'était apparemment pas suffisant.

Je ne lâchai pas Minerva du regard et me reculai de la table pour m'adosser à ma chaise. Je lui avais répondu, certes, mais à contrecœur, ce qui ne m'aidait pas à me mettre de bonne humeur.

- Dois-je vous laisser infiltrer mon esprit pour que vous puissiez vérifier si je dis vrai, ou ça suffira ?...

Je n'allais pas la laisser s'en tirer aussi facilement, sa curiosité n'allait pas être récompensée gratuitement de la sorte.

Spoiler:

Un froid polaire s'installa entre nous deux. Maintenant que j'avais cédé à cette curiosité mal placée, et fait chuter la température en dessous de zéro, il ne me restait plus qu'à contempler les dégâts. Sa réaction fut immédiate, instinctive, et me fit l'effet d'un stupefix. Il demeura calme, posé, et si je n'étais pas bien placée pour sentir la tension épaissir l'atmosphère, j'aurai juré que nous n'étions qu'un couple parmi tant d'autres hésitant entre les multiples délices proposés par la maison. Son regard furieux braqué sur moi, comme pour me défier de bouger d'un millimètre, me tétanisait, littéralement. On ne m'avait jamais fixé avec une telle intensité, et cette sensation inédite me fit trembler comme lorsque j'étais enfant et que les adultes se transformaient soudain en immenses trolls écumants de rage. Je crois bien que j'aurai préféré qu'il se lève de table et me hurle dessus, quitte à me secouer comme un prunier, ça l'aurait rendu moins impressionnant. Cette réserve, même après avoir sauté à pieds joints sur la ligne à ne pas franchir, me glaçait, et me paraissait plus terrible encore que les cris. Pas même grand-mère Vesta, pourtant sévère, n'avait posé ses yeux si clairs sur moi de la sorte, et cette réflexion me fit soudain prendre conscience que je n'avais pas la moindre idée de son âge. Quoiqu'en cet instant c'était le cadet de mes soucis...

La serveuse prit sa commande qu'il passa d'une voix blanche, contrarié. Je crois bien que je ne m'étais jamais sentie aussi gênée. Même la serveuse me lança un regard appuyé et je sentis sa compassion glisser sur Orpheus, visiblement insensible à notre environnement. Il ne me lâchait pas du regard, ce qui me mettait chaque seconde un peu plus mal à l'aise. S'il était legilimens, ce dont je doutais, nul doute qu'il aurait déjà pillé mon esprit sans effort. Lorsqu'il soupira je me sentis plus légère, comme s'il me donnait implicitement la permission de respirer à nouveau. Ce que je fis, car inconsciemment j'avais bloqué ma respiration, un souffle retenu quelque part au fond de ma poitrine glacée. Mes épaules se relâchèrent, mes muscles se détendirent, à nouveau correctement oxygénés, et j'osai même remuer mes orteils sous le cuir de mes chaussures, mais mes yeux clairs, ombragés par l'attente, demeurèrent prisonniers des siens. Oh merlin, je me sentais comme une enfant qui allait prendre la raclée de sa courte vie !

Lorsqu'il déplia avec une lenteur cruelle sa serviette, et croisa ses mains, coudes sur la table, je déglutis, à nouveau crispée. Par réflexe je me tassai un peu plus, dans l'espoir ridicule de disparaître. Je crois bien que s'il s'était approché j'aurai instinctivement levé les mains pour me protéger. Ou dégainé ma baguette... Comme une sorcière majeure et vaccinée. Mais là, tout de suite, je ne me sentais vraiment pas comme une sorcière adulte et legilimens de surcroît ! Orpheus rompit le silence sibérien qui s'était installé après le départ de la serveuse, et je l'écoutai, de plus en plus choquée alors qu'il me dévoilait une partie de son existence. Mes yeux s'agrandirent, s'embuèrent un peu, et ma bouche s’entrouvrit pour se refermer aussitôt. Quoi dire ? J'étais estomaquée, complètement sidérée par cette révélation. Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi radical et inhumain, et si jeune...

Moi même j'avais eu onze ans, et ce n'était pas si loin que ça. Je me souvenais encore de mon entrée à Poudlard, de cette peur profonde que j'avais eu d'aller ailleurs qu'à Serpentard et de décevoir ma famille. La séparation avec ma cousine Marlene, Gryffondor, et Dorcas ma meilleure amie répartie à Poufsouffle.

- Oh...

Je ne trouvai rien de mieux à répliquer, désormais honteuse de lui tirer les vers du nez de la sorte et m'empourprai furieusement. Par réflexe sans doute je tendis la main, mais me ravisai et dépliai ma serviette sur mes genoux pour me donner une contenance.

Alors qu'il s'adossait à sa chaise, mettant un peu plus de distance entre nous, et conférant ainsi plus de profondeur à son regard qui me fixait, sa réflexion me fit passer d'un rose pivoine disgracieux à une pâleur traîtresse. Ce fût la douche froide qui me tira de cette torpeur coupable dans laquelle il m'avait plongé, m'enferrant sans difficulté avec ses yeux furieux. Je déglutis, écarquillai mes yeux clairs, à nouveau vifs et brillants, avant de les plisser légèrement et de retrouver un teint à peu près correct. Je me redressai après m'être voûtée, et lui lançai un long regard pénétrant, qui avait le don de brouiller les pronostics quant à mon âge supposé.

- Je n'ai jamais utilisé la légilimencie sur vous, dis-je d'une voix blanche, tremblante en détachant chaque mot. Était-ce de la rage ? De la peur ? De l'embarras ? Je l'ignorai, mais je me sentais désormais privée de ma potion secrète, mise à nu, et je détestai cela.

- Et je n'ai pas eu à le faire pour avoir des doutes. De toute façon vous êtes tellement renfermé que j'aurai du mal à obtenir quoique ce soit d'exploitable.

Aussitôt dit, aussitôt regretté. Glacée par ma propre méchanceté, je me sentis aussitôt mal d'avoir été si loin. Ce n'était pas moi toute cette méchanceté gratuite, mais me sentir dépossédée du secret de ce qui me rendait si fière me mortifiait. Et sa réaction m'avait aussi refroidie, je n'avais pas l'habitude qu'on me traite aussi durement.

- Le ministère n'est pas au courant, les Moon encore moins, dis-je après un silence qui me sembla interminable en triturant nerveusement ma serviette. Après avoir fixé mon assiette, j'osai enfin relever mes yeux clairs et affronter ce regard qui m'avait tétanisé.

- Après vous avoir laissé à Sainte-Mangouste j'ai vraiment voulu vous écrire, mais j'avais du mal à faire le vide dans mon esprit, et être legilimens ne sert à rien si je suis incapable de me protéger. Je n'ai pas envie d'être épinglée comme traître à mon sang, et je ne veux pas non plus renoncer à autre chose. Si le ministère le sait, les Moon alors aussi seront au courant, et ils se mettront à douter de ma loyauté. Et croyez-moi, ma famille a la baguette longue. Vous ne direz rien, promis ?

Spoiler:

Sitôt ma réponse lancée, je vis Minerva se ratatiner sur sa chaise. Mon regard, dur et froid, ne quittait pas le sien, et même si je me sentais un peu coupable de lui inspirer ce genre de sentiment, je ne lâchai pas mon air contrarié. Je n'aimais pas être percé à jour de la sorte, encore moins par une jeune femme. Parce que je ne savais rien de son âge, mais il était clair qu'elle était plus jeune que moi. Elle manquait d'assurance, était hésitante et encore trop innocente. C'était attendrissant en un sens, mais cela me montrait bien qu'elle était adulte depuis peu de temps. Deux ans, trois ans maximum... Et elle était déjà legilimens. Ce constat m'impressionnait et m'agaça en même temps. Mais je préférais ne pas m'étendre sur le sujet, restant sur notre premier problème : La réponse à sa question.

Quand j’énonçai d'une voix neutre, blanche, ce que mes parents avaient décidé pour moi il y a presque vingt ans, je vis ses yeux s'embuer. Je me retins de hausser un sourcil surpris. Pourquoi se mettait-elle dans cet état ? Heureusement que je ne lui avait pas parlé de la suite, de mon tuteur complètement dégénéré et de mes vacances d'été à me faire houspiller comme un elfe de maison... Avec le temps, j'avais trouvé la réaction de mes parents complètement stupide et puérile, chose que m'avait confirmé Sylvia quand je lui avait fait part de mon passé. Mais de là à trouver cela triste... Quand je voyais Minerva réagir de la sorte, je me posai quelques questions. Tout ce temps j'avais été en colère contre ma famille, aurais-je du me sentir triste, d'avoir été ainsi rejeté ?... Je trouvais la situation injuste, elle avait le don de m'énerver, mais pas de m'attrister...

- C'est du passé, et j'ai appris à vivre avec. Même si tout le monde me considère comme tel, je ne me définis pas comme traitre à mon sang. Je n'ai jamais trahi ma famille, ni fait quoi que ce soit pour confirmer ce genre de propos. Pour tout vous dire, les Moldus m'importent autant que ma première métamorphose.

C'était vrai, et même si j'étais surement épinglé à vie dans cette catégorie, tant qu'on me laissait vivre ma vie tranquille, je m'en fichais. Mais, pour lui passer l'envie de me reposer ce genre de question, j'assenai à Minerva une petite pique qui ne lui plut pas. C'était compréhensible en même temps, en soulevant le fait que j'avais compris qu'elle maitrisait la légimencie, je la tenais par le bout de la baguette. Et durant des temps aussi tendus, ça n'était pas de bon augure de garder un tel secret... Sa réplique froide et vexée, voire même carrément méchante, me fis hausser un sourcil... Avant de me faire rire sous cape. Elle allait penser que je me moque, mais il n'en était rien. Le simple fait de savoir que je semblais trop fermé même pour un légilimens me faisait rire et me blasait. J'étais vraiment à refaire...

- Je n'ai aucun intérêt à divulguer ce genre de secret, vous pouvez me faire confiance. Mais vous savez, on peut très bien vivre en étant traitre à son sang... Après, je dis ça...

Je la regardai du coin de l'oeil, à moitié amusé. Je ne cherchai rien de spécial, seulement détendre l'atmosphère. Mais je me doutais bien que mon brusque changement d'humeur allait la faire tiquer, ou la rendre sceptique. Et bien tant pis, cela m'amusait trop pour que je ne tente pas le coup... Nos plats arrivèrent après quelques minutes d'attente, et je goutais mon vin avant de regarder de nouveau la jeune sorcière.

- Je ne vous en veux pas de ne pas m'avoir répondu, après tout j'aurais pu vous attirer de gros ennuis... Je ne cherchai qu'à me dédommager de m'avoir aider.

Même si j'avais toujours une dette envers elle... J'avais horreur de ça, mais force était de constater que je ne pouvais pas me racheter aussi facilement.

Spoiler:

Elle semblait attendre quelque chose. Elle me fixait, cherchant quelque chose au fin fond de mes yeux, je ne savais quoi, mais apparemment il lui manquait quelque chose. Une expression, une remarque peut-être... Mais je ne voyais pas ce que je pouvais dire de plus. En effet, être legilimens n'était pas mornille courante, la magie noire était plutôt mal vue, mais après tout, avec tout ce qui se passait en ce moment, tout était bon pour se défendre... Tant que les sortilèges impardonnables ne faisait pas partie du registre de sa baguette, ça m'allait parfaitement. Un Doloris mal envoyé faisait déjà suffisamment mal...

- Non, pas plus que ça. Au contraire... je me penchai un peu au dessus de la table pour continuer un ton plus bas, je trouve cela assez admirable de se lancer dans ce genre de pratique.

Je mangeais un peu de mon plat pour gouter, écoutant les remarques de Minerva sur les traitres à leur sang. Malheureusement, elle avait raison, nous n'étions les bienvenus nulle part, et malgré mon trait d'humour, j'étais plus que conscient que notre statut n'était vraiment pas désirable...

- Croyez-moi, je croise ce genre de situation presque tous les jours au Ministère... J'ai dit ce genre de chose sur le ton de l'humour, mais je préfèrerais parfois qu'on m'oublie...

Je l'observai fixement alors qu'elle m'expliquait ce que ses camarades avaient pensé d'elle, me demandant ce que j'aurais pu penser moi aussi. Surement pas grand chose. Durant mes études à Poudlard j'avais été tellement renfermé sur moi-même et méfiant, j'aurais surement pu passer à côté d'elle sans la voir... Mais en la remarquant, j'aurais surement pensé qu'elle cachait son jeu. Ce qui est apparemment le cas. Je souris en coin quand elle évoqua les différentes maisons, avant d'entamer mon assiette. Je relevai la tête à sa question et reposai ma fourchette.

- J'étais à Poufsouffle, au grand dam de mes parents, mais je ne me suis jamais senti aussi à ma place que dans cette maison.

Je souris, nostalgique de cette époque où j'avais un semblant de famille, un semblant de maison. Mais à présent, j'étais dans un appartement, seul avec mes bouquins, loin de l'effervescence de l'Ecole et de l'esprit de camaraderie.

- Ca a été aussi le cas pour vous ?

Spoiler:

Je haussai un sourcil, sans chercher à répondre à son sourire cynique. Elle avait le don d'osciller entre compassion et plaisir sadique... C'était à la fois étrange et dérangeant. Mais en même temps, j'étais aussi doué pour changer d'expression en quelques secondes. Je me concentrai sur mon verre de vin, suivant du regard le doigt de Minerva qui faisait inlassablement le tour de son verre. Elle semblait presque ennuyée par ce que j'avais pu raconter, mais en même temps, je voyais dans son regard qu'elle n'en avait pas perdu une miette.

Bien au contraire. Je soupirai, désabusé après la surprise dont elle avait fait preuve à l'annonce de mon ancienne maison. Tout le monde réagissait plus ou moins de la sorte, Poufsouffle avait une mauvaise réputation... Pas comme celle de Serpentard, où les élèves étaient réputés frustres, indignes de confiance, non, c'était une toute autre renommée : celle des faibles, des dociles, des derniers. C'était rageant, parce qu'au final, en observant un peu les autres Maisons, j'avais réussi à déduire que c'était la Maison la plus tolérante et la plus solidaire d'entre les quatre. Bien sûr, les autres maisons l'étaient aussi, mais dans le Cas de Gryffondor par exemple, ils semblaient n'être solidaires que dans la victoire. Quant à Serdaigle, la compétition reprenait souvent le dessus. Et Serpentard, pour finir... Minerva l'avait dit elle-même, les élèves pouvaient faire un peu tout ce qu'ils voulaient. Cette forme de liberté n'était pas sans revers...

- Oui, Poufsouffle, repris-je avait un air calme et serein. La maison où la compétition et le mérite n'existe pas, et où un élève n'a pas besoin de briller pour être populaire. Je me doute bien que vous devez avoir une toute autre vision de notre maison... Mais c'est parce que nous sommes plus discrets que les autres maisons.

Je bus une autre gorgée de vin en regardant Minerva, un petit sourire aux lèvres. C'était pour ce genre de réflexion que j'avais été viré de chez moi, mais à présent je ne faisais plus à ce genre de pensées. Au contraire, j'étais fier d'avoir été accepté dans cette maison qui n'avait aucun préjugé, aucun a priori sur les gens ni sur leur avenir. Je secouai négativement la tête quand elle avança que je n'avais pas une bonne opinion de son ancienne maison. Je rejoignais son avis sur sa maison, en effet, ils avaient le choix, la liberté et les moyens d'avancée, sans avoir à se justifier. Bien sûr, c'étaient pour des intentions peu louables, mais c'était un avantage indéniable...

- Faire partie de Serpentard, ou d'une autre maison, ne définit pas ce que l'on est ni ce que l'on va être. Je n'ai aucune mauvaise opinion des maisons, elles ont chacune leurs qualités et leurs défauts. Sauf la mienne. Elle n'a que des qualités.

Je souris pour lui montrer que je plaisantais. Bien sûr que Poufsouffle avait ses défauts, comme toutes les autres... Je baissais les yeux, m'échappant de mes pensées, quand elle me demanda ce que je mangeais. Je coupais un morceau d'involtini avant de relever les yeux vers Minerva.

- Ce sont des involtinis, du haché de boeuf enroulé dans du jambon de campagne. C'est assez simple, mais très bon. Vous voulez goûter ?

Je relevai ma fourchette, prêt à lui tendre si elle acceptait... Sans me dire le moins du monde que ce genre de comportement pouvait vraiment nous faire passer pour un couple.

Spoiler:

Les Poufsouffle passaient soit inaperçus, soit pour des idiots et des faibles, cibles de quolibets et de blagues en tout genre. A première vue, nous étions les vilains petits canards de Poudlard, mais au fond, ce mépris et ces moqueries ne faisaient que nous rapprocher et nous lier un peu plus. Nous étions une maison soudée et solidaire. Ce que les autres élèves, en particulier les Serpentards, ne voyaient pas. Au contraire, ils nous dénigraient sans voir que ce genre de choses nous rendaient plus fort.

Je souris donc légèrement quand Minerva m'avoua ne pas s'être intéressé à ce que pouvait réserver Poufsouffle. Il n'y avait rien d'étonnant à cela, et je ne lui en tenais pas rigueur. Pourquoi le ferais-je ? Elle ne m'avait jamais causé de tord, et de ce que je commençais à voir d'elle, elle ne semblait pas être du genre à se moquer ou à martyriser les autres...

- Peu de gens ont un avis sur cette maison, et rares sont ceux qui voient plus loin que notre prétendue couardise, finis-je, comme pour lui assurer que ça ne valait pas la peine d'être gênée.

Elle semblait dans ses pensées, comme perdue dans ses souvenirs. Etait-elle en train de se demander ce qu'elle avait fait durant ses années à Poudlard ? Ou peut-être était-elle en train de faire la correspondance avec mon exil et mon entrée dans l'Ecole... Je chassai cette pensée de mon esprit. Ca m'étonnerait fortement, la réaction de mes parents était tellement stupide, tellement puéril, que ça ne viendra à l'esprit d'aucune personne douée de bon sens. Quoi que... C'était sans aucun doute ma tolérance qui parlait, et non mon amour pour les sang-purs et "l'illustre" maison Serpentard...

Mais, alors que je me perdais à mon tour dans les méandres de mes réflexions, Minerva observait avec un air dubitatif ma fourchette, avant de s'en emparer et de goûter mon morceau d'involtini. Je la regardai alors, attendant son verdict, avant de me réapproprier ma fourchette avec un petit sourire.

- Ravi que ça vous plaise, lui répondis-je en souriant, finissant mon verre de vin avec déception. Il était assez savoureux pour que j'en veuille un second...

Je baissai les yeux sur la fourchette pleine de risotto que me tendait Minerva. Après un instant d'hésitation, je gouttai à mon tour le plat de la jeune sorcière. Le goût du risotto m'emplit la bouche, très différent de celui de mon plat. Je haussai un sourcil étonné, avant de me verser un verre d'eau.

- Le risotto est très bon, vous avez bien choisi.

Alors que je buvais mon verre, j'écoutais Minerva parler avec passion du... Plaisir que lui procurait la magie noire et les sciences occultes. Pourquoi pas après tout... Mais cet air rêveur, ce sourire staisfait, c'était assez inquiétant, surtout quand on parlait de sortilèges interdits... Et de légendes ancestrales. Je regardai son pendentif un instant, avant de relever les yeux.

- Certains sont déjà en bonne marche pour l'atteindre, murmurai-je en faisant référence à la pierre philosophale. Vous croyez à ces légendes ?

Je me souviens des Reliques comme un conte que me racontait ma nourrice quand j'étais enfant... Je n'y avais jamais vraiment cru.

Spoiler:

La raideur de sa posture ne m'échappait pas. Minerva attendait ma réponse au tournant, comme si c'était un test pour elle, un moyen de savoir si j'étais digne de confiance, ou si je n'allais pas la dénoncer au Ministère. Après tout, elle avait toutes les raisons de s'inquiéter, j'étais employé par celui-ci... Mais je n'étais pas du genre à raconter ce genre de secrets, surtout connaissant les conséquences de telles révélations. Un mot de ma part, et elle était convoquée directement par les Aurors au niveau neuf...

Mais, après ma réponse, elle se détendit imperceptiblement. Ce que je lui avais dit semblait la satisfaire, et l'engager même à continuer. Quand elle me posa sa question rhétorique sur son apparence, je souris sans rien ajouter. En effet, elle était loin des sorcières bossues décrites par les livres moldus, mais là où elle se trompait, c'est qu'elle ressemblait à une sorcière. Quelques années plus tôt, sa chevelure rousse aurait rappelé le feu des enfers à des fidèles un peu trop extrémistes, et sa peau d’albâtre aurait subi les horribles brûlures du buchet...

Je gardai les yeux fixés sur son pendentif qu'elle faisait osciller devant moi, continuant son argumentaire. Je soupirai légèrement en l'écoutant me décrire les signes des reliques, avant de tapoter légèrement son pendentif, dubitatif.

- Mais il n'y a pas que cela dans ce conte. Vous apportez des preuves tout à fait plausibles quant à l'existence de ces reliques, mais il ne faut pas oublier la contrepartie de ces "cadeaux". Ces objets ont un pouvoir tellement fort, une aura si écrasante que ceux qui s'en approchent en deviennent fous ou meurent... Ou même les deux. Seule la cape pourrait être l'exception, mais rien ne dit que ce pouvoir ne monte pas à la tête de son propriétaire... S'ils existaient réellement, que pourrait-il advenir s'il tombait dans les mains de mauvaises personnes ?... En allant même plus loin, qui garantie qu'ils ne changeront pas profondément ceux qui les possèdent ?

Je me redressai après mon explication, finissant mon assiette calmement. Une fois mon plat vide, je relevai mon regard clair vers Minerva, revenant sur ce qu'elle appelait des voies contestables :

- Et pour vous, ces voies contestables sont autorisées si c'est pour rechercher ce genre de choses ? Selon moi, si elles ne sont toujours pas découvertes, ça n'est pas pour rien. Ce serait une découverte fabuleuse, une avancée immense pour notre monde. Mais, même si plusieurs personnes ne sont pas contentes de ce fait, nous ne sommes pas seuls sur cette planète, et si nous possédons trop de puissance, le faible équilibre que d'autres essayent de maintenir sera brisé et cela ne garantie rien de bon... Ni pour nous, ni pour les mol-... Eux.

Je m'arrêtai alors que la serveuse passait à côté de nous, m'accordant un sourire discret. Je lui répondit poliment, avant de me concentrer de nouveau sur Minerva, attendant sa réaction. Elle semblait éprise de magie noire, mais plus que ça, elle semblait avide de savoir et de connaissance. La magie noire faisait partie de notre culture, mais connaitre dans les moindres détails son fonctionnement n'était pas très sauf... Ni très sain, d'ailleurs.

Spoiler:

Le regard de Minerva, dur, déterminé, n'était pas la chose la plus rassurante que j'avais pu voir aujourd'hui. Son avis sur le pouvoir et la magie était vraiment tranché, il paraissait impossible à ébranler. Le souci, c'est que cette soif de pouvoir, et l'acceptation du sacrifice qui y était enchainé, je la connaissais bien, car je l'avais entendu dans les conversations de mes parents et de leurs amis sang-purs, de mes collègues douteux... Bref, de toutes les personnes plus que susceptibles de faire partir des rangs du Lord.

Je pensais que la jeune sorcière était différente. Elle n'avait pas les mêmes intentions que ces autres sorciers, du moins j'espérais, mais en l'écoutant parler, je me posais la question finalement. Peut-être qu'au final, si elle n'était pas encore convertie, ça n'était qu'une question de temps... J'étais peut-être sur la sellette au final. Elle m'avait secouru, en effet, mais si elle cherchait un moyen d'entrer chez les mangemorts, quoi de plus simple que de livrer un traitre à son sang qui a réussi à s'échapper une fois déjà ?...

Je ne montrai rien cependant. Je ne pouvais pas agir ici, alors autant faire semblant de rien et paraitre à l'aise, alors que ce n'était pas le cas. Je posai donc mes mains croisées sur la table, le regard bleu gris fixé sur ma compagne, me demandant si ma vie pouvait s'éteindre à un moment ou un autre.

- Bien sûr que le pouvoir est grisant. Mais parfois, il l'est trop, et il vaut mieux ne pas s'en approcher. Certaines personnes sont prêtes à trop sacrifier pour du pouvoir, mais ne s'en rendent compte que trop tard.

Je sentais que ma réponse était très moralisatrice et ça n'était pas mon intention, mais cette montée en puissance du pouvoir était inquiétante, des deux côtés. Si l'Ordre du Phoenix avait des intentions plus que louables, ils étaient capables, j'en étais sûr, des pires extrémités pour arrêter l'opposant. Et ce genre de méthodes ne s'approchaient-elles pas de celles utilisés par les partisans du Lord ?... Je n'étais encore sûr de rien, et préférais ne prendre aucun parti. C'était vrai, au fond je savais que j'avais peur du pouvoir, mais plutôt mourir que de l'avouer. Je préférais employer le mot "prévoyant".

Je remarquais le léger mouvement de Minerva trop tard, et esquissa un geste vers ma baguette quand elle lança son sort. Une fois que je m'étais rendu compte qu'elle avait seulement lancé un Asurdiato, je restai crispé sans bouger, me fustigeant de ma paranoïa. Tant que j'étais en public, je ne craignais pas grand chose... Mais je ne pouvais empêcher les réflexes. Après un regard aux alentours, je me concentrais de nouveau vers la jeune femme. Elle avait raison, en tout point, mais ça n'était pas décisif...

- L'équilibre a changé mais rien n'est encore joué. Il faut agir, et vite, mais c'est encore faisable... Cette armée d'Inferis dont vous parlez, c'est un penchant pervers de cette recherche d'immortalité... Et si c'est un prix à payer, je ne suis pas sûr que ça vaille le coup...

Spoiler:

La mention des Inferis semblait l'ébranler un peu. Son regard s'assombrit, s’humidifia dans le silence de notre conversation. Finalement, avec une voix tremblante, et un air plus incertain, elle me répondit et me rassura en même temps. Elle était intriguée et incroyablement calée sur la magie, sur toutes les possibilités qu'offrait ce monde à tel point que cette obsession en devenait inquiétante, mais braver la mort alors qu'elle avait déjà frappée semblait quand même faire partie de ses limites. Je baissai légèrement les yeux avec un petit sourire.

- Je suis du même avis.

Sans chercher à en rajouter, je la laissai finir avant de soupirer. Bien sûr, personne ne voulait voir ses proches mourir, mais partant de ce principe tout le monde avait des proches... Je n'étais pas du même avis, parce que je n'avais pas de proches. Enfin si, mais la personne la plus proche de moi était déjà morte voilà un an. Sylvia... Je l'avais laissé tomber, sans jamais donner de nouvelles ni chercher à la revoir. Pourquoi j'avais fait ça ? Je pense que je ne trouverais jamais la réponse à cette question... J'avais eu peur, surement, mais de quoi ?

Je n'en savais strictement rien. Mais en attendant, j'avais perdu ma meilleure amie, ma confidente dans un conflit qu'elle avait tout juste effleuré du doigt. Bien entendu, je n'étais pas totalement seul, il y avait Allison, qui tenait le Hibou-qui-lit. J'étais lié à elle ce qui, techniquement, avait empêché ma fuite vers la solitude totale. Et ce qui m'avait surement sauvé... J'aurais pu finir fou si j'avais été enfermé seul chez moi. Après son amer constat sur les traitres, qui me rappela ma très dangereuse position en ce moment, Minerva leva le sort et attendit l'arrivée de la serveuse.

- Un tiramisu et un thé au jasmin s'il vous plait, répondis-je avec un regard absent vers la serveuse.

Elle repartit avec nos assiettes, nous laissant de nouveau seuls. Elle semblait troublée, perturbée par tout ce que nous venions de parler, et l'était encore, au vu de sa question. Je lui souris, comme si cela pouvait la rassurer.

- Pas forcément. Vous doutez, cela ne fait pas de vous une traitre. De plus, on parle de traitre quand on s'est clairement engagé, puis désengagé, ce qui n'est pas votre cas jusqu'ici... D'accord ? Mais parlons d'autre chose, sinon la soirée et notre moral va aller en s'empirant. Avez-vous réussi à contacter votre fournisseur indien ?

J'essayais de changer la conversation, pour égayer un peu Minerva. Elle sera surement plus à l'aise sur un autre sujet de conversation... Même si celui-ci était intéressant, quoi qu'un peu angoissant et très pessimiste.