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Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS

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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Lun 2 Nov 2020 - 0:55

Souvenir 8 - Janvier 1964.

Ce fut un fantôme en forme de Neolina qui transplana ce soir-là au pied de l’immeuble en pré-fabriqué au coeur duquel habitaient les Vacaresco. La neige déposait silencieusement ses flocons sur sa cape grise, épaississant un peu sa silhouette qui ne demandait qu’à se faire toute petite. La voix qui émergea de derrière ses longs cheveux blonds ondulés par l’humidité était presque inaudible tandis qu’elle saluait tout de même ses voisins le long de sa montée des cinq étages, ce qui fit lever plusieurs sourcils car Neolina était la joie de vivre incarnée, toujours à prendre des nouvelles et à vous faire rater l’heure de vos rendez-vous avec ses bavardages. Mais pas aujourd’hui, non.

Lorsqu’enfin elle poussa la porte de leur minuscule chez-eux, enveloppée de la fraîcheur caractéristique du lieu après une journée sans personne pour y vivre, ses gestes se firent automatiques. Presque mécaniques. D’abord, accrocher la cape rapiécée à maints endroits pour éviter de dilapider leurs économies. Il neigea un peu sur le sol qui avait l’habitude ces mois-ci. Puis elle ôta ses chaussures, ne débarrassant même pas ses cheveux des flocons qui y étaient encore accrochés. Le sol était froid sous ses pieds déjà mis à rude épreuve par ses chaussettes un peu trempées malgré l’épaisseur de ses bottes, et Neolina traversa la pièce de vie qui regroupait en réalité toutes les fonctions à part la salle d’eau en semant derrière elle des petites empreintes de pas mouillées sur le bois qui gondolait déjà par endroit. Posée contre le rebord de la fenêtre, où ses fesses tenaient dans un équilibre qu’elle maîtrisait désormais, Neo laissa son regard se perdre dans l’immensité blanche en contrebas. Entre ses doigts gelés, aucune tasse de thé sur laquelle les réchauffer, comme elle faisait toujours. Derrière elle, aucune de ses petites bougies aux odeurs enchanteresses allumées. Pourtant, elle aurait bien eu besoin d’une petite dose de joie pour rejoindre un peu le vrai monde, mais elle était encore perdue dans celui qu’elle avait arpenté toute la journée.

La formation pour devenir Oubliator n’était pas une partie de plaisir. À vrai dire, en URSS, aucune étude supérieure n’était évidente, pour personne, et il n’y avait à vrai dire pas foule pour en remplir les rangs. Les gens choisissaient des métiers simples, dépourvus de difficultés alors que leurs vies en étaient remplies. Mais ni Neolina, ni Razvan n’avaient choisi cette voie là. Dans sa promotion, la roumaine était d’ailleurs l’une des rares femmes, et les deux ou trois autres n’étaient pas franchement amicales. Les formateurs, quant à eux, semblaient prendre un malin plaisir à chercher à les décourager, elles plus que les autres. Le sourire de Neo, souvent, tenait bon. Elle avait fait la moitié du chemin, tout irait mieux une fois le diplôme décroché, une fois en poste. Mais aujourd’hui, il avait fondu comme des flocons le feraient si le soleil s’invitait sur Sibiu. Ca n’arriverait pas avant un mois ou deux, pourtant.

Combien de temps s’était écoulé depuis qu’elle était là, à observer d’un air vide les quelques silhouettes qui tâchaient le tapis blanc quelques mètres plus bas ? Le bruit de la porte ne la tira même pas de sa rêverie, là où d’ordinaire, elle réservait toujours à Razvan un accueil chaleureux. Il terminait bien souvent plus tard qu’elle, et parfois, elle prenait plaisir à aller l’attendre à l’université pour qu’ils transplanent ensemble. Ou alors, elle réchauffait l’appartement de sa présence, de ses petites attentions, parfois en emplissant la pièce de l’odeur d’un délicieux plat qu’elle cuisinait à la moldue, sans baguette. Mais aujourd’hui, l’appartement était aussi froid que s’il avait été le premier à y entrer. Aussi froid que la leçon qu’on avait tenté de lui inculquer aujourd’hui. Mais aussi, et surtout, aussi froid que les couloirs de l’asile de Cluj-Napoca, où elle avait passé la journée. Dix longues heures au coeur d'une horreur à vous glacer le sang.
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L'homme n'est libre que de choisir sa servitude.

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Lun 2 Nov 2020 - 1:17

Razvan avait l'habitude des mauvaises journées. Toutes les journées n'étaient-elles pas mauvaises lorsque l'on était médicomage ou étudiant en médicomagie ? Le jeune homme avait des jours avec et des jours sans, mais il savait ce qui l'attendait lorsqu'il avait embrassé ces études. Pour une passion, on faisait n'importe quoi, souvent. Peut-être l'avait-il découvert à ses dépends. L'hiver approfondissait facilement les dépressions des gens : il faisait nuit plus tôt, le froid était rampant, pénétrant, profond. La neige mettait autant de baume au coeur qu'elle en retirait. La Nature mourrait autant que les Hommes, lesquels devraient souvent songer à hiberner pour oublier la mocheté du monde. En rentrant de sa difficilement habituelle journée, le roumain cru tout d'abord qu'il était le premier de retour. Il ne fit pas attention à la cape de Neolina qui était pendue, retira la sienne pour la jeter négligemment sur une chaise non loin avant de passer une main dans ses cheveux pour se les frotter d'un geste vif et faire disparaître les flocons de ses mèches noires. Il sursauta pourtant en voyant sa femme assise au bord de la fenêtre, le regard perdu plus loin. Elle ne l'avait pas entendu rentrer. Le roumain resta quelques instants là à la regarder. Son regard détailla les traits fatigués de son épouse, elle semblait pensive, éprouvée, aussi. Il remarqua qu'en entrant, elle n'avait pas jeté de sortilège pour réchauffer la pièce, ni même allumé la lumière. La pièce à vivre était glaciale, sombre, aussi. Peut-être comme ce qui se passait dans l'esprit de la jeune femme. Razvan s'approcha doucement d'elle sans chercher néanmoins à mesurer ses pas. Ils claquaient sur le sol, clairs, précis. « Neolina...? » - l'étudiant-médicomage posa sur les mains de sa femme sa main toujours chaude alors que celles-ci étaient congelées, comme si elle était restée dehors pendant des heures et des heures, à ne penser à rien. Le regard préoccupé par ce qu'il voyait et qui était foutrement inhabituel - c'était lui, le glaçon en général, pas elle - il s'adossa contre le rebord de la fenêtre, à demi-assit, la main toujours posée sur celles de Neo. « Tu as eu une journée difficile ? ». Il n'était pas du genre à faire de la compétition malsaine entre qui avait le métier le plus à chier. Entendez par là qu'il ne lui viendrait pas à l'idée de comparer le degré de difficulté d'un côté comme de l'autre. Il assistait à des choses horribles. Certes il avait le coeur bien accroché mais une sensibilité bien à lui. Neolina aussi voyait des cas difficiles. Et ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas sur la conscience le regret de ne pas être capable de sauver quelqu'un que tout était beau et délicat dans tous les cas. Le jeune homme caressa tranquillement le dos de la main de son épouse avec son pouce, d'un air concerné. Que diable avait-elle pu vivre aujourd'hui ?
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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Lun 2 Nov 2020 - 2:43

S’il y avait une chose qui marquait tous les gens qui croisaient la route de Neolina, c’était bien sa présence. Elle était toujours là, à 100%, à vivre le moment qui se présentait sans chercher à s’apitoyer, et si possible, en essayant de l’embellir. Certes, leur vie n’était pas facile tous les jours, et Razvan revenait souvent avec un regard plus triste que quand ils s’étaient quittés le matin. Mais voilà, elle trouvait toujours un moyen de faire naître un sourire sur son visage, comme elle le lui avait promis quand ils s’étaient échangés leurs oui. Ce soir pourtant, elle était absente, comme si elle flottait parmi les vivants sans pour autant en faire en partie. Et si les voisins l’avaient remarqué en une seconde, alors Razvan, lui, s’en rendrait compte bien plus vite encore. Mais Neo, elle, ne remarqua ni son entrée dans l’appartement, ni le fait qu’il s’était avancé vers elle.

Le sortilège d’amnésie était une magie redoutable, qu’il fallait manipuler avec précaution. La première année avait été très théorique, peut-être trop, et les quelques échanges de sort qu’ils avaient pratiqués étaient sur des souvenirs très récents, de leurs camarades respectifs. Neolina était en binôme avec Theodus, un jeune garçon taciturne mais très doux, à qui elle faisait suffisamment confiance pour lui donner accès à ses précieux souvenirs. L’année suivante, le début de celle-ci donc, ils avaient commencé à partir plus loin dans l’exploration des mémoires, et avaient pour cela travaillé sur quelques prisonniers politiques qui avaient consentis à pareilles expériences pour acheter leur liberté. L’exercice était pénible, mais au moins semi volontaire. Aussi, Neolina vivait la partie pratique avec une demie-peine, amoindrie par le fait qu’on les oubliettait souvent eux-même après les exercices pour éviter qu’ils ne divulguent quelques secrets qu’ils auraient pu observer dans leurs recherches. Et ce jour là, elle aurait largement préféré qu’on la fasse oublier, mais le but de la leçon n’était pas là. Bien au contraire.

Lorsqu’elle sentit enfin la chaleur de Razvan englober ses mains, Neolina sursauta légèrement, secouant la tête comme si elle s’échappait d’un rêve. Ou d’un cauchemar. « Razvan… » dit-elle d’une voix blanche en posant son regard sur lui. Il avait l’air aussi fatigué que tous les soirs, mais elle ne pouvait trouver en elle la force de le réconforter, pas tout de suite, parce qu’elle était bien trop vannée pour ça. Cette impression de errer dans les limbes à mi-chemin entre la raison et la folie ne la quittait pas. Pourtant, les gestes tendres de Razvan semblaient l’en extirper peu à peu. À sa réponse, elle ne put que hocher doucement la tête sans prononcer un mot, car elle en avait déjà trop dit pour tenter d’apaiser d’autres souffrances aujourd’hui. Vous verrez pire sur le terrain, leur avait-on gueulé en introduction de cette matinée. Vous verrez pire demain, leur avait-on gueulé plus fort en conclusion. Demain… Le même supplice, les mêmes démons à affronter, les mêmes cerveaux malades à disséquer au sens magique du terme. Si vous les cassez, ça ne fait rien. Rien, vraiment ? Cette façon de penser la répugnait. Tout comme ce qu’elle avait vu dans les souvenirs qu’heureusement, elle faisait oublier à ces pauvres âmes. Bientôt, on leur apprendrait à les faire réapparaître, dans une espèce de forme de torture terrible. C’était le plus dur, à ce qu’on disait, mais le gouvernement avait besoin que ses soldats sachent faire ça. Soldat, ah… Elle n’aimait pas ce mot là. Elle voulait protéger elle, protéger, pas faire souffrir. Le monde était-il devenu fou ?

« On ne nous a pas oubliettés aujourd’hui. » réussit-elle à dire finalement. C’était une étrange chose la première fois qu’on vous le faisait, en général. Vous faire oublier le fond, mais pas la forme de ce que vous aviez fait. Comme une espèce de flou dans votre mémoire, une tâche noire au milieu de votre oeil. Mais au moins, Neo expérimentait une part de ce qu’elle faisait, et même si ça n’était pas le but, elle comprenait un peu mieux ce qu’elle ferait plus tard. Raison pour laquelle son empathie prenait souvent le dessus, et qu’elle perdait un temps précieux, selon ses professeurs, à être trop précise sur le souvenir. Mais il y avait des souvenirs qui méritaient d’être gardés, quoi qu’on en dise. « J’aurais préféré… » vint-elle se contredire en perdant à nouveau son regard dans la nuit noire qui contrastait avec les toits recouverts de blanc. Doucement, les sanglots brisèrent à leur tour le silence tandis qu’elle laissait échapper pour la première fois de la journée ce qui lui pesait si fort. Il n’y avait bien qu’avec Razvan qu’elle s’autorisait un tel laisser-aller. Pour ensuite, aller mieux. Toujours.
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Razvan Vacaresco

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Lun 2 Nov 2020 - 16:00

La voix blanche de Neolina lui fit mal. Elle qui était toujours très vivante et pleine de vie, elle avait l'air d'un fantôme ce soir-là. Pas aussi pétillante, ni joyeuse. C'était comme si on lui avait retiré toutes les couleurs et qu'elle était peinte en noir et blanc. Razvan ne comprenait pas ce qui se passait. Certes, son épouse avait des journées éprouvantes, mais généralement, elle s'en remettait assez aisément. Le silence semblait interminable et il ne savait pas s'il devait le couper ou attendre simplement qu'elle lui parle. Il n'était pas nécessairement la personne la plus bavarde et encore moins la personne la plus à même de réconforter sans commettre d'impairs. Le roumain manquait parfois de tact ce qui n'aidait pas nécessairement à résoudre les conflits, qu'on se le dise. L'ironie du métier de Neolina était qu'on oubliettait les étudiants après leur journée. Ne pas trop les secouer dans leur fort intérieur, leur permettre de parcourir leurs études sereinement sans vivre avec le spectre de ce qu'ils avaient vu la veille. C'était intéressant comme méthode et ce serait mentir que de dire qu'il n'avait jamais espéré qu'il lui arrive la même chose. Razvan avait une journée par semaine à l'hôpital pour apprendre sur le terrain. Il y voyait parfois des choses épouvantables mais certaines fois, c'étaient des moments de joie. Quoiqu'il en soit, il supportait mal la mort bien qu'il soit obligé de la côtoyer en permanence. C'était pour échapper à cette mort aussi qu'il voulait sauver des gens, non pas pour se glorifier de cela. Le regard de Neolina sembla se brouiller avant qu'elle ne craque finalement pour lâcher de grosses larmes salées. Elles roulèrent sur ses joues pour s'écraser sur ses jambes alors que sa main à lui n'avait pas quitté les siennes. Il n'avait jamais aimé la voir pleurer. Elle ne le méritait pas, Neo était une personne bien trop gentille et belle pour avoir le visage ravagé par les larmes. Le monde méritait de voir son sourire et non pas sa peine. « Neo... » dit-il en se relevant finalement pour s'agenouiller à côté d'elle, en passant une main dans son dos. Elle faisait de lents allez-retours, doux geste qu'il faisait toujours lorsqu'elle n'allait pas bien. La voir aller si mal le rendit en colère, non pas contre elle bien entendu, mais contre les examinateurs qui faisaient autant de mal à leurs étudiants en les confrontant à la brutalité et la folie d'un hôpital psychiatrique. Ils étaient jeunes, mais apparemment, ils se fichaient bien de leur santé mentale. Razvan aurait voulu prendre pour moitié ce qu'elle avait vécu pour qu'elle souffre moins. Mais il n'était pas oubliator, ne le sera jamais et ne savait pas ce qu'elle avait vécu. « Tu veux m'en parler ? » lui demanda-t-il doucement sans que son regard noir ne quitte son beau visage. Il ne pensait pas nécessairement que parler allégeait le fardeau, cela n'avait jamais été son cas. Mais il était réservé et mutique, ceci expliquait peut-être cela. Neolina était plus extravertie que lui ne le sera jamais alors qui sait, parler lui ferait peut-être du bien.


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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Lun 2 Nov 2020 - 18:18

L’empathie était une qualité que les hautes sphères de l’URSS voyaient bien souvent comme un défaut. Aussi, Neolina s’efforçait-elle de cacher au plus profond d’elle-même ce qu’elle ressentait, du moins en présence de ses supérieurs ou de ses camarades de classe chez qui la délation était une attitude peut-être un peu trop ancrée dans leurs moeurs parfois contestables. Les premières semaines avaient été cauchemardesques, mais tel un roseau qui pliait mais ne cassait jamais, Neolina avait tenu bon. Car chaque soir, elle puisait sa force dans ce cocon de bonheur qu’elle avait tissé jour après jour avec Razvan. Leur vie était d’une banalité sans pareille et pourtant, chaque jour passé à ses côtés était une bulle de bonheur que rien ne pourrait percer, elle s’y refusait. D’aucun dirait qu’en Angleterre, elle aurait pu avoir une autre vie, plus aventureuse, moins routinière. Mais en Angleterre, il n’y avait pas Razvan. Et jamais son coeur n’aurait pu supporter de se retrouver séparé de lui plus longtemps. Si la routine était le prix à payer pour une vie avec lui, alors le choix avait été vite fait. Et leur routine ces derniers temps était faite de souffrance, qu’ils atténuaient chacun dans les bras l’un de l’autre.

Aussi ce soir, Neolina s’autorisa à lâcher ces larmes qu’elle n’avait que trop retenues. Razvan n’avait sans doute pas besoin de ça, et en général, elle préférait se focaliser sur la joie des retrouvailles que sur la peine de la journée. Mais ce soir, la fiole était pleine, à ras bords, et ça débordait à chaudes larmes qui laissaient des sillons mouillés sur ses joues tremblantes. Les sanglots étaient bruyants, sans doute que les voisins en profitaient au passage car les murs étaient ici du papier à cigarette. Et tandis que son corps se laissait aller à d’incontrôlables tressaillements, Razvan tentait de les apaiser de sa grande main, comme il faisait toujours. Il fallait du temps pour que ça fasse effet, bien sûr, et cela ne chassa pas immédiatement les images des souvenirs traumatisants qu’elle avait fouillés dans la journée.

A travers le rideau de ses larmes, Neolina aperçut tout de même le regard inquiet et bienveillant de son mari. Si elle voulait en parler ? Oui, non, elle ne savait pas. Les mots de toute manière seraient bien incapables de retranscrire la moitié de ce qu’elle avait ressenti. Car c’était ça le pire, quand on oubliettait. À chercher dans les souvenirs, on les vivait presque, en tout cas, on y projetait quelque chose. Du moins, Neo, ça lui faisait ça. La faute à l’empathie, encore ? Dans tous les cas, il lui fallut attendre que les sanglots se calment pour parler, car les mots n’en seraient que moins déchiffrables sinon. « Ils ont… Ils ont… » Il y avait presque comme un hoquet entre chaque tentative de phrase, c’était un bien triste spectacle sur un visage habituellement si gai. Souffler, doucement. Fermant les yeux, elle essayait de se reprendre, au rythme des va et viens tendres de la main de Razvan dans son dos.

« Elle avait une soeur. Elle l’a trouvée, et puis… et puis… » Neolina n’avait pas échangé avec ses autres camarades qui avaient beau jouer les durs en temps normal, mais étaient tous sortis de l’institution avec le même air vide qu’elle. Elle ignorait donc que leurs professeurs avaient soigneusement choisi les patients qu’ils auraient à “traiter“, et évidemment, la jeune femme avec qui Neolina travaillait était très fusionnelle avec sa grande soeur. « Il y avait du sang partout. Partout. Et avant ça, le noir, complet vraiment, parce qu’ils lui ont fait oublier, et… » Et bientôt, ça serait à elle de raviver ce souvenir là qui serait terrible, elle le savait. On n’avait pas fait oublier à cette femme la découverte du corps, non. On lui avait fait oublier la demie-heure qui précédait. Ça ne voulait dire qu’une chose, et une seule, et c’était un moment qu’elle redoutait plus que tout. On était pas interné à Cluj-Napoca pour des pathologies qui se traitaient. On y séjournait à vie, en tout cas jusqu’à la mort, parce que souvent, on avait sombré dans une folie qui avait éclaboussé la vie de quelqu’un d’autre. De sa main gauche où brillait son alliance, elle caressa lentement la joue de Razvan, reprenant ainsi un peu plus pied avec la réalité dans un geste qui apportait un peu de douceur dans ce monde de déments.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Mar 3 Nov 2020 - 12:10

Parfois, on avait tristement l'impression que tout le soutien du monde ne pourrait suffire à alléger la peine. Alléger un deuil était douloureux, mais comment alléger quelqu'un d'autre d'un traumatisme ? Il était d'autant plus difficile pour ceux qui n'avaient rien subi de voir les autres se débattre avec leurs démons. Razvan avait l'impression de se sentir impuissant face au désespoir de sa roumaine, laquelle lâchait un torrent de larmes que même sa main dans son dos ne semblait pouvoir apaiser. Il ne savait pas ce que ça faisait de fouiller dans les souvenirs de quelqu'un. De ce qu'elle lui avait expliqué, ça permettait avec plus ou moins de succès, de ressentir ce que la personne avait vécu. Alors fouiller les esprits malades d'un hôpital psychiatrique, il n'osait imaginer. L'étudiant n'était pas très porté sur la psychomagie, son manque de tact ne le prédestinait certainement pas à en faire son champ de prédilection, d'ailleurs. Et heureusement. Il risquerait davantage de blesser quelqu'un plutôt que de l'aider et il craignait à cet instant de le faire, malgré lui, au fond. Le jeune homme désirait aider Neolina à aller mieux, pas à se sentir encore plus mal. Et comme souvent pour quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de parler, il avait l'impression qu'il marchait sur des oeufs. Lorsque finalement, la langue de Neolina se délia, Razvan eut une légère grimace à l'entente de ses paroles. La faire assister à un meurtre, mais vraiment ! Encore une fois, il ressentit une vague de colère pour ces formateurs qui la mettaient dans cet état, par une espèce de jouissance sadique qu'il ne comprenait pas. Assister à une mort était terrible, assister à une mort sanglante l'était d'autant plus. « C'est du passé, Neo, il n'y a rien que tu puisses faire » lui dit-il doucement alors que la main de son épouse glissait contre la peau de sa joue. Il s'en saisit avec son autre main pour la lui embrasser. « Tu vas devoir lui rendre la mémoire ? » demanda-t-il finalement d'un ton interdit. Razvan redoutait peut-être un peu la réponse. Qu'est-ce que Neolina allait ressentir en renforçant ces souvenirs dans l'esprit de cette personne et comment cette dernière allait réagir ? Ne risquait-elle pas de se faire agresser ? « Allez, viens-là » - le jeune homme l'invita gentiment à se relever pour la prendre dans ses bras et la bercer avec une douceur qu'elle seule connaissait de lui.
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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Mar 3 Nov 2020 - 15:48

Le passé était une notion qui devenait toute autre quand vous passiez votre temps à fouiller dans des mémoires qui n’étaient pas la vôtre. Y’avait-il un passé, ou plusieurs, alors même qu’on vous en volait quelques fragments parfois ? En tout cas, oui, Razvan avait raison : Neolina ne pouvait absolument rien y changer en effet. Pas les événements tels qu’ils s’étaient déroulés, en tout cas. Juste, peut-être, alléger le fardeau de cette pauvre âme qui se souvenait probablement en boucle de la découverte du corps sans vie de sa soeur sans en connaître la raison. De quoi devenir folle, même si la folie s’était certainement emparée d’elle bien avant. Neolina n’avait pas eu besoin de son dossier pour comprendre. Sans doute aurait-elle du condamner pareil comportement, mais à quoi bon juger une femme qui vivait déjà le pire, attachée toute la sainte journée, à attendre que les traitements qu’elle subissait la tuent pour de bon ? « Rien, non… » répéta-t-elle de sa voix de fantôme tandis que sa peau quittait la joue mal rasée de Razvan pour rencontrer ses lèvres.

Et tandis qu’à coup de mots qu’il devait choisir soigneusement, il essayait d’en savoir plus, Neolina posait sur Razvan un regard doux qui commençait un peu à reprendre vie. Elle opina pour lui répondre car à quoi bon parler après tout ça ? Il était étrange, quand on y pensait, qu’une femme comme elle, qui aimait aller de l’avant, ait choisi pareil métier. Mais voilà, tout dépendait de la vision que vous en aviez. Neolina, elle, se disait que les gens à qui elle déroberait un bout de mémoire pourraient alors mieux avancer, en se sentant comme plus légers. Certes, on décidait à leur place, et bien des moldus apprécieraient peut-être de garder intacts leurs souvenirs de magie mais… La guerre était déjà bien trop présente dans leur pays sans pouvoir s’en permettre une entre leurs deux mondes.

Et puisque les mots n’étaient pas nécessaires, Razvan fit alors ce qu’il savait faire le mieux : consoler sa douce Neo avec des gestes si tendres et si doux qu’elle n’en revenait pas parfois d’être la seule et l’unique à pouvoir ainsi en profiter. C’était égoïstement agréable. Petit à petit, son corps se réchauffait et elle sentit alors qu’elle avait froid, et cala ses pieds gelés qu’elle débarrassa de ses chaussettes entre ceux de Razvan. « Je n’ai pas envie d’être demain. » finit-elle par dire après de longues minutes de tendresse qui la faisait se sentir mieux, alors qu’elle se laissait totalement porter par le rythme des bras de son mari, les siens tout contre lui tandis qu’elle respirait son odeur à laquelle se mêlait celle des potions qu’il manipulait à l’université. « Peut-être que si je ne dors pas, demain n’arrivera pas ? » continua-t-elle, se parlant presque plus à elle-même qu’autre chose. De toute manière, elle avait du mal à imaginer comment trouver le sommeil après pareille journée. Mais c’était une chose rare, que Neolina ait peur du lendemain. Il fallait cette fois qu’elle pense aux jours d’après, ceux qui auraient lieu après les moments pénibles, et qui promettaient de nouvelles choses plus heureuses.

Finalement, ses doigts escaladèrent jusqu’à la base de ses cheveux, de sa nuque qu’elle attrapa en se haussant doucement, calant son front contre le sien. « Ferons-nous quelque chose ce week-end, dis ? » Les étudiants studieux qu’ils étaient avaient besoin de faire une pause après tout. Et puis, cette perspective lui donnerait un cap, un but, une raison de tenir cette semaine infernale sans flancher. Eux deux contre le reste du monde, comme toujours.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Mer 4 Nov 2020 - 16:40

Razvan savait qu'il aurait beau lui répéter que ce n'était que du passé et qu'elle n'y était pour rien, Neolina avait vu des choses qui la conduisaient peut-être à ne pas supporter ce qui était arrivé. Que ce soit comme spectatrice ou comme actrice forcée d'un souvenir qui n'était pas le sien. On vivait sans doute plus intensément les choses en tant qu'oubliator. Et il ne pouvait pas comprendre, malgré la main qu'il passait dans son dos pour la réconforter. Le lendemain serait sans doute plus violent, plus éprouvant aussi. Il craignait déjà de la voir rentrer avec un air d'outre-tombe, malheureuse de ce à quoi elle avait malgré elle assisté. Ils n'y pouvaient rien, l'un comme l'autre. Mais son épouse devait subir cela parce que c'était ce qu'elle étudiait. Et c'était dur, autant qu'odieux. Tout ce qu'il pouvait faire à ce stade, c'était d'être présent pour elle. Le jeune homme l'écouta, silencieusement, lui dire qu'elle ne voulait pas être au lendemain et pouvait-il lui jeter la pierre ? Sans doute pas. Hélas, les choses que l'on redoutait arrivaient plus vite que prévu en général et c'était malheureusement une triste réalité qu'elle allait devoir affronter. L'étudiant sentit la main de Neo glisser jusque dans ses cheveux alors qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour le regarder dans les yeux. Glissant ses propres mains dans le creux de ses reins, il n'essaya pas de fuir son regard : « Bien sûr » lui dit-il en souriant tendrement, « ça nous fera du bien ». Et ça lui ferait surtout du bien à elle. Neolina avait besoin de se changer les idées après une semaine si difficile. S'il était parfois récalcitrant, là il le ferait volontiers, pour lui faire plaisir et voir son visage s'illuminer de nouveau de ce sourire solaire qu'il aimait tant. Razvan lui vola un chaste baiser avant de se détacher légèrement d'elle. Il fit passer sa grande main autour de ses épaules pour la rapprocher de lui, et lui dit : « Allez, je vais te faire à manger. Tu en as besoin ». Et lui aussi.


Souvenir 9 - Janvier 1964



La semaine avait finalement été chargée pour Neolina comme pour Razvan. Si la jeune femme avait eu à faire à de difficiles cas à l'hôpital psychiatrique, la semaine du jeune homme n'avait pas été davantage de tout repos. Ainsi qu'ils l'avaient prévu, tous les deux s'étaient donc mis d'accord pour sortir à la fin de la semaine. Même la plus simple des sorties changeait drastiquement leurs habitudes sédentaires. Tous les deux étaient des étudiants studieux qui n'avaient ni le temps, ni l'argent de se permettre beaucoup d'écarts. A côté de ses études toutefois, le roumain travaillait quelques heures par semaines pour gagner un petit pécule sorcier et donc, se permettre une sortie avec son épouse de temps à autres. C'est les doigts entremêlés à ceux de sa roumaine qu'ils marchaient dans la nuit froide qui était tombée sur la Roumanie. Le restaurant sorcier où ils avaient été était la seule chose, dans cette Roumanie ensevelie sous les idéaux d'un autre pays, qu'ils pouvaient s'autoriser : « J'espère que tu as passé une bonne soirée » lui dit-il alors que de la fumée froide sortait de sa bouche à cause du temps frigorifiant qui s'abattait sur leur pays en ce premier mois de l'année 1964. Les deux étudiants traversèrent les rues quasiment vides de monde. Il n'avait pas envie d'être à lundi, pour être honnête. Il aimerait mieux passer sa vie dans les bras de son épouse plutôt que de remettre un pied à l'université le lendemain. Mais toutes les bonnes choses avaient une fin, il paraît.


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Mer 4 Nov 2020 - 23:55

La semaine avait été interminable. Chaque heure passée dans cette maudite maison de l’horreur n’avait fait qu’entamer un peu plus sa bonne humeur, mais comme toujours, Neolina avait tenu bon. Le soir venu, elle avait repris vie dans les bras de son doux mari, qui avait écouté comme toujours ce qu’elle avait la force de partager, et donc de revivre, à travers quelques mots. Mais la roumaine ne s’était pas trop appesantie, refusant de replonger dans les souvenirs douloureux et cherchant plutôt à se changer les idées plutôt que d’accabler ce pauvre Razvan qui avait lui aussi des jours plus difficiles que d’autres. Ses lectures du soir avaient pour une fois été plus distrayantes, et plus légères, que les énormes bouquins conseillés par ses professeurs. Mais malgré toutes ses tentatives pour se sortir ses journées de la tête, ses nuits avaient été entrecoupées d’horribles cauchemars contre lesquels les étreintes de Razvan avaient été bien impuissantes. Neo savait que son mari la protégerait toujours de n’importe quoi, mais il était incapable de le faire contre son propre esprit après tout.

Mais la promesse de cette fin de semaine un peu spéciale avait été, au-delà du soutien indéfectible de Razvan, une formidable façon de l’aider à tenir le choc. Mystérieux, son beau roumain avait gardé le secret sur le programme jusqu’à la dernière minute, et la jeune femme avait apprécié pour une fois ne pas être celle qui décidait de tout. Certes, elle s’était un peu doutée de là où il comptait l’emmener, mais après tout, ce n’était pas lui qui était à blâmer : c’était cette Roumanie austère qu’ils habitaient. Aussi avait-elle pris grand plaisir à se préparer, à relever ses cheveux dans un demi-chignon lâche et soigné, à maquiller légèrement ses yeux et aussi ses lèvres teintées de jolis pigments rosés, les mêmes qu’elle avait déposés sur ses pommettes pour redonner un peu de vie à son teint pâle que le manque de sommeil n’avait fait qu’accentuer. Pour la tenue, évidemment, son indécision légendaire avait rendu la chose difficile, et Razvan avait pu profiter du spectacle de la jeune femme se changeant encore, et encore, et encore jusqu’à trouver finalement ce qui lui plaisait. Elle avait opté pour une jupe patineuse noir et un gros pull à mailles bleu qui était un peu trop grand et découvrait parfois une de ses épaules. Cela ne la dérangeait pas, au contraire, car elle aimait lire l’expression dans le regard de Razvan quand cela arrivait.

Passer une soirée en tête-à-tête avec lui dans ce charmant petit restaurant lui fit un bien fou, ne serait-ce que parce qu’ils avaient promis de ne pas aborder la question de leurs études. Dans ce cadre qui changeait de leur chez-eux, ils avaient pu parler de tout, de rien, se délecter de certains silences qui accompagnaient les longs échanges de regard, les petites caresses discrètes qui rappelaient à la jeune femme cette époque où ils devaient se cacher. Comme chaque jour, elle se fit la remarque silencieuse qu’elle était vraiment la femme la plus chanceuse qui soit d’avoir trouvé l’homme de sa vie si jeune, de l’avoir épousé et de pouvoir s’endormir chaque soir dans ses bras.

Aussi, dans le froid demi-polaire qui les avait enveloppés à la sortie du petit établissement, Neolina ne put répondre qu’une seule chose à la gentille question de Razvan. « La meilleure qui soit. C’était vraiment une belle idée, merci pour tout ! » Au fil de la soirée, Neolina avait retrouvé sa joie de vivre, les démons de sa semaine semblant s’être enfin évaporés au loin. Le vent glacial n’arrivait pas à faire disparaître le sourire tendre qu’elle affichait depuis qu’ils avaient poussé la porte du restaurant. « Et si on se baladait encore un peu avant de rentrer ? » Même si la perspective de se blottir bien au chaud contre lui dans leur petit nid d’amour était tentante, c’était dans tous les cas la fin inéluctable de cette soirée et la repousser n’empêcherait pas le moment d’arriver. Sans lâcher sa main, elle fit une enjambée un peu plus grande et se retourna pour marcher à reculons, captant son regard couleur de la nuit. « Peut-être que la nuit va nous révéler d’autres mystères de Sibiu, qui sait ? » Son rire transperça le silence de la rue déserte à cette heure-ci. Cette ville, ils la connaissaient par coeur, l’avaient arpentée en long et en large pendant toute leur enfance, leur adolescence. Mais à l’époque, leurs explorations se faisaient toujours sous les rayons du soleil car on leur interdisait les sorties à la nuit tombée. Mais maintenant, ils étaient grands, pas vrai ? Et ils gagneraient sans doute ce soir à retrouver une part de leur insouciance.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Jeu 5 Nov 2020 - 16:26

Neolina et Razvan pouvaient tout se partager, ils le savaient. Ils avaient grandi ensemble, passé tous leurs étés à vagabonder tous les deux, ils connaissaient la famille de l'autre. Ni l'un, ni l'autre, ne semblait plus avoir de secrets. Les réactions de la roumaine n'avaient pas de secret pour lui et la réciproque était vraie. Cela évitait généralement les engueulades qui pourrissaient petit à petit la vie de couple. L'un comme l'autre avaient assez de respect pour ne pas en arriver à de pareilles extrémités. Mais après cette longue semaine ponctuée de cauchemars, notamment de la part de sa femme, ils avaient besoin de souffler. La pauvre Neolina devait faire face à des démons contre lesquels ses étreintes ne pouvaient rien. Il savait que ce week-end arrivait à point nommé et c'était aussi pour cela qu'il avait accepté de sortir un peu avec elle. Pour qu'ils profitent un peu l'un de l'autre. Partager quelque chose d'aussi banal qu'un dîner - ce qu'ils auraient très bien pu faire en restant chez eux - était pourtant d'une originalité sans pareille dans une Roumanie aussi austère. Et forcément, voir l'air heureux sur le visage de Neolina lui faisait du bien, terriblement du bien. En parallèle à la semaine qu'elle avait eu, il ne pouvait qu'être ravi d'être celui qui avait, au moins un peu, éloigné de son doux visage les images qui tournaient dans sa tête. En sortant du restaurant, leurs mains toujours liées entre elles comme s'il n'y avait qu'une continuité entre leurs deux corps, sa roumaine proposa de se promener encore un peu dehors. Le regard amusé du jeune homme se posa sur le visage lumineux de son épouse : « Mais avec grand plaisir, Neo ». Qu'est-ce qu'il pouvait lui refuser de toute façon ? Rien. Et ce n'était même pas comme s'il voulait lui refuser quelque chose en général, Razvan était quelqu'un d'altruiste qui prenait du plaisir à faire plaisir aux autres. Alors vous imaginez, faire plaisir à sa femme...? Sans que leurs mains ne se détachent, Neolina commença à marcher à reculons en le regardant et en lui parlant. Le jeune homme, amusé par son cinéma, hocha la tête en souriant. Il ne put s'empêcher de lui dire : « Tu sais que tu vas tomber à marcher comme cela... ». Oh, il ne connaissait que trop bien le légendaire équilibre de la jeune femme. Combien de fois l'avait-il rattrapé au dernier moment, et combien de fois l'avait-il rafistolé comme il faut ? Il ne le comptait plus, désormais. Neolina était maladroite mais cela faisait aussi son charme. Le jeune homme tira finalement sur la main de son épouse pour la rapprocher de lui et lui voler un tendre baiser dans la nuit noire qui était depuis longtemps tombée sur Sibiu.

Ils marchèrent un moment, la nuit entrecoupée par leurs silences. C'était reposant pour eux de prendre du temps pour se rhabituer à l'autre. Ils vivaient ensemble, dormaient ensemble, mais parfois, avec leurs occupations, c'était comme s'ils étaient séparés la plupart du temps, même lorsqu'ils étaient dans la même pièce. La place principale de la ville était vide : « Tout paraît tellement plus grand et tellement plus paisible lorsqu'il n'y a personne » se fit-il la réflexion plus à lui-même qu'à Neolina, « je me rappelle très bien du jour où tu es tombée en plein milieu le jour de la fête nationale ». La taquinerie n'avait rien de méchant mais décidément, Neo ne savait que se mélanger les pinceaux - ou les pieds, en l'occurrence.


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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Jeu 5 Nov 2020 - 20:14

L’amour avait ce quelque chose de magique qui faisait que le simple fait de prononcer un prénom pouvait faire papillonner le ventre de la personne qui le portait. Et ça lui faisait parfois, quand son roumain utilisait son prénom raccourci en guise de ponctuation, comme à cet instant précis. Sa voix chaude contrastait avec le froid extérieur et la buée qui s’échappait de ses lèvres pleines et désirables, qu’elle aurait pu embrasser sans jamais se lasser. Mais pas encore. Pas tout de suite. Il fallait savoir faire durer un peu le suspense parfois, même si ces deux-là n’excellaient pas tellement dans l’art de patienter quand il s’agissait de l’expression physique et passionnelle de leur amour.

L’attitude protectrice de son mari - son mari, elle ne pourrait jamais penser à ça sans en avoir le coeur empli de joie - lui arracha un sourire. Bien sûr qu’elle savait qu’elle prenait un risque inconsidéré rien qu’avec une marche arrière, mais si Neo s’était empêchée de faire quelque chose à chaque fois que cela représentait un risque, même minime, alors elle serait restée clouée à sa chaise toute son enfance, et encore aujourd’hui. Au pire, de toute manière, Razvan la rattraperait de ses grands bras, et elle pourrait en profiter pour se coller tout contre lui et se fondre dans sa chaleur réconfortante, voire se glisser à demi sous sa cape. Idée délicieuse s’il en était… « Ohlala, cette façon d’imaginer toujours le pire, tu es terrible ! » se moqua-t-elle en riant comme une enfant alors qu’en vérité, Razvan était juste réaliste sur ce coup-là. Et puis au moins, dans cette position, elle pouvait admirer ses traits qui se découpaient dans la nuit noire et, oh, que c’était là un joli spectacle. Mais avoir le nez en l’air comme ça, parce qu’il y avait bien des centimètres qui la séparaient de cette douce vision, ça ne faisait qu’accroître les risques d’incident. Aussi se remit-elle dans le droit chemin en sautant à pied joint, avant de s’accrocher au bras de Razvan.

Neolina ne trouva pas grand chose à dire car la nuit formait une atmosphère toute particulière, et très agréable. Un peu douce amère, difficile à expliquer, mais c’était quelque chose d'étrangement paisible. Rien que sentir la présence de Razvan, délier ses muscles trop souvent engourdis à force d’être statique à bouquiner ou autre, cela suffisait amplement à lui faire du bien, physiquement, moralement. Et Merlin savait à quel point elle en avait besoin. De toute manière, elle aurait pu faire n’importe quoi avec Razvan, le savoir à côté d’elle lui suffisait à se sentir bien. Même dans les moments les plus compliqués.

La grand place n’avait jamais été plus grande que ce soir, comme le fit si bien remarquer son beau roumain de son timbre grave qui perça le silence. « On dirait une ville fantôme… » répliqua-t-elle, peut-être encore un peu trop imprégnée de ses trop récentes expériences. Pourtant, elle ne disait pas ça tristement, imaginant plus qu’ils exploraient une forme de réalité différente. N’était-ce pas le cas après tout ?Mais Razvan la ramena au vrai monde, et au passé d’ailleurs, en la taquinant et elle lui délivra une petite tape sur l’épaule en guise de remontrances. Rien de douloureux pour lui vu la couche de vêtements, mais aussi et surtout sa force qui était quasi inexistante. « Hé ! » Elle se stoppa net et fit mine de bouder, les bras croisés sur sa cape rapiécée par endroit et trop courte pour ne pas dévoiler ses jambes affinées par les bas qu’elle portait. « Je te ferai remarquer que c’était pas ma faute, j’ai été bousculée ! » Antre de la mauvaise foi, bonjour. C’était surtout elle qui avait bousculé la moitié de la fanfare en se cassant le nez sans aucune autre raison que de se prendre les pieds dans les pavés. Tout Sibiu en avait parlé des jours entiers.

Histoire de faire la fière, Neo fonça tout à coup en direction de la fontaine tout à côté et sauta sur le rebord enneigé, les bras à l’horizontal pour garder l’équilibre. Razvan la provoquait hein ? Il allait voir ! En réalité, le rebord était bien assez large pour ses petits pieds, mais il fallait prendre en compte le facteur givre, neige, et méga maladresse évidemment. « De toute façon, qu’est-ce que je risque ? Je suis mariée à un futur médicomage ! » lui lança-t-elle avec un clin d’oeil amusé. Mais un oeil fermé sur deux, c’était 50% d’acuité en moins et évidemment, son pied dérapa. Certes, elle n’avait bu qu’un petit verre de Tuica, mais visiblement ça suffisait. Et Neo, comme Razvan aurait pu le prédire, tomba…

1-2-5 - Côté fontaine, évidemment. Malgré les températures bien basses, l’étendue d’eau n’avait pas eu l’occasion de geler encore et vu sa petite taille, elle fut trempée - et glacée - des pieds à la tête. Aucun dégât physique à constater, à part peut-être une pneumonie à venir ?

3-4-6 - Côté Razvan, et elle n’allait pas s’en plaindre. Dans un réflexe inespéré, il la rattrapa en plein vol et elle accrocha ses mains autour de son cou, comme si c’était fait exprès. « Ah, ce que je ne ferais pas pour être dans tes bras ! » s’exclama-t-elle avant de rire, sa tête basculant légèrement en arrière, dévoilant le blanc de son cou.


Dernière édition par Neolina Siankov le Jeu 5 Nov 2020 - 20:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Jeu 5 Nov 2020 - 20:14

Le membre 'Neolina Siankov' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Jeu 5 Nov 2020 - 22:25

Neolina et Razvan avaient toujours eu une jolie relation. D'abord bien innocente et bien chaste, elle avait naturellement évolué vers quelque chose de plus. Plus profond et plus intense peut-être. N'ayant presque plus aucun secret pour l'autre, les réactions étaient attendues, faciles à prévoir. Il était aisé pour lui de savoir qu'elle risquait de tomber avant d'être rentrée chez eux. Mais est-ce que cela le dérangerait vraiment de devoir la porter jusqu'à l'appartement ? Pas sûr. Aucun incident n'intervint avant qu'ils arrivent à la grande place. Elle était vierge de toutes autres personnes qu'eux. Ils la découvraient maintenant sous l'angle de la nuit et vide de toute vie. C'était à se sentir terriblement seuls et rendus à eux-mêmes. Les mains enfoncées dans les poches de sa vieille cape pour que la jointure de ses mains ne soit pas gercée, il se retourna de moitié pour la voir faisant mine de bouder. « Si tu boudes, je t'abandonne ici » la prévînt-il sur le ton de l'humour, comme s'il allait vraiment faire une telle chose. Plutôt mourir que d'abandonner Neolina quelque part. Il préférait être encore perdu et abandonné avec elle. Il fit mine de la croire en mimant un "Ah" avant de lever les yeux vers le ciel noir. La ville était doucement et faiblement éclairées quasiment aux quatre coins de la place. Son épouse le dépassa brusquement pour se diriger comme un boursouf en colère en direction de la fontaine enneigée. Sans se presser, il la rejoignit avec ses flegmatiques enjambées, les mains toujours dans les poches. « Futur comme tu dis » répondit-il d'un air ennuyé en la regardant faire son numéro d'équilibriste, « ne te fracasse pas le crâne... ». Il disait ça sur le ton de l'humour, mais glisser à cause de la neige, c'était vite arrivé. Surtout en s'appelant Neolina.

Et comme Razvan semblait doué d'un sixième sens...

SPLASH !

La bouche du roumain formait un "o" parfait alors que Neo se trouvait les fesses dans l'eau gelée, trempée de la tête au pied. C'était objectivement drôle, mais il était trop poli pour ouvertement se moquer d'elle. Sa roumaine eut donc simplement le droit à un ricanement alors qu'il grimpait à moitié sur le rebord de la fontaine, tout en gardant un pied au sol, pour envoyer ses bras et la tirer de l'eau. Effectivement, elle était mouillée jusqu'aux os, et alors qu'elle se réceptionnait au sol, grelottante comme jamais, Razvan se fendit d'un petit commentaire : « Comme c'est dommage. Nous allons devoir rentrer prendre une douche bien chaude pour que tu ne tombes pas malade ». Il lui envoya un sourire un peu malicieux accompagné d'un clin d'oeil, en sortant sa baguette pour tapoter les épaules de sa roumaine. Un petit sortilège de rien du tout qui la séchait doucement, sans doute pas assez rapidement. Il envoya une main pour cacher une mèche de cheveux blond mouillée derrière l'oreille de son épouse avant de faire glisser sa main dans le dos de Neolina pour la coller à son corps toujours bouillant. La fraîcheur des habits de sa femme le fit frissonner violemment. Pas de doute, il avait hâte de rentrer prendre une douche.


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Ven 6 Nov 2020 - 1:32

Tous les doigts des âmes que comptaient le Sibiu sorcier n’auraient sans doute pas suffi à compter le nombre de bourdes commises par Neolina dans toute sa jeune vie. Le médicomage des Siankov avait perdu le compte lui-même, trop habitué à voir débarquer la gamine avec des os cassés, des chevilles foulées ou des égratignures sur sa mignonne petite bouille. C’était presque devenu une habitude, et il aurait fallu mettre un panneau devant la porte qui comptait les jours sans incident pour rendre ça encore plus drôle, sans doute. A force, mieux valait en rire car une fois la douleur passée, ça faisait tout de même de sacrées histoires à raconter.

Alors à force, Neo n’avait plus peur de grand chose. Après avoir retourné son nez face à la mention d'un abandon qui n’arriverait jamais - qui pensait-il tromper avec cette phrase, sérieusement ? - elle avait donc foncé tête baissée vers le potentiel danger en pensant réellement qu’elle allait pouvoir s’en sortir indemne. Rendez-vous compte, l’insolence. Et tandis que son époux la mettait une nouvelle fois en garde alors qu’elle se croyait bien sûre d’elle, évidemment, elle se retrouva le cul dans l’eau, mouillée des pieds à la tête. Par-fait Neo ! Le froid la glaça instantanément, et sans ressentir la moindre gêne parce qu’après tout, elle n’en était plus là, elle était vraiment surprise par la sensation hautement désagréable.

Tout son corps se figea, parce que bouger, c’était prendre le risque de faire pire. Aussi, presque comme une gamine, elle attendit patiemment que Razvan la sorte de là en lui lançant un petit regard mi-contrit, mi-colère parce qu’elle l’avait entendu rigoler et que, si elle en rirait dans trois minutes, pas tout de suite non plus. Retrouver l’air froid et sec ne fit qu’accentuer la sensation de froid qui lui fit salement claquer des dents. « Pas…la… peine… » de continuer ta phrase Neo. En effet, Razvan lui avait coupé la chique avec une proposition qu’il lui asséna avec un petit ton qui provoqua un choc thermique chez elle. Tout son corps avait froid à l’extérieur alors que l’intérieur brûlait d’un feu que Razvan venait d’allumer en quelques mots. Oh en général, ils n’avaient pas tellement besoin de ça pour se donner chaud, mais là, dit de cette façon là, c’était totalement indécent, et bien inhabituel de sa part. Raison de plus pour faire brûler ses joues qui rosirent fort, en contraste avec sa peau plus blanche que la neige ou presque. « Monsieur Vacaresco… » minauda-t-elle du mieux qu’elle put alors qu’elle était quand même transie de froid, malgré le sort qui la séchait un peu, mais un peu seulement. Si son désir avait pu physiquement la réchauffer, il en aurait sans doute brûlé tous ses vêtements. Mais Razvan ne s’arrêtait pas là, décidément, et la plaqua tout contre lui avec autorité. C’est qu’il avait toujours, toujours chaud, c’était incroyable. Perdue sous sa cape, elle maudit la froide saison et cette fichue maille de son fichu pull qu’il avait troqué contre ses chemises habituelles, qui aurait suffisamment pu découvrir son cou et le haut de son torse pour qu’elle y dépose des baisers glacés. « Trans…plane-nous. » Disparaissant dans un nuage de fumée, Neo n’aurait su dire si cette pause était due à ses dents qui claquaient ou à la chaleur qui s’installait en elle.

Une fois au sein de leur appartement qui semblait presque aussi froid que l’extérieur, Neo entreprit de se battre avec son pull trempé avec toute la dextérité que lui permettait ses muscles transis par le froid. Ce fut trop long, bien trop long, et elle n’eut ni la patience de retirer le reste, et eut juste le temps de soulever le bas de celui de Razvan pour lui faire comprendre avant de l’attirer avec elle dans la petite salle d’eau. « Mouillée pour mouillée de toute façon… » Vingt secondes plus tard, elle l’avait entraînée sous la douche qu’elle peinait à allumer de ses petites mains moites tandis qu’elle avait attrapé ses lèvres brûlantes contre les siennes. Finalement, l’eau chaude se déversa en cascade et colla les vêtements des deux amants qui eux même étaient plus collés que jamais, la faute à cette mini-douche, à leurs désirs. Sous sa chemise qu’il n’avait pas eu le temps de retirer, elle sentait le moindre de ses muscles si parfaitement dessinés et pourtant, le tissu semblait comme fusionné à sa peau et elle ne parvenait pas à trouver le chemin pour y accéder, augmentant considérablement sa frustration, et son désir par la même occasion. Mais après tout, il suffisait que Razvan l’embrasse comme ça, la touche comme ça, lui parle comme il l’avait fait, pour qu’elle s’embrase. Comme toujours.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 5 129196351Ven 6 Nov 2020 - 2:00

Razvan était le type d'homme qui, en général, ne se rendait pas franchement compte qu'il avait un certain pouvoir d'attraction sur la gente féminine. D'ailleurs, la première fois qu'il avait embrassé Neolina, il fallait surtout remercier l'alcool qu'ils avaient bu : sinon, ils n'en seraient pas là, ils ne seraient pas mariés et ne partageraient pas de moments aussi complices que celui-là. Mais voilà, même si Razvan n'était pas vraiment conscient de son pouvoir de séduction, il pouvait lui arriver d'avoir envie de jouer avec. Et qui de mieux que son épouse pour en faire les frais ? Si elle était congelée, il avait envie de la réchauffer d'un coup. Le dîner n'avait pas été pénible, mais long et les regards autant que les caresses de sa femme sur son corps avaient, petit à petit, réveillé une autre forme d'envie que celle de simplement finir de manger. Alors il pouvait bien faire un peu illusion, à un moment, il n'y tenait plus. Et utiliser le prétexte qu'elle était trempée était simplement la logique suite de quelque chose qui grandissait lentement en lui. Son épouse avait beau être congelée contre sa peau, elle avait beau, par la fraîcheur de ses vêtements humides, lui faire remonter un frisson fort désagréable, il crevait de chaud. La neige environnante n'y faisait rien, l'eau ni faisait rien. Ses pensées étaient toutes tournées vers elle, sans qu'il ne puisse s'en empêcher. La jeune femme n'eut pas besoin de se répéter pour qu'il les transplane directement dans la pièce unique de leur appartement. Et alors qu'il dégageait ses chaussures avec la hâte propre aux gens passionnés, Neolina se débattait comme elle le pouvait avec son pull, trempé, qui collait à sa peau. Il n'eut même pas le temps de l'aider à essayer de le retirer qu'elle l'entraînait avec autorité jusque dans la minuscule douche où ils pourraient, tous les deux, se laisser aller à l'expression de leur passion partagée. Et alors qu'elle capturait ses lèvres et qu'il passait ses mains sous le pull froid de sa roumaine, l'eau bouillante leur tomba brusquement dessus pour les réchauffer d'autant plus. Les cheveux du roumain se levèrent sans qu'il ne fasse autre chose que retirer à la hâte le joli pull bleu de sa femme qu'elle avait prit tant soin à sélectionner.

L'homme en profita pour faire glisser des épaules de sa femme les indécentes bretelles de soutien-gorge qu'il avait eu le loisir d'avoir sous le nez pendant tout le dîner, alors que sa propre bouche se perdait dans son cou, mordillait son oreille et que ses mains, décidément baladeuses se promenaient quant à elles allègrement sur le corps de celle qu'il avait eu la joie d'épouser. Et comme cette dernière avait décidément bien du mal à se dépêtrer de ses vêtements à lui, il consentit, finalement, à retirer tout seul sa chemise. L'effeuillage était peut-être quelque chose d'apprécié et d'appréciable, il n'en demeurait pas moins que sous l'eau bouillante qui les éclaboussait tous les deux, il n'avait pas envie d'attendre très longtemps. Le visage mouillé par l'eau, Razvan voyait à travers la barrière de ses paupières et la barrière d'eau sa délicieuse épouse qu'il désirait désespérément honorer.


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