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Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS

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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Ven 27 Nov 2020 - 3:19

Souvenir 10 - Juillet 1964

La nuit n’était pas encore tout à fait tombée. L’été laissait le soleil traîner un peu ses rayons sur les corps rendus pâles par un hiver trop long. Comme toujours, Sibiu célébrait la chaleur de la saison, une occasion disons pour célébrer dedans et dehors, et laisser libre cours à la danse et aux chants - comme s’il fallait une raison pour ça chez ces roumains. L’été, c’était aussi l’occasion pour deux jeunes mariés de sortir la tête de leurs livres, de leurs études, de leurs soucis, et de lever un peu le nez pour admirer ce que la ville avait à leur offrir. Ils prétendaient la connaître par coeur, et pourtant, à force de ne plus la regarder, Neolina appréciait d’en redécouvrir les contours.

Evidemment, Razvan avait bougonné quand Neolina lui fait parlé de la fête. Evidemment. Mais il n’avait pas fallu beaucoup de temps pour le convaincre, il avait suffi de convoquer les souvenirs. C’était là-bas que, 5 ans avant… 5 ans seulement, et pourtant, presque une éternité tant il s’était passé de choses. Alors imaginez toutes les éternités qu’il leur restait à passer ensemble. A cette simple pensée, le visage de Neo s’illuminait. Il y a 5 ans, l’amitié avait pris un tout autre chemin, et tandis qu’elle se dirigeait vers la salle, la main de son mari dans la sienne, Neo réalisa qu’elle était toujours là. L’amitié ne partirait jamais, c’était sans doute ce qui rendait leur relation si unique et privilégiée. Personne ne comprenait vraiment. Personne ne comprendrait jamais.

Preuve en était, au fil de la soirée, ils avaient subi toute une salve de questions, entrecoupées de danses salvatrices qui permettaient au couple de se soustraire aux interrogatoires. On aimait pas bien ça, à l’Est, les interrogatoires. Encore moins quand cela concernait la vie privée de deux jeunes gens qui étaient, tout de même, pudiques quand il s’agissait de s’exposer aux autres. La robe de Neo tournoyait, la même robe qu’il y avait 5 ans, tiens, elle rentrait encore dedans. Et à chaque arrêt, question indiscrète sur la suite. La suite, toujours la suite, mais pourquoi ? Ils n’étaient pas bien comme ça ? Neo était heureuse, ne cherchait rien de plus que ce qu’elle avait là parce que chaque matin, elle se réveillait avec un sourire, et s’endormait avec le même. L’avenir, ça l’intéressait, mais elle le laissait se dessiner tranquillement. Mais non, les anciens et leurs questions... À chaque fois, lassée, Neolina se payait le luxe de se boire un petit verre. Et ça commençait à faire beaucoup, à force. Mais Neo savait qu’il valait mieux se taire que de brusquer les sensibilités, à quoi ça servirait ?

La roumaine en était donc à son… euh, enième verre de vous-savez-quel-alcool-roumain quand arriva encore, encore une sollicitation indiscrète. « Alors alors, quand est-ce que vous nous faites un p’tit ? » Neo avait encore la tête qui tournait de sa valse, et puis du reste aussi, et franchement, cette question là, c’était la goutte d’eau de vie qui faisait déborder la Tuiça ! Et puis pas originale pour trois noises en plus, vraiment ! C’en était trop, et si Razvan conservait son calme tout razvanien, Neo n’y tint plus. Le vieil oncle Florin, qui avait l’air d’être l’oncle de tout le monde à Sibiu si on l’écoutait, allait sans doute regretter son timing fâcheux. « Quand tout l’monde arrêtera d’nous poser la question. C’est dire si ça risque pas d’arriver ! » L’homme tout fripé lança un regard décontenancé à Razvan, du genre qui voulait dire : tiens ta femme, mon fils. Oh, il n’avait pas besoin de la tenir, merci, ou alors très très serrée mais ça tout de même, on n’en parlait pas en public. Fière de sa répartie, Neo but un autre verre - sale idée - cul sec en plus, et le claqua sur la table avant d’empoigner la main de son époux pour l’entraîner loin de ce vieux croulant. Une idée lui vint en chemin, une idée pas maligne parce que hé, quand on ne savait plus compter le nombre de verre ingurgités, c’était qu’il y en avait trop. Neo lança un regard malicieux à Razvan avant de se glisser sous une table, comme à l’époque. « Allez viens ! » Au moins là, on leur ficherait la paix !


Dernière édition par Neolina Siankov le Sam 28 Nov 2020 - 12:19, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Ven 27 Nov 2020 - 11:55

Lorsque Razvan disait que Neolina finissait toujours par avoir ce qu'elle voulait avec lui, il le pensait. Vraiment. Et il fallait bien dire que son épouse avait aujourd'hui réalisé un coup de maître. Le traîner à la fête de leur ville d'enfance était une idée à laquelle il était réfractaire et le jeune homme avait bien essayé de négocier en lui disant d'y aller toute seule - tu t'amuseras bien ! - cela ne changeait rien. Neo s'était mise en tête d'y aller avec lui. Et il n'y avait aucune version de l'histoire où elle n'y allait pas du tout, alors imaginez... C'est ainsi qu'ils s'étaient retrouvés au milieu de cette foule de vieilles personnes désireuses de leur demander quand ils seraient une famille de trois et non plus une famille de deux. A dire vrai, Razvan n'avait naïvement pas imaginé qu'on les harcèlerait à ce point, cela relevait de leur vie privée et il considérait quand même que c'était quelque chose à laquelle ils avaient droit. Oui mais voilà, la Roumanie, les années soixante, que voulez-vous...
L'étudiant avait les fesses vissées dans une chaise et le regard un peu vague après avoir fait tournoyer sa femme pour la dixième fois de la soirée. Lui n'aimait pas tant danser mais qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour lui faire plaisir. Ou peut-être était-ce juste parce qu'il avait trop de tuica dans les veines. Possible aussi. Un peu plus tôt dans la soirée, il avait essayé de se lancer dans une conversation politique avec quelqu'un - qui, aucune idée ! - mais force était de constater qu'il était déjà trop dans le brouillard pour tenir deux phrases. Il fallait bien dire aussi qu'il s'enfilait un verre à chaque question indiscrète et cela ne concernait pas que la progéniture que Neo et lui n'avaient pas encore. Le roumain leva un regard noir à l'attention de l'oncle Florin et si lui n'entendait pas répondre, Neolina fit tonner la force de sa bravade avec un air et une voix qui lui arrachèrent un rire. Bien plus que le regard outré du vieil homme. Entraîné par son épouse, Razvan fit un geste de la main maladroit à Florin avant de se laisser promener dans la salle jusqu'à une table. Une table sous laquelle, ni une ni deux, Neo se réfugia. Stupéfait par cette idée de génie - vraiment ? - le jeune homme se contenta d'abord de regarder autour de lui l'air de rien, remonta son pantalon avant de plonger sous la table une fois certain que personne ne le verrait. Miracle s'il en était, il ne se cogna pas la tête mais se retrouva contorsionné sous la table qui servait de support à tous les alcools : « T'sais que si y a une bagarre et qu'les types finissent sur la table, ils vont la casser et nous avec... » lui dit-il le font de sa pensée de cette mauvaise façon de parler qu'il ne pouvait s'empêcher d'avoir lorsqu'il buvait un peu trop. Si Neo rayonnait même ivre, lui avait généralement tendance à se montrer encore plus taciturne. Et c'était pour le bien-être de tout le monde. Mal installé, l'étudiant étendit ses jambes de part et d'autres de Neolina qui le regardait avant de s'allonger sur les coudes pour la regarder. « Dans mon souvenir, on avait plus de place » continua-t-il à voix basse alors que son visage se fendait d'un sourire. Les quelques centimètres qu'il avait pris entre temps, il les sentait maintenant. Mais comme il le répétait toujours, Neo obtenait toujours ce qu'elle voulait.


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Sam 28 Nov 2020 - 3:17

Le niveau d’alcoolémie était si haut chez Neolina que réussir à se glisser sous cette table sans dévoiler ses fesses tenait réellement du miracle. Assise en tailleur, elle attendait Razvan avec son petit air de gamine insolente, et sourit vraiment comme une enfant de cinq ans quand il la rejoignit. Il était si grand maintenant que le voir se contorsionner là-dessous la fit pouffer. Razvan était sans nul doute au moins aussi imbibé qu’elle, et il avait évidemment bu plus qu’elle pour arriver à pareil résultat car si elle s’était enfilé la même quantité que lui, elle serait sans doute tombée dans le coma. Malgré tout, le pragmatisme de son charmant mari l’amusa. Elle n’avait même pas capté ce qui se trouvait sur la table, avait juste saisi l’occasion parce que son cerveau saoul trouvait ça drôle. « Pfff, il en faut plus que ça pour nous casser. » dit-elle d’un air qui se voulait désinvolte. Avec toutes les chutes qu’elle avait connues dans sa vie, Neo était in-ca-ssable. Et puis au pire, la magie, ça réparait tout pas vrai ?

Heureuse, totalement ivre d’amour mais pas que, Neo observa Razvan prendre une position qui se voulait confortable. Ses pieds à côté d’elle, elle entreprit de lui délacer une chaussure sans pouvoir s’expliquer pourquoi. Quand on était bourrée comme ça, il n’y avait pas grand chose qui s’expliquait. Razvan la ramena à lui avec une phrase, et elle leva la tête d’un coup, comme un croup qui aurait flairé un gnome. Qu’il était beau, son homme, se fit-elle la remarque. Oh, elle se le disait souvent mais parfois, ça la frappait, comme là maintenant. Il était beau, et sexy, et elle prenait grand plaisir ce soir à danser en étant tout contre lui. Neo et Razvan étaient comme des aimants, en fait. « Oh mince, faudrait qu’on soit collés pour gagner d’la place… » L’intention de la phrase était d’être un peu provocatrice et sexy, mais l’intonation n’y était pas trop. Au prix d’un petit effort, Neo se redressa sur ses genoux et voulut se mettre à califourchon sur son mari - regardez-le aussi là, avec son petit air sexy. Mais dans l’opération, une femme aussi maladroite qu’elle, maladresse accentuée par la Tuiça, ne put que se cogner contre leur plafond de bois. Echec. « Ouch ! » lâcha-t-elle dans un petit couinement aigu avant de se laisser tomber sur lui dans un mouvement semi contrôlé.

Finalement, Neo se lova contre le torse réconfortant de son époux, ramenant ses jambes entre les siennes pour se rouler presque en boule comme un petit animal. « T’es beau… » souffla-t-elle en fermant les yeux et en se nichant vraiment comme si elle allait commencer sa nuit ici. Mais les bruits alentours l’empêchèrent heureusement de sombrer et finalement, elle leva la tête vers lui, toujours sans se décoller parce qu’elle n’avait pas envie. Il était si chaud, comme tout le temps. De là où elle était, elle ne voyait pas grand chose si ce n’était son cou délicat où elle cala un baiser. « Et nos bébés, y seront beaux aussi… » continua-t-elle en embrayant sur un sujet qui l’avait pourtant mis hors d’elle toute la soirée. Neo voulait un enfant. Qui ne voudrait pas d’un enfant avec un homme pareil ? Juste, quand ça serait le moment, merci. Mais parfois, comme maintenant, Neolina ne pouvait s’empêcher de penser à quoi ressemblerait un petit eux, un mélange de gènes Neo Razvan et son coeur explosa. Elle imagina un bébé aux cheveux aussi noirs que la nuit, comme lui et au teint pâle, comme elle. Razvan allait faire un si bon père, c’était évident. Ça ne serait pas pour maintenant, mais quand ça arriverait, elle n’aurait pas peur. De toute façon, avec Razvan, elle n’avait peur de rien, pas même de se comporter comme une ado alors que le monde entier attendait qu’ils passent d’adultes à parents. Mais pas tout de suite, non. Pas maintenant.
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Razvan Vacaresco

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Sam 28 Nov 2020 - 12:01

Razvan se laissait bien peu aller à l'alcool mais ce soir-là, il n'avait su supporter tous les sous-entendus et mots qu'on lui disait pour leur arracher une information sur une prétendue grossesse de Neolina. A croire que la mère de la jeune femme avait mandaté tous les curieux du village pour en savoir plus. Elle en était capable, en plus de cela. Mais outre la lourdeur de la question qui revenait tout le temps, le roumain était quand même conscient que c'était plus à elle qu'on en voulait pour cela. Alors même que c'était leur choix de ne pas suivre le chemin tout tracé que semblaient leur désigner tous les vieux os de Sibiu. Après tout, elle était la femme, c'était son devoir de faire cela. De ne pas faire d'études, de se plier à ce qu'il voulait. Le regard de l'oncle Florin en disait long sur les moeurs de cet endroit où ils avaient vécu. Mais Razvan, qui avait été élevé simplement par une tante au fort caractère, ne pouvait pas avoir le même point de vue. Et comment être d'accord avec ces gens, alors que ça rendrait Neolina malheureuse ? Elle n'avait pas le profil d'une femme au foyer typique, et ça ne le dérangeait pas qu'elle le soit. Le roumain voulait qu'elle soit d'abord heureuse, si cela passait par le travail, soit.

Il la suivit du regard alors qu'elle faisait une vaine tentative, elle imbibée, de grimper à califourchon sur lui et c'est probablement mieux qu'elle ne réussit pas. Elle se cogna au contraire la tête et ce fut à son tour de pouffer comme un imbécile. Neolina se lova contre lui et il aurait aimé avoir plus d'espace pour l'encercler de ses bras, lui flatter le dos, ou les bras, mais il ne le pouvait pas. Il devait se contenter de ressentir sa présence douce et agréable contre lui. « Si tu t'endors, je m'endors aussi » l'avertit- il avec le plus grand sérieux du monde, alors qu'elle lui faisait une petite déclaration qui fit fondre son coeur. Razvan n'était pas forcément l'homme le plus romantique du monde, il était parfois un peu trop brut. Brut comme du granit mais Neolina parvenait toujours à récolter quelques copeaux de lui. Elle savait tirer le meilleur parti de sa personnalité, le faire parler bien qu'il ne parlait qu'avec elle, obtenir des sourires et des baisers et des caresses dont il ne semblait pas capable de se lasser un jour. Le roumain était éperdument amoureux d'elle, c'était ça qu'elle avait provoqué chez lui. « J'te propose qu'on reste sous cette table jusqu'à la fin de la soirée » dit-il en se mettant en équilibre précaire sur un seul coude pour glisser sa main dans les cheveux de son épouse, « j'pas envie qu'on se fasse encore harceler. Au moins ici on est tranquille, on a juste à attendre que tout l'monde soit parti ». Et ça pouvait durer des heures et des heures, à moins qu'ils ne soient dérangés par des gosses qui avaient la même idée qu'eux : se cacher sous la table pour se soustraire aux méchants adultes et à leurs questions débiles. Razvan avait envie de profiter de ce moment avec Neo comme s'il ne profitait pas assez d'elle chaque jours. La main toujours perdue dans les cheveux blonds de la jeune femme, il finit par la retirer à contre-coeur parce qu'il avait mal aux bras, avant de s'allonger finalement de tout son long pour serrer correctement son épouse contre lui.

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Dim 6 Déc 2020 - 10:40

Décembre 1964


C'est en hiver que le ciel roumain se faisait le plus mauvais. Il déversait des torrents de pluie qui envahissaient les rues, dévastaient la flore, lavaient les pavés. Razvan n'était pas un grand adepte des températures froides et de la pluie, il préférait la chaleur du soleil qui irradiait toujours sur sa peau. Ce soir-là, il rentrait plus tard que d'habitude, plus fatigué, aussi. L'étudiant prenait l'habitude, deux fois par semaines, d'aller boxer dans des endroits peu recommandables pour évacuer la pression et le stress qu'il avait emmagasiné pendant tout ce temps. Sans le dire à Neolina, cela va de soit. Le roumain ne voulait rien lui dire pour ne pas l'inquiéter. La boxe n'était pas n'importe quel sport et l'endroit où il en faisait était assez désolant. La violence des coups autant que les cris d'animaux des gens qui pariaient tout et n'importe quoi - y compris leur maison ! - faisaient de cette cave un endroit détestable où il préférait qu'elle ne sache pas qu'il aille. Il prétextait souvent un prof aux paroles lentes pour justifier son heure et demi de retard, ou quelque chose de particulier à l'université où il étudiait. Et pour parfaire l'illusion, il se soignait tout seul, comme un grand, avant de rentrer. De sa petite soirée particulière ne restait donc aucun hématome, aucune griffure. Razvan avait tout au plus les cheveux un peu humides après avoir pris une douche rapide dans les vestiaires et les traits fatigués. Fatigués mais apaisés. Le sport avait cela de beau qu'il lui permettrait de se soustraire à son stress qui s'emmagasinait de plus en plus, au fur et à mesure qu'il avançait dans ses études. Le jeune homme avait besoin de se défouler, sinon il allait exploser. Il n'avait pas d'autre solution que d'en arriver là, pour la simple et bonne raison que le secret professionnel le poussait à ne pas pouvoir parler de certaines choses et pour la simple et bonne raison que certaines choses ne pouvaient pas être discutées. La médecine touchait parfois dans l'horreur et les images restaient gravées dans sa rétine là où des paroles ne pourraient jamais lui faire oublier ce qu'il avait vu. Imaginez combien ce métier était passionnant autant que terrible pour un homme aussi empathique que lui ?
Les épaules, cheveux, manteaux trempés, il entra dans l'appartement miteux qu'il partageait avec Neolina. La fatigue marquait ses traits et le jeune homme n'avait qu'une seule envie, celle de manger, se redoucher et aller se coucher.  « Neo...? » l'appela-t-il en retirant ses chaussures trempées aussi à l'entrée, avant de retirer son manteau pour le pendre et chercher son épouse des yeux.  Razvan réalisa brusquement avec une certaine horreur qu'il s'était certes soigné, mais qu'il avait oublié le principal : ses mains. « Merde » lâcha-t-il son juron dans un murmure en regardant la jointure rouge de ses doigts qui seraient bleuies dès le lendemain. Il était tellement crevé qu'il avait réussi à oublier ça. Forcément que cela devait arriver un jour. On finit toujours par faire une gaffe qui nous trahisse. Il n'avait plus qu'à prier pour que Neolina ne remarque rien et... Et quoi ? Leur appartement était minuscule, c'était une pièce. Où diable pouvait-il aller pour se passer une potion sur les mains ? Il avait l'étrange sentiment qu'il allait passer une bien mauvaise soirée. Décidément.

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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Dim 6 Déc 2020 - 22:33

Une fois n’était pas coutume, le froid avait envahi la minuscule pièce à vivre du couple Vacaresco. Du bout de sa baguette, Neolina chauffa l’endroit comme elle put dès qu’elle en poussa la porte, alors qu’elle aurait aimé retrouver un peu de chaleur après avoir affronté la pluie à l’extérieur. Ni une, ni deux, glacée comme elle était, elle fonça sous la douche et y resta de longues minutes pour réchauffer sa peau, avant d’enfiler une chemise de Razvan qui lui arrivait jusqu’au genou et de sauter dans le seul endroit un peu confortable du lieu, à savoir leur lit. Elle s’emmitoufla dans un plaid bien chaud, cadeau fabriqué par sa mère le Noël précédant, et seuls ses cheveux mouillés et ses mains qui tenaient le bouquin qu’elle lisait émergeaient du tricot.

Épuisée par sa journée, trop confortablement emmaillotée sans doute, Neolina sombra dans une sorte de demi-sommeil après avoir lu à peine une dizaine de lignes sur l’histoire de l’amnésie magique à travers les âges, sujet passionnant, mais bouquin bien mal écrit. Ce ne fut que lorsqu’elle entendit la voix de Razvan qu’elle ouvrit finalement un oeil, puis le second, et s’étira doucement en baillant comme un petit animal avant de sauter hors du lit. « Bonsoir Iubire. » l’accueillit-elle, encore à demie endormie, fauchée par le froid maintenant qu’elle n’était plus dans son petit cocon de laine. Mais malgré la trace sur sa joue et ses yeux encore embrumés par sa sieste, Neolina remarqua immédiatement quelque chose de bizarre chez Razvan. Dans son attitude, déjà, ça lui mit la puce à l’oreille tout de suite. Alors ses yeux cherchèrent, et trouvèrent vite la source de ce changement, qui se transforma vite en inquiétude chez elle.

Ni une, ni deux, elle franchit les quelques mètres qui la séparaient de lui à la vitesse d’un vif d’or, se moquant qu’il était tout trempé, qu’il faisait une température quasi négative, qu’elle était jambes nues. Préoccupée, elle attrapa les mains abimées de Razvan et les prit délicatement dans les siennes. « Oh, Razvan, qu’est-ce qui s’est passé ? » Son ton trahissait son inquiétude tandis qu’elle levait la tête pour vérifier qu’il allait bien. Elle savait bien ce que voulaient dire de telles marques sur ses mains, et elle craignait d’en voir d’autres entacher la beauté de son homme. Qu’il lui dise qui avait fait ça, et elle irait lui botter les fesses si fort qu’il atterrirait en Russie !

Mais voilà, pas une seule marque, rien. Si cela la rassura l’espace d’un instant, son instinct de femme à qui on ne la faisait pas l’envers reprit le dessus. Razvan n’aurait jamais cogné le premier. Peut-être avait-il été frappé à un endroit où ça ne se voyait pas, et qu’ensuite, il avait dérouillé la personne en face mais… non. Quelque chose clochait, dans sa façon d’être déjà. Oh, elle le connaissait bien son Razvan, et là, il avait son air de coupable. Mais coupable de quoi, exactement ? «  Razvan, qu’est-ce qui s’est passé ? » répéta-t’elle d’un ton tout à fait différent, beaucoup plus calme et finalement, bien plus inquiétant. Ses grands yeux noisettes ne quittaient pas les siens, et attendaient une réponse alors que machinalement, ses pouces caressaient les jointures blessées parce que quelle que soit la bêtise commise, elle ne supportait pas de le savoir blessé.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 1:00

Razvan avait des défauts. Comme tout le monde, vous me direz. Mentir n'était pas nécessairement un défaut qu'il avait généralement puisque lui-même était plutôt intraitable avec cela. Le roumain n'aimait pas qu'on le ménage pourtant c'était ce qu'il avait fait en ne parlant pas de ce qu'il faisait parfois, le soir. Il aurait dû, c'eut été la chose la plus logique à faire. Mais que voulez-vous. Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais. Il n'avait pas voulu inquiéter Neolina avec ce qu'il faisait. Il n'avait pas voulu, peut-être aussi, admettre qu'il avait tant besoin de se défouler. De frapper quelqu'un pour oublier. C'était terrible d'avoir ce besoin là. Razvan ne cassait pas la gueule d'un sac de sable. Les coups qu'il envoyait, on les lui rendait. Lorsque son épouse apparu aussi vive qu'un vif d'or, il aurait voulu pourtant ne pas être si fatigué ce soir-là, ne pas lui avoir menti non plus, vu la tenue dans laquelle elle était. Bien qu'il était mouillé de la pluie du dehors, l'étudiant aurait voulu tout faire pour la réchauffer autant que possible. La douceur de ses doigts réchauffa ses mains meurtries et forcément, elle comprit vite qu'il y avait un problème. Évidemment. « Oh euhm... » - il n'osa pas mentir éhontément en répondant "rien". Il n'osait pas parce qu'il abhorrait le mensonge et surtout, parce qu'il ne savait pas lui mentir. Il l'aimait trop pour lui mentir. La voix de Neo prit un autre ton néanmoins, plus menaçant et il préférait éviter son regard. « Ne t'en fais pas pour ça » fit-il finalement en dégageant doucement ses mains pour lui coller un bisou sur la joue avant de la dépasser pour aller se doucher, « ça va passer, une potion et on en parle plus ». Comme si c'était la bonne solution, tu parles... Le roumain allait forcément devoir lui rendre des comptes. Neolina n'allait pas lâcher l'affaire comme cela. Elle ne lâchait jamais l'affaire comme cela. Et au fond elle avait raison, l'honnêteté était quelque chose d'important. Oui mais voilà, ce n'était pas rien de boxer des gens dans une cave miteuse où on risquait de se faire emmener au commissariat pour outrage. Ce n'était pas rien du tout. Qu'est-ce qu'elle aurait fait s'il était emmené ? Non pas qu'il ne la croyait pas capable de se débrouiller seule, elle en était capable, bien plus que lui, d'ailleurs. Mais voilà, il prenait le risque pour sa propre santé mentale sans avoir prévu de prendre le risque de passer un sale quart d'heure face à sa femme.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 1:22

Dans ce petit appartement, il n’y avait pas trente-six solutions pour qui avait l’intention d’échapper au regard de l’autre. Non pas que ce soit dans leurs habitudes, mais quand même, ça arrivait parfois. Neolina pleurait de temps à autre sous la douche, quand elle ne voulait pas qu’il sache que sa journée avait été trop dure. Et puis, une fois les larmes et le reste séchés, ça allait mieux, et elle retrouvait son sourire, et son Razvan. Là donc, son taiseux de mari crut que répondre à côté et s’échapper vers la salle de bain serait suffisant pour la faire taire ? Oh, ça aurait été bien mal connaître Neolina que de croire qu’elle allait lui laisser ne serait-ce qu’une once de répit.

Quelque chose clochait, c’était évident. S’il ne voulait pas lui dire la vérité, c’était qu’il avait mal agi, du moins suffisamment mal pour s’en vouloir et refuser d’affronter les foudres de sa femme. Renfrognant son nez après qu’il l’ait embrassée sur la joue, Neo lança un regard furieux au mur d’en face alors qu’il était parti direction la douche, et elle jura tout bas en roumain pour laisser échapper son agacement. Ni une, ni deux, Neo fonça dans la minuscule pièce où Razvan ôtait ses vêtements - vision qu’elle aimait observer d’habitude, mais là, ça ne marcherait pas. Sans lui jeter un regard, elle grimpa dans le bac de douche toute habillée, même si bien peu en réalité, et se tint bien droite malgré le fait que sous ses pieds, le sol était glissant à cause de l’eau de sa douche qui ne s’était pas encore évaporée. « Tu n’as pas répondu à ma question. » lui dit-elle en lui lançant un regard agacé à travers la vitre fumée qui les séparaient. Il était têtu ? Elle aussi. « Je me fiche bien que ça passe, je sais que tu n’es pas aux portes de la mort, mais je ne bougerais pas de là tant que tu ne m’auras pas répondu. » Déterminée, elle croisa les bras sous sa poitrine en s’appuyant sur le carrelage encore mouillé derrière elle, faisant par là même remonter la chemise d’une manière qui aurait été sexy dans un tout autre contexte. « Qui as-tu frappé, Razvan ? » demanda-t-elle, passant à la vitesse supérieure niveau question parce qu’en matière de mensonges, sa patience avait de sacrées limites. Et Razvan venait clairement de les atteindre. Neolina exécrait le mensonge dans sa vie en général. Mais quand il s’agissait de son mari, de l’homme qu’elle aimait, alors c’était pire que tout. S’ils commençaient à se mentir maintenant, alors quoi ?
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 1:45

Qui a dit que l'on pouvait s'échapper du regard inquisiteur d'une femme ? Ça, quand elles voulaient quelque chose, elles l'obtenaient, pas de doute. Ces amères pensées qui ne lui ressemblaient pas étaient un mécanisme de défense de l'homme qu'il était et qui détestait les interrogatoires. Et alors qu'il croyait naïvement lui avoir échappé et qu'il retirait son pull bleu foncé, elle le dépassa pour se mettre dans la douche, histoire de lui bloquer le passage. Razvan manqua de faire simplement demi-tour en soupirant. Il savait que son épouse aurait fait demi-tour et que ce serait pire, alors autant lui faire face alors qu'ils étaient séparés par une vitre. Et bien que généralement, la douche chaude leur procurait d'autres envies, il avait l'impression que là, elle avait des envies de meurtre. Le roumain déglutit, alors qu'elle enchaînait ses questions et qu'il se sentait prit au piège comme un rat. « Ecoute, tu ne veux pas qu'on en parle tout à l'heure ? J'ai vraiment besoin de me doucher, je vais attraper la crève » - et il savait qu'une fois qu'il aurait dit la vérité, la conversation (ou plutôt la dispute) allait durer un moment. Il la regarda enfin dans les yeux - première action courageuse depuis qu'il était rentré - pour y lire une fureur qu'il n'aimait pas lire dans son regard. Neolina pouvait être une tornade si elle le voulait, là où lui était plutôt d'un agacement passif. Et dans sa tenue, elle était en plus sacrément sexy, alors imaginez... Mais bon, il était fatigué, et il n'était pas fou : elle allait lui faire la gueule après ça. « Et puis, pourquoi tu veux savoir ? C'est pas grave » continua-t-il à s'enfoncer alors que vraiment, ce n'était pas l'idée du siècle, bon sang. Quand on a peur, on arrache le pansement ! Parce que bon, si ce n'est pas grave, autant le dire, ne pas mentir, ou ne pas omettre des propos. Boxer lui permettait de se défouler, mais pas que. L'argent, cette honteuse chose capitaliste, n'était pas inconnue de leurs pays ravagés d'une idéologie mortifère. Non non, le rouble soviétique existait. Et c'était ce que l'on s'échangeait dans ces caves. S'il ne faisait pas ça pour l'argent - et ne prétendrait pas qu'il le faisait pour ça pour l'amadouer de toute manière - le fait est que c'était un avantage supplémentaire dont il se satisfaisait assez. Quelques roubles soviétiques de plus... On ne crachait pas dessus, non ? Il retira son tshirt pour se retrouver torse nu et mit ses mains sur ses hanches en attendant la suite. Il allait déguster, il le savait.
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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 2:06

En général, quand Neolina et Razvan étaient dans cette salle de bain à deux, ça n’était pas pour se balancer des regards en coin comme ça. Non en général, ils étaient aussi chauds que l’eau qui coulaient sur eux, ou la vapeur qui les entourait. Mais là, l’ambiance était glaciale, tout comme le regard qu’elle lui lançait. Mais bon sang de bonsoir, qu’est-ce qu’il avait bien pu faire pour refuser de lui dire ! Même si la colère commençait à monter sérieusement en elle, Neolina était aussi inquiète, au fond. Que lui cachait-il ? Pourquoi, surtout, le lui cachait-il ? Naïvement peut-être, elle s’était toujours figuré qu’ils étaient honnêtes l’un envers l’autre, à part sur peut-être deux trois choses pas importantes. Mais là, c’était important. Et ça la blessait, profondément. Après sa piteuse tentative de la prendre par les sentiments en appuyant sur une potentielle pneumonie - fallait-il qu’elle soit énervée pour penser ça, et ne pas le laisser prendre tranquillement sa douche avant de le sermonner - elle passa derrière la vitre pour bien le regarder, bien en face, et bien le faire culpabiliser. Oh, la phrase d’après n’arrangea pas le cas Vacaresco, clairement.

Fulminant, elle bondit hors de la douche et se rattrapa à la paroi pour éviter de glisser - ça n’était pas le moment de s’ouvrir le crâne - mais n’en perdit pas pour autant sa détermination. Certes, il faisait 15 bons centimètres de plus qu’elle, mais ça ne l’empêchait pas de lever la tête avec fierté pour planter ses yeux dans les siens. Si ça avait été des couteaux… Pauvre Razvan ! « Pourquoi je veux savoir ? Pourquoi je veux savoir ? » répéta-t-elle avec emphase et un agaçement qui passait au stade supérieur. « Parce que mon mari rentre à une heure tardive, les poings meurtris, et qu’il me ment avec aplomb. Ca te parait une raison suffisante ? » Oh, il avait réussi à l’énerver. Ca n’arrivait pas souvent, mais quand ça arrivait, ça n’était bon pour personne. Et surtout pas pour lui, soyons francs.

Hors d’elle, Neo ne lui laissa même pas le temps de répliquer et posa un doigt accusateur sur son torse nu et glacé, il fallait bien reconnaître. « Deux options, Razvan Vacaresco. » Combinaison Prénom + Nom, décidément, ça allait sacrément barder pour son matricule. « Soit tu me dis la vérité, et on s’engueule. De toute façon, je suis déjà énervée, alors… » Vrai. Si son regard pouvait lancer des Expulso, ça ferait déjà longtemps que ce cher Razvan serait dans le mur. « Soit tu m’ignores encore et tu vas prendre cette douche. Dans ce cas, crois-moi, tu vas passer ta nuit tout seul à ruminer tes mensonges. » Elle irait chez Iléana, sans doute, qui l’écouterait docilement râler sur son imbécile de roumain. Sans doute qu’elle lui donnerait des bons conseils qu’elle n’écouterait pas. Mais ça serait la première nuit, depuis leur mariage, que Neo et Razvan ne passeraient pas à deux. Mais s’il fallait ça pour délier la langue de ce têtu, elle le ferait. Oh ça oui, elle le ferait.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 2:28

Razvan détestait voir Neolina aussi froide envers lui. Il fallait bien dire aussi qu'il détestait les conflits mais que pour le coup, il ne faisait rien pour éviter celui-là. Pire, il rajoutait de l'huile sur le feu, comme si Neo avait besoin de ça pour éclater. Il avait l'impression qu'elle était une bouteille quand laquelle il y avait trop de pression. Et devinez dans la gueule de qui allait se diriger le bouchon de liège ? En fait, il regretta sa propre attitude et certes, il aurait juste dû lui dire la vérité en rentrant chez eux, lorsqu'elle avait remarqué ses mains. Il les croisa dans son dos comme si les cacher aller changer quelque chose alors que non, vraiment, ça ne changerait vraiment rien. Le ton de son épouse aurait pu faire trembler les murs de leur appartement miteux. Il n'était même pas agacé qu'elle lui parle de la sorte, après tout, c'était lui qui avait merdé. Pas elle. Lui. C'était un fait. Si d'autres hommes de son pays à cette époque l'auraient fait taire plutôt rapidement, Razvan était un homme plutôt moderne dans son traditionalisme. Et il la regardait, un peu médusé, s'énerver de plus en plus contre lui. Les doigts qu'elle posa sur son torse ne le firent pas reculer mais l'envie était là. Mais voilà, Neo utilisa l'argument imparable. Il n'avait pas envie qu'elle découche, surtout pas alors qu'il était si fatigué et qu'il avait besoin de sa présence. Même si cette présence était agacée, il ne voulait pas se retrouver seul. « Ça ne va pas te plaire... » - il la prévenait, là ? Oh la situation ne plaisait pas à Neolina. Mais dans tous les cas, ils se seraient disputés, même s'il lui en avait parlé avant de le faire, il le savait. Et c'était aussi pour éviter cette dispute qu'il ne lui en avait pas parlé. Il avait dix bonnes raisons de ne rien lui dire. Ne serait-ce que pour lui éviter des problèmes si on l'attrapait. « Je-hum... » bégaya-t-il alors que le regard de Neo semblait prendre feu, « Je me bats deux fois par semaines dans une cave. Donc te dire le nom des hommes que j'ai frappé ce soir, j'aurais bien du mal. Sergio ou Sergeï, je ne sais plus... ». Et...? Il passa une main dans ses cheveux noirs, une main mal-à-l'aise, et meurtrie : « Je sais, je sais » préféra-t-il continuer avant qu'elle ne s'enflamme encore plus et lui fasse regretter d'être né, « je sais que c'est illégal, je sais ce que je risque. Je ne voulais juste pas que tu t'inquiètes, mais j'en ai besoin, vraiment, pour... » - il fit un geste en direction de sa propre tête - « pour ne pas perdre pied, voilà ». Il soupira, le coeur guère plus léger. Razvan angoissait. « On nous donne parfois quelques roubles si la soirée a été fructueuse, en plus... » conclut-il comme si l'argent allait amadouer Neolina. Il fallait bien trouver des points positifs à sa propre bêtise, non ?


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 11:42

La colère était une émotion forte que Neolina détestait ressentir. Elle détestait en vouloir aux gens et ne pas se sentir maîtresse d’elle-même. Elle préférait perdre pied face aux élans de la joie, de l’amour, de la surprise pourquoi pas. Mais pas la colère, non, sentiment ardent qui la faisait avoir un regard noir et une attitude fermée. Et se sentir ainsi à l’encontre de Razvan, de la personne qui comptait le plus au monde pour elle, c’était bien pire. Oh bien sûr, ils avaient quelques disputes, parfois, rien de bien méchant en réalité. C’était souvent un trop plein de quelque chose qui rejaillissait sur l’autre, mais rien de profond. Là, Neolina sentait bien que c’était différent. Sinon, elle n’aurait certainement pas menacé de découcher - menace qu’elle aurait mise à exécution s’il s’entêtait.

Evidemment, cet argument fut bien suffisant et Razvan sembla sur le point de lui confesser un meurtre, au vu de sa tête de dix pieds de long et de cette étrange phrase de prévention. Déjà furieuse de toute façon, Neolina ne le lâchait pas du regard, ne cillait pas même. Elle n’avait pas besoin qu’il la ménage, elle avait besoin d’entendre ce qu’il ne voulait pas lui dire. Eloignant sa main de lui, elle croisa à nouveau les bras, le visage plus fermé que jamais. Ça n’était pas parce qu’il acceptait de lui parler qu’elle était ravie d’avoir à entendre ce qu’il allait dire. Cela dit, elle s’était attendu à tout, sauf à ça.

Neolina détestait deux choses plus que tout : les mensonges, et la violence. En l’occurence, ce soir, elle avait toutes les raisons d’être hors d’elle. Lorsque Razvan donc lui confessa son secret, la jeune roumaine tomba de haut, très haut, et ne put cacher sa surprise lorsqu’elle comprit qu’elle avait mis le doigt sur un mensonge qui ne datait pas que de ce soir. « Quoi… ? » laissa-t’elle échapper, interdite, ne pouvant pas croire ce qu’elle entendait. Et il jouait au plus malin, avec son histoire de prénom, alors qu’il venait juste de lâcher une bombe incroyable. Razvan se… battait ? Non. Quoi ? Impossible. Volontairement ? Mais que… Médusée, elle observa son mari comme s’il était un parfait inconnu ou presque, bouche bée en réalité. Profitant de ce silence pour se justifier, la jeune femme écouta à peine son discours car elle se moquait presque de savoir quelles obscures raisons le poussaient à avoir envie de frapper un autre être humain, lui qui voulait passer sa vie à les réparer. Non, ce qu’elle retenait, c’était la récurrence de la chose. Deux fois par semaine, voilà qui était drôlement régulier. Depuis combien de temps lui mentait-il de la sorte ? Un mélange de tristesse et de rage s’invita en elle, et de ce mélange naquit peut-être l’un des pires sentiments au monde : la déception. Oui, elle était déçue, déçue qu’il ait jugé inutile de lui dire qu’il se mettait en danger, déçue de savoir qu’il avait sans doute inventé des excuses bidon pour couvrir ses arrières. Déçue de voir que son mariage n’était peut-être pas aussi idéal que ce qu’elle s’était figuré jusqu’à présent.

Quand son idiot d’époux eut la très mauvaise idée d’impliquer de l’argent dans tout ça, Neolina faillit lui balancer une gifle monumentale. Heureusement pour lui, elle était trop choquée pour esquisser le moindre geste. De toute manière, elle n’aurait pas pu plus le blesser que les autres idiots qu’il cognait, hein ? L’argent n’était pas une bonne raison, jamais. Elle avait encore des économies de son année passée à Londres, ils vivaient sobrement, l’argent n’était PAS une raison de se mettre en danger, de mentir, et puis quoi encore ? Finalement, elle secoua la tête avec lenteur, ne détachant toujours pas son regard du sien. « Va donc prendre ta douche. » finit-elle par dire en laissant son regard le quitter alors qu’elle lui tournait le dos pour se diriger vers la pièce principale. Son ton était d’un calme olympien presque désarmant, et si sec qu’on avait du mal à croire que c’était de sa bouche que les mots sortaient. Sans se retourner, elle claqua la porte derrière elle et se retrouva seule dans la pièce à vivre glaciale. Un frisson la parcourut, et machinalement, elle se dirigea vers la fenêtre et glissa sa main sous le rebord, dans une fissure où elle entreposait un paquet de cigarettes qu’elle ne sortait que rarement. Neo ne fumait que quand elle était vraiment bouleversée. Du bout de sa baguette, elle alluma le bâton de nicotine et laissa l’air de l’hiver pénétrer la pièce alors que son regard se perdait dans le ciel tout aussi sombre. Ses cheveux blonds déjà décoiffés par sa sieste s’ébouriffaient plus encore dans le vent, et sa chemise ne s’avérait être qu’un bien léger rempart contre le froid de Sibiu. Mais Neo s’en moquait. Après tout, elle venait de réaliser avec effroi qu’il aurait pu arriver n’importe quoi, oui n’importe quoi à Razvan dans cette maudite cave, elle n’en aurait rien su. Ca n’était pas un petit mensonge, non. C’était toutes les bases de la confiance de leur couple qui s’ébranlaient sous ses yeux impuissants et son coeur, au fond, ne s’en remettait pas. Ce soir-là, pensa-t’elle, elle aurait sans doute bien du mal à tenir la promesse qu’elle lui avait faite lors de ses voeux. Cette nuit-là, elle ne savait pas si elle saurait s’endormir sans être fâchée contre lui.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 12:47

Neolina était en colère et atterrée. Elle avait des raisons de l'être. Razvan la regardait bien attentivement pour guetter chacune de ses réactions, voir venir éventuellement une gifle, aussi. Mais non, la gifle ne vînt pas, ce fut pire en fin de compte. Son épouse était déçue. Et il ne pouvait pas lui en vouloir de l'être. Il savait qu'elle n'aimait pas la violence. C'était aussi une des raisons pour lesquelles il ne lui avait rien dit. Mais voilà, il y avait des choses qu'elle ne pourrait jamais comprendre - après tout, n'avait-il pas dit un jour qu'il ne la comprenait pas ? L'inverse n'était-il pas vrai ? Si. Bien sûr que si. Se parfaire dans l'illusion qu'on se comprend à la perfection, c'est inutile. La preuve en était, elle encaissait mal le choc. Le calme avec lequel elle lui intima de prendre sa douche lui déclencha un frisson et pas de ceux purement agréables. Il la suivit du regard et entendit la porte se claquer derrière lui. Dans un soupir, il prit une douche bouillante. Rapide mais efficace.

Lorsqu'il en ressortit pour aller affronter son épouse, Razvan avait les cheveux humides mais au moins, il n'avait plus froid. Il doutait cependant qu'il n'attrape pas une pneumonie vu le temps qu'il avait passé à être congelé. La douche l'avait fait réfléchir à ce qu'il avait fait, mais à dire vrai, il serait faux de dire que ce genre de pensées ne lui avaient pas déjà traversé l'esprit. Le roumain s'était souvent fait la réflexion qu'il devait peut-être poser le sujet sur la table sans s'y résoudre cependant. Pour un nombre faramineux de raisons. Il posa ses yeux sur elle alors qu'elle regardait dehors d'un air pensif et il prit bien soin de garder un écart assez grand - de la taille de la pièce, en fait - entre eux pour être certain de ne pas se prendre une gifle. Il ne savait pas quoi lui dire, qu'est-ce qu'il pourrait lui dire pour apaiser sa colère ? « Je sais que tu détestes la violence » commença-t-il finalement d'un ton interdit, « et je sais que tu détestes le mensonge ». Tout comme lui, n'est-ce pas ? « Je ne sais pas pleurer Neolina, je n'y arrive pas. Pour toi ce n'est peut-être rien, mais parfois c'est exactement ce dont on a besoin pour ne pas avoir de trop-plein. Sauf que moi, ça s'emmagasine. Je vois des choses horribles tous les jours, si je ne me défoules pas d'une façon ou d'une autre, je vais faire un craquage nerveux » - l'homme ne cherchait pas à s'apitoyer, il disait la pure et simple vérité. Il sentit qu'il avait besoin d'illustrer la choses avec des mots plus forts : « Pas plus tard qu'il y a deux jours on nous a formé à l'amputation et on a pas fini sur le sujet. Tu sais sur quoi on fait ça, Neolina ? Certainement pas sur des agneaux » dit avant de pousser un long soupir, « la personne sur qui j'ai fait la mienne était une femme, elle avait environs notre âge. Et elle te ressemblait beaucoup. Alors tu penses peut-être que j'essaie de justifier l'injustifiable, mais j'essaie de justifier un besoin que j'ai, vraiment ». Et il y avait tellement d'autres raisons qui l'avaient poussé à faire cela. Razvan s'approcha doucement d'elle pour ne pas la braquer, s'assit à un bon mètre d'elle pour regarder les traits de son visage obscurcis par la colère. « Ça n'a rien à voir avec un manque de confiance. Mais si on m'arrête, j'aurais des problèmes. Au moins, tu n'étais au courant de rien » - si on l'arrêtait oui, et si on le tuait ? L'idée lui avait traversé l'esprit sans qu'il ne daigne lui en parler. Ce n'était pas en quelques mots que l'on rattrapait une bourde pareille.


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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 18:57

La cigarette ne lui apporta aucun réconfort. À vrai dire, elle ne savait même pas pourquoi elle se trimballait cette habitude certes rare, mais ridicule et inutile. Sa gorge la brûlait, mais n’effaçait pas l’autre douleur. Silencieuse, elle regardait la rue en contrebas en réfléchissant à la révélation que Razvan venait de lui asséner. Comme un coup. Après tout, n’était-ce pas le sujet ? Avec un timing tout à fait à propos, des cris en bas attirèrent son attention. Une bagarre futile, qu’elle aurait ignorée en temps normal, jugeant que ce n’était là qu’un comportement imbécile mais cette fois, elle ne put s’imaginer que son mari aurait pu faire partie desdits imbéciles. Razvan frappait des gens, et pas pour se défendre. Le poids de cette découverte la pesait réellement, car jamais de sa vie elle n’aurait pu imaginer qu’il cachait ça en lui. Elle avait toujours cru le connaître par coeur, et se retrouvait aujourd’hui confrontée à la triste réalité. Il y avait une part de lui dont elle ignorait tout et au fond, cela la terrifiait. Aussi et surtout parce qu’il avait volontairement choisi de la lui cacher, et il avait diablement bien réussi car elle n’avait rien vu. Monsieur avait donc couvert ses traces, c’était peut-être ça le pire d’ailleurs, et ce soir n’était en fait que le résultat d’une maladresse. Sinon, pendant combien de temps encore le mensonge aurait tenu ?

La fin de la douche tomba pile au moment où Neolina écrasa sa cigarette, avant de la jeter d’un air absent dans la rue. Pourtant, malgré le froid, elle resta face à la ville, dos à son mari dont elle devina la présence un peu plus loin avant même qu’il n’ouvre la bouche. Les dents serrées, elle l’écouta sans broncher, justifications terribles s’il en était. S’il avait dit ça avant, quand il en avait ressenti le besoin, alors peut-être aurait-elle pu, sans accepter, au moins comprendre. Elle savait qu’ils avaient tout deux choisis de pénibles voies, altruistes certes, mais aux implications qui pesaient fort sur des coeurs sensibles comme les leurs. Elle savait qu’il ne lui disait pas tout, taisait l’horreur qu’elle lisait parfois dans son regard et qu’elle s’efforçait de faire disparaître avec ses sourires et ses attentions. Ça ne suffisait pas, certes. Neo n’avait pas la prétention de croire qu’elle pouvait tout soigner. Mais là, tout de même.

Razvan était désormais plus près, balança un argument qui se voulait protecteur, insupportable attitude qu’il avait parfois avec elle. Touchée au fond par son discours, deux forces s’affrontaient en elle. L’envie de le prendre dans ses bras, l’apaiser un peu après ce qu’il lui avait raconté car tout de même, quelle terrible épreuve. Et le besoin sourd de lui faire comprendre qu’il n’avait pas le droit d’agir de la sorte. Finalement, Neo ferma la fenêtre et s’avança vers l’amour de sa vie, aussi penaud qu’un enfant qui avait fait une bêtise. Sa main glacée se posa sur la joue rendue chaude par la douche. « Ça, c’est pour les terribles tourments que tu traverses. » Sa voix avait retrouvé un peu de douceur alors que son pouce se baladait tranquillement sur sa joue, machinalement. « Et ça… » Elle eut envie, ça oui, envie de lui coller une gifle pour extérioriser sa colère, mais n’y parvint pas. Son ton était sec, cassant certes, mais Neolina détestait la violence, alors elle n’allait pas s’y adonner. Surtout pas envers lui. « C’est pour ceux que tu m’infliges. » Elle se contenta donc de se détourner de lui tout à coup, et de retourner dans la place chaude qu’elle avait quitté quelques minutes plus tôt, ses jambes frigorifiées se glissant sous le plaid. « Quelles que soient tes raisons, j’aurais pu les comprendre. Peut-être pas accepter, mais… » Son regard qui fixait le mur se dirigea vers lui. On y lisait toujours de la colère, mais pas seulement. « Et tu le sais très bien. » ponctua-t’elle comme une vérité absolue. Razvan taisait toujours ce qui n’allait pas, mais pas avec elle. Si désormais c’était le cas, alors quoi… ? Allait-elle finir mariée à un mur, ou pire ? « Depuis combien de temps tu me mens ? Combien de fois m’as-tu regardé dans les yeux en me servant tes excuses ? Et dis-moi, ensuite, ça sera quoi le prochain ? » Du plus profond de sa naïveté, de son amour aussi, Neolina se figurait que c’était le premier, peut-être était-ce le cas d’ailleurs. « Ça commence comme ça. Un mensonge, et puis après… » Sa voix qui se brisa ne fit que révéler le fait que sa colère avait cédé la place à un réel désarroi. Tristement, elle ne pouvait s’empêcher désormais d’imaginer une longue série d’autres secrets, et maintenant, elle savait qu’elle devrait vivre avec ça pour le restant de ses jours.
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MessageSujet: Re: Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS Ce dont le destin nous a privé | NEOLINA | CLOS - Page 6 129196351Lun 7 Déc 2020 - 20:00

Razvan avait l'impression terrible d'avoir brisé un vase fissuré sans s'être figuré qu'il l'était. Une relation peut basculer en peu de temps, la confiance aussi. Ils s'étaient toujours tout partagé depuis l'enfance, des secrets à leurs propres lits, à leurs propres noms. Ils se partageaient tout. Mais voilà, en grandissant on devient moins naïf. Et on dévoile par la même une certaine part de noirceur également. Neolina ne réalisait peut-être pas ce que c'était que cette cave lugubre dans laquelle il se battait. Ce n'étaient pas des enfants de coeur là-bas. C'étaient des gens odieux, dangereux. Et en temps normal, il les aurait évité autant que faire se peut. Mais voilà, parfois il faut prendre des décisions dures. Comme mentir à sa propre femme ?

Non, ça n'était pas une décision qui se justifiait. Razvan savait qu'il allait ramer pour lui redonner confiance en lui. Des années pour instaurer une confiance profonde, une soirée pour la détruire, alors ? Assit, penaud, il la regarda se lever pour se rapprocher de lui, craignant malgré lui peut-être, la gifle. Il avait prit assez de coups ce soir pour ne pas en vouloir un autre venant d'elle. Ses yeux noirs suivirent le premier geste en même temps que ses paroles, qui lui firent craindre une suite plus violente. Et s'il plissa les yeux, rien ne vînt. Pourtant, Neo avait peut-être besoin de ça pour se calmer. « C'est purement égoïste » commença-t-il prudemment, « mais savoir que tu t'en faisais pour moi ne m'aurait pas aidé ». Et maintenant, est-ce qu'il allait continuer à y aller, sachant qu'elle savait, qu'elle aurait des problèmes s'il se faisait lui-même attraper, sachant qu'elle se ferait du soucis à chaque fois qu'il rentrerait plus tard ? Razvan n'avait pas envie de voir le soulagement dans son regard lorsqu'il passerait la porte de leur appartement. Jusqu'à présent, il ne faisait que la retrouver sans qu'elle n'ait d'appréhension et il avait aussi besoin de cela. Qu'elle découvre ses activités annexes venait égoïstement de lui pourrir la journée.

Oh, il comprenait qu'elle lui en veuille. Il était normal qu'elle lui en veuille, il aurait mérité une gifle, il aurait mérité qu'elle tempête contre lui. Ça l'aurait peut-être soulagé, qu'elle soit aussi capable d'être violente. Mais Neolina continua à enfoncer encore plus la baguette dans ses propres remords. Quel serait le prochain mensonge ? Allez savoir. Razvan n'aimait pas les mensonges à la base, mais ne lui avait-il pas menti, là ? « Je fais ça depuis quelques mois, trois, quelque chose comme ça » avoua-t-il du bout des lèvres, « et ça m'a drastiquement fait du bien ». Autant l'admettre. Il eut envie de s'approcher d'elle, de réduire la distance physique entre eux, pour qu'ils oublient, comme s'ils pouvaient oublier, pour qu'il puisse se coucher sans se poser trop de questions. Mais les questions allaient rester suspendues, et pour un moment probablement. « Je t'ai aussi menti parce que j'avais honte ». Ça n'aidait peut-être pas son cas mais elle ne pourrait pas lui reprocher son manque d'honnêteté sur la question. Honte d'avoir besoin de ça pour aller mieux, boxer des mecs dans une cave désaffectée, ça ne faisait pas rêver grand monde, à juste raison. Et le roumain savait qu'il pourrait lui jurer de ne plus lui mentir, la confiance de Neo envers lui était trop ébréchée pour que ses paroles soient bien comprises, pire encore, elles pouvaient être mal interprétées. Aussi Razvan se contenta-t-il d'un sobre : « Je suis désolé de t'avoir menti » avant de se lever pour se diriger vers son sac, l'ouvrir et sortir une fiole bleue turquoise. Le liquide allait lui guérir les jointures des mains, comme elle avait guéri les coups sur son visage. Il sortit un mouchoir de poche en tissu pour l'imbiber et se tamponner pensivement les mains. Ses forces le lâchaient, il avait désormais simplement envie de dormir. Mais il se doutait bien que Neolina ce soir-là, n'allait pas le gratifier de sa rassurante présence dans le lit conjugal.


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